Au tout début du premier mandat de M. Bouteflika, un financier arabe, rendant visite à notre pays avec une délégation, exprimait sa pensée sur la situation économique et financière de l’Algérie par deux mots: «Quel gâchis !» (en français).
J’ai eu l’occasion, six ans après, de le revoir et de lui demander son avis d’homme averti et fin connaisseur des milieux d’affaire sur l’évolution engagée depuis. Il affirmait que la «bonne direction» était prise mais que des «goulots d’étrangement» (‘araqil, obstacles) subsistaient. A son sens, l’ouverture des capitaux ne peut être que «totale» (kamilate). Les investisseurs étrangers ne sont pas tous des entrepreneurs; les plus importants ont horreur du risque «optimal» - le risque d’entreprise - qui n’est, de toutes les façons, accepté que s’il est partagé (par d’autres metteurs de fonds: entreprises solvables ou banques). Les garanties juridiques, réglementaires et institutionnelles, fournies en vue de la facilitation de la décision d’investir, sont l’une des conditions de cet élément central du monde des affaires: la confiance. Elles sont le socle du Principe de Prudence.
Mais, ajoutera-t-il, les investissements étrangers ont deux faces: investissements directs étrangers et investissements de portefeuilles. Les uns drainent les autres, comme les pédales d’une bicyclette. Certes, il faut bien démarrer et commencer par les premiers, sachant que les seconds doivent suivre... tôt ou tard.
C’était là, résumée en peu de mots, une expression d’une attente: la réforme fondamentale des structures financières de l’économie algérienne. Une attente déjà formulée à la fin des années 80, lors des débats autour de l’autonomie des entreprises et de l’indépendance de la Banque centrale, bien avant donc la mise en place des premiers fonds de participation. J’y ai personnellement participé par une contribution aux Cahiers du CREAD, datant de 1990. Alors que nous préparions les premières élections municipales pluralistes (pour parler au nom de ceux - intellectuels, forts rares - qui s’étaient engagés dans le balisage de l’espace public démocratique).
Au plan financier, l’Algérie est une économie d’endettement où les entreprises n’ont qu’une unique source de financement, externe: le crédit bancaire. Nous en connaissons les trois effets pervers: accumulation de créances douteuses devenant irrécouvrables, expansion des créances interentreprises (source de création monétaire hors circuit) et développement de la thésaurisation chez les particuliers et le secteur privé (créant des circuits de financement parallèles).
Au plan du fonctionnement des banques, ce type d’économie génère un mode de négociation des contrats - demande/octroi de crédit, par exemple - que l’on peut qualifier de hors-marché: le gré à gré. Nos banquiers primaires se sont longtemps plaints de leur mise hors circuit du processus décisionnel, obligés qu’ils étaient de donner suite aux injonctions. Mais maintenant, et donc après coup, l’on peut aussi dire que ceci est vrai seulement pour le crédit encadré (à l’adresse des entreprises publiques) mais non pour les autres formes de crédit (particuliers et secteur privé). Qui, avec les années, ont commencé à prendre de l’élan, au plan du volume. Et que là leur responsabilité était engagée: les Administrations centrales civiles, tant décriées, n’intervenaient pas (à moins pour trafic d’influence, collision...: des situations réelles que l’on ne peut dénier).
Des réformettes furent introduites, essentiellement en vue de l’assainissement financier - en vérité comptable - du secteur économique public, qui devaient permettre aux Managements de disposer d’instruments de gestion répondant aux normes internationales. La question difficile de la titrisation des actifs (à la disposition des gestionnaires) n’a pas trouvé de réponse sous prétexte que l’évaluation marchande des patrimoines s’avérait impossible... au vu des écritures comptables enregistrées (et qui faisaient ressortir souvent des états inimaginables, absurdes).
