Le Maroc est confronté aux conséquences d’une croissance molle. Les économistes marocains craignent un Plan d’ajustement structurel de l’économie ainsi qu’une explosion sociale.
Les réalités du terrain, plus particulièrement le net recul prévu de la croissance du PIB pour l’exercice en cours (2,4 % contre 5 % en 2011), montrent que le Maroc est face à une sérieuse épreuve socio-économique.
D’autre part, les prévisions pessimistes pour 2013, comme l’indiquent certains économistes, laissent croire qu’un retour du printemps arabe n’est pas à exclure si le royaume n’arrive pas à redresser l’état de certains principaux indices macroéconomiques. Lesquels sont désormais dans le rouge, et risquent de s’enfoncer encore plus l’année prochaine.
Face à cette situation morose, qui se complique au fil des jours, le Parti de la justice et du développement (PJD), qui dirige le gouvernement, se retrouve à l’épreuve du pouvoir. Ce parti islamique n’a plus beaucoup de choix alors que ses marges de manœuvres se rétrécissent. À cela s’ajoute un mécontentement grandissant de la rue en raison de mesures sociales antipopulaires que l’Exécutif est contraint de prendre pour réduire le déficit budgétaire. Pour Nizar Baraka, ministre de l’Économie et des Finances, le ralentissement accentué de la demande mondiale adressée au Maroc (2 % prévus pour 2012 au lieu de 5,8 % en 2011) est un coup dur pour l’économie marocaine. Ce qui se répercute également sur la consommation des ménages. Ces derniers commencent déjà à souffrir des hausses des prix, à commencer par les carburants.
Mais le constat le plus marquant émane du Haut Commissariat au plan (HCP). Cette institution de référence, la plus crédible quant à l’état des lieux socio-économiques du Maroc, est dirigée par l’ancien ministre Ahmed Lahlimi. Contacté par Arabies, cet homme de confiance du palais, depuis le règne de Hassan II jusqu’à celui de Mohammed VI –et des partis politiques, notamment de gauche – a évoqué la gravité de la situation en toute transparence.
Contraction des avoirs extérieurs. Ahmed Lahlimi reconnaît la gravité de la crise, faits et chiffres à l’appui. Il souligne que le déficit du compte courant frôlerait les 9 % et les dépassera largement en 2013. Pis encore, il n’hésite pas à révéler la contraction des avoirs extérieurs qui en découlerait. Il affirme que cette situation pourrait sans doute affecter les capacités d’importations du pays. Obsession éternelle, aussi bien de l’État marocain que de la classe la plus démunie. Cette dernière constituant une partie majeure du tissu social du royaume.
Le rapport du HCP a suscité des débats à tous les niveaux de l’establishment marocain. Notamment, lorsqu’il a indiqué que le manque de capacités d’importation pourrait même menacer le secteur bancaire, en raison des tensions exacerbées qui pèsent sur les liquidités depuis quelque temps.
Sur ce point, le gouverneur de Bank Al-Maghrib (Banque centrale), Abdellatif Jouahri, a expliqué à Arabies que l’institution monétaire nationale veille sur les agrégats monétaires, garantit l’existence en permanence d’une liquidité suffisante sur le marché et qu’elle applique à la lettre les mesures imposées par Basle III. Ces mesures évitent à toute banque de faire faillite et assurent les liquidités nécessaires aux secteurs public et privé.
Durant les dernières semaines, Bank Al-Maghrib a injecté des milliards de dirhams sur le marché et a maintenu le taux d’intérêt à ses niveaux, évitant ainsi toutes les éventuelles perturbations du secteur bancaire et financier. Force est de noter que le secteur bancaire marocain est toujours loin des effets de la crise qui s’installe actuellement.
Par ailleurs, les économistes marocains toutes tendances confondues s’accordent à donner raison à l’analyse effectuée par Ahmed Lahlimi. Ils préviennent contre ce qui paraît être un danger auquel il faut faire face rapidement : les déséquilibres macroéconomiques actuels qui ne devraient pas perdurer. Cela pour ne pas voir se reproduire ce le Maroc a connu au début des années 1980. À cet égard, le HCP met en garde contre un retour forcé au Plan d’ajustement structurel (PAS) de 1983. Période au cours de laquelle le royaume a subi toutes les pressions possibles de la part du FMI, austérité exagérée en premier.
