Par Guillaume de Calignon Les Echos Publié le 4 juil. 2022 à 18:49
La Turquie viendra-t-elle à bout de la spirale inflationniste qui s'est mise en place dans le pays ? Mois après mois, la réponse à cette question devient plus urgente mais on n'en voit pas encore les prémices. En effet, l'inflation a atteint 78,6 % au mois de juin sur un an. En un mois, les prix ont globalement augmenté de 5 %.
L'inflation n'avait jamais atteint de tels niveaux depuis l'arrivée au pouvoir en 2003 du président Erdogan, qui jouera sa réélection en juin 2023. Le prix des transports a bondi de 123 % en un an, celui de l'alimentation de 94 %. Et le pouvoir d'achat des Turcs est en net repli. Certes, la baisse reste contenue, les salaires ayant augmenté de... 68 % au premier trimestre sur un an, mais elle est bien réelle. L'exécutif en a conscience. Le salaire minimum a été augmenté de 50 % au 1er janvier dernier et, face à la persistance de l'inflation, le gouvernement a décidé de le relever de nouveau de près de 30 % ce mois-ci.
Ces décisions sont évidemment les bienvenues à court terme pour assurer aux salariés les plus fragiles une certaine défense de leur niveau de vie. Mais elles sont elles-mêmes inflationnistes. Une hausse de 10 % du salaire minimum entraîne une progression de 1 % de l'inflation, selon la Banque centrale turque. Or, on ne voit pas très bien comment le gouvernement reprendra le contrôle de l'inflation.
La livre turque en forte baisse
Le pays, qui compte 84 millions d'habitants, est fortement importateur d'hydrocarbures, dont les prix ont explosé ces derniers mois, et de produits alimentaires. La guerre en Ukraine est donc une catastrophe pour l'économie turque.
Ensuite, la livre turque a perdu la moitié de sa valeur par rapport au dollar depuis un an. Les taux d'intérêt sont en effet à un niveau inchangé depuis un an alors que l'inflation n'a fait que grimper. Le président Recep Tayyip Erdoğan refuse que la Banque centrale augmente ses taux, arguant que des taux bas stimulent l'investissement et la croissance. Sauf que cela entraîne d'abord une perte de confiance des investisseurs dans la monnaie turque et participe largement à la flambée inflationniste. Tant et si bien que le gouvernement est contraint de mettre en place une sorte de contrôle des capitaux.
Tous ces facteurs nourrissent la hausse des coûts des entreprises. Ceux-ci ont grimpé de près de 140 % en juin sur un an, ce qui se répercutera mécaniquement tôt ou tard, sur les prix de vente et donc sur l'inflation . Voilà comment, selon le FMI, l'inflation en Turquie devrait dépasser celle de l'Argentine cette année et s'approcher des records enregistrés par le Venezuela, le Soudan et le Zimbabwe...
Pour l'instant, la production industrielle tient, tout comme l'emploi et la croissance. Mais pas sûr que cela soit parti pour durer. Sur les marchés, le prix pour s'assurer contre une faillite de l'Etat turc à cinq ans a grimpé de 50 % depuis le début de l'année, signe de la défiance des investisseurs vis-à-vis de la politique économique du président Erdogan.
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