Gazprom est un mastodonte gigantesque qui est à la Russie ce que Sonatrach est à l'Algérie, mais en plus géant car Gazprom est l'empire du Gaz mais Gazprom est aussi active dans la pêche, le tourisme, les médias ainsi que l'industrie nucléaire.
L'article est un peu long c'est une enquête mais c'est très intéressant de découvrir un peu cet empire.
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Avec ses trois cent mille employés, ses énormes gisements et ses 153 000 km de tubes, le monopole du gaz russe, Gazprom, est une entreprise surdimensionnée. Fondée sur l'exploitation des hydrocarbures, elle est aussi active dans l'industrie nucléaire, les médias, la pêche et le tourisme. Né en 1992 sur les cendres de l'ancien ministère soviétique du gaz, le mastodonte se confond tellement avec la Russie d'aujourd'hui qu'un haut fonctionnaire se demandait, récemment, si "l'Etat n'allait pas bientôt changer de nom pour s'appeler Gazprom".
Société publique à 50,1 %, contrôlée par le "clan des Pétersbourgeois" qui entoure le président, l'empire du gaz, symbolisé par son siège - une tour de verre bleuté de 35 étages -, forteresse impénétrable du quartier Tcheriomouchkinski, à Moscou, est devenu l'instrument de la nouvelle politique du Kremlin.
Celle-ci tient en une idée : "Le rôle de la Russie sur les marchés énergétiques mondiaux détermine dans une large mesure son influence géopolitique" ; aussi les secteurs pétrolier et gazier sont-ils "les instruments de (sa) politique externe et interne". Voilà ce qu'affirme la "doctrine énergétique" du pays, élaborée en 2003. Pas étonnant dès lors que son président, Vladimir Poutine, ait placé le prochain sommet du G8 - qu'il accueillera du 15 au 17 juillet à Saint-Pétersbourg - sous l'angle de la "sécurité énergétique".
Fournisseur de 26 % du gaz consommé en Europe, Gazprom, qui a commencé à approvisionner les Etats-Unis et ambitionne de fournir la Chine, est au coeur d'une polémique montante entre Moscou et les "chats gras", selon l'expression du président russe, qui désigne par là les autres membres du G8.
Les rêves de domination de Gazprom troublent les Européens, surtout depuis que la société brigue des participations dans le marché de la distribution du gaz à l'Ouest. Son désir de maîtriser toute la chaîne de l'énergie, de l'extraction à la distribution, inquiète. Et puis, ses contradictions agacent : grands adeptes du "marché" en Europe, ses dirigeants ne semblent guère pressés d'en appliquer les principes chez eux.
Non, ils ne renonceront pas au monopole sur le transport et les exportations, et oui, ils conserveront ainsi leur emprise sur les républiques gazières d'Asie centrale (Ouzbékistan, Turkménistan), tributaires des tubes russes. Les Européens ont été prévenus : la Charte de l'énergie signée par Moscou il y a douze ans, qui implique le libre transit du gaz et du pétrole, ne sera pas ratifiée, n'en déplaise aux "chats gras". Et si ces derniers font la fine bouche, "il y a d'autres débouchés", a rappelé M. Poutine.
La Chine, par exemple, s'est vu promettre 80 milliards de mètres cubes annuels. Pas une semaine ne passe sans que de nouveaux projets de fourniture de gaz russe, tous azimuts, ne soient évoqués. L'Europe a beau être un client important, elle pèse peu comparé à la puissance de Gazprom. "Où sont vos champs gaziers ? Si vous n'avez rien de tout ça, et vous ne l'avez pas, nous attendons de vous une compensation", a lancé le maître du Kremlin à l'occasion du sommet Union européenne-Russie à Sotchi, le 25 mai.
En réalité, le monstre fait peur "même aux enfants", se gaussait récemment le quotidien économique Vedomosti. Echaudés cet hiver par la décision du monopole, sur fond de dispute avec Kiev, de couper le robinet du gaz à destination de l'Europe, les pays de l'Union européenne (UE) se sont encore plus alarmés de la baisse des fournitures au moment des grands froids (fin janvier-début février).
Une question aujourd'hui les taraude : Gazprom, qui se pose en fournisseur incontournable à l'échelle de la planète, sera-t-il à l'avenir à même d'honorer ses engagements ? Rien n'est moins sûr, affirment des experts, parmi lesquels Claude Mandil, directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Selon ceux-là, la Russie, assise sur 27 % des réserves mondiales, pourrait pourtant manquer de gaz dès 2009. Ces dernières années, la production du mastodonte a stagné, oscillant entre 540 milliards et 550 milliards de mètres cubes par an. En fait, cinq ou six gisements l'alimentent. Les trois plus importants (Medvejie, Iambourg, Ourengoï) représentent près de 70 % à 80 % de la production. Le problème est qu'ils sont en fin de course. La relève sera-t-elle assurée ?
