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Les spéculateurs internationaux, affameurs des peuples

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  • Les spéculateurs internationaux, affameurs des peuples

    “En quarante ans de commerce, je n’ai, personnellement, jamais assisté à un tel enchaînement de hausses des prix. Avant, ils y avaient des hausses de 10, 20 centimes de temps en temps, ce qui faisait déjà grogner les consommateurs. Aujourd’hui, les hausses sont à coup de 50 centimes et se succèdent à un rythme quasi quotidien. C’est du jamais vu ! En un mois, la semoule a vu son prix augmenter de 3 Dhs !

    Depuis les derniers mois de l’année 2007 et le début de l’année 2008, soit en six mois, les hausses se suivent à un rythme vertigineux » déclare un commerçant de détail à Kenitra.


    Outré, le commerçant s’insurge : « Le commerçant est en contact permanent avec les consommateurs. C’est aussi un consommateur, mais il joue également le rôle de bouc émissaire à chaque hausse des prix, alors qu’il n’intervient qu’au bout de la chaîne, qui commence par l’importateur ou le producteur et passe par plusieurs intermédiaires. Mais nous, commerçants, sommes les seuls à payer les pots cassés dans nos relations avec les clients ».


    Et d’ajouter : « Il faut bien informer les citoyens de ce qui se passe et de ce qui reste à venir. Il faut leur expliquer les tenants et aboutissants de cette situation. Nous savons que ces augmentations sont dictées par les marchés internationaux et que nous ne sommes pas les seuls dans cette situation.


    C’est aussi le cas de la France, de l’Algérie, de la Tunisie, de l’Egypte, du Soudan et même de l’Arabie Saoudite, en ce qui concerne l’augmentation des prix des céréales. Ces céréales dont les puissants pays ont décidé d’en faire du carburant et de laisser les ventres affamés. Nous savons aussi que l’Etat assume ses responsabilités en ce qui concerne les produits de consommation subventionnés ».


    Le premier mois de l’année 2008 a enregistré une augmentation de l’indice du coût de la vie de l’ordre de 1,7% par rapport au mois de janvier 2007. Les seuls produits alimentaires ont connu, pour leur part, une hausse de leur indice de 3,3%. Pour toute l’année écoulée, l’augmentation de l’indice du coût de la vie s’est chiffrée à 2%, celui des produits alimentaires à 3,2%.


    L’inflation en 2007 était de 2,2% alors que le taux de croissance de l’économie n’a pas dépassé les 2%. Les prévisions pour l’année 2008 sont meilleures, 5 à 6% de taux de croissance du PIB et une inflation jugulée à 2%.


    Seulement, les concepteurs du budget ont tablé sur un baril de pétrole au prix moyen de 75 dollars, alors que sur les marchés internationaux, les cours varient au dessus des 100 dollars.
    « Selon des études effectuées, chaque hausse de 10% du prix des hydrocarbures entraîne un renchérissement de 4% du coût de la vie. Il ne faut pas oublier que le pétrole entre à hauteur de 20 à 30%, en moyenne, dans le coût de fabrication de n’importe quel produit », explique le Pr. Mohamed Ezznati, professeur d’économie à l’Université Ibn Tofaïl, lors d’un séminaire organisé à Kenitra par l’Association marocaine de protection et d’orientation du consommateur (AMPOC).


    Les plus défavorisés, les premiers à trinquer


    Où en est le Maroc en matière de sécurité alimentaire ? « Un pays est dit auto suffisant sur le plan alimentaire quand ce pays produit localement 70% de ses besoins, explique le Pr. Ezznati. Il y a les pays très riches, qui produisent plus de 85% de leurs besoins alimentaires et ont, en outre, les moyens d’importer ce qui leur manque, sans que cela ne les gêne, même quand les prix s’envolent.


    Il y a les pays très pauvres, au nombre de 49, dont 28 pays dits « club des affamés ».


    Le Maroc n’est ni l’un des pays des moins avancés, ni un pays riche, ni un pays expressément émergent, à l’exemple de la Chine, de Singapour et de la Malaisie. Le Maroc est un pays pauvre qui produit moins de 50% de ses besoins alimentaires. En outre, nos ressources sont fort limitées, c’est-à-dire que le coût de nos importations pèse sur nos faibles moyens. C’est-à-dire que nous sommes dans le cas d’un père de famille qui touche le SMIG. Lorsque les prix augmentent, il procède à un arbitrage. Il préfère, dans ces conditions, réduire les autres postes de dépenses, dont celui de la scolarisation de ses enfants, pour financer celui de l’alimentation, incompressible.


