Espagnols, Américains et Français lorgnent sur le marché marocain. Pourquoi ce timing ? et comment arriver à attirer des IDE en ces temps de crise, alors que les Français crient à la délocalisation et voient en le Maroc une menace pour la préservation de l’emploi ? Ahmed Fassi Fihri, Directeur de l’Agence marocaine de développement des investissements (AMDI) répond à ces questions et partage avec Le Soir échos les ambitions françaises au Maroc.
Les IDE américains au Maroc ne représentent que 150 millions de dollars. L’objectif est d’arriver à 1 milliard de dollar d’ici 5 ans. Un objectif très ambitieux, mais atteignable selon Ahmed Fassi Fihri, Directeur de l’AMDI.
Plus de 200 hommes d’affaires français sont venus rencontrer leurs homologues marocains cette semaine. Comment expliquez-vous ce regain d’intérêt pour le marché marocain, que ce soit au niveau des Français, Espagnols ou encore Américains ? Est-ce dû à la crise dans ces pays qui voient en le Maroc le meilleur relais de croissance et une porte d’accès vers l’Afrique ?
L’intérêt n’est pas nouveau. Il existe depuis longtemps et bien avant la crise. Cette dernière peut être un élément dans le processus de prise décision d’un chef d’entreprise mais il n’y a pas que cela. Une entreprise se développe, cherche des marchés, des ressources, des matières premières et cherche surtout de la compétitivité. Donc, les raisons peuvent être diverses afin de prendre une décision pour investir à l’étranger ou pas. Je rappelle alors que ce n’est pas la crise qui pousse les entreprises à chercher à se localiser ailleurs, c’est un élément parmi tant d’autres dans la prise de décision mais ce n’est pas l’élément déterminant. Par ailleurs, ce qui est déterminant, c’est le développement et la recherche de marchés et des relais de croissance et des nouvelles ressources pour créer davantage de richesses.
Dans quel contexte s’inscrit la récente rencontre entre la CGEM et le MEDEF ?
La rencontre s’inscrit dans l’excellence des relations entre les deux pays. Il faut savoir que la France est le premier partenaire du Maroc. Il y a plus de 1 000 entreprises françaises qui opèrent chez nous. Il y a pratiquement toutes les entreprises du CAC 40 qui sont représentées au Maroc. La France est également le premier client et la première source d’investissements directs étrangers au Maroc. Les rencontres des 400 hommes d’affaires des deux pays visent à consolider ses liens forts et trouver de nouvelles approches de partenariats pour améliorer ces liens économiques.
La France a été détrônée cette année par l’Espagne, qui est devenu le premier fournisseur du Maroc. Que pensez-vous de cette envolée commerciale des Espagnoles ?
C’est la première fois fois que l’Espagne est devenu le premier fournisseur du Maroc. Ils ont dépassé pour la première fois les Français. Ce fut pendant les premiers mois de l’année, mais on verra les statistiques à la fin d’année. Cette performance a été divulguée pour la première fois lors de la visite des Espagnols récemment à Rabat. En effet, ces derniers font un effort commercial important pour être présents sur le marché marocain. Toutefois, sur le plan des investissements, la France est de loin le 1er partenaire du Maroc, puisqu’elle représente 50 % des stocks d’IDE. Il y a un gisement d’affaires encore important à réaliser entre le Maroc et la France. Cela nous intéresse énormément pour qu’ils viennent encore investir ici pour créer de l’emploi et de la valeur ajoutée.
Quels sont les secteurs qui pourraient intéresser les Français ?
Ils peuvent investir dans tous les secteurs, mais certains secteurs se démarquent par rapport à d’autres, notamment l’industrie aéronautique et l’automobile. Il y a également le secteur de l’énergie renouvelable. Ces secteurs représentent un important gisement d’opportunités pour les IDE.
Parlera-t-on business et signera-t-on des contrats en marge des rencontres entre la CGEM et le MEDEF ?
Ce genre de forums est plus institutionnel que business. Les contrats se font en dehors de ces forums, en amont mais aussi en aval. En effet, ce type de manifestations est important sur le plan institutionnel pour poser le cadre juridique pour l’amélioration des relations entre la France et le Maroc. « Délocalisation «, « relocalisation», « colocalisation»,… des termes devenus à la mode en France. Comment inciter des opérateurs français à venir investir au
Maroc alors que les médias et des responsables français, notamment Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, voient en le Maroc une menace pour la préservation de l’emploi en France ?
