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Démantèlement d’Atos : l’inexplicable silence de l’État

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  • Démantèlement d’Atos : l’inexplicable silence de l’État

    Il n’y a pas que la dissuasion nucléaire qui soit stratégique chez Atos. Nombre de services à la nation sont liés au groupe et risquent de filer dans l’opération de cession à Daniel Kretinsky, sans que l’État demande la moindre garantie sur leur avenir.

    LeLe silence est assourdissant. Depuis le début du scandale Atos, l’exécutif se tait. Et ce manque de réaction ne cesse d’interroger au moment où le cas Atos tourne à la bérézina. « L’absence de l’État dans ce dossier est incompréhensible », dit un connaisseur de l’affaire, résumant le sentiment général.

    Alors qu’il a su se mobiliser pour défendre Danone, érigé en « cathédrale nationale » par son fondateur Antoine Riboud, ces dernières années, ou, plus récemment, bloquer la tentative d’OPA du groupe canadien Couche-Tard sur Carrefour, pourquoi n’intervient-il pas sur le dossier Atos ? Interrogé sur le sujet, le ministère des finances met en avant le fait qu’il n’est pas actionnaire d’Atos. Mais il n’était pas non plus actionnaire de Casino ou d’Orpea…

    Ces dernières semaines, certains tentaient d’expliquer la passivité de l’État par la volonté de minimiser l’opération de cession d’une partie des activités du groupe à Daniel Kretinsky. Opération à laquelle Alexis Kohler, « le dealmaker de l’Élysée », selon l’expression du sénateur de Belfort Cédric Perrin (Les Républicains), a donné son feu vert. D’autres ajoutaient que mettre la lumière sur Atos risquait de faire remonter le passé et nuire à Thierry Breton, ancien président d’Atos.

    « C’est le seul commissaire européen français. Et il fait plutôt du bon travail. Il est même en position de briguer la présidence de la prochaine Commission. L’Élysée ne veut pas l’embarrasser en faisant trop de bruit sur Atos, dont il a été le président », dit un observateur.

    Agrandir l’image : Illustration 1Édouard Philippe, Alexis Kohler, Bruno Le Maire et Daniel Kretinsky. © Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart avec AFP

    Pour d’autres, la débâcle actuelle du groupe de services numériques est le fruit de « la superficialité » avec laquelle l’exécutif a considéré le dossier, de son absence de vision et de stratégie. « Ils n’ont pas vraiment étudié le sujet. Meunier [président d’Atos – ndlr] et Chertok [associé gérant de Rothschild, conseiller d’Atos – ndlr] ont vendu la solution de vente à Kretinsky à l’Élysée en expliquant que c’était la seule possible et qu’elle passerait sans problème. Comme l’exécutif n’avait pas d’autre candidat et que, pour lui, Atos est un dossier secondaire, Alexis Kohler [secrétaire général de l’Élysée – ndlr] a donné son feu vert. Et est passé à autre chose. Sans prendre en considération les aspects de souveraineté », raconte un autre connaisseur du dossier.

    On parle beaucoup de la dissuasion nucléaire. Mais il y a des services à la nation rendus par Atos qui relèvent aussi de la souveraineté nationale. Et de ceux-là, on ne parle jamais.
    Didier Moulin, responsable CGT Atos & Eviden
    La tribune du 2 août signée par 82 parlementaires LR relayant l’opposition des milieux militaires et du Commissariat à l’énergie atomique a créé un électrochoc au sein de l’exécutif : personne n’avait prévu une opposition si rapide et si musclée. Le pouvoir a soudain réalisé qu’Atos n’était pas qu’un simple groupe de services informatiques, qu’il y avait des enjeux de souveraineté, dont la dissuasion nucléaire, qui méritaient d’autres attentions et précautions. Et que cela ne pouvait pas seulement se faire en coulisses, en petit comité, « entre amis ».

    L’accent mis sur la défense cependant ne couvre qu’une partie des problèmes soulevés par l’opération de cession d’une portion des actifs du groupe à Daniel Kretinsky, comme le relève Didier Moulin, un des responsables de la CGT Atos & Eviden. « On parle beaucoup de la dissuasion nucléaire, du pilotage des centrales nucléaires, des supercalculateurs. Mais il y a d’autres services à la nation rendus par Atos, qui sont liés à la souveraineté nationale. Et de ceux-là, on ne parle jamais », constate-t-il.

    La liste qu’il dresse de ces services est impressionnante : ministères, impôts, papiers d’identité, Carte vitale, France Connect, caisse d’assurance-maladie, caisse nationale d’allocations familiales, réseau ferroviaire, réservation de la SNCF, compteurs Linky, collectivités locales… « Tous ces services publics sont gérés en tout ou partie par des logiciels Atos. Et une partie substantielle est logée dans Tech Foundations. Que vont-ils devenir une fois vendus à Daniel Kretinsky ? Quelles sont ses intentions à ce sujet ? On n’en sait rien. »

    Daniel Kretinsky, comme l’a déjà écrit Mediapart, s’est engagé auprès du ministre des finances, Bruno Le Maire, sur les 7,5 % qu’il doit prendre dans la partie Eviden : s’il doit revendre sa participation, il la cédera à la personne que lui désignera l’État. En revanche, rien ne semble avoir été négocié sur l’avenir de Tech Foundations, concernant les relations que cette branche entretient avec les services de l’État, sur la protection des données personnelles des Français·es.

    Jusqu’à présent, tous les protagonistes ont même veillé à nourrir un épais brouillard concernant ces aspects. Ces positions hors normes, quasi exclusives avec les services publics, ne sont d’ailleurs pas valorisées dans la cession envisagée avec Daniel Kretinsky.

    Personne ne sait donc ce que vont devenir ces services, ce qu’il adviendra des données personnelles que les Français·es sont dans l’obligation de donner pour avoir accès aux différents systèmes administratifs, désormais dématérialisés. Ces données sont pourtant essentielles au fonctionnement de l’État. Et elles valent de l’or. Comment expliquer que le gouvernement, qui se targue d’être à la pointe de la révolution numérique, se montre aussi négligent sur le sort réservé à ce qui s’apparente au « système nerveux » de l’État ?

    Le rôle d’Édouard Philippe

    Dans les couloirs du pouvoir, on met en avant l’éloignement, la taille de l’entreprise, son caractère privé pour justifier l’attitude du gouvernement. Une excuse que réfute un connaisseur du dossier : « L’État sait tout », dit-il.