L’application du PAS à cette époque a mis le pays à deux doigts de l’explosion sociale. La gestion de la crise par Jouahri, à l’époque ministre des Finances et proche des partis de l’opposition et des syndicats, a permis d’éviter le pire sur le plan des contestations sociales. En fin de compte, le Maroc a réussi à surmonter cette épreuve avec des dommages moindres sur le tissu social. Cela peut-il être le cas aujourd’hui ?
« La donne n’est pas la même, ni la conjoncture interne ou externe », indiquent les experts. De plus, les Marocains doutent des capacités du gouvernement en place à gérer une telle situation. D’ores et déjà, les faux-pas commis par ce dernier sur plusieurs plans – dont la hausse du prix des carburants, la mauvaise gestion de l’inflation et le cap sur la fermeture de l’audiovisuel et son arabisation – rendent la situation socio-économique plus complexe. Tout cela place le PJD dirigeant la coalition gouvernementale face à de multiples et complexes défis.
Reprise d’activité. Le Premier ministre, Abdelilah ben Kirane croit toujours que l’Exécutif saura surmonter cette épreuve. Il estime que, l’année prochaine, la situation économique pourrait se redresser légèrement et que la croissance pourrait s’établir à 4,3 % du PIB, en raison d’une reprise de l’activité du secteur primaire et du maintien du dynamisme des activités non agricoles. Cependant, les milieux économiques ne croient pas à cette thèse optimiste, au point que certains ironisent sur la gouvernance du parti islamique qui n’a ni l’expérience ni la capacité à gérer l’économie et la finance d’un pays comme le Maroc, d’autant moins avec les contraintes actuelles.
Si le Maroc était obligé d’accepter l’application du PAS, le risque sur le plan social pourrait être sérieux. D’autant que ce pays a échappé de justesse à la vague du printemps arabe. Selon le rapport établi par le Centre marocain de conjoncture (CMC), les mesures d’austérité ne sont pas les seules à permettre de résorber le déficit et à faire revenir l’équilibre.
Cette austérité, si Rabat en arrive au PAS, ne sera pas cette fois la solution à la crise. Elle est uniquement un remède conjoncturel à haut risque. Car les Marocains ne veulent plus d’austérité. Le royaume, selon le CMC, aurait besoin d’un taux de croissance de 7 à 8 % par an pour éviter les secousses qui se profilent à l’horizon. En effet, le modèle de croissance adopté depuis plus de vingt ans a montré aujourd’hui ses limites avec la crise financière internationale et le blocage des secteurs clés de l’économie nationale : le tourisme, l’agriculture et les transferts des Marocains résidents à l’étranger (MRE).
Une finance sous tension. Le Maroc souffre de difficultés pour mettre en œuvre les politiques prévues à cet effet par un nouveau gouvernement qui semble naviguer à vue, en présence d’une série de contraintes qui jouent en défaveur de l’augmentation des recettes réduisant le déficit budgétaire, et améliore le pouvoir d’achat de la population. Ce qui rend les finances publiques de plus en plus tendues. Tout cela a des répercutions négatives sur l’économie nationale.
Parmi ces handicaps majeurs, la récession des partenaires va faire peser des pressions sur les exportations.
Autre contrainte, la baisse attendue des revenus touristiques, et les transferts des MRE. À titre d’exemple, le chômage qui touche la communauté marocaine travaillant en Espagne est le plus élevé. Dans ce cadre, 123 000 Marocains immigrés en Espagne et 65 000 femmes travaillant dans ce pays sont au chômage depuis 2011. Ce qui prive le royaume des revenus qui participent à résorber une partie du déficit budgétaire et augmente le nombre de chômeurs.
Autre point noir, selon Mohamed Berrada, ancien ministre des Finances, ambassadeur du Maroc en France et actuel président du centre Links, la faible pluviométrie risque, pour sa part, de ramener la production des céréales à un niveau bas. En réponse à Arabies à propos des conséquences de la sécheresse, Berrada a répondu que le Maroc aura recours aux importations. Ce qui occasionnera une nouvelle pression sur les finances publiques dans ces moments difficiles où l’on misait sur une hausse de la production céréalière.
