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Entre Athènes et ses créanciers, l'absurde discussion sur la TVA

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    Entre Athènes et ses créanciers, l'absurde discussion sur la TVA

    27 juin 2015 | Par Amélie Poinssot


    Les négociations entre le gouvernement grec et ses partenaires ont achoppé sur la question des retraites et celle de la TVA. FMI et Commission européenne insistent notamment sur une réforme de la taxe sur la valeur ajoutée afin d'augmenter les rentrées fiscales. La TVA hellène est pourtant déjà l'une des plus élevées du continent.

    Le diable se niche dans les détails. Entre Athènes et ses créanciers, le sujet n'est plus, depuis longtemps, la recherche d'une politique alternative à l'austérité, laquelle n'a fait qu'enfoncer la Grèce dans la récession depuis cinq ans. Comme les années précédentes, les discussions se sont focalisées sur l'excédent budgétaire que l’État grec est censé dégager à travers de nouvelles coupes dans ses dépenses et des impôts supplémentaires. Et, plus que jamais, ces échanges tournent à l'absurde : les créanciers, jamais satisfaits des innombrables reculs de Tsipras, s'accrochent à d'ultimes modifications, des virgules, des montants dérisoires au regard des problèmes en jeu.

    Ainsi, côté grec, la dernière proposition se fondait sur des recettes annuelles équivalentes à 0,93 % du PIB, mais les créanciers maintiennent l'objectif de 1 % du PIB. Le dernier état des discussions révèle un désaccord entre les deux parties sur un gap de 107 millions d'euros, et les créanciers continuent d'exiger de la Grèce des réformes jamais demandées aux autres pays européens. La bataille se joue bel et bien sur le terrain idéologique.

    "Nous continuons notre combat au nom des peuples d'Europe et du peuple grec". Tweet d'Alexis Tsipras vendredi 26 juin 2015
    Le blocage sur la réforme de la TVA est à cet égard révélateur. La Grèce fait déjà partie des pays européens au taux de TVA le plus élevé : 23 %. Il a d'ailleurs été déjà relevé à deux reprises, coup sur coup, début 2010 – ce furent les premières mesures d'austérité prises par la Grèce, au début de la crise. Seuls le Danemark, la Croatie, la Hongrie, la Roumanie et la Suède affichent une taxe plus importante que la péninsule hellène. Quant aux taux intermédiaires, qui s'appliquent sur certaines catégories de produits, même topo.

    La Grèce taxe à hauteur de 6,5 % livres, journaux, hôtellerie, théâtre et médicaments ; et elle taxe à hauteur de 13 % produits alimentaires, restauration, hôpitaux, transports, électricité, gaz naturel, eau, billets de cinéma, entrées de musée et travaux de rénovation. Là aussi, ce sont les taux les plus importants du continent. Seules la République tchèque, l'Irlande, la Hongrie et la Finlande ont un taux intermédiaire légèrement plus élevé que celui d'Athènes. Tout le reste (vêtements, produits d'entretien, boissons, véhicules, télécommunications, DVD, fioul domestique, essence, matériaux de construction…) est imposé en Grèce à hauteur de 23 %.

    Or aujourd'hui, que veulent les créanciers d'Athènes ? Dans la dernière mouture du programme présentée au gouvernement Tsipras, ils demandent la suppression du coefficient le plus bas de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu'un changement de catégorie pour l'ensemble du secteur hôtellerie-restauration afin de l'imposer au taux maximal. Rappelons qu'en France (où le taux normal de TVA est de 20 %), ce secteur est imposé au taux réduit de 10 %, tandis que les produits alimentaires font partie d'une autre catégorie, taxée à 5,5 %. La France applique même un quatrième taux, encore plus réduit, de 2,1 % aux médicaments remboursables par la Sécurité sociale, à certains spectacles et à la presse papier et numérique – c'est le taux le plus bas de toute l'Union européenne. Ailleurs dans l'UE, la plupart des pays appliquent un taux réduit de TVA sur l'hôtellerie. Seuls quatre pays (Danemark, Hongrie, Slovaquie, Royaume-Uni) appliquent sur les nuits d'hôtel leur taux normal de TVA.

    Quant aux services de restauration, ils sont imposés au taux normal dans seulement un tiers des pays membres, tous les autres leur appliquant un taux réduit qui va de 3 % (Luxembourg) à 18 % (Malte). Pourquoi donc exiger de la Grèce, dont l'économie est qui plus est asphyxiée par cinq années consécutives d'austérité, des taxes à la consommation plus élevées qu'ailleurs ? Pourquoi lui imposer une imposition maximale sur l'hôtellerie et la restauration, quand une majorité des membres de l'UE appliquent à ces secteurs un taux réduit ?