    Entre Atos et le pouvoir, les relations ont été constantes : Thierry Breton, lorsqu’il était président du groupe, y a veillé. La possession d’actifs stratégiques, après la prise de contrôle de Bull, le justifiait en partie. Mais les relations ont continué à être très étroites après son départ. Nombre de conseillers du groupe ont leur entrée à l’Élysée, et Atos a veillé à nommer des administrateurs influents à son conseil.

    Tout de suite après avoir quitté Matignon, Édouard Philippe est ainsi devenu administrateur en octobre 2020. « Atos a des compétences clés pour notre pays, au cœur des enjeux digitaux et d’indépendance technologique. Je suis très heureux de pouvoir apporter à l’entreprise et à son conseil d’administration mon expérience », déclare alors l’ancien premier ministre.

    Averti des problèmes qui s’accumulaient dans le groupe, le ministre des finances Bruno Le Maire justifiait alors en petit comité sa passivité pour des raisons politiques : intervenir dans un dossier où Édouard Philippe siège au conseil aurait pu être perçu comme une « mauvaise manière » faite à l’ancien premier ministre, une « basse manœuvre politique ».

    Édouard Philippe n’a pas souhaité persévérer et a abandonné son siège d’administrateur en juin 2023, à la fin de son mandat. « Sans éclat ni audace », juge sévèrement un actionnaire.

    Beaucoup se perdent en conjectures pour comprendre quel a été son rôle durant toute cette période et quelles ont été les raisons de son départ. Est-il en opposition avec le plan de cession présenté par la direction du groupe ? Ou a-t-il anticipé les difficultés et préféré s’éloigner pour ne pas compromettre son avenir politique ?

    Questionné sur ces sujets, Édouard Philippe ne nous a pas répondu.

    Toujours soucieux d’avoir l’oreille du « château », Bertrand Meunier avait sollicité Cédric O pour le remplacer. Mais l’ancien secrétaire d’État au numérique, membre fondateur d’En Marche, a vu sa candidature d’administrateur refusée par la Haute Autorité à la transparence de vie publique (HATVP) : celle-ci a estimé que l’ancien membre du gouvernement se trouvait en situation de conflit d’intérêts, son ministère ayant alloué d’importants crédits à Atos pendant son mandat. Cédric O a fait appel. Mais le Conseil d’État a confirmé l’interdiction de la HATVP.

    À défaut, la direction d’Atos s’est rabattue sur la candidature de Laurent Collet-Billon, ancien délégué général de l’armement, pour siéger à son conseil. « Mais ce n’est pas la même chose. Il n’a pas les mêmes entrées auprès de l’exécutif. Il ne représente qu’une partie de la défense », note un connaisseur du dossier. Le pouvoir semble en tout cas estimer qu’il n’a pas le poids suffisant puisque Alexis Kohler a décidé de reprendre le dossier afin de tenter d’éteindre l’incendie qui menace l’opération de cession. Cela suffira-t-il ?
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  • #2
    Mais que fait l’État ?

    Alors que le cours de Bourse d’Atos s’effondre et que la situation est en passe de devenir incontrôlable, beaucoup, y compris parmi les soutiens de Bertrand Meunier, s’agacent de l’apathie de l’exécutif. « Mais qu’attend le gouvernement ? Pourquoi n’a-t-il pas saisi le comité interministériel de restructuration industrielle, comme il l’a fait pour Casino ? » Questionné à ce sujet, le ministère des finances ne nous a pas répondu. Cette option serait maintenant sur la table, tant l’effondrement du groupe commence à inquiéter.


    Agrandir l’image : Illustration 2La débâcle d’Atos tourne au scandale d’État. © Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart

    Pour un des partisans de Bertrand Meunier, un seul geste de l’État parviendrait à calmer la situation. Il déroule son scénario : « Il suffirait qu’il annonce l’entrée au capital de la Banque publique d’investissements (BPI) ou même un prêt participatif pour que tout se résolve. La présence de l’État rassurerait les actionnaires d’Atos ; l’augmentation de capital prévue se passerait sans problème et la cession de Tech Foundations pourrait être réalisée sans encombre. »

    L’ennui est que ni la Caisse des dépôts ni la BPI ne veulent aller dans ce dossier. Bruno Le Maire a bien essayé de les convaincre d’intervenir, comme il l’a fait dans le dossier Orpea. Par deux fois, selon nos informations, il a demandé à la BPI de venir en soutien du groupe des services numériques. Il a essuyé à chaque fois un refus. « Nicolas Dufourcq [président de la BPI – ndlr] dit à tout le monde qu’il ne mettra pas un sou dans Atos », rapporte un banquier.

    Le refus de Thales

    La même sollicitation a été faite auprès de Thales. Mais là encore, le ministre des finances a reçu une fin de non-recevoir, même si beaucoup d’actionnaires spéculent malgré tout sur l’arrivée à plus ou moins brève échéance du groupe de défense dans Atos.

    Le groupe dit cependant ne pas être intéressé, comme il l’a affirmé en réponse à nos questions : « Cela ne correspond pas à la stratégie du groupe, qui n’a aucune intention de se diversifier dans des marchés autres que ceux qu’il sert déjà. Thales tient à rappeler que sa stratégie d’acquisitions est très claire et constante. Le groupe se focalise sur le renforcement de ses trois grands secteurs d’activité : l’aérospatial, la défense, et la sécurité et l’identité numériques. »

    Même BDS, la partie qui regroupe les activités stratégiques de défense, n’attire plus tant que cela Thales. Au cours de ces dernières années, le groupe s’est considérablement développé dans la cybersécurité. Il a dépensé quelque 7 milliards d’euros pour racheter en 2022 S21Sec, Excellium et OneWelcome ainsi que Tesserent un an plus tard. « Plus il se renforce dans la cybersécurité, moins les activités d’Atos dans ce domaine l’intéressent », explique une source proche du dossier.

    Des fonds seraient bien partants pour prendre le contrôle d’Atos. L’un d’eux, Alix PM, dit même travailler avec d'autres actionnaires à un plan stratégique, revenant sur la scission prévue par la direction actuelle, comme le souhaitent une majorité d’actionnaires, et un plan de restructuration demandant au moins trois ans d’effort. Mais tous ceux qui regardent le dossier mettent les mêmes conditions préalables : le départ de Bertrand Meunier et le changement de management.

    « Tant que l’État continuera à soutenir le président en place, tant qu’il conservera une position ambiguë sur le dossier, il ne se passera rien. Même une OPA est impossible. Pas pour une question de prix. Cela ne vaut plus rien. Mais personne ne se lancera dans une telle opération en courant le risque d’être contré par l’exécutif. Son silence bloque tout », constate un banquier.

