Les informations de proximité publiées depuis le début de l'été dans la presse, ne cessent d'annoncer, presque chaque jour, des barricades et des fermetures de d'institutions publiques (mairies, daïras, siège de l'Algérienne des eaux,…) suite à ce qui s'apparente à une « révolte de la soif », par laquelle est dénoncée la situation de la sécheresse de robinets dans plusieurs communes du pays. Le litige né du problème de l'approvisionnement en eau potable a même failli, au début de l'été, conduire à l'irréparable entre villageois dans la commune d'Illilten, dans la wilaya de Tizi Ouzou.
A ces problèmes de gestion et de gouvernance locale du secteur de l'eau, se greffe le retard enregistré dans la réalisation des transferts hydrauliques à partir des barrages.
Par Amar Naït Messaoud
Dans d’autres régions, le spectacle de l’approvisionnement en eau par le moyen de transport sur dos de baudet n’a pas encore disparu, malgré tous les efforts d’investissements consentis par l’Etat dans la construction de barrages et l’installation de stations de dessalement d’eau de mer.
Ailleurs, sur les Hauts Plateaux, où l’économie locale est bâtie sur l’élevage ovin, la tension sur l’eau est visible au niveau des puits pastoraux et des abreuvoirs, comme elle affecte aussi l’alimentation des foyers qui tardent à être raccordés aux réseaux de distribution.
Du temps où il était ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal expliquait ainsi la problématique de l’approvisionnement et de la gestion de l’eau: « La question se pose moins en termes de disponibilité de la ressource hydrique, qui est abondante, qu’elle ne l’est en ce qui concerne les voies de gestion et de préservation de cette source vitale ». Gestion et préservation semblent constituer le talon d’Achille de la gouvernance dans le secteur des ressources en eau. Les observateurs les moins avertis ont pris conscience des efforts de l’Etat dans la réalisation de grands ouvrages hydrauliques : barrages disséminés sur tout le territoire du Nord du pays, stations monoblocs de dessalement d’eau de mer, grands ouvrages de transferts hydrauliques (à l’image de celui allant d’In Salah à Tamanrasset sur 750 km; du système MAO [Mostaganem, Arzew, Oran], des barrages des Babors sur la wilaya de Setif, de Koudiat Acerdoune allant sur M’Sila et Médéa,…).
Des enfants porteurs d’eau sur plusieurs kilomètres
Rien qu’entre 2005 et 2014, le budget de l’Etat a consenti 40 milliards de dollars dans la mobilisation de la ressource hydrique. Cependant, au bout de quelques années, un grand nombre de régions du pays semblent revenir à la situation des années 1990 où, pendant l’été, l’enfer des feux de forêts est multiplié par l’indisponibilité de l’eau dans les foyers. Les enfants, au lieu de goûter à des vacances biens méritées, sont devenus les porteurs d’eau sur des distances qui atteignent parfois plusieurs kilomètres. Pour les foyers qui peuvent se le permettre, ce sont les citernes d’eau tractées qui servent de « fontaine ». Une citerne de 3.000 litres se négocie entre 1.200 et 2.000 dinars. De même, le marché des citernes en zinc ou en plastique n’a sans doute jamais aussi florissant, garnissant les toits des villas et de modestes foyers.
Pour l’année 2016, la hantise a été grande de voir s’installer la sécheresse, lorsque le constat a été établi à la fin 2015, que les précipitations se sont arrêtées pratiquement depuis le mois d’avril. L’automne et une partie de l’hiver derniers sont passés sans pluie. Les températures en janvier 2016 dépassaient les 25 degrés. La rumeur commençait à circuler sur une éventuelle déclaration de l’état de sécheresse pour couvrir, un tant soit peu, les dépenses des agriculteurs céréaliers occasionnées par les opérations des labours-semailles. S’agissant de la consommation domestique, l’eau mobilisée dans les barrages au cours de la saison précédente était quand même suffisante. Cependant, à partir de février, la saison des pluies s’installera, amenant les barrages à se remplir à plus de 70%, en moyenne, à la fin du printemps.
Dans l’état actuel des disponibilités en ressources hydriques, c’est plutôt l’agriculture qui pâtit du dérèglement des saisons, au vu des décalages induits entre la période de précipitation et les besoins spécifiques à chaque étape de la croissance des végétaux. La solution ne peut résider que dans l’irrigation. Actuellement, les superficies irriguées n’atteignent pas encore 1,5 millions d’hectares.
