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Ferhat Aït Ali, analyste financier : « L’Algérie sera endettée dès 2016 »

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  • Ferhat Aït Ali, analyste financier : « L’Algérie sera endettée dès 2016 »

    13 mai, 2015 -l'Afrique Adulte -

    L’analyste financier Ferhat Aït Ali estime qu’au rythme actuel, les réserves de change disparaîtront dans cinq ans. Pour ce spécialiste, l’Algérie sera à courts termes « dans une situation économique intenable ».

    Entretien réalisé par Mehdi Bsikri.


    Le volume des réserves de changes diminue. Quelles sont les raisons de cette baisse ?

    La diminution du volume des réserves de changes est essentiellement due à deux facteurs en 2014. Le premier est matérialisé par un déficit de la balance des paiements à hauteur de 6 milliards de dollars, engendré par une baisse des revenus d’exportation des hydrocarbures, et une hausse des paiements extérieurs dont le règlement des fruits de la transaction avec Vimpelcom pour une dépense globale en devises de 4 milliards de dollars. Rappelons qu’initialement, cette entreprise de télécommunication avait été créée avec des capitaux intégralement algériens, mais ceci est un autre débat.
    Le deuxième facteur est la baisse de la contre-valeur dollars de la partie des réserves libellée en monnaies autres que le dollar. Comme le montant global de ces réserves est présenté en toutes monnaies confondues en dollars, ce qui fait que la masse globale est en dollars.
    Si par exemple le cours de l’euro est de 1,27 dollar, la valeur d’un euro n’est pas la même lorsqu’il est coté à 1,07 dollar. Les 20 cents perdus se répercutent pour toute la partie placée en euros.
    Si on estime que la perte de 11 milliards de dollars porte sur la dévaluation de la partie placée en euros, on peut extrapoler et dire que cette partie représente l’équivalent de 55 milliards de dollars ou au cours actuel de 50 milliards d’euros.
    Ceci pour l’exercice 2014. Mais pour les exercices à venir, si le cours des hydrocarbures se maintient au même niveau qu’en début 2015, et si les importations restent à leur niveau actuel, il faudra prévoir une ponction d’environ 35 milliards de dollars par an de ces réserves, soit une disponibilité de 5 ans au maximum.
    Car il ne faut pas raisonner sur la base d’un tarissement intégral des rentrées en devises due à la rente prolifère.
    Toujours est-il que la disparition de cette manne ou son blocage pour une raison ou une autre, fera que la monnaie locale, déjà fortement érodée, perdra de sa valeur et le pouvoir d’achat qui va avec.


    Qu’en est-il de la réduction du volume du Fonds de régulation de recettes ?

