L’Algérie d’en bas des 90 milliards de dollars de réserves de change Encaisse dormante ou bijou cache-misère ?
par M. Saâdoune
On sait que ce genre de discours agace les spécialistes qui n’y voient qu’un populisme de mauvais aloi. La leçon est connue: les réserves de change, cela sert à se prémunir d’un choc extérieur, à défendre éventuellement sa monnaie et à financer un déficit de la balance de paiement.
Mais ceux qui ne comprennent pas qu’on soit pauvre avec un Etat riche, ont-ils forcément tort ? Ils ne se placent pas sur le terrain des experts mais sur le terrain politique. Les chiffres des réserves de change garantissent désormais trois ans d’importations, ce qui signifie qu’on évalue les importations à 30 milliards, ce qui est énorme. Si l’on prend pour critère les importations de 2006 (21,42 milliards de dollars), on a l’équivalent de 4 ans d’importations. Cette aisance financière est la preuve que l’argument de la «contrainte financière» n’explique pas les difficultés du pays et l’absence d’un vrai décollage économique. Avoir de l’argent n’est donc pas nécessairement un signe de bonne santé. Avoir des actifs monétaires, c’est bien sûr mieux que la précarité; mais s’ils ne sont pas transformés en facteurs de création de richesse, ils se limiteront à la fonction de garantie de la solvabilité du pays.
«Les réserves de change sui generis ne signifient qu’une aisance financière et elles ne constituent pas à elles seules la condition d’un décollage économique. C’est comme les bijoux que les dames exhibent lors des fêtes: ça brille, c’est joli, sont-elles riches pour autant, mangent-elles à leur faim, sont-elles logées ? C’est tout simplement de l’encaisse dormante, rien de plus », explique un économiste. La question lancinante des Algériens d’en bas rappelle en définitive que dans une politique économique, le mot « politique » n’a pas une fonction ornementale.
POURQUOI ÇA NE MARCHE PAS ?
Stricto sensu, les réserves de change servent à démontrer la solvabilité d’un pays, elles ne sont pas nécessairement un indicateur de bonne santé économique. Que l’on soit dans la gêne financière comme au début des années 90 ou dans l’opulence financière d’aujourd’hui, ne change pas beaucoup aux « fondamentaux » du problème: on continue d’exhiber des bijoux, ça ne donne pas forcément une économie. Même le revirement idéologique présumé du socialisme au libéralisme autoritaire ne change pas grand-chose aux «constantes». La question est de l’ordre du politique, dont la négation n’a jamais été aussi forte: le problème crucial de l’absence de performance économique globale relève d’un dysfonctionnement de l’Etat. Il nous rappelle, au-dessus de la montagne de dollars, qu’une politique économique suppose du droit et des règles de jeu opposables à tous. S’il faut rejeter le populisme, il faut néanmoins admettre que les Algériens d’en bas posent la bonne question: pourquoi ça ne marche pas malgré l’aisance financière, pourquoi nos potentialités ne se transforment pas en réalités concrètes ?
Par quelque bout qu’on le prenne, on revient à la politique: transformer un potentiel financier en dynamique de création de richesses et en amélioration sensible et durable des conditions d’existence, impose donc que l’on identifie froidement les dysfonctionnements. A-t-on un Etat de droit, existe-t-il des politiques efficaces, existe-t-il un climat de confiance, les acteurs économiques sont-ils mobilisés, les investisseurs reçoivent-ils des signaux clairs ? On le voit, on est loin des questions de trésorerie mais en plein dans la politique. Les réserves peuvent être un élément d’une politique, elles ne sont pas plus importantes sans droit commercial, sans douanes efficaces, sans fiscalité juste...
On est là dans les standards minimaux. Où est l’obstacle ? Il est bien dans la rente qui nous a conduits à la crise et qui risque de nous y maintenir. Pour s’enrichir en Algérie, point n’est besoin de créer, il suffit seulement d’être installé à un carrefour politico-administratif propice. C’est cela le problème. 90 milliards c’est beaucoup, mais cela risque aussi de n’être rien.
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