La suite...
Les réalités du terrain, plus particulièrement le net recul prévu de la croissance du PIB pour l’exercice en cours (2,4 % contre 5 % en 2011), montrent que le Maroc est face à une sérieuse épreuve socio-économique.
D’autre part, les prévisions pessimistes pour 2013, comme l’indiquent certains économistes, laissent croire qu’un retour du printemps arabe n’est pas à exclure si le royaume n’arrive pas à redresser l’état de certains principaux indices macroéconomiques. Lesquels sont désormais dans le rouge, et risquent de s’enfoncer encore plus l’année prochaine.
Face à cette situation morose, qui se complique au fil des jours, le Parti de la justice et du développement (PJD), qui dirige le gouvernement, se retrouve à l’épreuve du pouvoir. Ce parti islamique n’a plus beaucoup de choix alors que ses marges de manœuvres se rétrécissent. À cela s’ajoute un mécontentement grandissant de la rue en raison de mesures sociales antipopulaires que l’Exécutif est contraint de prendre pour réduire le déficit budgétaire. Pour Nizar Baraka, ministre de l’Économie et des Finances, le ralentissement accentué de la demande mondiale adressée au Maroc (2 % prévus pour 2012 au lieu de 5,8 % en 2011) est un coup dur pour l’économie marocaine. Ce qui se répercute également sur la consommation des ménages. Ces derniers commencent déjà à souffrir des hausses des prix, à commencer par les carburants.
Mais le constat le plus marquant émane du Haut Commissariat au plan (HCP). Cette institution de référence, la plus crédible quant à l’état des lieux socio-économiques du Maroc, est dirigée par l’ancien ministre Ahmed Lahlimi. Contacté par Arabies, cet homme de confiance du palais, depuis le règne de Hassan II jusqu’à celui de Mohammed VI –et des partis politiques, notamment de gauche – a évoqué la gravité de la situation en toute transparence.
Contraction des avoirs extérieurs. Ahmed Lahlimi reconnaît la gravité de la crise, faits et chiffres à l’appui. Il souligne que le déficit du compte courant frôlerait les 9 % et les dépassera largement en 2013. Pis encore, il n’hésite pas à révéler la contraction des avoirs extérieurs qui en découlerait. Il affirme que cette situation pourrait sans doute affecter les capacités d’importations du pays. Obsession éternelle, aussi bien de l’État marocain que de la classe la plus démunie. Cette dernière constituant une partie majeure du tissu social du royaume.
Le rapport du HCP a suscité des débats à tous les niveaux de l’establishment marocain. Notamment, lorsqu’il a indiqué que le manque de capacités d’importation pourrait même menacer le secteur bancaire, en raison des tensions exacerbées qui pèsent sur les liquidités depuis quelque temps.
Sur ce point, le gouverneur de Bank Al-Maghrib (Banque centrale), Abdellatif Jouahri, a expliqué à Arabies que l’institution monétaire nationale veille sur les agrégats monétaires, garantit l’existence en permanence d’une liquidité suffisante sur le marché et qu’elle applique à la lettre les mesures imposées par Basle III. Ces mesures évitent à toute banque de faire faillite et assurent les liquidités nécessaires aux secteurs public et privé.
Durant les dernières semaines, Bank Al-Maghrib a injecté des milliards de dirhams sur le marché et a maintenu le taux d’intérêt à ses niveaux, évitant ainsi toutes les éventuelles perturbations du secteur bancaire et financier. Force est de noter que le secteur bancaire marocain est toujours loin des effets de la crise qui s’installe actuellement.
Par ailleurs, les économistes marocains toutes tendances confondues s’accordent à donner raison à l’analyse effectuée par Ahmed Lahlimi. Ils préviennent contre ce qui paraît être un danger auquel il faut faire face rapidement : les déséquilibres macroéconomiques actuels qui ne devraient pas perdurer. Cela pour ne pas voir se reproduire ce le Maroc a connu au début des années 1980. À cet égard, le HCP met en garde contre un retour forcé au Plan d’ajustement structurel (PAS) de 1983. Période au cours de laquelle le royaume a subi toutes les pressions possibles de la part du FMI, austérité exagérée en premier.
