Par Rémi Rivière (31 janvier 2013)
C’est l’une des plus importantes monnaies locales en France, avec le Sol Violette à Toulouse : l’eusko vient d’être lancé à Bayonne. Quel intérêt face à l’euro ? Favoriser l’économie locale, soutenir les circuits courts, plus écologiques, développer les entreprises éthiques et contribuer au progrès social. Des dizaines de commerçants, d’artisans et d’associations s’y sont déjà convertis. Reportage au Pays basque, qui entre dans la zone eusko.

« C’est la première fois que je vois une Assemblée générale se terminer à l’heure », s’emballe le jeune directeur d’une petite entreprise, coup d’œil furtif sur sa montre, avant de noyer cette synthèse mémorable dans une joyeuse gorgée de cidre basque. La démonstration de l’association Euskal Moneta (Monnaie basque), le 23 janvier à Ustaritz, était irréprochable, comme il se doit lorsque l’on met au vote la création d’une monnaie locale et que l’on ambitionne d’y associer des valeurs éthiques d’économie solidaire, sociale ou écologique.
En moins de trois heures, les questions les plus pointues ont reçu les réponses les plus simples et les infographies menaçantes ont fini par esquisser des issues prometteuses. Avec la même sérénité appliquée et après un an et demi de travail, les créateurs bénévoles de « l’Eusko » (variante du mot « basque ») ont proclamé, devant une centaine d’adhérents au projet, le lancement de la monnaie basque alternative. Et ont assuré qu’elle deviendrait la plus importante de l’hexagone. Un serment déjà à moitié tenu, avant même que ne circulent les nouvelles coupures dans les commerces du Pays basque.


C’est l’une des plus importantes monnaies locales en France, avec le Sol Violette à Toulouse : l’eusko vient d’être lancé à Bayonne. Quel intérêt face à l’euro ? Favoriser l’économie locale, soutenir les circuits courts, plus écologiques, développer les entreprises éthiques et contribuer au progrès social. Des dizaines de commerçants, d’artisans et d’associations s’y sont déjà convertis. Reportage au Pays basque, qui entre dans la zone eusko.

« C’est la première fois que je vois une Assemblée générale se terminer à l’heure », s’emballe le jeune directeur d’une petite entreprise, coup d’œil furtif sur sa montre, avant de noyer cette synthèse mémorable dans une joyeuse gorgée de cidre basque. La démonstration de l’association Euskal Moneta (Monnaie basque), le 23 janvier à Ustaritz, était irréprochable, comme il se doit lorsque l’on met au vote la création d’une monnaie locale et que l’on ambitionne d’y associer des valeurs éthiques d’économie solidaire, sociale ou écologique.
En moins de trois heures, les questions les plus pointues ont reçu les réponses les plus simples et les infographies menaçantes ont fini par esquisser des issues prometteuses. Avec la même sérénité appliquée et après un an et demi de travail, les créateurs bénévoles de « l’Eusko » (variante du mot « basque ») ont proclamé, devant une centaine d’adhérents au projet, le lancement de la monnaie basque alternative. Et ont assuré qu’elle deviendrait la plus importante de l’hexagone. Un serment déjà à moitié tenu, avant même que ne circulent les nouvelles coupures dans les commerces du Pays basque.


Sol Violette à Toulouse, Eusko à Bayonne
En quelques semaines, près de 190 entreprises, commerçants, artisans et associations ont été rejoints par plus de 600 particuliers. Un nombre qui devrait progresser rapidement dès les premières transactions et l’ouverture des bureaux de change, le 31 janvier. Un résultat exceptionnel, à comparer aux 70 structures qui utilisent la monnaie complémentaire de Toulouse, le Sol violette, durant son expérimentation, entre mai et décembre 2011.
« A notre connaissance, le Sol violette est la monnaie locale la plus forte de l’hexagone et compte près d’un millier d’utilisateurs », indique Txetx Etcheverry, trésorier de l’association Euskal Moneta. 2 500 systèmes de monnaies locales et solidaires sont recensés à travers le monde, dont une quinzaine en France. Le Pays basque possède naturellement des atouts majeurs grâce à une identité forte, des outils de relocalisation de l’économie et un tissu militant extrêmement vigoureux.
Une monnaie solidaire pour une économie locale
A Villeneuve-sur-Lot, les créateurs de la monnaie complémentaire « l’abeille », lancée il y a près de trois ans, ne s’y sont pas trompés. Ils ont reçu les basques pour un cours pratique en estimant que ce territoire possédait toutes les garanties du succès. Il fallait voir, ce 19 janvier, les premiers adhérents de la monnaie basque se procurer avec empressement des coupures de 1, 2, 5, 10 et 20 euskos pour leur équivalent euros (1 eusko est égal à 1 euro). Les liasses multicolores, bleues, vertes, jaunes ou mauves pâles, encore pleines de relents d’encres, figurant la culture basque en verso, et son économie en recto, disparaissaient dans les poches.
Ce jour-là, au siège de la Chambre d’agriculture alternative [1], 6 500 euros ont été changés en autant d’euskos durant l’Assemblée générale de l’association agricole. Et pas besoin de grands discours. Au cœur d’une structure qui défend déjà une autre économie agricole, l’intérêt d’une monnaie locale et solidaire va de soi. Ainsi, les paysans basques sont en train de réintroduire le blé panifiable (utilisé pour le pain), disparu du paysage il y a plus d’un demi siècle. Dans quelques mois, les boulangers basques pourront se procurer de la farine fabriquée localement.
Tout bénef’ pour les commerçants
C’est le principal avantage d’une monnaie locale : favoriser les filières courtes et les transactions sur le territoire qui y recourt. « C’est un système assez simple de solidarité : on tourne entre nous », résume Dante Edme-Sanjurjo, co-président de Euskal Moneta. Un constat qu’a dressé Xina Dulong, heureux propriétaire du Café des Pyrénées à Bayonne et représentant de l’association des cafetiers-hôteliers-restaurateurs de la ville. Son commerce accepte les euskos et servira même de bureau de change. Partisan de la première heure de cette initiative, Xina anticipe déjà les changements dans sa manière de commercer.
En tant qu’entreprise, et contrairement aux simples usagers de la monnaie, il peut convertir ses euskos en euros. Un taux de 5% est cependant prélevé à chaque conversion. Une « taxe » qui sert à inciter les entreprises et les associations utilisant les euskos à les réinvestir localement, sans payer les 5%. Ces frais de conversion peuvent être supportés par les commerçants, au même titre que des tickets restaurants ou des transactions par cartes bleues, contre la promesse de gagner de nouveaux clients. Mais le bénéfice est total si le commerçant les dépense plutôt pour régler ses frais ou ses fournisseurs, localement bien évidemment.