Le terme « délocalisation « est très mal utilisé par la presse française. C’est un sujet à polémique. D’ailleurs, quand Renault a inauguré son usine à Tanger, on a parlé de délocalisation, or le constructeur automobile n’a jamais fabriqué une seule Dacia en France. Il ne s’agit pas de délocalisation. On délocalise quand on ferme une unité pour ouvrir une autre dans un pays « low-cost ». Dans la plupart des cas des investissements étrangers au Maroc, il ne s’agit pas de délocalisation, mais de développement. Quand on parle de délocalisation, c’est que souvent dans une chaîne de valeur, il y a des segments qui ne peuvent plus être gardés dans des pays où les coûts sont très élevés. C’est un non-sens économique de garder par exemple une chaîne de production dans un pays où on fait encore appel à beaucoup de main-d’œuvre. Donc l’idée tout simplement, c’est que pour ces segments de la chaîne de valeur, il y ait des partenariats et des synergies intéressantes entre les entreprises des pays développés et les entreprises des pays de la rive Sud de la Méditerranée comme le Maroc pour que ces segments soient produits chez nous. C’est-à-dire trouver des synergies pour que les entreprises des pays développés soient plus compétitives et qu’on puisse créer de l’emploi et de la richesse au Maroc. C’est des relations win-win.
A l’heure de la mondialisation et l’ouverture sur les marchés internationaux, ne croyez-vous pas que ce type d’événements aggravera la dépendance économique du Maroc envers le marché français et européen, surtout lorsqu’on sait que le Maroc a été considérablement impacté par la crise européenne ?
L’ouverture du Maroc vers l’international est un choix stratégique et politique. Il n’est pas question de revenir dessus et ce n’est pas la proximité naturelle du fait de nos liens historiques et culturels avec tel ou tel pays qui va remettre en question notre politique d’ouverture à l’international. La proximité avec la France ou l’Espagne ne ferme pas pour autant les opportunités qui s’ouvrent au Maroc.
Quelles sont les régions que le Maroc pourra prospecter ?
Tout récemment, nous avons lancé un dialogue stratégique avec les États-Unis. Il y a un intérêt fort de la part des opérateurs économiques américains qui s’intéressent au marché marocain et vice-versa. Ce qui nous intéresse, c’est d’attirer de plus en plus d’investisseurs américains au Maroc qui ne connaissent pas nécessairement le Maroc.
Que représente les IDE américains au Maroc ?
En 2011, les IDE en provenance des États-Unis ont connu une hausse importante de 74 %. Cette année, la hausse est de 75 % par rapport à 2011. Il y a un intérêt et une tendance forte qui est en train d’être confirmée.
Cela reste toutefois faible par rapport à ce que reçoit aujourd’hui le Maroc en termes d’IDE. Pour information, nous étions à Washington dernièrement et le ministre du commerce et de l’industrie, Abdelkader Amara, a tracé un objectif selon lequel dans 5 ans on puisse atteindre 1 milliard de dollars d’investissements américains au Maroc. Actuellement, on tourne autour de 150 millions de dollars. C’est un objectif très ambitieux que l’on s’est fixé.
Croyez-vous qu’on pourra atteindre ce chiffre ambitieux malgré les spécificités particulières des deux pays que ce soit en termes de réglementations, de culture managériale… ?
Je pense qu’aujourd’hui nous avons les outils institutionnels et juridiques pour le faire. Il faut tout simplement de la promotion pour faire connaître le Maroc auprès des opérateurs américains et faire connaître les opportunités qui existent ici et également leur faire savoir que le Maroc n’est pas seulement un marché en développement mais c’est aussi une excellente plateforme pour accéder à d’autres marchés et notamment le marché africain et européen.
Qu’en est-il du climat des affaires ? Est-il assez assaini au Maroc pour attirer des investisseurs américains très exigeants ?
Je pense que le Maroc a lancé une dynamique très forte pour l’amélioration du climat des affaires ces dernières années. Cette démarche a donné ses fruits, puisque le Maroc a été classé par le rapport Doing Business en 2012 comme « The best reformer » (le meilleur réformateur). Les résultats sont là, mais le chemin est encore long et il reste beaucoup de choses à faire notamment la réforme de la justice. Mais aujourd’hui, ce qu’il faut relever, c’est qu’il y a une prise de conscience de la part du gouvernement et des pouvoirs publics sur la nécessité de consolider ce processus d’amélioration de l’environnement des affaires et de le renforcer.
