Ceci est la confirmation que les places financières du Golfe joueront un rôle de plus en plus important dans l'avenir.
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Investissements. Depuis 2002, les monarchies pétrolières multiplient leurs participations dans des intérêts étrangers.
Depuis quelques mois, les fonds d’investissement du Golfe affichent un appétit tous azimuts : entreprises d’envergure mondiale, immobilier, sites stratégiques (aéroports, ports etc.), ils sont partout. En juillet, Dubai International Capital (DIC) entrait ainsi à hauteur de 3,12 % dans le capital du groupe franco-allemand EADS, maison mère d’Airbus. Et samedi, l’Arabic Finance Circle (AFC), un fonds basé à Dubaï, se déclarait intéressé par une prise de participation pouvant aller jusqu’à 20 % du capital de Munich Re, le deuxième réassureur mondial.
Explosion des revenus.
Le triplement des cours du brut entre 2002 et 2006, combiné à la croissance des quantités exportées, a entraîné une explosion des revenus des six pays du Golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis). Ils ont plus que doublé sur la période (327 milliards de dollars par an, soit 240 milliards d’euros) par rapport aux cinq années précédentes (146 milliards). Cette manne financière a ainsi stimulé les investissements et placements de ces pays à l’étranger, qui se sont élevés à 542 milliards de dollars sur l’ensemble de la période 2002-2006, selon un rapport de l’International Institute of Finance (IIF). La plupart de ces capitaux sont gérés par des fonds d’investissement étatiques ou par des individus très fortunés .
Les Etats-Unis d’abord
«Les Etats-Unis sont de loin la première destination des capitaux du Golfe», affirme Makram Sader, président de l’Association des banques du Liban. Sur les 542 milliards de dollars placés par les six pays du Conseil de coopération du golfe (CCG) à l’étranger, 300 milliards se sont ainsi dirigés vers les Etats-Unis contre seulement le tiers vers l’Europe, selon l’IIF. «De plus en plus de capitaux du Golfe s’investissent aussi dans les pays émergents, notamment en Chine et en Inde», souligne Raya Toubia, analyste financière à Dubaï. «Ces capitaux proviennent surtout des Emirats arabes unis, qui détiennent le plus grand surplus pétrolier parmi les six pays du CCG», ajoute Makram Sader. L’Arabie Saoudite, pourtant premier producteur mondial de brut, n’arrive qu’en deuxième position, car «ces dernières années, le pays a consacré une bonne partie de son surplus pétrolier au remboursement de sa dette», poursuit-il.
Immobilier et aéronautique
« Les capitaux du Golfe montrent un engouement certain pour l’immobilier», souligne un analyste financier londonien. Les fonds d’investissement des pays du CCG achètent à tour de bras immeubles, bureaux et hôtels prestigieux aussi bien dans les grandes villes occidentales (New York, Londres…) que dans les métropoles des pays émergents ou en développement. «Les fonds du Golfe privilégient aussi des secteurs stratégiques comme l’aéronautique», ajoute l’analyste londonien, qui explique que Dubaï «a l’ambition de devenir un hub [plate-forme de connections, ndlr] aéroportuaire». Les acquisitions des compagnies et fonds d’investissement des Emirats arabes unis dans le secteur se multiplient. Après la prise de participation du fond public DIC dans EADS le mois dernier, Dubai Aerospace Enterprise (DAE) a fait connaître son ambition d’entrer jusqu’à 60 % dans le capital de l’aéroport d’Auckland, au grand dam du pouvoir néo-zélandais, qui s’est déclaré la semaine dernière opposé à ce projet.
Investissements surveillés
Les gouvernements des pays d’accueil ne voient pas d’un très bon œil cet afflux des capitaux du Golfe. En juillet, la chancelière allemande, Angela Merkel, a proposé la mise en place de «mécanismes […] au niveau de l’Union européenne et de l’Allemagne» pour contrer la puissance «inédite» des fonds publics d’investissement. Aux Etats-Unis, les investissements des monarchies pétrolières dans les infrastructures stratégiques ne sont pas non plus particulièrement appréciés. Après l’achat de l’opérateur portuaire britannique P&O en mars 2006, Dubaï Ports World a dû revendre les actifs américains du groupe suite à l’opposition du Congrès. Le mois dernier, celui-ci a adopté une loi renforcant les pouvoirs de contrôle du gouvernement et des services de renseignement sur l’acquisition d’entreprises américaines par des capitaux étrangers. Dans les secteurs stratégiques, le protectionnisme est plus que jamais à l’ordre du jour.