A l'heure qu'il est, peu de nouveaux gisements sont en cours d'exploitation. Il y a bien Zapoliarnoe, mais sa production, lancée en 2001, ne suffira pas à combler le manque annoncé. Restent les gisements prometteurs de Sakhaline (Extrême-Orient), Iamal (Grand Nord) et Shtokman (le deuxième au monde, dans la mer de Barents). Mais il n'en sortira rien avant 2010, voire plus tard encore.
Cruciale, la formation du consortium russo-occidental chargé d'exploiter le champ de Shtokman (pour produire du gaz liquéfié destiné au marché américain) ne cesse d'être repoussée. 80 % des nouveaux champs gaziers sont situés dans des zones éloignées des marchés, où l'exploitation est rendue difficile par les conditions climatiques. A elle seule, la mise en valeur des immenses réserves de la péninsule de Iamal exigera 65 milliards de dollars d'investissements ! Gazprom a beau être en meilleure santé financière qu'il y a dix ans, la somme est considérable pour une entreprise qui investit peu (12 milliards de dollars entre 2000 et 2006, une somme très inférieure aux investissements des majors). Elle achète beaucoup (pour 30 milliards de dollars, dont la moitié pour l'achat de la société pétrolière russe Sibneft) et ses coûts d'exploitation ne cessent d'augmenter (+ 30 % en 2004). Sans un partenariat avec des sociétés occidentales dotées de la technologie nécessaire, il lui sera impossible d'assumer ses projets.
Les impétrants potentiels ne manquent pas, mais la partie s'annonce difficile. Dans un contexte d'étatisation accrue du secteur énergétique en Russie, les majors occidentales du gaz et du pétrole, associées à de nombreux projets (sous le régime du partage de production, Production Sharing Agreement (PSA), attendent, non sans appréhension, le vote - repoussé depuis un an - d'une loi qui limitera en Russie l'accès des sociétés étrangères aux "secteurs stratégiques" de l'économie nationale. Déjà, des accords de production commune sont remis en question. Engagée dans le projet Sakhaline II, Shell pourrait rétrocéder des parts à Gazprom.
L'article est un peu long c'est une enquête mais c'est très intéressant de découvrir un peu cet empire.
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Avec ses trois cent mille employés, ses énormes gisements et ses 153 000 km de tubes, le monopole du gaz russe, Gazprom, est une entreprise surdimensionnée. Fondée sur l'exploitation des hydrocarbures, elle est aussi active dans l'industrie nucléaire, les médias, la pêche et le tourisme. Né en 1992 sur les cendres de l'ancien ministère soviétique du gaz, le mastodonte se confond tellement avec la Russie d'aujourd'hui qu'un haut fonctionnaire se demandait, récemment, si "l'Etat n'allait pas bientôt changer de nom pour s'appeler Gazprom".
Société publique à 50,1 %, contrôlée par le "clan des Pétersbourgeois" qui entoure le président, l'empire du gaz, symbolisé par son siège - une tour de verre bleuté de 35 étages -, forteresse impénétrable du quartier Tcheriomouchkinski, à Moscou, est devenu l'instrument de la nouvelle politique du Kremlin.
Celle-ci tient en une idée : "Le rôle de la Russie sur les marchés énergétiques mondiaux détermine dans une large mesure son influence géopolitique" ; aussi les secteurs pétrolier et gazier sont-ils "les instruments de (sa) politique externe et interne". Voilà ce qu'affirme la "doctrine énergétique" du pays, élaborée en 2003. Pas étonnant dès lors que son président, Vladimir Poutine, ait placé le prochain sommet du G8 - qu'il accueillera du 15 au 17 juillet à Saint-Pétersbourg - sous l'angle de la "sécurité énergétique".
Fournisseur de 26 % du gaz consommé en Europe, Gazprom, qui a commencé à approvisionner les Etats-Unis et ambitionne de fournir la Chine, est au coeur d'une polémique montante entre Moscou et les "chats gras", selon l'expression du président russe, qui désigne par là les autres membres du G8.
Les rêves de domination de Gazprom troublent les Européens, surtout depuis que la société brigue des participations dans le marché de la distribution du gaz à l'Ouest. Son désir de maîtriser toute la chaîne de l'énergie, de l'extraction à la distribution, inquiète. Et puis, ses contradictions agacent : grands adeptes du "marché" en Europe, ses dirigeants ne semblent guère pressés d'en appliquer les principes chez eux.