LE SOIR ECHOS
Les IDE américains au Maroc ne représentent que 150 millions de dollars. L’objectif est d’arriver à 1 milliard de dollar d’ici 5 ans. Un objectif très ambitieux, mais atteignable selon Ahmed Fassi Fihri, Directeur de l’AMDI.
Plus de 200 hommes d’affaires français sont venus rencontrer leurs homologues marocains cette semaine. Comment expliquez-vous ce regain d’intérêt pour le marché marocain, que ce soit au niveau des Français, Espagnols ou encore Américains ? Est-ce dû à la crise dans ces pays qui voient en le Maroc le meilleur relais de croissance et une porte d’accès vers l’Afrique ?
L’intérêt n’est pas nouveau. Il existe depuis longtemps et bien avant la crise. Cette dernière peut être un élément dans le processus de prise décision d’un chef d’entreprise mais il n’y a pas que cela. Une entreprise se développe, cherche des marchés, des ressources, des matières premières et cherche surtout de la compétitivité. Donc, les raisons peuvent être diverses afin de prendre une décision pour investir à l’étranger ou pas. Je rappelle alors que ce n’est pas la crise qui pousse les entreprises à chercher à se localiser ailleurs, c’est un élément parmi tant d’autres dans la prise de décision mais ce n’est pas l’élément déterminant. Par ailleurs, ce qui est déterminant, c’est le développement et la recherche de marchés et des relais de croissance et des nouvelles ressources pour créer davantage de richesses.
Dans quel contexte s’inscrit la récente rencontre entre la CGEM et le MEDEF ?
La rencontre s’inscrit dans l’excellence des relations entre les deux pays. Il faut savoir que la France est le premier partenaire du Maroc. Il y a plus de 1 000 entreprises françaises qui opèrent chez nous. Il y a pratiquement toutes les entreprises du CAC 40 qui sont représentées au Maroc. La France est également le premier client et la première source d’investissements directs étrangers au Maroc. Les rencontres des 400 hommes d’affaires des deux pays visent à consolider ses liens forts et trouver de nouvelles approches de partenariats pour améliorer ces liens économiques.
La France a été détrônée cette année par l’Espagne, qui est devenu le premier fournisseur du Maroc. Que pensez-vous de cette envolée commerciale des Espagnoles ?
C’est la première fois fois que l’Espagne est devenu le premier fournisseur du Maroc. Ils ont dépassé pour la première fois les Français. Ce fut pendant les premiers mois de l’année, mais on verra les statistiques à la fin d’année. Cette performance a été divulguée pour la première fois lors de la visite des Espagnols récemment à Rabat. En effet, ces derniers font un effort commercial important pour être présents sur le marché marocain. Toutefois, sur le plan des investissements, la France est de loin le 1er partenaire du Maroc, puisqu’elle représente 50 % des stocks d’IDE. Il y a un gisement d’affaires encore important à réaliser entre le Maroc et la France. Cela nous intéresse énormément pour qu’ils viennent encore investir ici pour créer de l’emploi et de la valeur ajoutée.
Quels sont les secteurs qui pourraient intéresser les Français ?
Ils peuvent investir dans tous les secteurs, mais certains secteurs se démarquent par rapport à d’autres, notamment l’industrie aéronautique et l’automobile. Il y a également le secteur de l’énergie renouvelable. Ces secteurs représentent un important gisement d’opportunités pour les IDE.
Parlera-t-on business et signera-t-on des contrats en marge des rencontres entre la CGEM et le MEDEF ?
