Un scandale aux conséquences disproportionnées BRC, l’énigme d’une dissolution
La reconduction de Chakib Khelil à son poste de ministre de l’Energie et des Mines aurait pu faire illusion. Brown Roots and Condor (BRC), cette joint-venture algéro-américaine d’ingénierie et de construction, par laquelle est venu le scandale, va sauver son activité sous un autre nom.
C’était l’espoir caressé par les équipes de la plus américaine des filiales de Sonatrach. Elles doivent déchanter. « BRC va être dissoute aussitôt parti KBR, l’actionnaire américain, et l’activité qu’elle exerce, c’est-à-dire la conduite de grands projets de la phase de conception jusqu’à la livraison de l’ouvrage, va disparaître en Algérie », affirme un cadre de Sonatrach, proche du dossier. Le président Bouteflika veut faire disparaître le corps du délit. Il ne s’arrête pas aux autres considérations », explique un ancien commissaire au compte qui a travaillé avec Moumen Ould Kaddour, l’ancien PDG de BRC, aujourd’hui en prison. Les autres considérations ? Brown Roots and Condor est une entreprise florissante de plus de 1100 salariés, avec un chiffre d’affaires de 20 milliards de dinars en 2006, qui est la seule sans doute en Afrique, à maîtriser le métier très complexe de l’EPC (Engineering, Procrument and Construction), c’est-à-dire le traitement pour un client d’une commande globale d’équipement du début (conception) à la fin (réalisation), en passant par l’organisation de l’ensemble des achats liés au développement du projet. « En réalité, BRC ne peut pas être réduite à la boîte qui s’est sucrée sur le dos de Sonatrach et de l’ANP en surfacturant ses services. Elle a construit un véritable savoir-faire dans son métier. Elle a formé des équipes autour de projets, elle dispose d’une base de données unique des fournisseurs mondiaux pour toutes sortes d’achats, elle travaille avec toutes les certifications internationales. BRC, c’est un management qui a organisé du transfert de technologie », témoigne Saïd Benmerad, un chercheur en développement appliqué qui s’est intéressé à cette expérience. L’intérêt de développer un outil comme BRC ne fait aucun doute : « La plupart des grands contrats sont aujourd’hui traités en EPC. Le client veut avoir à faire à un seul partenaire qui va s’occuper de tout pour lui. Réaliser une raffinerie, une station de départ sur un gisement de gaz ou un hôpital militaire est très complexe. Et les entreprises qui savent manager au mieux de tels projets dans toutes leurs phases ne courent pas le monde », explique un de ses managers parti au lendemain de l’attentat de Bouchaoui contre les expatriés de la société. La mise à mort de BRC est donc suspendue au départ de l’actionnaire américain. « C’est la volonté politique supérieure. » Kellog Brown and Roots (KBR) est en train de négocier la cession de ses 49% de BRC à son autre grand associé, Sonatrach (40% du capital). La suite était encore un scénario ouvert pour les cadres algériens de BRC : « Ils ne vont tout de même pas disperser dans la nature une boîte comme ça, juste sur un coup de tête. » La réponse est celle-ci.
« C’est le contrat El Merkh qui a tout déclenché »
« Personne n’est capable de dire à Sonatrach ou dans le secteur de l’énergie pourquoi BRC va être dissous. Personne », s’élève un ancien cadre pétrolier à la retraite. Normal, la décision vient du bureau présidentiel et n’est susceptible d’aucune discussion. Essayons donc de comprendre. Il y a dix-huit mois environ, le ministre des Finances, Mourad Medelci, met l’IGF sur le dos de la gestion de BRC. Le rapport — divulgué dans la presse comme à chaque rite de mise à mort — est accablant. BRC a bénéficié d’un grand nombre de contrats en gré à gré, notamment avec Sonatrach et l’ANP et en a profité pour facturer ses prestations de manière plus que fantaisiste. Sonatrach et l’ANP ? C’est la souveraineté de l’Algérie qui a été abusée. Une information judiciaire est ouverte, le PDG de BRC Ould Kaddour est mis sous contrôle judiciaire. L’enquête va montrer si des pots-de-vin ont été versés en contrepartie à de telles largesses au profit de BRC. Les préjudices sont à essuyer du côté des clients de BRC. Des cadres de Sonatrach sont concernés par la procédure judiciaire, rien n’a filtré sur les officiers supérieurs de l’ANP qui sont dans la même situation. BRC a notamment obtenu les contrats en EPC de cinq hôpitaux militaires, celui de Constantine est le plus médiatisé, de plusieurs bases militaires d’aviation et d’un centre ultramoderne de criminologie pour la Gendarmerie nationale à Bouchaoui. Jusque-là rien de plus que la chronique épicée des transactions de marché en contexte algérien d’affaires. Mais voilà que le président Bouteflika donne ordre de chasser KBR, l’associé américain, et de dissoudre purement et simplement BRC. Toutes les tentatives — aussi discrètes que prudentes — de l’amener à sauver l’activité, à défaut du cadre juridique et du partenariat avec KBR, ont échoué.
