Très, très pessimistes...
MOKHTAR Mbow, ex-Directeur Général de l’UNESCO qui était récemment interviewé par la télévision marocaine, disait quelque chose qui pourrait nous inspirer, dans un sens, comme dans l’autre... Il y a, expliquait-il en substance, des pays qui sont dans le peloton de tête mondial sans avoir d’autre richesse que le savoir. Et de donner pour exemple le Japon, une des plus grandes puissances mondiales dont le capital initial a été sa seule matière grise !
Les Marocains - qui se prennent aujourd’hui la tête entre les deux mains en regardant leur système scolaire - peuvent, soit tirer des paroles de Mokhtar Mbow un grand motif d’espoir, se disant que le savoir est à leur portée et, donc, le peloton de tête aussi. Soit désespérer définitivement de pouvoir un jour exploiter ce capital, tant la situation actuelle est affligeante et les perspectives compromises.
C’est vrai. Il y a aujourd’hui un sursaut au niveau des plus hautes sphères de l’Etat où l’on reconnaît sans réserve la faillite de l’enseignement à toutes ses étapes (du pré-scolaire à l’universitaire, en passant par le primaire et le secondaire). Le sursaut semble sérieux. Le rapport du Conseil supérieur de l’enseignement (CSE) qui vient d’être présenté au Roi en est une preuve. Le plan d’urgence annoncé par le ministre de l’éducation nationale, en est une autre. Et le cabinet international qui planche actuellement sur le système éducatif marocain et dont les conclusions devraient servir de base à une réforme radicale, en est une troisième...
Mais le temps n’est plus aux illusions. La pente est dure à remonter. Près de la moitié de la population est analphabète (46%). C’est à peine avouable et en tout cas inadmissible au 21ème siècle et troisième millénaire. Qui, au Maroc, croit encore à l’école comme ascenseur social ? Les phrases comme « tu étudieras, mon fils et tu deviendras un grand docteur ou un grand ingénieur », ne font plus rêver personne. Les docteurs et ingénieurs se comptent par dizaines dans l’association des diplômés chômeurs et se font systématiquement corriger par les forces de l’ordre devant le Parlement quand ils décident d’y tenir leurs inutiles sit in.
L’écolier qui boit les paroles de « l’instit » et « l’instit » qui enseigne à l’enfant l’amour du savoir, n’est qu’une image d’Epinal, depuis longtemps jaunie et reléguée aux oubliettes. Ni l’écolier, ni « l’instit » ne sont plus ce qu’ils étaient. Le premier ne découvre plus le monde à l’école, mais dans la rue et à la télé, selon son appartenance à telle ou telle catégorie sociale. Le second, aux prises avec une foultitude de difficultés, ne sait plus rien enseigner (avec le temps et la hausse continue du coût de la vie, « l’instit » a vu son rang social se dégrader, passant de la classe moyenne à ce que Marx appelait la classe prolétarienne).
Au collège, c’est pire. Là se perd immanquablement le peu de « bonne éducation » que les parents arrivent tant bien que mal à inculquer à leurs enfants. Les lycées sont presque tous devenus des lieux où circulent non seulement les cigarettes, mais aussi les psychotropes, où de petits caïds constituent des bandes organisées et où les adolescents apprennent tout, sauf ce que doivent leur enseigner leurs programmes scolaires. Dans certains cas d’établissements publics, les adolescents font régner la terreur et, même s’ils le voulaient, les enseignants, seuls, ne pourraient rien faire pour redresser la situation. Quand on apprend qu’il est des établissements aux portes desquels la bière est vendue à 1,50 DH le verre (comme les cigarettes au détail), on reste pantois !
En ce qui concerne les universités, inutile de remuer le couteau dans la plaie. Il n’y en a pas une qui ne soit passée sous l’influence des islamistes. Et « la fac » qui était, à l’époque, un haut lieu de liberté de pensée, est devenue, peu à peu, une machine à fabriquer des interdits. La course au savoir a été supplantée par un combat de dogmes. Au lieu de chercher à inventer un GSM, un transistor, une voiture, ou à copier ce qu’on n’invente pas (comme faisaient il y a longtemps les Japonais et font aujourd’hui les Chinois), nos jeunes universitaires s’entretuent pour savoir comment montrer ou ne pas montrer sa foi ou son absence de foi...
On le voit, avant que le Maroc ne puisse prétendre au développement par la connaissance, il coulera bien de l’eau sous les ponts ! Mais une chose est sûre : plus tard on s’y mettra, plus tard on y arrivera.