Line Rifaï
14 août 2007. Liberation
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Investissements. Depuis 2002, les monarchies pétrolières multiplient leurs participations dans des intérêts étrangers.
Depuis quelques mois, les fonds d’investissement du Golfe affichent un appétit tous azimuts : entreprises d’envergure mondiale, immobilier, sites stratégiques (aéroports, ports etc.), ils sont partout. En juillet, Dubai International Capital (DIC) entrait ainsi à hauteur de 3,12 % dans le capital du groupe franco-allemand EADS, maison mère d’Airbus. Et samedi, l’Arabic Finance Circle (AFC), un fonds basé à Dubaï, se déclarait intéressé par une prise de participation pouvant aller jusqu’à 20 % du capital de Munich Re, le deuxième réassureur mondial.
Explosion des revenus.
Le triplement des cours du brut entre 2002 et 2006, combiné à la croissance des quantités exportées, a entraîné une explosion des revenus des six pays du Golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis). Ils ont plus que doublé sur la période (327 milliards de dollars par an, soit 240 milliards d’euros) par rapport aux cinq années précédentes (146 milliards). Cette manne financière a ainsi stimulé les investissements et placements de ces pays à l’étranger, qui se sont élevés à 542 milliards de dollars sur l’ensemble de la période 2002-2006, selon un rapport de l’International Institute of Finance (IIF). La plupart de ces capitaux sont gérés par des fonds d’investissement étatiques ou par des individus très fortunés .
Les Etats-Unis d’abord
«Les Etats-Unis sont de loin la première destination des capitaux du Golfe», affirme Makram Sader, président de l’Association des banques du Liban. Sur les 542 milliards de dollars placés par les six pays du Conseil de coopération du golfe (CCG) à l’étranger, 300 milliards se sont ainsi dirigés vers les Etats-Unis contre seulement le tiers vers l’Europe, selon l’IIF. «De plus en plus de capitaux du Golfe s’investissent aussi dans les pays émergents, notamment en Chine et en Inde», souligne Raya Toubia, analyste financière à Dubaï. «Ces capitaux proviennent surtout des Emirats arabes unis, qui détiennent le plus grand surplus pétrolier parmi les six pays du CCG», ajoute Makram Sader. L’Arabie Saoudite, pourtant premier producteur mondial de brut, n’arrive qu’en deuxième position, car «ces dernières années, le pays a consacré une bonne partie de son surplus pétrolier au remboursement de sa dette», poursuit-il.
Immobilier et aéronautique
« Les capitaux du Golfe montrent un engouement certain pour l’immobilier», souligne un analyste financier londonien. Les fonds d’investissement des pays du CCG achètent à tour de bras immeubles, bureaux et hôtels prestigieux aussi bien dans les grandes villes occidentales (New York, Londres…) que dans les métropoles des pays émergents ou en développement. «Les fonds du Golfe privilégient aussi des secteurs stratégiques comme l’aéronautique», ajoute l’analyste londonien, qui explique que Dubaï «a l’ambition de devenir un hub [plate-forme de connections, ndlr] aéroportuaire». Les acquisitions des compagnies et fonds d’investissement des Emirats arabes unis dans le secteur se multiplient. Après la prise de participation du fond public DIC dans EADS le mois dernier, Dubai Aerospace Enterprise (DAE) a fait connaître son ambition d’entrer jusqu’à 60 % dans le capital de l’aéroport d’Auckland, au grand dam du pouvoir néo-zélandais, qui s’est déclaré la semaine dernière opposé à ce projet.
Investissements surveillés
Les gouvernements des pays d’accueil ne voient pas d’un très bon œil cet afflux des capitaux du Golfe. En juillet, la chancelière allemande, Angela Merkel, a proposé la mise en place de «mécanismes […] au niveau de l’Union européenne et de l’Allemagne» pour contrer la puissance «inédite» des fonds publics d’investissement. Aux Etats-Unis, les investissements des monarchies pétrolières dans les infrastructures stratégiques ne sont pas non plus particulièrement appréciés. Après l’achat de l’opérateur portuaire britannique P&O en mars 2006, Dubaï Ports World a dû revendre les actifs américains du groupe suite à l’opposition du Congrès. Le mois dernier, celui-ci a adopté une loi renforcant les pouvoirs de contrôle du gouvernement et des services de renseignement sur l’acquisition d’entreprises américaines par des capitaux étrangers. Dans les secteurs stratégiques, le protectionnisme est plus que jamais à l’ordre du jour.
Line Rifaï
14 août 2007. Liberation
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