La réalité du terrain dément les professions de foi
S’agissant de l’alimentation des foyers en eau potable, et malgré les assurances des pouvoirs publics, seules quelques villes ou quartiers de ville sont plus ou moins « sécurisés ». Les chiffres donnés régulièrement à propos du rythme et du volume de distribution sont à prendre avec une grande précaution, particulièrement lorsque la réalité sur le terrain -caractérisée par des coupures prolongées, des rixes et des bagarres entre citoyens, les barricades, la fermeture de mairies et de sièges de l’ADE- dément les professions de foi des responsables.
Où se trouve le problème ? A quel niveau de la chaîne d’approvisionnement il y a un « hiatus » ? Le plus distrait des observateurs peut remarquer les fuites quasi permanentes de l’eau, parfois à partir des conduites principales, qui inondent des quartiers et des boulevards. Les pertes dans les réseaux représenteraient entre 40 à 50% du volume lâché dans les conduites. A cela s’ajoute le gaspillage affectant cette précieuse ressource. Au moment des grandes chaleurs, et vu la modicité du prix de cession du mètre cube d’eau, certains n’hésitent pas à sortir le tuyau pour laver le trottoir ou la voiture. Et il y a, bien entendu, le problème du vol de l’eau par le moyen de picage illicite, sans payement de facture. Dans certaines régions, le phénomène a pris des proportions alarmantes.
Entretiens et rationalisation de la consommation
A ces problèmes de gestion et de gouvernance locale du secteur de l’eau, se greffe le retard enregistré dans la réalisation des transferts hydrauliques à partir des barrages. Il y a même des cas de communes sur lesquelles est implanté le plan d’eau et qui ont mis plusieurs années avant d’être raccordées. En outre, le nouveau contexte financier du pays n’a pas été sans conséquences sur les projets de transferts hydrauliques. L’exemple le plus connu est celui de la wilaya de M’Sila, prévue à un raccordement à partir du Sud (Menéa). Le projet a été gelé en raison du manque de financement. Il ne serait pas surprenant que, dans le futur proche, le problème des finances puisse remettre en cause d’autres projets, et particulièrement les entretiens des réseaux -qui se comptent en milliers de kilomètres- et des lourds équipements installés par exemple, au niveau des stations de dessalement, fortement exposés à la corrosion par le sel marin.
Par-delà la mobilisation brute de l’eau, par le moyen de barrages ou de stations de dessalement, la problématique majeure de la gestion de cette précieuse ressource réside dans la bonne (ou mal) gouvernance qui préside à sa distribution, à l’entretien de ses réseaux, à la rationalisation de son utilisation et à la facturation de la consommation.
A.N.M
impact24.info
A ces problèmes de gestion et de gouvernance locale du secteur de l'eau, se greffe le retard enregistré dans la réalisation des transferts hydrauliques à partir des barrages.
Par Amar Naït Messaoud
Dans d’autres régions, le spectacle de l’approvisionnement en eau par le moyen de transport sur dos de baudet n’a pas encore disparu, malgré tous les efforts d’investissements consentis par l’Etat dans la construction de barrages et l’installation de stations de dessalement d’eau de mer.
Ailleurs, sur les Hauts Plateaux, où l’économie locale est bâtie sur l’élevage ovin, la tension sur l’eau est visible au niveau des puits pastoraux et des abreuvoirs, comme elle affecte aussi l’alimentation des foyers qui tardent à être raccordés aux réseaux de distribution.
Du temps où il était ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal expliquait ainsi la problématique de l’approvisionnement et de la gestion de l’eau: « La question se pose moins en termes de disponibilité de la ressource hydrique, qui est abondante, qu’elle ne l’est en ce qui concerne les voies de gestion et de préservation de cette source vitale ». Gestion et préservation semblent constituer le talon d’Achille de la gouvernance dans le secteur des ressources en eau. Les observateurs les moins avertis ont pris conscience des efforts de l’Etat dans la réalisation de grands ouvrages hydrauliques : barrages disséminés sur tout le territoire du Nord du pays, stations monoblocs de dessalement d’eau de mer, grands ouvrages de transferts hydrauliques (à l’image de celui allant d’In Salah à Tamanrasset sur 750 km; du système MAO [Mostaganem, Arzew, Oran], des barrages des Babors sur la wilaya de Setif, de Koudiat Acerdoune allant sur M’Sila et Médéa,…).