Non, ils ne renonceront pas au monopole sur le transport et les exportations, et oui, ils conserveront ainsi leur emprise sur les républiques gazières d'Asie centrale (Ouzbékistan, Turkménistan), tributaires des tubes russes. Les Européens ont été prévenus : la Charte de l'énergie signée par Moscou il y a douze ans, qui implique le libre transit du gaz et du pétrole, ne sera pas ratifiée, n'en déplaise aux "chats gras". Et si ces derniers font la fine bouche, "il y a d'autres débouchés", a rappelé M. Poutine.
La Chine, par exemple, s'est vu promettre 80 milliards de mètres cubes annuels. Pas une semaine ne passe sans que de nouveaux projets de fourniture de gaz russe, tous azimuts, ne soient évoqués. L'Europe a beau être un client important, elle pèse peu comparé à la puissance de Gazprom. "Où sont vos champs gaziers ? Si vous n'avez rien de tout ça, et vous ne l'avez pas, nous attendons de vous une compensation", a lancé le maître du Kremlin à l'occasion du sommet Union européenne-Russie à Sotchi, le 25 mai.
En réalité, le monstre fait peur "même aux enfants", se gaussait récemment le quotidien économique Vedomosti. Echaudés cet hiver par la décision du monopole, sur fond de dispute avec Kiev, de couper le robinet du gaz à destination de l'Europe, les pays de l'Union européenne (UE) se sont encore plus alarmés de la baisse des fournitures au moment des grands froids (fin janvier-début février).
Une question aujourd'hui les taraude : Gazprom, qui se pose en fournisseur incontournable à l'échelle de la planète, sera-t-il à l'avenir à même d'honorer ses engagements ? Rien n'est moins sûr, affirment des experts, parmi lesquels Claude Mandil, directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Selon ceux-là, la Russie, assise sur 27 % des réserves mondiales, pourrait pourtant manquer de gaz dès 2009. Ces dernières années, la production du mastodonte a stagné, oscillant entre 540 milliards et 550 milliards de mètres cubes par an. En fait, cinq ou six gisements l'alimentent. Les trois plus importants (Medvejie, Iambourg, Ourengoï) représentent près de 70 % à 80 % de la production. Le problème est qu'ils sont en fin de course. La relève sera-t-elle assurée ?
A l'heure qu'il est, peu de nouveaux gisements sont en cours d'exploitation. Il y a bien Zapoliarnoe, mais sa production, lancée en 2001, ne suffira pas à combler le manque annoncé. Restent les gisements prometteurs de Sakhaline (Extrême-Orient), Iamal (Grand Nord) et Shtokman (le deuxième au monde, dans la mer de Barents). Mais il n'en sortira rien avant 2010, voire plus tard encore.
Cruciale, la formation du consortium russo-occidental chargé d'exploiter le champ de Shtokman (pour produire du gaz liquéfié destiné au marché américain) ne cesse d'être repoussée. 80 % des nouveaux champs gaziers sont situés dans des zones éloignées des marchés, où l'exploitation est rendue difficile par les conditions climatiques. A elle seule, la mise en valeur des immenses réserves de la péninsule de Iamal exigera 65 milliards de dollars d'investissements ! Gazprom a beau être en meilleure santé financière qu'il y a dix ans, la somme est considérable pour une entreprise qui investit peu (12 milliards de dollars entre 2000 et 2006, une somme très inférieure aux investissements des majors). Elle achète beaucoup (pour 30 milliards de dollars, dont la moitié pour l'achat de la société pétrolière russe Sibneft) et ses coûts d'exploitation ne cessent d'augmenter (+ 30 % en 2004). Sans un partenariat avec des sociétés occidentales dotées de la technologie nécessaire, il lui sera impossible d'assumer ses projets.
Les impétrants potentiels ne manquent pas, mais la partie s'annonce difficile. Dans un contexte d'étatisation accrue du secteur énergétique en Russie, les majors occidentales du gaz et du pétrole, associées à de nombreux projets (sous le régime du partage de production, Production Sharing Agreement (PSA), attendent, non sans appréhension, le vote - repoussé depuis un an - d'une loi qui limitera en Russie l'accès des sociétés étrangères aux "secteurs stratégiques" de l'économie nationale. Déjà, des accords de production commune sont remis en question. Engagée dans le projet Sakhaline II, Shell pourrait rétrocéder des parts à Gazprom.

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