    La coqueluche du milieu des affaires

    À ce stade, le pouvoir est toujours en soutien du projet de cession prévu par la direction d’Atos. « L’Élysée souhaite que cette opération se réalise », dit un connaisseur du dossier. Tous paraissent se mobiliser pour aplanir les obstacles : « Bruno Le Maire s’est engagé auprès de Daniel Kretinsky à calmer la colère des parlementaires LR », rapporte une personne proche du milliardaire tchèque.

    Mais pourquoi le pouvoir s’est-il à ce point entiché de Daniel Kretinsky ? Quelles sont leurs relations exactes ? Ces questions tournent dans les milieux de pouvoir et financiers avec de plus en plus d’insistance. Et donnent lieu à cent spéculations, à mille théories… toutes plus invérifiables les unes que les autres. « La réponse est peut-être plus simple : Daniel Kretinsky rend service au capitalisme français, sans faire de bruit, sans causer de tort à personne », tranche un observateur.

    Depuis ses rachats annoncés d’Editis et de Casino, Daniel Kretinsky est devenu la coqueluche du petit monde des affaires parisien et du pouvoir. Tous vantent son sérieux, sa façon « cartésienne » d’approcher le dossier, de ne pas se laisser emporter par la médiatisation et l’ego. Comme l’affirme un connaisseur : « Tous ceux qui font profession de monnayer leurs carnets d’adresses et leurs entrées dans l’appareil d’État » ne manquent pas de le solliciter à tout propos, lui faisant miroiter leur accès exclusif au pouvoir.


    Agrandir l’image : Illustration 3Richard Ferrand, Daniel Kretinsky et Bruno Le Maire. © Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart avec AFP
    Dernier conseiller en date : Richard Ferrand. L’ancien président de l’Assemblée nationale a créé une société de conseil, Messidor, en 2022. Ce visiteur du soir d’Emmanuel Macron est devenu par ce biais le conseiller du milliardaire tchèque, selon nos informations.

    À la suite de nos questions, le fonds EPEI, propriété de Daniel Kretinsky, nous a répondu « ne jamais communiquer sur ses contrats de conseils, quels qu’ils soient ». Richard Ferrand lui ne nous a pas répondu. « Richard Ferrand est bien un conseiller de Daniel Kretinsky. Mais il n’est pas intervenu dans le dossier Atos », précise une source proche de l’homme d’affaires. Celui-ci n’aurait ni banquier ni conseil dans cette opération.

    Avec ou sans l’aide de Richard Ferrand, les portes de l’Élysée lui sont désormais largement ouvertes. Dans un récent article de Marianne (propriété du milliardaire tchèque), il est rapporté que Daniel Kretinsky avait une place de choix lors du dernier dîner de Choose France : à la gauche de Brigitte Macron. En juin, comme l’a raconté Mediapart, il a été reçu par Alexis Kohler à l’Élysée. C’est là qu’il aurait obtenu le feu vert pour racheter Tech Foundations.

    Les doutes de Daniel Kretinsky

    Alors que la crise enfle, Daniel Kretinsky se retrouve au centre de toutes les attentions. Et cela ne lui plaît pas du tout. Jusqu’alors, il avait veillé à se faire discret, à ne susciter aucune polémique autour de son nom. L’opération de rachat de Tech Foundations le plonge au cœur d’une guerre franco-française dont le capitalisme français a le secret, et risque d’annihiler tous ses efforts pour garder une image intacte.

    L’opération de Tech Foundations justifie-t-elle de dilapider tout ce capital amassé ? « Daniel Kretinsky n’a pas renoncé mais il commence à se poser de sérieuses questions. Tech Foundations est une bonne opération financière pour lui. Mais ses dossiers importants sont Editis et Casino. Si le rachat des activités d’Atos devient trop compliqué et trop préjudiciable, il pourrait jeter l’éponge », dit une source proche du dossier.

    La plainte pour « corruption active et passive » déposée par le fonds Alix PM auprès du Parquet national financier et qui le vise directement le met encore plus mal à l’aise. Comment cet homme d’affaires, d’ordinaire si prudent, a-t-il pu commettre l’erreur de promettre un pacte d’intéressement aux deux dirigeants, mandataires sociaux d’Atos, chargés de négocier la cession de Tech Foundations, avant même qu’un accord soit signé ? Toutes les personnes qui le connaissent un peu ne trouvent pas de réponse à « cette faute inexcusable ». Toutes les assurances données par l’exécutif ne servent à rien dans ce cas. Elles ne peuvent pas le protéger. Désormais le dossier est dans les mains de la justice pénale.

    Même si le milliardaire tchèque reste candidat à la reprise de Tech Foundations, l’opération, voulue par la direction et soutenue par l’exécutif paraît de plus en plus compromise. Chaque jour, la Bourse donne à nouveau le spectacle de la destruction en direct d’un groupe industriel. « Atos va dans le mur, et peut-être plus rapidement que le pouvoir ne le croit », constate un connaisseur.

    Est-ce le but recherché par le pouvoir pour pouvoir mieux se partager les morceaux entre amis par la suite, comme le spéculent certains ?

    S’il cherchait la discrétion, le pouvoir en tout cas a raté son objectif. La débâcle d’Atos tourne au scandale d’État. Par son absence de vision et de stratégie, ses manœuvres en coulisses, sa volonté de passer outre toutes les critiques et les oppositions, au mépris des règles, pour servir des intérêts particuliers, l’exécutif en est en grande partie responsable.
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    • #3
      Atos : dix ans de dérives d’un fleuron de l’informatique


      Les salariés impuissants voient le groupe s’effondrer comme un château de cartes. Comment Atos, censé être un des leaders mondiaux des services numériques, en est-il arrivé là ? Retour sur une décennie d’erreurs et d’instabilité stratégique, sous l’emprise d’une multitude de conseillers.

      IlsIls sont là. Impuissants. Condamnés à être les muets du sérail, à regarder un combat qui les concerne au premier chef mais pour lequel ils n’ont pas leur mot à dire. Depuis des mois, les salarié·es assistent avec inquiétude, parfois avec colère, à la chute d’Atos.

      Les directions successives leur avaient présenté leur groupe comme un fleuron technologique, un leader mondial des services numériques. Ils le voient jour après jour se déliter, sans savoir de quoi sera fait le lendemain, et même s’il y en a un.

      Atos compte quelque 110 000 salarié·es, dont environ 11 000 en France. Dans la bataille de pouvoir et d’argent qui se déroule actuellement, leur sort semble pourtant indifférent aux uns et aux autres. Pas un mot, pas un signe ne leur est adressé, ni par les actionnaires, qui contestent les choix et la stratégie du groupe, ni par la direction. Tous paraissent les considérer comme quantité négligeable.