Bahia Amrani (Le reopter)
Mis en ligne le 28 avril 2008
MOKHTAR Mbow, ex-Directeur Général de l’UNESCO qui était récemment interviewé par la télévision marocaine, disait quelque chose qui pourrait nous inspirer, dans un sens, comme dans l’autre... Il y a, expliquait-il en substance, des pays qui sont dans le peloton de tête mondial sans avoir d’autre richesse que le savoir. Et de donner pour exemple le Japon, une des plus grandes puissances mondiales dont le capital initial a été sa seule matière grise !
Les Marocains - qui se prennent aujourd’hui la tête entre les deux mains en regardant leur système scolaire - peuvent, soit tirer des paroles de Mokhtar Mbow un grand motif d’espoir, se disant que le savoir est à leur portée et, donc, le peloton de tête aussi. Soit désespérer définitivement de pouvoir un jour exploiter ce capital, tant la situation actuelle est affligeante et les perspectives compromises.
C’est vrai. Il y a aujourd’hui un sursaut au niveau des plus hautes sphères de l’Etat où l’on reconnaît sans réserve la faillite de l’enseignement à toutes ses étapes (du pré-scolaire à l’universitaire, en passant par le primaire et le secondaire). Le sursaut semble sérieux. Le rapport du Conseil supérieur de l’enseignement (CSE) qui vient d’être présenté au Roi en est une preuve. Le plan d’urgence annoncé par le ministre de l’éducation nationale, en est une autre. Et le cabinet international qui planche actuellement sur le système éducatif marocain et dont les conclusions devraient servir de base à une réforme radicale, en est une troisième...
Mais le temps n’est plus aux illusions. La pente est dure à remonter. Près de la moitié de la population est analphabète (46%). C’est à peine avouable et en tout cas inadmissible au 21ème siècle et troisième millénaire. Qui, au Maroc, croit encore à l’école comme ascenseur social ? Les phrases comme « tu étudieras, mon fils et tu deviendras un grand docteur ou un grand ingénieur », ne font plus rêver personne. Les docteurs et ingénieurs se comptent par dizaines dans l’association des diplômés chômeurs et se font systématiquement corriger par les forces de l’ordre devant le Parlement quand ils décident d’y tenir leurs inutiles sit in.
L’écolier qui boit les paroles de « l’instit » et « l’instit » qui enseigne à l’enfant l’amour du savoir, n’est qu’une image d’Epinal, depuis longtemps jaunie et reléguée aux oubliettes. Ni l’écolier, ni « l’instit » ne sont plus ce qu’ils étaient. Le premier ne découvre plus le monde à l’école, mais dans la rue et à la télé, selon son appartenance à telle ou telle catégorie sociale. Le second, aux prises avec une foultitude de difficultés, ne sait plus rien enseigner (avec le temps et la hausse continue du coût de la vie, « l’instit » a vu son rang social se dégrader, passant de la classe moyenne à ce que Marx appelait la classe prolétarienne).
Au collège, c’est pire. Là se perd immanquablement le peu de « bonne éducation » que les parents arrivent tant bien que mal à inculquer à leurs enfants. Les lycées sont presque tous devenus des lieux où circulent non seulement les cigarettes, mais aussi les psychotropes, où de petits caïds constituent des bandes organisées et où les adolescents apprennent tout, sauf ce que doivent leur enseigner leurs programmes scolaires. Dans certains cas d’établissements publics, les adolescents font régner la terreur et, même s’ils le voulaient, les enseignants, seuls, ne pourraient rien faire pour redresser la situation. Quand on apprend qu’il est des établissements aux portes desquels la bière est vendue à 1,50 DH le verre (comme les cigarettes au détail), on reste pantois !
En ce qui concerne les universités, inutile de remuer le couteau dans la plaie. Il n’y en a pas une qui ne soit passée sous l’influence des islamistes. Et « la fac » qui était, à l’époque, un haut lieu de liberté de pensée, est devenue, peu à peu, une machine à fabriquer des interdits. La course au savoir a été supplantée par un combat de dogmes. Au lieu de chercher à inventer un GSM, un transistor, une voiture, ou à copier ce qu’on n’invente pas (comme faisaient il y a longtemps les Japonais et font aujourd’hui les Chinois), nos jeunes universitaires s’entretuent pour savoir comment montrer ou ne pas montrer sa foi ou son absence de foi...
On le voit, avant que le Maroc ne puisse prétendre au développement par la connaissance, il coulera bien de l’eau sous les ponts ! Mais une chose est sûre : plus tard on s’y mettra, plus tard on y arrivera.
Bahia Amrani (Le reopter)
Mis en ligne le 28 avril 2008
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