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Réponse de la Banque d’Algérie à la Banque mondiale : approximations et fuite en avant

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  • Réponse de la Banque d’Algérie à la Banque mondiale : approximations et fuite en avant

    La Banque d’Algérie (BA) a répondu, ce lundi 15 août, à la Banque mondiale (BM), remettant en cause les prévisions de cette dernière sur le niveau des réserves de change algériennes à l’horizon 2018. L’institution de Bretton Woods table sur une fonte de ce matelas financier, qui devrait atteindre 60 milliards de dollars d’ici deux ans.

    Pour sa part, la Banque d’Algérie estime que ce niveau sera « nettement supérieur ». Mais l’institution se garde bien d’avancer un chiffre, se contentant de dénoncer un alarmisme excessif de la BM. Un manque de précision qui cache pourtant mal une certaine fuite en avant des pouvoirs publics en Algérie.

    Réalisme implacable contre optimisme béat

    La BA se plaint du fait que « le rapport de la Banque mondiale (…) ne repose pas sur des hypothèses probantes ». En effet, la Banque mondiale fait des projections sur la base d’un maintien de la situation en l’état actuel : elle semble « tabler sur une totale inertie et absence de réactivité des pouvoirs publics », pointe la Banque d’Algérie, et sur une production de pétrole stable et des cours du baril toujours aussi faibles.

    Pour apporter la contradiction, la BA évoque la stratégie annoncée du gouvernement, consistant à mettre en place un « nouveau modèle de croissance », fondé sur une consolidation budgétaire (efficacité de la dépense publique) et un renforcement de l’investissement pour stimuler la croissance.

    Ainsi la Banque d’Algérie reproche notamment à la Banque Mondiale de ne pas avoir pris en compte une stratégie gouvernementale future, qui n’a pas encore été mise en œuvre, dont on ne connaît que de vagues lignes directrices et dont les objectifs, certes louables, sont impossibles à atteindre en si peu de temps.

    En effet, il s’agit là de mettre en place des réformes structurelles profondes. Or, l’Algérie a démontré ces dernières années une absence totale de volonté politique et/ou de capacité à réformer son économie. Les sempiternelles recommandations du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et des économistes nationaux appelant à prendre des mesures sérieuses sont restées lettre morte. Peut-on dès lors reprocher à l’institution internationale de ne pas se contenter de déclarations d’intentions, aussi louables soient-elles ?

    | Lire sur TSA : Les cinq grandes recommandations du FMI à l’Algérie

    Surtout, le contexte politique en Algérie se prête peu à des réformes structurelles, souvent impopulaires. À quelques mois des élections législatives et en pleine incertitude autour de la succession au président Abdelaziz Bouteflika, il serait périlleux de perturber un front social déjà instable avec des réductions de subventions, de coupes dans les dépenses publiques qui constituent le principal moteur de la croissance du pays.

    En attente d’un rebond des prix du pétrole

    Par ailleurs, la production algérienne de pétrole devrait augmenter, tout comme les prix, contribuant ainsi à réduire le déficit commercial de l’Algérie et minimiser la fonte des réserves de change, selon la Banque d’Algérie.

    Une nouvelle fois, cette sortie traduit une tendance à compter sur une remontée des cours du pétrole, sans aller au fond des choses. En somme, l’Algérie fait « le dos rond », en attendant que la tempête passe et que la situation financière du pays s’améliore.

    Le problème de l’économie algérienne est structurel et nécessite des réformes profondes, notamment pour libérer l’investissement. Or, la récente Loi sur l’investissement ne contient que peu d’évolutions positives. Le « tout pétrole » a pourtant montré ses limites. L’exemple du Nigeria, devenu « pauvre » du jour au lendemain selon les propos de son président Muhammadu Buhair, en est la preuve.

    | Lire sur TSA : Le Nigeria sombre dans la crise, un avertissement pour l’Algérie

    Quoi qu’il en soit, les données du marché pétrolier ne prêtent pas à l’enthousiasme. Le rééquilibrage entre l’offre et la demande sera long (2017) et la remontée des cours sera encore plus longue, estiment les experts. Ainsi, même si les réserves de change ne baissent pas au point d’atteindre les 60 milliards de dollars en 2018, elles n’en seront pas bien loin. Dans tous les cas, les assurances du premier ministre, Abdelmallek Sellal, quant au maintien de ces réserves au-dessus du seuil de 100 milliards de dollars est peu plausible.
    Allusion à l’informel : naïveté ou démagogie ?

    Par ailleurs, la Banque d’Algérie affirme que l’économie du pays « recèle d’énormes gisements inexploités en termes de recettes fiscales ». Une allusion claire à l’économie informelle qui prospère, loin de tout contrôle étatique. Il est vrai qu’elle constitue un gisement de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

    | Lire sur TSA : Crise économique : le gouvernement face au défi des acteurs de l’informel

    Seulement, l’intégration de l’économie informelle à la sphère officielle ne se fait pas en un « claquement de doigts ». Tant s’en faut. Pour ce faire, il faudrait entreprendre des réformes profondes, notamment sur le plan fiscal afin de réduire la pression jugée trop forte. En plus d’incitations puissantes, le gouvernement doit mettre en place un arsenal législatif particulièrement dissuasif. Il faudrait également s’attaquer au marché parallèle de la devise… Tout un programme.

    En attendant, toutes les initiatives gouvernementales visant à régulariser les acteurs de l’économie informelle ont échoué : la mise en conformité fiscale volontaire (une forme d’amnistie fiscale) est un échec. Cette mesure, qui plus est, parasitée par une autre tentative de récupérer les fonds de l’informel. L’emprunt obligataire interne lancé par l’État visait clairement à récupérer les fonds « dormants » de l’économie algérienne. L’on ne note aucun résultat probant dans ce domaine.

    | Lire sur TSA : Emprunt obligataire : pourquoi c’est déjà un échec

    Ainsi, sur ce plan, la Banque d’Algérie fait preuve d’une certaine légèreté dans son analyse. Soit il s’agit d’une naïveté alarmante de la part d’une institution aussi stratégique, ou il s’agit de « sauver les apparences » en faisant preuve d’une démagogie tout aussi inquiétante. Dans les deux cas, cela traduit une incapacité, à l’heure actuelle, d’entreprendre les mesures qui s’imposent.

    Tewfik Abdelbari
    TSA
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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