      « Ce sont les salariés qui créent l’essentiel de la valeur », a rappelé la CGT Atos et Eviden dans une lettre ouverte adressée à la direction et aux administrateurs, le 11 septembre. Un rappel opportun surtout dans une entreprise de services qui compte 92 % d’ingénieur·es. Mais cette réalité semble échapper à la direction. Celle-ci ne leur dit rien, ne leur adresse aucun message, ne leur donne aucun chiffre. Comme les actionnaires, les salarié·es sont maintenu·es dans le brouillard.

      Agrandir l’image : Illustration 1Bertrand Meunier, PDG d’Atos, et son prédécesseur Thierry Breton. © Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart avec AFP

      « On a adressé 226 questions à la direction à la mi-août, pour obtenir des explications après les communiqués de résultats semestriels puis l’annonce de la cession programmée d’une partie du groupe à Daniel Kretinsky. Mais on n’en sait pas plus. La direction se contente de faire des périphrases de ses communiqués. Elle nous tient des propos lénifiants en nous soutenant que tout va bien, que rien ne change », résume DidierMoulin, un des responsables de la CGT du groupe.

      Faute d’obtenir des réponses sur la situation financière de celui-ci, sur la vente programmée de la partie Tech Foundations au milliardaire tchèque, les membres du comité social et économique central du groupe ont déclenché un droit d’alerte le 5 septembre. Un cabinet d’expertise indépendant a été missionné pour faire une étude de la situation d’Atos. Il doit rendre son rapport d’ici deux mois. Mais la direction, qui considère le groupe comme sa chose, acceptera-t-elle de se plier à l’exercice, de leur donner les informations nécessaires ?

      « Je suis assez indigné de ce que je vois et de ce que j’ai vu, qui est à la genèse d’un grand scandale industriel. Un groupe ne se retrouve pas dans une telle situation, ne perd pas 95 % de sa capitalisation boursière par hasard. Toutes les pierres doivent être soulevées », témoigne Pierre*, cadre du groupe. Pour lui, comme pour d’autres personnes, la débâcle d’Atos actuelle s’inscrit dans le temps long. Elle est le fruit de dix ans de dérives et d’erreurs, de fuites en avant, d’instabilités, stratégiques et managériales, sous l’emprise de banquiers et de conseils omniprésents.

      Sous l’emprise des conseils

      « Acquisitions, réorganisations, scission, cession… on a tout eu », résume Didier Moulin, de la CGT Atos et Eviden, qui dénonce un groupe vivant sous l’emprise des conseils. McKinsey, Boston Consulting Group, banquiers d’affaires, à commencer par Rothschild, sa banque historique, avocats et experts indépendants semblent avoir élu domicile dans le groupe et en avoir fait l’un de leurs lieux privilégiés d’expérimentation.

      Aucune décision ne paraît être prise sans une étude ou un rapport de ces consultants au préalable. Lors du dernier comité social et économique, les représentants du personnel ont ainsi eu la surprise de voir la présentation qui leur était faite siglée McKinsey. Ils n’ont pu s’empêcher de demander qui leur parlait : la société de conseil ou la direction ?

      « En un an, le groupe a dépensé plus d’un milliard et pourtant l’essentiel des restructurations et du repositionnement d’Atos reste à faire », constate un investisseur qui a analysé les derniers comptes. « Où est passé l’argent ? À quoi a-t-il servi ? On n’en sait rien. » Il soupçonne qu’une partie substantielle des fonds a servi à payer les commissions des conseils.

      Avant la dernière assemblée générale fin juin, le fonds Sycomore – qui a depuis vendu tous ses titres Atos – avait interrogé par écrit la direction sur le montant des dépenses engagées par la direction en conseil et sur les bénéficiaires. Il n’a jamais obtenu de réponse.

      Nous avons reposé la question. En réponse, Atos nous a affirmé que celles-ci étaient « dans les normes pratiquées » dans les grands groupes. Selon des indiscrétions, les différents conseils (banquiers, avocats, experts) devraient toucher plusieurs centaines de millions d’euros de commissions – certains évoquent la somme de 400 millions d’euros, l’équivalent des cessions supplémentaires annoncées par la direction – pour la seule cession de Tech Foundations à Daniel Kretinsky. Le développement des activités du groupe attendra.

      C’est un usage bien établi dans le monde des affaires parisien. Dès que cela tourne mal, le grand jeu est de faire porter sur d’autres la responsabilité de la catastrophe. Le dossier Atos n’échappe pas à cette règle. Depuis plusieurs semaines, les commentaires vont bon train dans le cercle des affaires pour désigner le coupable. Car selon cette loi, il ne peut y en avoir qu’un : l’autre.

      Être dans le CAC

      En difficulté, le PDG d’Atos, Bertrand Meunier, a lancé une attaque qu’il avait toujours refusée jusqu’à présent. Dans son entretien à La Tribune le 11 septembre, il a publiquement désigné le coupable : son prédécesseur, Thierry Breton, aujourd’hui commissaire européen chargé du marché intérieur, de la politique industrielle et du numérique. « Le succès du cours de bourse d’Atos dans les années 2010 était en réalité le fruit d’une politique d’acquisitions et d’une forte croissance externe réalisée avec une sélectivité discutable ou insuffisante et de la signature de contrats dont la rémunération était trop faible au regard des coûts », explique-t-il.

      Interrogé sur ces attaques, Thierry Breton nous a fait répondre qu’il était tenu au devoir de réserve en raison de ses fonctions européennes, qu’il avait quitté Atos depuis plus de quatre ans et qu’il n’était plus actionnaire du groupe, ayant vendu toutes ses actions à son départ. Les défenseurs, et parfois conseillers de Bertrand Meunier, sont sur la même ligne : eux aussi invoquent l’héritage de Thierry Breton et le chargent.

      Mais des observateurs extérieurs proches du dossier sont tout aussi critiques sur la gestion passée. « Personne ne veut en parler, car Thierry Breton, notre commissaire européen, est intouchable. Mais tout est dans sa mauvaise gestion. Il n’a laissé que des casseroles »,explique ce responsable de fonds, qui a regardé le dossier avant de le refermer très vite.

      Celui-ci n’hésite pas à parler de « la malédiction du successeur de Breton ». L’allusion est féroce : avant Atos, Thierry Breton a été vice-président de Bull, puis président de Thomson et d’Orange. Ses passages à la tête de ces groupes ont été suivis de catastrophes.