Ce cercle vicieux - des Codes dans une main et du vent dans l’autre (parlant de la «valeur» des actifs), disait un gestionnaire - n’a qu’aujourd’hui pu être cassé à travers cette cascade de micro-dispositifs d’accompagnement des investisseurs étrangers (lors de la mise sur le marché de quelques entités publiques: entreprises et unités de production)
Les politiques affichent depuis plus de deux décennies leur adhésion aux principes de l’économie de marché mais se rétractent dès qu’on les pousse à leur donner vie dans toute leur plénitude. Pourtant, l’expérience concrète acquise montre que la libération de l’initiative privée - au sens générique, y compris donc pour les détenteurs par délégation du patrimoine du domaine privé de l’Etat: nos gestionnaires d’entreprises, d’assurance et de banques dans les Conseils d’administration (les Grands Groupes en France, par exemple, étaient détenus par l’Etat et cela ne les a pas empêchés de mettre en oeuvre de véritables stratégies d’investissement !) -, la libération de l’initiative privée n’a de sens que sur des marchés «libres»: marché des biens «mobiles» (capital et travail) et marché des biens «immobiles» (marché foncier, marché immobilier, etc. - comprenant ici ceux des «ressources naturelles» qui sont, chez nous, hors-marché, d’où les systèmes de «concessions»).
C’est là l’objectif à atteindre, probablement à l’horizon 2050 (une génération et demie), sachant - nous devons le dire dès aujourd’hui autant que bons libéraux - que les biens économiques dont les rémunérations sont fixes (comme les salaires et les rentes) ne sont pas véritablement des marchandises. Et que donc leurs modes de négociation resteront conventionnels, en partie hors-marché.
Maintenant la question, franchement banale, que nous avons tous autant que citoyens égaux à résoudre, est celle de savoir libérer les marchés. Oui !, mais dans quel ordre ? Nous avons commencé par celui des biens et services marchands, puis par le marché immobilier et enfin par le marché foncier industriel (qui cependant appelle encore d’autres balisages fiscaux). Il est temps d’aller au coeur de l’économie monétaire et financière: le marché des capitaux !
Une petite Bourse (si l’on ose la labelliser ainsi) existe à Alger. Elle vient d’être dynamisée par des entrées lui assurant un minimum de crédibilité mais très loin de lui garantir une notoriété. Et c’est déjà un pas. Nos banques ont vu des concurrents leur ravir des parts de marché. Et c’est très bien. Le CPA verra son Conseil d’administration refondu après son ouverture de capital. Et ça fait chaud au coeur. Toutes ces actions (citées ici parmi d’autres moins connues) initiées par l’équipe dirigeante actuelle sont, non pas «bonnes ou mauvaises», mais décisives. Pour notre avenir. Et nous n’en prenons pas encore toute la mesure.
J’ai eu l’occasion, six ans après, de le revoir et de lui demander son avis d’homme averti et fin connaisseur des milieux d’affaire sur l’évolution engagée depuis. Il affirmait que la «bonne direction» était prise mais que des «goulots d’étrangement» (‘araqil, obstacles) subsistaient. A son sens, l’ouverture des capitaux ne peut être que «totale» (kamilate). Les investisseurs étrangers ne sont pas tous des entrepreneurs; les plus importants ont horreur du risque «optimal» - le risque d’entreprise - qui n’est, de toutes les façons, accepté que s’il est partagé (par d’autres metteurs de fonds: entreprises solvables ou banques). Les garanties juridiques, réglementaires et institutionnelles, fournies en vue de la facilitation de la décision d’investir, sont l’une des conditions de cet élément central du monde des affaires: la confiance. Elles sont le socle du Principe de Prudence.
Mais, ajoutera-t-il, les investissements étrangers ont deux faces: investissements directs étrangers et investissements de portefeuilles. Les uns drainent les autres, comme les pédales d’une bicyclette. Certes, il faut bien démarrer et commencer par les premiers, sachant que les seconds doivent suivre... tôt ou tard.
C’était là, résumée en peu de mots, une expression d’une attente: la réforme fondamentale des structures financières de l’économie algérienne. Une attente déjà formulée à la fin des années 80, lors des débats autour de l’autonomie des entreprises et de l’indépendance de la Banque centrale, bien avant donc la mise en place des premiers fonds de participation. J’y ai personnellement participé par une contribution aux Cahiers du CREAD, datant de 1990. Alors que nous préparions les premières élections municipales pluralistes (pour parler au nom de ceux - intellectuels, forts rares - qui s’étaient engagés dans le balisage de l’espace public démocratique).
Au plan financier, l’Algérie est une économie d’endettement où les entreprises n’ont qu’une unique source de financement, externe: le crédit bancaire. Nous en connaissons les trois effets pervers: accumulation de créances douteuses devenant irrécouvrables, expansion des créances interentreprises (source de création monétaire hors circuit) et développement de la thésaurisation chez les particuliers et le secteur privé (créant des circuits de financement parallèles).
