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«Patriotisme économique» ou libéralisme sans frontières

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  • «Patriotisme économique» ou libéralisme sans frontières

    Le rachat du numéro 2 mondial de l’acier, l’européen Arcelor, par le n°1 indien Mittal relance le débat sur le protectionnisme dans les secteurs jugés stratégiques.

    Le sidérurgiste indien Mittal a donc réussi son OPA sur l’européen Arcelor. Après cinq mois d’une bataille boursière acharnée, le président du conseil d’administration d’Arcelor, le Luxembourgeois Joseph Kinsch, a serré la main de l’homme d’affaires d’origine indienne Lakshmi Mittal. L’affaire était faite: Mittal Steel prend le contrôle d’Arcelor. Le nouvel ensemble devient un mastodonte contrôlant près de 10% de la production mondiale d’acier, distançant largement ses concurrents, avec une capacité de production de 120 millions de tonnes d’acier brut par an et un effectif de plus de 320.000 personnes. Le nouveau géant de l’acier devrait avoir une capitalisation de 36,79 milliards d’euros et économiser 1,28 milliard d’euros en synergies. Il lui reste à réussir une fusion pas aisée.

    Les pouvoirs publics ont mis 100 milliards d’euros dans Arcelor

    Lorsque le groupe indien avait fait sa première proposition, le refus avait été général. Les administrateurs, les syndicats de salariés d’Arcelor, les pouvoirs publics au Luxembourg et en France avaient rejeté unanimement cette OPA qualifiée d’inamicale. Au nom tout d’abord de l’efficacité européenne: « Prenez la rentabilité du projet Mittal Steel, ajoutez + 23%: vous avez celle du projet Arcelor-Severstal (le sidérurgiste russe appelé à la rescousse) », affirmait encore tout récemment Arcelor à grand renfort de publicité dans la presse financière.

    Cinq mois (et neuf heures de délibération du conseil d’administration) plus tard, les actionnaires du sidérurgiste européen ont tranché. Ils vendent et ils s’en frottent les mains: après une première offre à 19 euros, Mittal se propose de racheter leurs actions, qui ont souvent flirté avec un cours de 4 à 5 euros, au prix très attrayant de 40 euros ! Dominique de Villepin en avait appelé au « patriotisme économique ». Celui-ci n’a pas résisté aux promesses de très belles plus-values.

    Ce rachat d’Arcelor interpelle à trois niveaux. Tout d’abord, le sidérurgiste européen, dont les cours ont été boostés par la bataille boursière, est capitalisé aujourd’hui à 25,8 milliards d’euros. Cela ne doit pas faire oublier que les pouvoirs publics européens et principalement français ont investi 100 milliards d’euros dans le redressement d’Arcelor. L’Etat français, contrairement aux actionnaires, n’y retrouvera pas sa mise, la collectivité nationale non plus. Le nouveau numéro 1 mondial pérennisera-t-il au moins l’emploi créé ? Rien n’est moins sûr. Les très importants dividendes versés devront être refinancés et la fusion entraînera nécessairement la suppression de « doublons » industriels. Bref !, Mittal-Arcelor devra devenir encore plus rentable.

    Symbole de la puissance de la Communauté européenne bâtie dans les années 50 sur la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l’Acier), la sidérurgie avait ensuite incarné, au début des années 80, la crise de l’industrie traditionnelle alors présentée comme un reliquat du passé voué à une fin inéluctable. C’était l’époque où, avec les fermetures des usines et des puits du Nord et de l’Est de la France, on annonçait la fin des usines et la disparition des ouvriers. Pourtant, par des restructurations douloureuses et l’apport de fonds publics, la sidérurgie a tenu le coup et a dégagé à nouveau des bénéfices dès les années 90. Mieux, avec les appétits formidables des géants économiques qui se réveillent, comme la Chine ou l’Inde, la demande en acier est en forte progression partout dans le monde.

    Mittal Steel a donc agi avec opportunité sur un marché à la hausse et l’une des faiblesses d’Arcelor était sans nul doute son insuffisante présence dans les marchés émergents. Là où l’industrie triomphante a besoin de beaucoup d’acier, alors que tous les « futurologues » annoncent depuis trois décennies la disparition progressive et de l’acier et de l’industrie...

    Secteurs protégés : l’armement... et les casinos français !


    Arcelor est enfin le premier fleuron industriel européen conquis par une société de l’ex-Tiers-Monde et il ne fait peut-être qu’ouvrir une longue liste. La page est définitivement tournée sur la longue période où seules les sociétés occidentales pouvaient aller faire leur emplettes dans l’économie mondiale. Globalisation aidant, l’unification des marchés financiers et de formidables accumulations de capitaux réalisés grâce à un différentiel important des coûts de main-d’oeuvre permettent à de nombreux groupes chinois, indiens, brésiliens demain, de disposer du « cash » pour racheter de très grandes sociétés européennes cotées et fragilisées par un capital souvent fort dispersé.

    Après la tentative de prise de contrôle de Danone par Pepsi, le gouvernement français avait annoncé en août dernier des mesures de protection de dix secteurs industriels français contre des OPA lancées par des groupes étrangers. N’étaient finalement concernés que les biotechnologies, la production d’antidotes, les activités de sécurité, le matériel d’interception des communications, la sécurité des systèmes informatiques, la cryptologie, les technologies duales (relatives au civil et au militaire), les marchés secret défense, l’armement et... les casinos français ! La roulette et le baccarat constituent-t-ils une aire stratégique ?

    Les autres secteurs touchent en tout cas au domaine sensible de la défense et des hautes technologies. Dominique de Villepin souhaite que les entreprises étrangères intéressées demandent une autorisation des pouvoirs publics français avant toute prise de participation dépassant 33% du capital des sociétés françaises visées. Des dispositifs équivalents pourraient intervenir dans le domaine de l’énergie. Ces cordons de sauvegarde sont jugés de trop par les autorités de Bruxelles qui détestent tout ce qui peut ressembler à du protectionnisme. Charlie McCreevy, le commissaire responsable du Marché intérieur, a de très sérieux doutes sur la compatibilité de ce texte avec les règles sacro-saintes de la libre circulation des capitaux.

    Il faut tout de même remarquer qu’en dehors de l’Europe, le « patriotisme économique » est la règle. Une entreprise étrangère ne peut investir en Chine qu’en partenariat avec une société chinoise. Aux Etats-Unis, on apprenait début mai, exemple parmi d’autres, que Lenovo, ex-division portables d’IBM rachetée récemment par un groupe chinois, n’aura plus le droit de vendre ses produits et services aux administrations américaines. Imagine-t-on les réactions américaines si la France interdisait l’installation d’ordinateurs et de programmes américains dans les administrations françaises ?

    Par Pierre Morville(QO)

  • #2
    Tant qu'ils continuent à freiner le control de leurs entreprises pour faire plaisir au peuple ils finiront par ne plus rien controler du tout...

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