      Au sein du groupe Atos, certains ne manquent pas non plus d’être très critiques sur la gestion de Thierry Breton, parlant de « folie des grandeurs ».« Quand il est arrivé chez Atos, il était persuadé que ce n’était qu’un intermède, qu’il allait vite être rappelé au gouvernement [avant son arrivée dans le groupe, Thierry Breton avait été ministre de l’économie et des finances entre 2005 et 2007 – ndlr]. En attendant, il voulait exister, figurer parmi les patrons des grands groupes, qu’Atos intègre le CAC 40. Seule la course à la taille l’intéressait »,raconte Paul*, un ancien salarié.


      Agrandir l’image : Illustration 2Peter Löscher, PDG de Siemens, et Thierry Breton, PDG d’Atos, lors de l’annonce d’un partenariat entre les deux entreprises à Paris, le 15 décembre 2012. © Photo Éric Piermont / AFP

      À son arrivée fin 2008, Atos réalise un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros et emploie 55 000 salarié·es dans le monde. À sa nomination comme PDG en février 2009, Thierry Breton présente un plan de transformation ambitieux. Atos doit, selon lui, changer son organisation, réaliser des performances financières beaucoup plus élevées et se hisser parmi les géants mondiaux du numérique. Le monde politique tout comme les financiers applaudissent. Le cours de Bourse commence son envolée : en quelques mois, il est multiplié par près de trois, atteignant les 25 euros.

      Une erreur stratégique

      C’est l’acquisition qui colle comme un sparadrap chez Atos. Plus de dix ans après, le rachat des activités informatiques de Siemens n’a toujours pas été digéré par le groupe. Il continue de peser sur ses comptes et joue un rôle non négligeable dans l’opération de vente à Daniel Kretinsky.

      Pourtant, tout avait commencé sous les meilleurs auspices. En juillet 2011, Thierry Breton annonce sa première grande acquisition : Siemens IT Solutions. Ce rachat lui permet de changer de taille. D’un seul coup, Atos devient le deuxième groupe informatique européen derrière IBM, employant plus de 70 000 personnes dans 42 pays.

      Au-delà de sa dimension économique et industrielle, il y a aussi la symbolique politique : la grande alliance franco-allemande se développe et entre dans de nouveaux secteurs d’avenir ! Le groupe évoque la création d’un « Airbus du numérique ». Pour bien affirmer cette ambition, Atos prend le statut d’entreprise européenne. Comme Airbus.

      Le monde politique applaudit des deux mains. Et les actionnaires aussi. En interne, l’enthousiasme est plus mesuré. Alors qu’IBM est en train de se séparer de toutes ses activités industrielles en Europe, que les concurrents d’Atos, à l’instar de Capgemini, sont en train de délocaliser une grande partie de leurs services vers les pays – essentiellement en Inde – où les coûts des ingénieur·es sont moins chers, est-ce vraiment une bonne idée de se renforcer sur le continent européen ? Thierry Breton coupe court aux critiques : il ne croit pas à l’avenir de l’offshore – un terme plus policé que délocalisation – pour les services informatiques. « Pas plus qu’il ne croyait au cloud à l’époque », grince un ancien cadre.

      Aujourd’hui, certains témoins de l’époque racontent ce qu’ils considèrent comme une erreur stratégique magistrale. « Siemens a essayé de vendre ses activités informatiques pendant des années. Tous les concurrents avaient regardé, personne n’avait voulu les racheter. Atos a repris des milliers d’ingénieurs surpayés, travaillant sur des technologies d’il y a trente ans et qui n’ont jamais évolué », explique Paul. Avant de poursuivre : « Siemens a accepté de payer Atos pendant trois, quatre ans, pour lisser le coût social et le poids des fonds de pension. Puis le robinet s’est tari et les problèmes ont commencé. »

      Car l’intégration dans le groupe et les restructurations des activités n’ont jamais suivi. La direction actuelle a imité la précédente, préférant repousser les difficultés. Parmi les engagements chiffrés à 1,9 milliard d’euros par la direction d’Atos que devrait reprendre Daniel Kretinsky dans le cadre du rachat de Tech Foundations, figure la restructuration des activités héritées de Siemens. Quelque 1 000 emplois ont été supprimés mais il faudrait encore en supprimer près de 6 000, selon des connaisseurs du dossier. Les coûts de licenciement et de départ en retraite avoisineraient plusieurs centaines de millions d’euros, selon eux.

      « Il y a quelque chose d’incompréhensible dans cette histoire. Car des provisions ont été passées pour financer ces coûts de restructuration. Elles avoisinaient le milliard d’euros. Où est passé l’argent ? », se demande Pierre. C’est une des questions lancinantes que se posent les salarié·es et les actionnaires. Interrogée sur la réalité de ces provisions et leur utilisation, la direction d’Atos n’avait pas répondu à ces questions au moment de la publication de cet article.
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      • #4
        Réduction des coûts à tous les étages

        Après Siemens, les acquisitions se sont poursuivies au rythme d’une tous les deux ans. D’abord, il y a eu Bull, considéré par tous comme une « excellente opération ». Cela a permis à Atos de se hisser dans la sphère politique, en prenant le contrôle de tous les actifs stratégiques numériques liés à la dissuasion nucléaire et les supercalculateurs. Ce rachat a conforté aussi son accès privilégié à tous les marchés publics informatiques. Atos réalise 22 % de son chiffre d’affaires en France avec l’État, les collectivités locales, organismes publics ou parapublics (carte Vitale, papiers d’identité, Urssaf, etc.).


        Agrandir l’image : Illustration 3Le supercalculateur Atos Joliot-Curie en 2019. © Photo Stéphane de Sakutin / AFP

        Puis vient la reprise des activités informatiques externalisées de Xerox, qui s’accompagne d’un partenariat avec le groupe américain. Avec cette opération, Atos entre enfin dans la cour des grands : il a doublé son chiffre d’affaires en six ans et figure parmi les cinq premiers groupes numériques mondiaux. Récompense suprême : il intègre l’indice du CAC 40.

        S’apercevant qu’Atos est en train de rater les nouvelles marches du numérique, le groupe décide finalement de lancer un grand programme pour rattraper son retard dans le cloud. De même, il finit par se rallier lui aussi à la délocalisation d’une partie de ses services numériques. Sans trop regarder, il rachète Syntel, une entreprise qui travaille majoritairement en Inde, pour 3,4 milliards d’euros. Un rachat surpayé, selon les connaisseurs du dossier.