L’application du PAS à cette époque a mis le pays à deux doigts de l’explosion sociale. La gestion de la crise par Jouahri, à l’époque ministre des Finances et proche des partis de l’opposition et des syndicats, a permis d’éviter le pire sur le plan des contestations sociales. En fin de compte, le Maroc a réussi à surmonter cette épreuve avec des dommages moindres sur le tissu social. Cela peut-il être le cas aujourd’hui ?
« La donne n’est pas la même, ni la conjoncture interne ou externe », indiquent les experts. De plus, les Marocains doutent des capacités du gouvernement en place à gérer une telle situation. D’ores et déjà, les faux-pas commis par ce dernier sur plusieurs plans – dont la hausse du prix des carburants, la mauvaise gestion de l’inflation et le cap sur la fermeture de l’audiovisuel et son arabisation – rendent la situation socio-économique plus complexe. Tout cela place le PJD dirigeant la coalition gouvernementale face à de multiples et complexes défis.
Reprise d’activité. Le Premier ministre, Abdelilah ben Kirane croit toujours que l’Exécutif saura surmonter cette épreuve. Il estime que, l’année prochaine, la situation économique pourrait se redresser légèrement et que la croissance pourrait s’établir à 4,3 % du PIB, en raison d’une reprise de l’activité du secteur primaire et du maintien du dynamisme des activités non agricoles. Cependant, les milieux économiques ne croient pas à cette thèse optimiste, au point que certains ironisent sur la gouvernance du parti islamique qui n’a ni l’expérience ni la capacité à gérer l’économie et la finance d’un pays comme le Maroc, d’autant moins avec les contraintes actuelles.
Si le Maroc était obligé d’accepter l’application du PAS, le risque sur le plan social pourrait être sérieux. D’autant que ce pays a échappé de justesse à la vague du printemps arabe. Selon le rapport établi par le Centre marocain de conjoncture (CMC), les mesures d’austérité ne sont pas les seules à permettre de résorber le déficit et à faire revenir l’équilibre.
Cette austérité, si Rabat en arrive au PAS, ne sera pas cette fois la solution à la crise. Elle est uniquement un remède conjoncturel à haut risque. Car les Marocains ne veulent plus d’austérité. Le royaume, selon le CMC, aurait besoin d’un taux de croissance de 7 à 8 % par an pour éviter les secousses qui se profilent à l’horizon. En effet, le modèle de croissance adopté depuis plus de vingt ans a montré aujourd’hui ses limites avec la crise financière internationale et le blocage des secteurs clés de l’économie nationale : le tourisme, l’agriculture et les transferts des Marocains résidents à l’étranger (MRE).
Une finance sous tension. Le Maroc souffre de difficultés pour mettre en œuvre les politiques prévues à cet effet par un nouveau gouvernement qui semble naviguer à vue, en présence d’une série de contraintes qui jouent en défaveur de l’augmentation des recettes réduisant le déficit budgétaire, et améliore le pouvoir d’achat de la population. Ce qui rend les finances publiques de plus en plus tendues. Tout cela a des répercutions négatives sur l’économie nationale.
Parmi ces handicaps majeurs, la récession des partenaires va faire peser des pressions sur les exportations.
Autre contrainte, la baisse attendue des revenus touristiques, et les transferts des MRE. À titre d’exemple, le chômage qui touche la communauté marocaine travaillant en Espagne est le plus élevé. Dans ce cadre, 123 000 Marocains immigrés en Espagne et 65 000 femmes travaillant dans ce pays sont au chômage depuis 2011. Ce qui prive le royaume des revenus qui participent à résorber une partie du déficit budgétaire et augmente le nombre de chômeurs.
Autre point noir, selon Mohamed Berrada, ancien ministre des Finances, ambassadeur du Maroc en France et actuel président du centre Links, la faible pluviométrie risque, pour sa part, de ramener la production des céréales à un niveau bas. En réponse à Arabies à propos des conséquences de la sécheresse, Berrada a répondu que le Maroc aura recours aux importations. Ce qui occasionnera une nouvelle pression sur les finances publiques dans ces moments difficiles où l’on misait sur une hausse de la production céréalière.
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