    Le paradoxe ne s'arrête pas là. Les créanciers se sont également arc-boutés ces dernières semaines sur la nécessité selon eux de supprimer les avantages fiscaux en vigueur sur les îles hellènes. Le gouvernement Tsipras continue de s'y opposer. Pays insulaire, la Grèce bénéficie en effet sur ses îles d'une réduction de 30 % sur ses trois taux de TVA, un statut qui s'explique par la cherté de la vie sur place, due aux coûts d'acheminement des produits et aux coûts de déplacement pour les habitants lorsqu'il doivent, par exemple, effectuer des démarches administratives ou se faire soigner. Là non plus, rien d'exceptionnel. En Corse, département français, une taxation réduite est en vigueur sur de nombreux biens et services. L'hôtellerie et la restauration, par exemple, sont soumises à un taux de seulement 2,10 %, tout comme les produits alimentaires.

    Les départements d'outre-mer, quant à eux, bénéficient d'un taux de TVA plus de deux fois inférieur au taux de l'Hexagone (8,50 %), d'un taux réduit à 2,10 %, et de plusieurs exonérations. Autrement dit, la Grèce ne bénéficie en aucun cas d'un régime de faveur sur ses îles, comme le laissent entendre les négociateurs à la manœuvre, en particulier ceux du FMI.

    En réalité, le levier de la TVA est bien pratique. Impôt le moins juste socialement puisqu'il s'applique à tous de la même manière, quel que soit le niveau de revenu du consommateur, il est le plus facile à collecter dans un pays où la collecte fiscale est, structurellement, déficiente. L'économie hellène repose en effet en grande partie sur de petites entreprises et des professions libérales, tandis que le salariat (imposé à la source en Grèce) concerne une minorité de la population active. Ce type d'économie, en Grèce comme ailleurs, favorise la fraude fiscale. Un chômage aujourd'hui explosif et une pression fiscale accrue sur les classes moyennes sous l'effet des politiques d'austérité n'ont en outre rien arrangé : les circuits parallèles et les revenus non déclarés sont aussi, pour les Grecs, une manière d'affronter cette crise sans précédent. Enfin, l'administration fiscale grecque, comme nous le racontions à travers un reportage en 2012, manque cruellement de moyens, humains et matériels. Les employés des services fiscaux ne sont pas toujours équipés d'ordinateurs, de nombreuses procédures ne sont pas automatisées, les informations entre les différentes administrations pas recoupées. Même si des progrès ont été réalisés ces dernières années avec la régularisation de nombreux cas d'arriérés fiscaux, reste que le fisc grec ne peut être efficace dans le cadre d'une politique de rigueur qui n'a eu de cesse, depuis 2010, de réduire les effectifs et de couper dans les ressources budgétaires.

    Se servir à nouveau du levier de la TVA revient donc, encore une fois, à du rafistolage pour ne pas mettre en œuvre la grande réforme structurelle nécessaire, et toujours repoussée, du système fiscal grec. Mais surtout, augmenter la TVA dans un pays exsangue, où la consommation s'est effondrée, est parfaitement contre-productif. Elle ne peut que favoriser l'économie parallèle et les services non déclarés. Pour autant, le gouvernement Tsipras ne refuse pas de toucher aux impôts. Acculé par ses partenaires après cinq mois de négociations, il a fini par abandonner cette ligne rouge martelée par Syriza pendant la campagne électorale. Le parti avait en effet promis de ne pas alourdir la charge fiscale des contribuables, et de supprimer l'impôt immobilier mis en place sous le gouvernement précédent. Ces promesses n'ont pas résisté à la pression des créanciers. Ces derniers jours, le gouvernement grec a proposé d'introduire une nouvelle tranche pour l'impôt de solidarité créé pendant la crise, avec un taux de 8 % sur les revenus supérieurs à 500 000 euros, tout en l'accompagnant d'un allègement pour les revenus les plus modestes. Il a proposé également une taxe exceptionnelle de 12 % sur les bénéfices des entreprises supérieurs à 500 000 euros annuels. En bref, il a cherché à réintroduire un soupçon de justice fiscale, plutôt que de puiser dans la taxe sur la consommation. Bizarrement, ces propositions n'ont pas été reprises par la Commission ni par le FMI.


    Mediapart

  • #2
    Après l'Argentine, la Grèce. A qui le tour ? La france arrive bientôt, 7e ou 8e position.
    ...

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