        Alors que les acquisitions se succèdent, le groupe ne repense pas son organisation et la façon d’intégrer ces nouvelles activités, afin d’en tirer le maximum de possibilités. En interne, la politique est surtout celle de la réduction des coûts. La chasse aux dépenses devient une obsession. Tout est réduit au minimum, y compris les efforts de formation, au risque d’aggraver les retards de compétences par rapport à ses concurrents. Pour diminuer son endettement, il se sépare de Worldline, spécialisé dans le traitement des transactions financières et bancaires. Devenue autonome, la société figure aujourd’hui au CAC 40.

        Nommé commissaire européen par Emmanuel Macron en octobre 2019, Thierry Breton part avec les honneurs, en affichant un bilan impeccable : le groupe réalise près de 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires, emploie plus de 112 000 personnes dans le monde et son endettement est des plus réduit (1 milliard d’euros). Avec un cours au plus haut, à près de 100 euros le titre, sa capitalisation boursière est de plus de 8,3 milliards. Thierry breton a été classé parmi les patrons les plus performants pour sa gestion par la Harvard Business Review et figure parmi les 100 dirigeants les plus influents dans le monde.

        Afin d’éviter tout risque de conflit d’intérêts, Thierry Breton annonce qu’il vend toutes les actions d’Atos qu’il possédait, ce qui lui permet d’empocher la coquette somme d’une trentaine de millions d’euros. Quatre ans après, ses détracteurs n’ont toujours pas digéré cette opération, l’accusant d’avoir vendu au mieux, juste avant que la bulle Atos éclate, alors qu’il savait que des difficultés allaient advenir.

        Fuite en avant

        « C’est trop facile de s’en prendre à Thierry Breton. Il est parti depuis quatre ans et il ne peut pas répondre, compte tenu de ses fonctions, s’énerve un des défenseurs de l’ancien président du groupe. Bertrand Meunier ne peut pas dire qu’il vient de tout découvrir. Il est chez Atos depuis 2008, avant Thierry Breton. C’est même lui qui l’avait fait venir. Il était au conseil d’administration, président du comité d’audit. Il connaissait tout, avait accès à tous les comptes. Il a tout voté. Maintenant, il est président depuis quatre ans. Qu’a-t-il fait depuis ? »

        La CGT du groupe partage l’analyse. « Si nous avions des éléments pour mettre en cause la responsabilité de Thierry Breton, nous ne nous en priverions pas. Mais nous ne les avons pas. Par contre, on peut vous parler de la gestion de Bertrand Meunier. Il peut dénoncer la croissance externe de son prédécesseur, il a fait pareil », explique Didier Moulin.

        La CGT parle d’une vraie « fièvre acheteuse ». Le syndicat a établi une recension complète des acquisitions menées sous la présidence Meunier, et en a dénombré 22 entre 2020 et 2022. Le groupe a acheté de tout, des sociétés spécialisées dans la cybersécurité ou l’intégration du cloud, des services de conseil ou du big data. La société EcoAct, vendue dans la précipitation à Schneider Electric, faisait partie de cette liste.

        Combien d’argent a dépensé le groupe dans ces opérations ? Mystère. Trop petites pour attirer l’attention du marché – elles emploient entre 30 et 600 salarié·es –, elles semblent aussi être passées sous le radar du conseil d’administration.

        Ce n’est qu’avec le projet d’acquisition de DXC Technology en janvier 2022 que cette frénésie acheteuse s’arrête. L’annonce de ce rachat est catastrophique : le cours dévisse en quelques séances. « C’était une opération incompréhensible. La direction n’arrêtait pas de nous expliquer qu’elle voulait se recentrer, que les activités dans les infrastructures n’avaient pas d’avenir. Et elle nous annonce un rachat de plusieurs milliards justement dans ce domaine »,raconte Jacques*, ancien ingénieur.

        Le doute commence à s’installer. Il avait déjà commencé à poindre en juillet 2021, lorsque le groupe lance un avertissement sur ses résultats et annonce quelque 2 milliards d’euros de dépréciation d’actifs. Une révision des chiffres que les investisseurs attribuent d’abord aux conséquences du Covid, au début de l’éclatement de la bulle numérique et à l’héritage Breton : nombre de contrats auraient été passés dans des conditions non profitables pour faire du chiffre.

        Mais six mois plus tard, en janvier 2022, le groupe lance un autre avertissement sur ses résultats. Les doutes se transforment alors en défiance. Et cette dernière s’accentue quand les commissaires aux comptes émettent « des réserves » sur les comptes de deux entités américaines dans le rapport annuel de 2020. L’année d’après, ils refusent tout simplement de les certifier. Des enquêtes internes sont diligentées mais rien ne filtre. « On n’a jamais su ce qui s’était réellement passé », dit un proche du dossier.

        « Arrangements » avec la réalité

        Pour beaucoup de connaisseurs, les pratiques d’Atos dépassent largement ce qu’il est convenu d’appeler en langage policé la créativité comptable. « Le niveau d’information sur la société est terriblement contestable. Beaucoup d’investisseurs sont sortis, faute de compréhension. Le groupe a des pratiques comptables dont on ne connaît pas les tenants et les aboutissants. Mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Dès 2017, une étude de Crédit Suisse mettait en garde sur la fiabilité des chiffres, notamment sur la réalité des chiffres d’affaires », rappelle l’analyste Frédéric Genevrier, fondateur de OFG Recherche.

        « Nous n’avons pas les informations nécessaires pour expliquer les comptes du groupe. Mais nous pouvons raconter les conséquences au quotidien : les coupes budgétaires pour remonter le plus d’argent possible et dont on ne sait pas à quoi il sert ; les consignes toujours données oralement pour enregistrer plus vite des chiffres d’affaires prévus mais pas encore réalisés ; les provisions pour risque qu’il faut diminuer. Ce sont des témoignages qui nous remontent régulièrement », rapporte Didier Moulin, de la CGT.

        Ces « arrangements » avec la réalité ne suffisent pas à masquer la dégradation financière continue du groupe. Alors qu’Atos avait jusque-là toujours été bénéficiaire, il affiche une perte de 2,9 milliards en 2021, de 1 milliard en 2022, et de plus de 600 millions au premier semestre 2023. Sa dette dépasse les 2,4 milliards d’euros. Sa capitalisation boursière a fondu comme neige au soleil – à peine 800 millions d’euros, dix fois moins qu’il y a cinq ans. Atos a été radié du CAC 40 en septembre 2021.

        Depuis 2021, les directeurs généraux se succèdent. Il y en a eu pas moins de quatre depuis 2019. Les directeurs financiers ne tiennent pas plus d’un an, eux non plus. Le dernier en date, l’Américain Paul Saleh, a été nommé le 1er août dernier. Une nomination qui a provoqué un étonnement général. « Alors que le gouvernement a fait campagne pour bloquer la nomination d’une Américaine à la direction européenne de la concurrence, c’est tout de même curieux qu’il ne dise rien sur cette nomination d’un Américain qui, compte tenu de sa position, peut avoir accès aux données les plus sensibles de la Défense », relève un observateur.