    Pour le FRR c’est une autre problématique. Cette réserve en dinars, est une réserve fiscale, sous la mainmise directe de l’Etat, et provient des excédents budgétaires, générés en fin d’exercice par le soldes du Trésor, et ponctionné des déficits de ces mêmes soldes quand ils sont négatifs.
    Théoriquement, les recettes de la fiscalité pétrolière sont versées à hauteur de 37 dollars le baril au budget de l’Etat, et les recettes ordinaires viennent compléter ces recettes de manière à couvrir les dépenses de l’exercice, qui toujours théoriquement, ne devaient pas excéder ces recettes, dégageant ainsi une sorte d’épargne de tout excédent de recettes pour les mauvais jours.
    Cette règle a été appliquée les trois premières années suivant la création de ce fond, mais à partir de 2004, les dépenses d’équipement ont commencé à creuser des déficits budgétaires, résorbés en fin d’année par les excédents versés au FRR sur la fiscalité pétrolière de chaque exercice.
    Néanmoins, on pouvait constater que les prélèvements étaient toujours inférieurs aux dépôts dans ce fond, lui permettant ainsi de croitre régulièrement, jusqu’à l’exercice 2009, censé être celui du « patriotisme économique » si on en croit le Premier ministre de l’époque.
    Car depuis cet exercice, on peut constater que les déficits allant en progression constantes, et les dépenses de fonctionnement prenant le dessus et sur les budgets d’équipement et sur les dépôts d’excédents au FRR, je peux conclure sans avoir peur de se tromper, que s’il n’y avait pas les excédents des exercices allant de 2000 à 2009, il n’y aurait pas eu le moindre dinar au FRR au moment où je vous réponds.
    Dans les faits, le solde au 31/12/2014 de ce fond, qui est de 4 200 milliards de dinars, ne tient pas compte du financement d’une partie des déficits du Trésor entre 2012 et 2014. Par d’autres sources que le FRR qui constitue déjà une augmentation de la dette publique pour un montant global de 2 600 milliards de dinars, et il est aisé de conclure que si ce montant devait être pris en charge par le FRR, son solde effectif à la même date ne serait plus que de 1 600 milliards de dinars.
    Le fonds ne tiendrait pas pour 2015, si les dépenses sont maintenues en l’état des prévisions de la loi de Finances 2015, et même si elles sont réduites à 70 % des prévisions tel qu’il est de tradition dans les soldes de fin d’année.
    La fiscalité pétrolière probable pour cet exercice ne devant pas dépasser les 2 500 milliards de dinars en tenant compte de la dévaluation du dinar à 98 DA le dollar, au lieu de 79 pour 2014. Le fond ne recevra que 900 milliards, alors que le déficit réel passera à 4000 milliards de dinars, et le fond ne pourra compenser qu’un montant de 2500 milliards, le reste passant en dette publique.
    Si la dette publique et le fond sont maintenus en l’état, le FRR pourra compenser le déficit du Trésor au 31/12/2015, et laisser un reste de 1 100 milliards de dinars, avec toujours une dette publique de 2 600 Milliards de dinars.
    Si on souhaite faire semblant d’avoir de la réserve, on peut continuer sur cette lancée. Il faudra alors maintenir un FRR à 4 200 milliards de dinars, ne ponctionner que les excédents modestes de 2015, soit 900 milliards de dinars et se payer une dette publique de 5700 milliards de dinars, à prélever sur les avoirs de la Banque d’Algérie ou auprès des banques primaires moyennant une ponction des crédits à l’économie de ces mêmes montants.
    L’engagement des banques primaires dans des projets jamais terminés et toujours réévalués, au détriment de l’économie productive, enclenche de fait une spirale d’endettement public, suivi d’émission monétaire pour compenser les intérêts de la dette publique déjà à hauteur de 45 milliards de dinars an, et sur la dévaluation de facto de la monnaie locale et une inflation incontrôlable à partir de 2016.
    Quoi qu’il en soit et quelle que soit la formule et la dénomination des comptes et des écritures, l’Etat algérien sera endetté à partir de 2016. Il est, de facto, endetté et croulera dans un endettement que ne pourront endiguer qu’une baisse de son rythme de dépenses.
    Cette baisse a malheureusement un effet direct sur ses recettes ordinaires, qui sont en majeure partie tributaire de la rente distribuée par l’Etat en amont, soit en dinars, sous forme de paiement de charges et salaires, soit en aval sous forme de droits de douanes ou taxes sur les importations. Le total de toute cette fiscalité induite par les dépenses publiques avoisine 82 % des recettes ordinaires de l’Etat.

  • #2
    (Suite)

    Donc, que risque l’Algérie à partir de 2016?

    Le pays est d’ores et déjà dans une situation économique intenable à court terme, même si les « experts maison » disent que les indicateurs ne sont pas encore tous au rouge. Le problème n’étant pas dans cet accident économique prévisible, mais dans la structure de ce que l’on appelle communément « Economie Algérienne ».
    L’Etat à travers ses segments monopolistiques s’est fourvoyé dans la création d’un système où il a voulu être le passage obligé de tout dinar qui circule dans la sphère formelle par la distribution discrétionnaire de la rente, et dans la sphère informelle par la captation par une partie de ses agents des bénéfices et commissions de cette nébuleuse qui ne peut exister sans une alliance tout aussi informelle avec ces segments.
    A la longue, il a fini par ce piégé en faisant de ses dépenses propres le principal amont de toute détention monétaire, il en a fait l’unique source. Mais par la même occasion, il en fait son unique source de recettes fiscales, dans la mesure où la fiscalité locale constitue non pas un prélèvement sur une richesse créée par la production de biens et de services, mais une ponction en amont sur les salaires et en aval sur les consommations et autres marges brutes réglées, bien sûr, par ses propres distributions en amont. Comme un lézard qui se mord la queue.
    Le secteur informel ou dénommé comme tel, n’est qu’une longueur du circuit de redistribution de la même rente étatique, passant sous une zone d’ombre qui empêche une énième ponction, qui tout en améliorant éventuellement de quelques points qui ne dépasseront jamais les 10 % les recettes publiques, ne sera jamais qu’un prélèvement sur le même montant de départ intégralement attribué par ce même Etat. Ce dernier, à vouloir être tout seul sur le terrain économique par penchant à l’autocratisme rentier, se retrouve aujourd’hui bien seul à rechercher une source de pitance dans sa propre chair, sans s’en rendre compte apparemment.
    Dans l’immédiat, toute réduction des importations aura une incidence directe sur les 42 % que représentent les droits et taxes prélevés sur ces importations dans ses recettes fiscales, et toute réduction des dépenses de l’Etat entraine une autre incidence sur les 40 % que représentent toutes les taxes perçues sur salaires et autres dépenses publiques créatrices de chiffres d’affaires dans la société locale.
    En entraînant une autre incidence sur l’intégralité de la société, qui ne vit à ce jour que de la rente publique d’une manière ou d’une autre, ne pourra plus maintenir ni le niveau de vie ni le flux économique entretenu artificiellement jusque-là, sans aucune production de nature à échapper à la malédiction pétrolière.
    Concrètement, si les recettes d’hydrocarbures sont de 60 milliards de dollars, la véritable richesse nationale aléatoire demeure ces 60 milliards de dollars, et rien d’autre. Toute autre écriture, dans le sens des recettes ou des dépenses aussi bien publiques que privées, ne sont que la rotation en circuit fermé avec des fuites bien sûr en dollar et en dinars, de ce montant.
    Il n’y a rien à additionner pour avoir un semblant de PIB. Ce ne sont que les mêmes dollars qui changent de titulaire et de dénomination, même l’informel étant directement alimenté par les largesses du Trésor et alimentant ce Trésor même en s’en cachant par un flux économique qui permet à un moment ou un autre de créer un élément générateur de taxes si ce n’est chez le fraudeur, chez le bénéficiaire de ses paiements de bien déclarés.
    Une baisse de 50% des recettes, entraîne de facto une baisse dans la même proportion de tous les autres relais de la dépense et de la recette, et évidemment une dévaluation du dinar, non pas uniquement face aux monnaies étrangères, mais face aussi au pouvoir d’achat de produits même à 100% locaux.