Des enfants porteurs d’eau sur plusieurs kilomètres
Rien qu’entre 2005 et 2014, le budget de l’Etat a consenti 40 milliards de dollars dans la mobilisation de la ressource hydrique. Cependant, au bout de quelques années, un grand nombre de régions du pays semblent revenir à la situation des années 1990 où, pendant l’été, l’enfer des feux de forêts est multiplié par l’indisponibilité de l’eau dans les foyers. Les enfants, au lieu de goûter à des vacances biens méritées, sont devenus les porteurs d’eau sur des distances qui atteignent parfois plusieurs kilomètres. Pour les foyers qui peuvent se le permettre, ce sont les citernes d’eau tractées qui servent de « fontaine ». Une citerne de 3.000 litres se négocie entre 1.200 et 2.000 dinars. De même, le marché des citernes en zinc ou en plastique n’a sans doute jamais aussi florissant, garnissant les toits des villas et de modestes foyers.
Pour l’année 2016, la hantise a été grande de voir s’installer la sécheresse, lorsque le constat a été établi à la fin 2015, que les précipitations se sont arrêtées pratiquement depuis le mois d’avril. L’automne et une partie de l’hiver derniers sont passés sans pluie. Les températures en janvier 2016 dépassaient les 25 degrés. La rumeur commençait à circuler sur une éventuelle déclaration de l’état de sécheresse pour couvrir, un tant soit peu, les dépenses des agriculteurs céréaliers occasionnées par les opérations des labours-semailles. S’agissant de la consommation domestique, l’eau mobilisée dans les barrages au cours de la saison précédente était quand même suffisante. Cependant, à partir de février, la saison des pluies s’installera, amenant les barrages à se remplir à plus de 70%, en moyenne, à la fin du printemps.
Dans l’état actuel des disponibilités en ressources hydriques, c’est plutôt l’agriculture qui pâtit du dérèglement des saisons, au vu des décalages induits entre la période de précipitation et les besoins spécifiques à chaque étape de la croissance des végétaux. La solution ne peut résider que dans l’irrigation. Actuellement, les superficies irriguées n’atteignent pas encore 1,5 millions d’hectares.
La réalité du terrain dément les professions de foi
S’agissant de l’alimentation des foyers en eau potable, et malgré les assurances des pouvoirs publics, seules quelques villes ou quartiers de ville sont plus ou moins « sécurisés ». Les chiffres donnés régulièrement à propos du rythme et du volume de distribution sont à prendre avec une grande précaution, particulièrement lorsque la réalité sur le terrain -caractérisée par des coupures prolongées, des rixes et des bagarres entre citoyens, les barricades, la fermeture de mairies et de sièges de l’ADE- dément les professions de foi des responsables.
Où se trouve le problème ? A quel niveau de la chaîne d’approvisionnement il y a un « hiatus » ? Le plus distrait des observateurs peut remarquer les fuites quasi permanentes de l’eau, parfois à partir des conduites principales, qui inondent des quartiers et des boulevards. Les pertes dans les réseaux représenteraient entre 40 à 50% du volume lâché dans les conduites. A cela s’ajoute le gaspillage affectant cette précieuse ressource. Au moment des grandes chaleurs, et vu la modicité du prix de cession du mètre cube d’eau, certains n’hésitent pas à sortir le tuyau pour laver le trottoir ou la voiture. Et il y a, bien entendu, le problème du vol de l’eau par le moyen de picage illicite, sans payement de facture. Dans certaines régions, le phénomène a pris des proportions alarmantes.
Entretiens et rationalisation de la consommation
A ces problèmes de gestion et de gouvernance locale du secteur de l’eau, se greffe le retard enregistré dans la réalisation des transferts hydrauliques à partir des barrages. Il y a même des cas de communes sur lesquelles est implanté le plan d’eau et qui ont mis plusieurs années avant d’être raccordées. En outre, le nouveau contexte financier du pays n’a pas été sans conséquences sur les projets de transferts hydrauliques. L’exemple le plus connu est celui de la wilaya de M’Sila, prévue à un raccordement à partir du Sud (Menéa). Le projet a été gelé en raison du manque de financement. Il ne serait pas surprenant que, dans le futur proche, le problème des finances puisse remettre en cause d’autres projets, et particulièrement les entretiens des réseaux -qui se comptent en milliers de kilomètres- et des lourds équipements installés par exemple, au niveau des stations de dessalement, fortement exposés à la corrosion par le sel marin.
Par-delà la mobilisation brute de l’eau, par le moyen de barrages ou de stations de dessalement, la problématique majeure de la gestion de cette précieuse ressource réside dans la bonne (ou mal) gouvernance qui préside à sa distribution, à l’entretien de ses réseaux, à la rationalisation de son utilisation et à la facturation de la consommation.
A.N.M
impact24.info
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