        Ces changements incessants se doublent d’une instabilité managériale et stratégique. Les plans – Sprint, Boost et autres – définis comme prioritaires à un moment sont abandonnés du jour au lendemain, d’une direction à l’autre, même si d’importants moyens financiers y ont été engagés. Les réorganisations s’enchaînent, remettant en cause ce qui a été arrêté précédemment. Lassés, dégoûtés, les cadres supérieurs commencent à partir sur la pointe des pieds, emmenant avec eux parfois une partie de leurs équipes. La descente aux enfers se poursuit, inexorablement. Et Atos se vide de ses compétences.

        Martine Orange
        وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

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        • #5
          Quand le président d’Atos devient un problème

          Maître d’œuvre du projet de cession à Daniel Kretinsky, Bertrand Meunier se retrouve sous le feu des critiques, y compris parmi ses soutiens. Craignant que la situation ne devienne incontrôlable, l’Élysée a décidé, selon nos informations, de nommer deux hauts fonctionnaires chargés d’« encadrer » la direction. Mais pour quoi faire ?

          Martine Orange

          Bertrand« Bertrand Meunier est devenu un problème. » La confidence ne vient pas des fonds d’investissement ou des petits porteurs qui font de l’éviction du président d’Atos une priorité, mais de l’entourage du milliardaire Daniel Kretinsky. Alors que la rébellion s’amplifie autour du sort du groupe de services numériques, les reproches fusent de toutes parts sur la gestion du dossier par Bertrand Meunier. Même ses plus fidèles soutiens commencent à lui faire défaut, lui reprochant « d’entraîner tout le monde sur une pente glissante ». Avant même d’avoir connaissance d’une plainte pour « corruption active et passive » déposée au Parquet national financier le 22 septembre.

          Depuis le début du projet de cession de Tech Foundations au milliardaire tchèque, le président d’Atos avait obtenu carte blanche pour conduire l’opération. Tout le monde lui faisait confiance pour réaliser cette cession sans anicroche. Annoncée le 1er août, l’opération était censée passer sans problème la torpeur de l’été.

          Mais rien ne s’est passé comme prévu. Les petits porteurs, rejoints par des fonds d’investisseurs, mènent une fronde de plus en plus élargie : l’Autorité des marchés financiers (AMF) se retrouve sous le feu des critiques et maintenant la justice est saisie du dossier. Au Parlement, les députés Les Républicains (LR), opposés à cette opération considérée comme un nouveau bradage des activités stratégiques françaises, menacent d’ouvrir une enquête parlementaire sur Atos.

          Enfin, les milieux militaires sont entrés en rébellion à face à ce projet fragilisant, selon eux, la défense. Le désaccord atteint une ampleur rarement vue depuis l’éviction du chef d’état-major des armées Pierre de Villiers en juillet 2017, à en croire certains connaisseurs du monde de la défense. Ils manifestent en tout cas une hostilité de plus en plus visible à ce projet, comme en témoigne une note rédigée par l’ancien directeur du Commissariat de l’énergie atomique, Daniel Verwaerde, révélée par Challenges. Il y parle « d’un démantèlement fatal à l’entreprise » et pour la dissuasion nucléaire.

          Agrandir l’image : Illustration 1© Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart

          Mise sous tutelle

          Tout cela fait du bruit, beaucoup trop de bruit au goût de l’exécutif. Constatant que Bertrand Meunier est dans l’incapacité de calmer la situation, l’Élysée, qui jusque-là avait veillé à se tenir à l’écart, a décidé de reprendre les choses en main. Selon nos informations, une réunion informelle a été organisée à l’Élysée le 19 septembre sous l’égide de son secrétaire général Alexis Kohler.

          Jusqu’alors, le gouvernement avait justifié sa non-intervention dans le dossier Atos en expliquant qu’il n’était pas actionnaire du groupe et que tout cela relevait du secteur privé. Au vu de la tournure des événements, il semble décidé à ne plus s’embarrasser des formes.

          Lors de cette réunion, il aurait été décidé que deux « commissaires » du gouvernement allaient être dépêchés auprès d’Atos : Alexandre Lahousse, responsable à la Direction générale de l’armement, appelé, selon la Lettre A, à prendre la direction de l’industrie de défense, et Thomas Courbe, directeur général des entreprises à Bercy.

          Tous les deux suivent attentivement le dossier Atos depuis des mois, selon nos informations. Leur mission ? « Encadrer » le président d’Atos. En clair, mettre Bertrand Meunier sous tutelle, en ne lui laissant que les apparences de la fonction. Mais pour faire quoi ? Poursuivre le plan tel qu’il a été annoncé ? Ou l’enterrer ? Jusqu’alors, l’exécutif n’a jamais été clair sur sa stratégie à l’égard d’Atos.

          Interrogé sur cette réunion et sur ces nominations, l’Élysée ne nous a pas répondu.

          Le spectre du scénario Casino

          Cela suffira-t-il à ramener le calme et à sortir le groupe de l’impasse ? Car, de quelque côté que le groupe se tourne, il fait face à une situation à la fois financière et stratégique qui paraît insoluble. « Je ne vois pas comment cette cession, telle qu’elle a été prévue, peut aboutir. Aucune des conditions pour la réaliser n’est réunie »,relève un connaisseur du dossier. « Si Daniel Kretinsky veut vraiment racheter les activités de Tech Foundations, il va devoir faire des concessions. Il a des prétentions inacceptables, compte tenu de la situation financière du groupe », analyse un observateur. « L’assemblée générale va être reportée », prédit un autre.

          C’est un des engagements fermes du président d’Atos, qu’il a répété ces derniers jours : les actionnaires du groupe seront appelés à voter sur le plan de cession de Tech Foundations et sur l’augmentation de capital de 700 millions d’euros annoncée lors d’une assemblée générale extraordinaire. Ce qui paraît être une concession de la part de la direction du groupe de services numériques relève en fait en partie d’une obligation légale : toute société qui prévoit une augmentation de capital doit faire approuver cette opération par les actionnaires à une majorité des deux tiers des votants au moins.