    Le budget du Maroc ne dépasse pas les 12 milliards de dollars. D’où viennent les fonds consacrés à la caisse de compensation, 13 milliards de Dhs l’année écoulée, 20 milliards de Dhs cette année, alloués à la subvention des produits de première nécessité ? C’est autant d’argent qui n’ira pas aux budgets de la santé, de l’enseignement, etc. De toute manière, la Caisse de compensation a le même effet qu’un calmant. C’est juste pour amoindrir les douleurs.


    Avec l’apparition du phénomène récurrent de la sécheresse, le Maroc a fait un choix lourd de conséquences au début des années 80. A l’époque, les prix des céréales n’étaient pas élevés sur les marchés internationaux, pas plus de 50 dollars la tonne. Le Maroc a alors choisi de se consacrer au tourisme et à l’industrie, en se disant qu’il aura ainsi les moyens d’acheter ce dont il a besoin comme produits alimentaires. Ce qu’on ne pouvait savoir, c’est que ces céréales allaient devenir un carburant pour voitures. Mieux encore, le premier avion à voler au biocarburant a pris pour la première fois les airs, il y a deux mois.


    L’humanité exploite 49 millions d’hectares pour la production alimentaire, 15 millions d’hectares pour l’agriculture, dont l’essentiel dans les pays développés, et le reste pour l’élevage. Comme leurs habitudes alimentaires sont basées sur la consommation des viandes, alors que les nôtre sont basées sur les céréales, nous ne devons pas nous attendre à ce que cette proportion soit modifiée.


    Cette flambée des prix et du recul du pouvoir d’achat des citoyens ne restera pas sans conséquences sur la situation économique, sociale et politique. Ce sont les populations pauvres et fragiles qui souffrent le plus de cette flambée des prix ».


    Lutter contre la spéculation et stimuler le développement


    Selon les données de l’enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages de 1998/1999, le Marocain moyen dépense 7823 dirhams par an, soit près de 652 dirhams par mois. La détermination de ce seuil est basée sur l’estimation des dépenses alimentaires et non alimentaires. Pour les premières, il s’agit du coût d’un panier des biens alimentaires qui garantit le niveau d’énergie nutritive de 2000 Kilocalories (soit 2400 Kilocalories pour un adulte).


    On définit ainsi le seuil de pauvreté alimentaire qui s’élève, en 1998, à 1962 DH par personne et par an dans les villes et à 1878 DH par personnes et par an dans les campagnes.


    Selon la Banque Mondiale, la « pauvreté économique » frappe aujourd’hui 44% de la population marocaine, soit 12 millions de personnes, contre 35% dix ans auparavant. Par « vulnérable », il faut entendre les Marocains vivant en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté est le niveau de revenu permettant aux ménages de subvenir à leurs besoins alimentaires minimaux (2400 k/cal par jour et par personne) et d’assurer quelques dépenses non alimentaires (habillement, santé, logement).


    Au-delà de ce seuil de pauvreté relative, il y a pauvreté absolue, c’est-à-dire quand des ménages consacrent la totalité de leurs ressources à la nourriture.


    10% des Marocains sont dans cette situation. La pauvreté alimentaire, c’est quand les ménages ne disposent pas du minimum alimentaire. C’est le cas de 3,3% des Marocains, trois fois plus qu’en 1991.


    « Dans des situations de crise, comme celle que nous vivons actuellement, insiste le Pr. Ezznati, ce ne sont pas les seuls consommateurs qui devront supporter la flambée de prix. Les opérateurs de la filière de commercialisation, importation, stockage et distribution, devraient également supporter une partie de la hausse des prix. Il faut également lutter contre la spéculation. Dans le renchérissement des prix de l’immobilier, il y a une bonne part de spéculation. Au Maroc, le taux d’épargne est plus élevé que le taux d’investissement, 31% contre 27%.


    C’est-à-dire qu’il y a une grande disponibilité de liquidité. Qu’en font les banques ? Cherchant à faire du profit, ce qui est légitime, elles prêtent à des spéculateurs qui achètent des terrains pour les revendre, deux à trois années plus tard, avec une bonne marge bénéficiaire. Ce genre de crédit est d’autant plus garanti pour les banques qu’il s’appuie sur un bien cessible en cas de défaut de paiement, c’est-à-dire le terrain. Mais ce sont les citoyens qui en paient le prix. Toute cette épargne devrait, donc, être plutôt consacrée aux activités productives. La seule solution au problème, à terme, est le développement économique ».

  • #2
    Selon vous, professeur, à quoi faut-il s’attendre dans l’avenir ?


    « Le pire des scénarios ? Si persistent tel qu’à présent la croissance économique des pays asiatiques et leur appétit de consommation, la cherté du prix du baril de pétrole, l’allocation croissante de surfaces agricoles à la production des biocarburants, la crise dans les relations internationales et autres facteurs décisifs, la hausse des prix des produits alimentaires devrait se poursuivre ! »

    Ahmed NAJI et Asmâa RHLALOU

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