    Quel serait le schéma de redressement ?

    Le seul moyen d’exorciser cette échéance inéluctable pour encore deux ans ou trois ans, étant de maintenir la dépense publique en l’état, par prélèvement sur les avoirs des entreprises publiques comme Sonatrach, pôles de ressources ordinaires, et sur les réserves de changes pour les recettes extérieures.
    Cette formule n’est valable et utile que si l’intégralité des ressources est orientée vers la remise en l’état de l’appareil productif national avec un plan précis et sans improvisation politicienne, et la mise en place d’un système de concertation économique ou les textes et règlements ne seront pas une arme de destruction aux mains de segments occultes et de bureaucrates incultes, mais une charte établie et bien comprise entre toutes les parties pour un but commun défini dans la transparence.
    L’élimination des subventions sans objet. De toute façon, elles ne résisteront pas à une injonction des créanciers lorsque l’Algérie retournera à l’endettement.
    La compréhension de la sécurité nationale sous tous ses angles et non pas sous l’angle unique de la sécurité physique de l’Etat, qui par certains aspects antiéconomiques, et même antisociaux, en arrive à représenter une menace pour la Nation plus grande que la sécurité qu’il propose de défendre.
    Lancer une bonne fois pour toute une offensive antiterroriste et contre ses sponsors déclarés dans la société, au lieu de gérer la menace par la défensive et par l’interdiction d’actes et d’équipements économiques autorisés partout ailleurs, sous le prétexte sécuritaire, en nous mettant à la merci d’une famine éventuelle.
    Dans l’absolu, l’Algérie a plus que jamais besoin de la refondation d’un Etat, où il n’y a de place que pour la rationalité et l’utilité, mais surtout d’un système politique qui laisse plus de place à une vision d’ensemble rationnelle et pratique des enjeux et des données du terrain, et moins de place aux cercles occultes ou visibles, sans autre vision que les intérêts immédiats de clans, de corporations ou de sectes idéologiques.
    Pour commencer, le nettoyage des textes régissant le commerce et l’activité de production et de commercialisation, devraient être revus intégralement, par une Conférence nationale aux acteurs visible et audibles, en veillant à éliminer toutes les instructions et contre instructions, ainsi que tous les autres papillons qui font office de législation mouvante et ambulante en lieu et place des textes en vigueur et connus de tout le monde.
    Il faudra penser aussi à pénaliser clairement et lourdement toute intrusion des humeurs, penchants et intérêts des bureaucrates et de leurs donneurs d’ordre et « partenaires », dans l’application des lois et de toute procédure ayant pour but de contrôler ou de faciliter l’acte économique.
    Pour le volet pratique et le détail des voies, moyens et créneaux aptes à redresser la barre d’une économie pervertie, il sera toujours possible de discuter et de planifier des priorités logiques, une fois l’éradication de cet environnement et climat malsains par des centres de décision antiéconomiques assainis par les mesures préalables déjà citées.
    En clair, 1+1 sera toujours égal à deux, quoi qu’induisent les charlatans en tous genres, et les flagorneurs du jour, et personne ne peut imposer un autre résultat à cette équation ni par la dilapidation de fonds publics pour acheter des acquiescements aussi factices qu’éphémères, ni par en brandissant des sabres pour imposer un silence tout aussi éphémère que factice. Les grands Tsunami de fond n’étant jamais visibles de haut.
    Si nous devons retourner à l’endettement extérieur et ceci est sûr si nous continuons sur notre fausse route, il faut être certain que personne ne nous prêtera de quoi assouvir notre folie sans issue, et que le peu qui nous sera prêté le sera à de conditions telles que leur mise en application, aura des répercussions que ni le baratin des uns, ni les apparitions sporadiques des zombies du califat, ni toutes les armadas du monde ne pourront juguler même pour une journée.
    Dernière modification par Serpico, 10 juin 2015, 09h34.

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