La reconduction de Chakib Khelil à son poste de ministre de l’Energie et des Mines aurait pu faire illusion. Brown Roots and Condor (BRC), cette joint-venture algéro-américaine d’ingénierie et de construction, par laquelle est venu le scandale, va sauver son activité sous un autre nom.
C’était l’espoir caressé par les équipes de la plus américaine des filiales de Sonatrach. Elles doivent déchanter. « BRC va être dissoute aussitôt parti KBR, l’actionnaire américain, et l’activité qu’elle exerce, c’est-à-dire la conduite de grands projets de la phase de conception jusqu’à la livraison de l’ouvrage, va disparaître en Algérie », affirme un cadre de Sonatrach, proche du dossier. Le président Bouteflika veut faire disparaître le corps du délit. Il ne s’arrête pas aux autres considérations », explique un ancien commissaire au compte qui a travaillé avec Moumen Ould Kaddour, l’ancien PDG de BRC, aujourd’hui en prison. Les autres considérations ? Brown Roots and Condor est une entreprise florissante de plus de 1100 salariés, avec un chiffre d’affaires de 20 milliards de dinars en 2006, qui est la seule sans doute en Afrique, à maîtriser le métier très complexe de l’EPC (Engineering, Procrument and Construction), c’est-à-dire le traitement pour un client d’une commande globale d’équipement du début (conception) à la fin (réalisation), en passant par l’organisation de l’ensemble des achats liés au développement du projet. « En réalité, BRC ne peut pas être réduite à la boîte qui s’est sucrée sur le dos de Sonatrach et de l’ANP en surfacturant ses services. Elle a construit un véritable savoir-faire dans son métier. Elle a formé des équipes autour de projets, elle dispose d’une base de données unique des fournisseurs mondiaux pour toutes sortes d’achats, elle travaille avec toutes les certifications internationales. BRC, c’est un management qui a organisé du transfert de technologie », témoigne Saïd Benmerad, un chercheur en développement appliqué qui s’est intéressé à cette expérience. L’intérêt de développer un outil comme BRC ne fait aucun doute : « La plupart des grands contrats sont aujourd’hui traités en EPC. Le client veut avoir à faire à un seul partenaire qui va s’occuper de tout pour lui. Réaliser une raffinerie, une station de départ sur un gisement de gaz ou un hôpital militaire est très complexe. Et les entreprises qui savent manager au mieux de tels projets dans toutes leurs phases ne courent pas le monde », explique un de ses managers parti au lendemain de l’attentat de Bouchaoui contre les expatriés de la société. La mise à mort de BRC est donc suspendue au départ de l’actionnaire américain. « C’est la volonté politique supérieure. » Kellog Brown and Roots (KBR) est en train de négocier la cession de ses 49% de BRC à son autre grand associé, Sonatrach (40% du capital). La suite était encore un scénario ouvert pour les cadres algériens de BRC : « Ils ne vont tout de même pas disperser dans la nature une boîte comme ça, juste sur un coup de tête. » La réponse est celle-ci.
« C’est le contrat El Merkh qui a tout déclenché »
« Personne n’est capable de dire à Sonatrach ou dans le secteur de l’énergie pourquoi BRC va être dissous. Personne », s’élève un ancien cadre pétrolier à la retraite. Normal, la décision vient du bureau présidentiel et n’est susceptible d’aucune discussion. Essayons donc de comprendre. Il y a dix-huit mois environ, le ministre des Finances, Mourad Medelci, met l’IGF sur le dos de la gestion de BRC. Le rapport — divulgué dans la presse comme à chaque rite de mise à mort — est accablant. BRC a bénéficié d’un grand nombre de contrats en gré à gré, notamment avec Sonatrach et l’ANP et en a profité pour facturer ses prestations de manière plus que fantaisiste. Sonatrach et l’ANP ? C’est la souveraineté de l’Algérie qui a été abusée. Une information judiciaire est ouverte, le PDG de BRC Ould Kaddour est mis sous contrôle judiciaire. L’enquête va montrer si des pots-de-vin ont été versés en contrepartie à de telles largesses au profit de BRC. Les préjudices sont à essuyer du côté des clients de BRC. Des cadres de Sonatrach sont concernés par la procédure judiciaire, rien n’a filtré sur les officiers supérieurs de l’ANP qui sont dans la même situation. BRC a notamment obtenu les contrats en EPC de cinq hôpitaux militaires, celui de Constantine est le plus médiatisé, de plusieurs bases militaires d’aviation et d’un centre ultramoderne de criminologie pour la Gendarmerie nationale à Bouchaoui. Jusque-là rien de plus que la chronique épicée des transactions de marché en contexte algérien d’affaires. Mais voilà que le président Bouteflika donne ordre de chasser KBR, l’associé américain, et de dissoudre purement et simplement BRC. Toutes les tentatives — aussi discrètes que prudentes — de l’amener à sauver l’activité, à défaut du cadre juridique et du partenariat avec KBR, ont échoué.
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