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Mohamed Amokrane Nouad«La filière avicole reste actuellement désarticulée»

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  • Mohamed Amokrane Nouad«La filière avicole reste actuellement désarticulée»

    Mohamed Amokrane Nouad, consultant et expert en agronomie: «La filière avicole reste actuellement désarticulée»

    Reporters : Quelle analyse peut-on faire de la filière avicole algérienne et de sa structuration actuelle ?

    Mohamed Amokrane Nouad : La structure actuelle de la filière avicole algérienne résulte des politiques de développement mises en œuvre par l’Etat au début des années 1980. Celles-ci visaient essentiellement l’autosuffisance alimentaire et comptaient développer une aviculture intensive extravertie à même d’assurer l’auto-approvisionnement des populations urbaines en protéines animales de moindre coût. Le modèle d’élevage adopté est celui qui domine à l’échelle mondiale, à savoir un modèle avicole intensif basé sur le recours aux technologies et aux intrants avicoles industriels importés. Cet objectif n’a été atteint qu’en partie. La filière reste actuellement désarticulée. L’impact le plus visible de cette perturbation est marqué par les réactions très fortes d’instabilité de l’offre et de la demande, conduisant le plus souvent à des phénomènes conjoncturels de crise et de renchérissement des prix à la consommation.

    Quelles sont les principales caractéristiques de cette désarticulation ?

    Premièrement, le fonctionnement de la filière avicole reste tributaire des importations en matières premières, qui représentent 90% de la valeur globale des importations (non compris la méthionine, les vaccins et les produits vétérinaires). Deuxièmement, dans le système de production adopté, le passage de l’élevage traditionnel à l’élevage industriel peine à se concrétiser en raison d’un certain nombre de facteurs, dont ceux en rapport avec la culture du pays. Le modèle de l’élevage avicole dans notre pays est encore loin des standards mondiaux et de leur rigueur en termes de technicité et de productivité. Sa grande faiblesse est dans la non-maîtrise du coût de production, qui atteint parfois le double de celui pratiqué par l’éleveur européen et le triple de l’éleveur brésilien. Cette faible compétitivité s’explique par nos paramètres de production qui sont très élevés, à l’instar de l’indice de consommation, de la durée de l’élevage et du taux de mortalité. Je peux citer d’autres points, mais, pour faire court, toute la situation actuelle nécessite la mise en place de nouvelles formes d’intervention pour la stimulation de la production, la réduction des coûts de production, la régulation de la filière et la réduction des dépenses en devises…

    Pourtant, le gouvernement ne cesse d’encourager les opérateurs à mieux s’organiser…

    Certes, nous disposons de l’interprofessionnelle, mais est-ce qu’on a des associations professionnelles dans tous les segments de la filière qui devraient donner toute sa pertinence à l’action de cette interprofessionnelle ? Non, je ne le pense pas. J’estime que le gouvernement et le ministre de l’Agriculture, avec l’exigence nécessaire à son rôle de régulateur et de soutien, doivent demander aux acteurs de la filière de se doter des moyens dont ils ont besoin pour mieux s’organiser : une structure d’observation et de veille de marché, une mutualisation des atouts des uns et des autres parmi les intervenants dans le secteur, un encouragement à la formation, y compris celle financée par les opérateurs eux-mêmes qui ne peuvent pas tout le temps compter sur la générosité de l’Etat. Une incitation à la rationalisation de l’acte d’investir dans la filière : le gaspillage des aliments du bétail – un exemple à ne pas généraliser – se répercute sur le prix de revient des viandes blanches. Selon certaines estimations, les aviculteurs algériens utilisent actuellement
    3,5 kg d’aliments, contre 2 kg environ pour les pays développés. Ce n’est pas compréhensible. Par ailleurs, il s’agit d’assurer l’organisation de la corporation des aviculteurs, la planification en amont et en aval de l’activité, la mise en place de circuits de production intégrée (centres de production, abattage, transformation, contrôle sanitaire, réseaux de distribution…), le développement des structures de stockage et de conservation et la mise à niveau des structures et des équipements de production. Ces fonctions, soumises à une régulation des flux et conjuguées à une stricte application de la réglementation sanitaire, permettront sans doute de jouer le rôle de locomotive de toute l’activité.

    Autre mesure gouvernementale, l’exonération de la TVA et des taxes douanières des intrants destinés à l’alimentation du cheptel avicole…

    Cette mesure a été instaurée à partir du 1er août 2012 pour une durée d’une année, et ce, après la flambée des prix du maïs et du soja sur le marché international menaçant la filière avicole algérienne d’un effondrement certain. L’objectif de cette mesure était de stimuler la production et stabiliser le prix du poulet sur le marché autour de 250 dinars le kilo, mais le résultat n’a pas été à la hauteur, précisément pour les raisons que j’ai citées. Ni le consommateur ni l’éleveur n’ont réellement bénéficié de cette exonération de taxes douanières puisque les prix de l’aliment de volaille n’ont pas bougé. Cela montre que si le processus de remontée des filières semble donner des résultats convaincants au niveau de certaines entreprises – se traduisant notamment par la production locale de produits antérieurement importés (poulettes démarrées, œufs à couver, poussins ponte) – il n’en demeure pas moins que la contrainte majeure des filières avicoles n’a pas été levée, voire atténuée : celle des inputs alimentaires.

    Que faire pour régler ce problème ?

    Il faut à mon avis intervenir pour faire cesser le gaspillage des aliments du bétail, un phénomène déplorable qui se répercute sur le prix de revient des viandes blanches. Selon certaines estimations, les aviculteurs algériens utilisent actuellement 3,5 kg d’aliments, contre 2 kg environ pour les pays développés. Par ailleurs, il faut développer la production nationale de matières premières et encourager la production de matières de substitution de l’aliment en remplacement partiel du maïs et du soja dont il faut encourager la culture chez nous pour réduire la facture des devises : un programme actuel de mise en valeur des terres pour la culture du maïs vise, à moyen terme, 50 000 hectares. Il faut utiliser le blé fourrager dans les aliments de l’animal de chair et dans les aliments de l’animal destiné à la ponte.

    L’Algérie s’apprête à adhérer à l’OMC. Comment la filière avicole algérienne va-t-elle faire face à cette situation ?

    L’ouverture totale du marché algérien en vertu de l’accord d’association avec l’Union européenne et l’Organisation mondiale du commerce risque d’anéantir complètement l’industrie de l’aviculture locale, car la viande blanche sera commercialisée à des prix nettement plus bas que ceux pratiqués actuellement. L’exemple qu’on peut citer à ce sujet est celui de certains pays africains où l’industrie avicole a progressivement disparu, après avoir cédé la place aux importations dont les prix étaient devenus plus concurrentiels. Pour éviter ce scénario, il y a nécessité pour les aviculteurs à mieux s’organiser et à investir dans les nouvelles technologies d’élevage. Notamment par la mise en place de circuits de production intégrée (centres de production, abattage, transformation, contrôle sanitaire, réseaux de distribution…) ; par le développement des structures de stockage et de conservation ; la mise à niveau des structures et des équipements de production. Enfin, par la planification en amont et en aval de l’activité.

    *Mohamed Amokrane Nouad est consultant et expert en agronomie. Il est docteur en développement des filières de l’Institut national agronomique de Paris

    reporters.dz
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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