En quelques semaines, près de 190 entreprises, commerçants, artisans et associations ont été rejoints par plus de 600 particuliers. Un nombre qui devrait progresser rapidement dès les premières transactions et l’ouverture des bureaux de change, le 31 janvier. Un résultat exceptionnel, à comparer aux 70 structures qui utilisent la monnaie complémentaire de Toulouse, le Sol violette, durant son expérimentation, entre mai et décembre 2011.
« A notre connaissance, le Sol violette est la monnaie locale la plus forte de l’hexagone et compte près d’un millier d’utilisateurs », indique Txetx Etcheverry, trésorier de l’association Euskal Moneta. 2 500 systèmes de monnaies locales et solidaires sont recensés à travers le monde, dont une quinzaine en France. Le Pays basque possède naturellement des atouts majeurs grâce à une identité forte, des outils de relocalisation de l’économie et un tissu militant extrêmement vigoureux.
Une monnaie solidaire pour une économie locale
A Villeneuve-sur-Lot, les créateurs de la monnaie complémentaire « l’abeille », lancée il y a près de trois ans, ne s’y sont pas trompés. Ils ont reçu les basques pour un cours pratique en estimant que ce territoire possédait toutes les garanties du succès. Il fallait voir, ce 19 janvier, les premiers adhérents de la monnaie basque se procurer avec empressement des coupures de 1, 2, 5, 10 et 20 euskos pour leur équivalent euros (1 eusko est égal à 1 euro). Les liasses multicolores, bleues, vertes, jaunes ou mauves pâles, encore pleines de relents d’encres, figurant la culture basque en verso, et son économie en recto, disparaissaient dans les poches.
Ce jour-là, au siège de la Chambre d’agriculture alternative [1], 6 500 euros ont été changés en autant d’euskos durant l’Assemblée générale de l’association agricole. Et pas besoin de grands discours. Au cœur d’une structure qui défend déjà une autre économie agricole, l’intérêt d’une monnaie locale et solidaire va de soi. Ainsi, les paysans basques sont en train de réintroduire le blé panifiable (utilisé pour le pain), disparu du paysage il y a plus d’un demi siècle. Dans quelques mois, les boulangers basques pourront se procurer de la farine fabriquée localement.
Tout bénef’ pour les commerçants
C’est le principal avantage d’une monnaie locale : favoriser les filières courtes et les transactions sur le territoire qui y recourt. « C’est un système assez simple de solidarité : on tourne entre nous », résume Dante Edme-Sanjurjo, co-président de Euskal Moneta. Un constat qu’a dressé Xina Dulong, heureux propriétaire du Café des Pyrénées à Bayonne et représentant de l’association des cafetiers-hôteliers-restaurateurs de la ville. Son commerce accepte les euskos et servira même de bureau de change. Partisan de la première heure de cette initiative, Xina anticipe déjà les changements dans sa manière de commercer.
En tant qu’entreprise, et contrairement aux simples usagers de la monnaie, il peut convertir ses euskos en euros. Un taux de 5% est cependant prélevé à chaque conversion. Une « taxe » qui sert à inciter les entreprises et les associations utilisant les euskos à les réinvestir localement, sans payer les 5%. Ces frais de conversion peuvent être supportés par les commerçants, au même titre que des tickets restaurants ou des transactions par cartes bleues, contre la promesse de gagner de nouveaux clients. Mais le bénéfice est total si le commerçant les dépense plutôt pour régler ses frais ou ses fournisseurs, localement bien évidemment.

Xina s’intéresse donc à un brasseur, installé à l’intérieur du Pays basque et adhérent de l’eusko. Ses bières côtoieront bientôt les grandes marques internationales sur le comptoir des Pyrénées. « Si plusieurs bars font de même, peut-être pourra t-il embaucher et se développer ? », espère le patron des cafetiers bayonnais. « Et il aura le même problème pour écouler ses euskos » continue t-il, esquissant ainsi l’ébauche d’un circuit commercial aux vertus locales. Vin, cidre, jus de pomme ou cola basques élargissent déjà les possibles de Xina.
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