Un rapport du Haut-commissariat au plan, publié ce mardi 7 décembre 2021, invite à faire de ce sujet une priorité nationale en définissant les secteurs dans lesquels une stratégie de reconquête est encore possible. Être le premier exportateur de pommes de terre et importer des chips et des frites, est-ce bien raisonnable ?
La France exporte 40 % de son lait mais importe les robots de traite. Elle est le premier producteur mondial de pommes de terre et doit importer des frites.
Ouest-France Patrice MOYON. Publié le 07/12/2021 à 09h05
Certains chiffres font mal. C’est le cas de celui du commerce extérieur. En moyenne, le commerce extérieur de notre pays est déficitaire de quelque 75 milliards d’euros sur les dernières années, alors que le commerce extérieur allemand est excédentaire de plus de 200 milliards d’euros. On imagine la différence de capacité d’investissement et de soutien de solidarité que traduit l’écart entre ces deux chiffres, souligne François Bayrou dans l’introduction du rapport consacré au commerce extérieur français, publié ce mardi 7 décembre 2021.
Oui, il y a urgence. C’est aussi ce que pense Bruno Le Maire, ministre de l’Économie. Lors d’une rencontre à Bercy avec des journalistes en charge de l’économie, au début du mois de septembre. Il avait rappelé l’importance de cette question. Elle ne date pas d’hier. Alors que le solde commercial de la France était proche de l’équilibre au début des années 2000, il a été négatif de 80 milliards d’euros en 2020. Notre déficit avec l’Allemagne a doublé entre 2001 et 2019, passant de 8,3 milliards d’euros à 15,21 milliards d’euros. Les parts de marché à l’export de la France au niveau mondial ont fondu comme neige au soleil, passant de 6,3 % en 1990 à 3 % en 2019.
Les raisons du décrochage
Les difficultés du commerce extérieur français sont d’abord le résultat d’un choix politique. La France a sacrifié l’industrie en misant sur les services. Son poids dans le PIB est passé de 23 % en 1980 à 13,5 % en 2019. Or, la moyenne dans l’Union européenne à 27 est de 19,7 %. 2,2 millions d’emplois ont été perdus par l’industrie depuis 1980. Pour le Haut-commissaire au plan, ces chiffres traduisent des fractures croissantes qui fragmentent nos sociétés ».
Ces frites qu’on pourrait produire en France
L’exemple donné par François Bayrou peut faire sourire. Mais il est révélateur du décrochage français. La France est le premier exportateur mondial de pommes de terre. Mais nous sommes gravement déficitaires en chips, flocons de purée et sur d’autres produits transformés du même secteur agroalimentaire.
Le même phénomène est observé dans la filière bois. La France exporte du bois qu’elle réimporte sous forme de produits transformés. De la même façon, la France exporte 40 % de sa production laitière elle est en revanche importatrice de machines à traire en provenance de deux pays : la Suède et les Pays-Bas. Troisième exportateur mondial de blé, la France est aussi importatrice nette de moissonneuses-batteuses. Le constat est sévère, à bien des égards s’est développée une économie de pays en développement.
L’amorce d’un rebond
En faisant le choix d’une politique de l’offre dans la dernière partie de son quinquennat, François Hollande a amorcé une inflexion poursuivie depuis cinq ans. L’accent mis sur la formation, la fiscalité, la diminution des impôts de production semble commencer à porter ses fruits estime le rapport. L’industrie française ne détruit plus d’emplois. Elle a même recommencé à créer : +30 000 entre 2017 et 2019. Plaider pour l’industrie, c’est redonner une seconde chance aux territoires. La plupart des projets industriels sont en effet réalisés dans des villes moyennes.
Stratégie de reconquête
Le rapport liste 846 produits dans lesquels le déficit de la balance commerciale est supérieur à 50 millions d’euros. Le rapport définit trois paramètres pour guider une stratégie de reconquête industrielle : l’existence d’une demande nationale pérenne, des débouchés à l’export et l’existence d’atouts de production et d’innovation.
Cette étude du Haut-commissariat au plan propose de fédérer, sous le pilotage de l’État, une stratégie nationale en s’appuyant sur les grandes entreprises et avec l’objectif de protéger les jeunes pousses. Une telle stratégie public privé (État entreprises de pointe- grandes entreprises- ETI et PME) est à nos yeux l’une des conditions essentielles de la reconquête, analyse ce rapport qui n’exclut pas des prises de participation nationales dans des entreprises maîtrisant ces productions depuis l’étranger.
Rien n’est dit en revanche sur le poids de la fiscalité dans les difficultés actuelles du commerce extérieur. De nombreux industriels dénoncent le poids des impôts de production. La France représente 33 % des impôts de production nets dans l’Union européenne à 28 pour seulement 15 % de la création de valeur ajoutée en 2019, rappelle l’Institut Molinari dans un rapport récent.