Au plan du fonctionnement des banques, ce type d’économie génère un mode de négociation des contrats - demande/octroi de crédit, par exemple - que l’on peut qualifier de hors-marché: le gré à gré. Nos banquiers primaires se sont longtemps plaints de leur mise hors circuit du processus décisionnel, obligés qu’ils étaient de donner suite aux injonctions. Mais maintenant, et donc après coup, l’on peut aussi dire que ceci est vrai seulement pour le crédit encadré (à l’adresse des entreprises publiques) mais non pour les autres formes de crédit (particuliers et secteur privé). Qui, avec les années, ont commencé à prendre de l’élan, au plan du volume. Et que là leur responsabilité était engagée: les Administrations centrales civiles, tant décriées, n’intervenaient pas (à moins pour trafic d’influence, collision...: des situations réelles que l’on ne peut dénier).
Des réformettes furent introduites, essentiellement en vue de l’assainissement financier - en vérité comptable - du secteur économique public, qui devaient permettre aux Managements de disposer d’instruments de gestion répondant aux normes internationales. La question difficile de la titrisation des actifs (à la disposition des gestionnaires) n’a pas trouvé de réponse sous prétexte que l’évaluation marchande des patrimoines s’avérait impossible... au vu des écritures comptables enregistrées (et qui faisaient ressortir souvent des états inimaginables, absurdes).
Ce cercle vicieux - des Codes dans une main et du vent dans l’autre (parlant de la «valeur» des actifs), disait un gestionnaire - n’a qu’aujourd’hui pu être cassé à travers cette cascade de micro-dispositifs d’accompagnement des investisseurs étrangers (lors de la mise sur le marché de quelques entités publiques: entreprises et unités de production)
Les politiques affichent depuis plus de deux décennies leur adhésion aux principes de l’économie de marché mais se rétractent dès qu’on les pousse à leur donner vie dans toute leur plénitude. Pourtant, l’expérience concrète acquise montre que la libération de l’initiative privée - au sens générique, y compris donc pour les détenteurs par délégation du patrimoine du domaine privé de l’Etat: nos gestionnaires d’entreprises, d’assurance et de banques dans les Conseils d’administration (les Grands Groupes en France, par exemple, étaient détenus par l’Etat et cela ne les a pas empêchés de mettre en oeuvre de véritables stratégies d’investissement !) -, la libération de l’initiative privée n’a de sens que sur des marchés «libres»: marché des biens «mobiles» (capital et travail) et marché des biens «immobiles» (marché foncier, marché immobilier, etc. - comprenant ici ceux des «ressources naturelles» qui sont, chez nous, hors-marché, d’où les systèmes de «concessions»).
C’est là l’objectif à atteindre, probablement à l’horizon 2050 (une génération et demie), sachant - nous devons le dire dès aujourd’hui autant que bons libéraux - que les biens économiques dont les rémunérations sont fixes (comme les salaires et les rentes) ne sont pas véritablement des marchandises. Et que donc leurs modes de négociation resteront conventionnels, en partie hors-marché.
Maintenant la question, franchement banale, que nous avons tous autant que citoyens égaux à résoudre, est celle de savoir libérer les marchés. Oui !, mais dans quel ordre ? Nous avons commencé par celui des biens et services marchands, puis par le marché immobilier et enfin par le marché foncier industriel (qui cependant appelle encore d’autres balisages fiscaux). Il est temps d’aller au coeur de l’économie monétaire et financière: le marché des capitaux !
Une petite Bourse (si l’on ose la labelliser ainsi) existe à Alger. Elle vient d’être dynamisée par des entrées lui assurant un minimum de crédibilité mais très loin de lui garantir une notoriété. Et c’est déjà un pas. Nos banques ont vu des concurrents leur ravir des parts de marché. Et c’est très bien. Le CPA verra son Conseil d’administration refondu après son ouverture de capital. Et ça fait chaud au coeur. Toutes ces actions (citées ici parmi d’autres moins connues) initiées par l’équipe dirigeante actuelle sont, non pas «bonnes ou mauvaises», mais décisives. Pour notre avenir. Et nous n’en prenons pas encore toute la mesure.
Commentaire