Ce genre de forums est plus institutionnel que business. Les contrats se font en dehors de ces forums, en amont mais aussi en aval. En effet, ce type de manifestations est important sur le plan institutionnel pour poser le cadre juridique pour l’amélioration des relations entre la France et le Maroc. « Délocalisation «, « relocalisation», « colocalisation»,… des termes devenus à la mode en France. Comment inciter des opérateurs français à venir investir au
Maroc alors que les médias et des responsables français, notamment Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, voient en le Maroc une menace pour la préservation de l’emploi en France ?Le terme « délocalisation « est très mal utilisé par la presse française. C’est un sujet à polémique. D’ailleurs, quand Renault a inauguré son usine à Tanger, on a parlé de délocalisation, or le constructeur automobile n’a jamais fabriqué une seule Dacia en France. Il ne s’agit pas de délocalisation. On délocalise quand on ferme une unité pour ouvrir une autre dans un pays « low-cost ». Dans la plupart des cas des investissements étrangers au Maroc, il ne s’agit pas de délocalisation, mais de développement. Quand on parle de délocalisation, c’est que souvent dans une chaîne de valeur, il y a des segments qui ne peuvent plus être gardés dans des pays où les coûts sont très élevés. C’est un non-sens économique de garder par exemple une chaîne de production dans un pays où on fait encore appel à beaucoup de main-d’œuvre. Donc l’idée tout simplement, c’est que pour ces segments de la chaîne de valeur, il y ait des partenariats et des synergies intéressantes entre les entreprises des pays développés et les entreprises des pays de la rive Sud de la Méditerranée comme le Maroc pour que ces segments soient produits chez nous. C’est-à-dire trouver des synergies pour que les entreprises des pays développés soient plus compétitives et qu’on puisse créer de l’emploi et de la richesse au Maroc. C’est des relations win-win.
A l’heure de la mondialisation et l’ouverture sur les marchés internationaux, ne croyez-vous pas que ce type d’événements aggravera la dépendance économique du Maroc envers le marché français et européen, surtout lorsqu’on sait que le Maroc a été considérablement impacté par la crise européenne ?
L’ouverture du Maroc vers l’international est un choix stratégique et politique. Il n’est pas question de revenir dessus et ce n’est pas la proximité naturelle du fait de nos liens historiques et culturels avec tel ou tel pays qui va remettre en question notre politique d’ouverture à l’international. La proximité avec la France ou l’Espagne ne ferme pas pour autant les opportunités qui s’ouvrent au Maroc.
Quelles sont les régions que le Maroc pourra prospecter ?
Tout récemment, nous avons lancé un dialogue stratégique avec les États-Unis. Il y a un intérêt fort de la part des opérateurs économiques américains qui s’intéressent au marché marocain et vice-versa. Ce qui nous intéresse, c’est d’attirer de plus en plus d’investisseurs américains au Maroc qui ne connaissent pas nécessairement le Maroc.
Que représente les IDE américains au Maroc ?
En 2011, les IDE en provenance des États-Unis ont connu une hausse importante de 74 %. Cette année, la hausse est de 75 % par rapport à 2011. Il y a un intérêt et une tendance forte qui est en train d’être confirmée.
Cela reste toutefois faible par rapport à ce que reçoit aujourd’hui le Maroc en termes d’IDE. Pour information, nous étions à Washington dernièrement et le ministre du commerce et de l’industrie, Abdelkader Amara, a tracé un objectif selon lequel dans 5 ans on puisse atteindre 1 milliard de dollars d’investissements américains au Maroc. Actuellement, on tourne autour de 150 millions de dollars. C’est un objectif très ambitieux que l’on s’est fixé.
Croyez-vous qu’on pourra atteindre ce chiffre ambitieux malgré les spécificités particulières des deux pays que ce soit en termes de réglementations, de culture managériale… ?
Je pense qu’aujourd’hui nous avons les outils institutionnels et juridiques pour le faire. Il faut tout simplement de la promotion pour faire connaître le Maroc auprès des opérateurs américains et faire connaître les opportunités qui existent ici et également leur faire savoir que le Maroc n’est pas seulement un marché en développement mais c’est aussi une excellente plateforme pour accéder à d’autres marchés et notamment le marché africain et européen.
Qu’en est-il du climat des affaires ? Est-il assez assaini au Maroc pour attirer des investisseurs américains très exigeants ?
Je pense que le Maroc a lancé une dynamique très forte pour l’amélioration du climat des affaires ces dernières années. Cette démarche a donné ses fruits, puisque le Maroc a été classé par le rapport Doing Business en 2012 comme « The best reformer » (le meilleur réformateur). Les résultats sont là, mais le chemin est encore long et il reste beaucoup de choses à faire notamment la réforme de la justice. Mais aujourd’hui, ce qu’il faut relever, c’est qu’il y a une prise de conscience de la part du gouvernement et des pouvoirs publics sur la nécessité de consolider ce processus d’amélioration de l’environnement des affaires et de le renforcer.
LE SOIR ECHOS