La France exporte 40 % de son lait mais importe les robots de traite. Elle est le premier producteur mondial de pommes de terre et doit importer des frites.
Ouest-France Patrice MOYON. Publié le 07/12/2021 à 09h05
Certains chiffres font mal. C’est le cas de celui du commerce extérieur. En moyenne, le commerce extérieur de notre pays est déficitaire de quelque 75 milliards d’euros sur les dernières années, alors que le commerce extérieur allemand est excédentaire de plus de 200 milliards d’euros. On imagine la différence de capacité d’investissement et de soutien de solidarité que traduit l’écart entre ces deux chiffres, souligne François Bayrou dans l’introduction du rapport consacré au commerce extérieur français, publié ce mardi 7 décembre 2021.
Oui, il y a urgence. C’est aussi ce que pense Bruno Le Maire, ministre de l’Économie. Lors d’une rencontre à Bercy avec des journalistes en charge de l’économie, au début du mois de septembre. Il avait rappelé l’importance de cette question. Elle ne date pas d’hier. Alors que le solde commercial de la France était proche de l’équilibre au début des années 2000, il a été négatif de 80 milliards d’euros en 2020. Notre déficit avec l’Allemagne a doublé entre 2001 et 2019, passant de 8,3 milliards d’euros à 15,21 milliards d’euros. Les parts de marché à l’export de la France au niveau mondial ont fondu comme neige au soleil, passant de 6,3 % en 1990 à 3 % en 2019.
Les raisons du décrochage
Les difficultés du commerce extérieur français sont d’abord le résultat d’un choix politique. La France a sacrifié l’industrie en misant sur les services. Son poids dans le PIB est passé de 23 % en 1980 à 13,5 % en 2019. Or, la moyenne dans l’Union européenne à 27 est de 19,7 %. 2,2 millions d’emplois ont été perdus par l’industrie depuis 1980. Pour le Haut-commissaire au plan, ces chiffres traduisent des fractures croissantes qui fragmentent nos sociétés ».
Ces frites qu’on pourrait produire en France
L’exemple donné par François Bayrou peut faire sourire. Mais il est révélateur du décrochage français. La France est le premier exportateur mondial de pommes de terre. Mais nous sommes gravement déficitaires en chips, flocons de purée et sur d’autres produits transformés du même secteur agroalimentaire.
Le même phénomène est observé dans la filière bois. La France exporte du bois qu’elle réimporte sous forme de produits transformés. De la même façon, la France exporte 40 % de sa production laitière elle est en revanche importatrice de machines à traire en provenance de deux pays : la Suède et les Pays-Bas. Troisième exportateur mondial de blé, la France est aussi importatrice nette de moissonneuses-batteuses. Le constat est sévère, à bien des égards s’est développée une économie de pays en développement.
L’amorce d’un rebond
En faisant le choix d’une politique de l’offre dans la dernière partie de son quinquennat, François Hollande a amorcé une inflexion poursuivie depuis cinq ans. L’accent mis sur la formation, la fiscalité, la diminution des impôts de production semble commencer à porter ses fruits estime le rapport. L’industrie française ne détruit plus d’emplois. Elle a même recommencé à créer : +30 000 entre 2017 et 2019. Plaider pour l’industrie, c’est redonner une seconde chance aux territoires. La plupart des projets industriels sont en effet réalisés dans des villes moyennes.
Stratégie de reconquête
Le rapport liste 846 produits dans lesquels le déficit de la balance commerciale est supérieur à 50 millions d’euros. Le rapport définit trois paramètres pour guider une stratégie de reconquête industrielle : l’existence d’une demande nationale pérenne, des débouchés à l’export et l’existence d’atouts de production et d’innovation.
Cette étude du Haut-commissariat au plan propose de fédérer, sous le pilotage de l’État, une stratégie nationale en s’appuyant sur les grandes entreprises et avec l’objectif de protéger les jeunes pousses. Une telle stratégie public privé (État entreprises de pointe- grandes entreprises- ETI et PME) est à nos yeux l’une des conditions essentielles de la reconquête, analyse ce rapport qui n’exclut pas des prises de participation nationales dans des entreprises maîtrisant ces productions depuis l’étranger.
Rien n’est dit en revanche sur le poids de la fiscalité dans les difficultés actuelles du commerce extérieur. De nombreux industriels dénoncent le poids des impôts de production. La France représente 33 % des impôts de production nets dans l’Union européenne à 28 pour seulement 15 % de la création de valeur ajoutée en 2019, rappelle l’Institut Molinari dans un rapport récent.
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