          Mais plus l’échéance approche – l’assemble générale extraordinaire est normalement programmée autour de la fin octobre –, plus le résultat en semble incertain. « Le cours est si bas [moins de 7 euros par action – ndlr], qu’une augmentation de capital est quasiment impossible. Jamais les actionnaires n’accepteront une levée de fonds de 700 millions d’euros qui ne peut que se traduire par une dilution telle qu’elle aboutit à leur ruine », constate un analyste.
          Atos n’a pas de stratégie, pas de management. Personne ne sait ce qu’il va advenir de ce groupe

          Face à la coalition de certains fonds et des petits actionnaires – l’actionnariat d’Atos est extrêmement émietté –, la direction court le risque de voir son projet de vente de Tech Foundations retoqué. Un affront dont ne se relèveraient pas le président d’Atos et les administrateurs. Et qui signerait la mort du projet de rachat de Tech Foundations par Daniel Kretinsky : le groupe a un besoin impératif de ces 700 millions d’euros pour les apporter immédiatement à Daniel Kretinsky, afin de reconstituer le besoin en fonds de roulement des activités cédées, comme cela est prévu dans les négociations.

          Pour faire plier les oppositions, certains administrateurs, relayant la parole de Bertrand Meunier, se font de plus en plus menaçants, selon plusieurs témoignages. « Pour eux, il n’y a pas d’alternative au projet de Meunier. Si celui-ci n’est pas approuvé, ils affirment que le groupe n’aura d’autre choix que d’engager une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce, car il sera en cessation de paiement », rapporte un témoin.

          Cette menace a été portée à la connaissance des actionnaires ces derniers jours. Elle n’a fait que faire monter d’un ton leur colère. « Ils veulent refaire le coup de Casino qui leur a si bien réussi. Pas étonnant, ce sont les mêmes à la manœuvre. Ils ne supportent pas de rencontrer une opposition. Comme ils ne parviennent pas à imposer leurs vues, ils veulent passer en force auprès du tribunal de commerce. Ils s’assoient sur le droit des sociétés, sur le droit de propriété, sur le droit des actionnaires, sur l’intérêt social de l’entreprise. Mais ils n’en ont rien faire. Seul leur intérêt compte », s’énerve un actionnaire, qui dénonce un détournement de la procédure de sauvegarde.

          Interrogée sur un possible recours au tribunal de commerce, la direction d’Atos nous a donné cette réponse : « Des rumeurs malveillantes sont propagées par des personnes qui ont intérêt à voir baisser le cours de bourse d’Atos, comme des vendeurs à découvert [Atos est la deuxième société en Europe la plus vendue à découvert aujourd’hui – ndlr]. D’autres personnes peuvent aussi avoir intérêt à voir le cours de bourse baisser, pour espérer racheter des actifs à bas coût. Nous considérons que ces rumeurs sont le résultat de comportements cyniques contraires à l’intérêt des actionnaires de long terme, du groupe et de ses employés. L’ensemble de ses équipes ne se laissera pas déconcentrer et continue à travailler dans l’intérêt du groupe. »

          Dans un courrier adressé en fin de semaine aux actionnaires, elle indique : « Les actionnaires pourront […] se prononcer sur le projet de cession et les augmentations de capital liées, sur la base d’une information qui sera complétée lors de l’éventuelle signature des accords définitifs et en amont d’une assemblée générale. » Elle réfute toutes les critiques, les qualifiant de manœuvres de « déstabilisation ».


          Agrandir l’image : Illustration 2© Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart avec AFP

          « Mais même si Atos obtient du tribunal de commerce l’autorisation d’écraser les actionnaires actuels et de procéder à une augmentation de capital, qui va souscrire ? Atos n’a pas de stratégie, pas de management. Personne ne sait ce qu’il va advenir de ce groupe », relève un observateur.

          Officiellement, BNP Paribas et JPMorgan ont apporté leurs garanties à l’augmentation de capital, ce qui est censé en assurer le succès. Mais sur ce point aussi, de nombreuses interrogations planent.
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          • #6

            La nébuleuse garantie des banques

            En annonçant une augmentation de capital de 700 millions d’euros le 1er août, la direction d’Atos avait précisé que cette opération financière allait être garantie par BNP Paribas et JPMorgan. De quoi rassurer les investisseurs : les banques allaient soutenir l’opération.

            Certains investisseurs, cependant, se demandent quelles sont la nature et la portée de cette garantie. S’agit-il d’un engagement ferme à racheter toutes les actions nouvelles afin de garantir le succès de l’opération ? D’un simple portage avant de revendre les titres au plus vite ? Ou juste de la promesse de « faire au mieux » pour aider Atos à réaliser son augmentation de capital ?

            Interrogés, BNP Paribas et JPMorgan ne font « aucun commentaire ». Agacée d’avoir été interrogée deux fois à ce sujet, la direction d’Atos nous a répondu : « BNP Paribas et JPMorgan ont accordé un engagement de garantie sur la totalité des droits de souscription […]. Cette garantie est octroyée à des conditions usuelles de marché. »

            « C’est une information essentielle pour le marché et qui mérite des éclaircissements. L’Autorité des marchés financiers devrait y veiller. C’est dans sa mission et elle en a tous les moyens », commente Me Dominique Schmidt, un des avocats de l’AMF jusqu’en 2019. Et d’égrainer les différents textes relatifs à ces obligations : « Article 621 du Code monétaire et financier : l’AMF a pour mission de veiller à l’information des investisseurs. Article 223-1 du règlement général de l’AMF : l’information donnée au public par l’émetteur doit être exacte, précise et sincère. Article 223-10 du règlement général : l’AMF peut demander aux émetteurs […], la publication des informations qu’elle juge utiles à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché. »

            À ce stade, l’AMF n’a fait aucune déclaration publique sur le dossier Atos.

            Un avenir plus qu’incertain

            Depuis deux mois, et même avant, la direction est uniquement focalisée sur l’opération de cession de Tech Foundations. Mais elle n’est capable ni d’en donner les véritables modalités financières ni la finalité. À quoi va servir cette opération ? En quoi est-elle intéressante pour le groupe ? Quel sera son futur par la suite ? Il n’est répondu à aucune de ces questions.

            Personne ne connaît les intentions du fonds EPEI, propriété de Daniel Kretinsky, qui jusqu’alors n’a jamais investi dans le secteur des services numériques, s’il en prend le contrôle. Le groupe n’a pas plus indiqué comment évoluera le groupe, une fois la cession faite, sur quelles activités et quelles compétences il compte se repositionner.

            Si Bertrand Meunier insiste beaucoup sur la charge constituée par Tech Foundations – en cours de redressement de l’avis général –, il ne dit mot sur Eviden – le nouveau nom d’Atos après la cession –, qui regroupe à la fois les activités de logiciels, de cybersécurité et la fameuse entité BDS où sont regroupées les activités liées à la dissuasion nucléaire, au pilotage informatique des centrales nucléaires et aux supercalculateurs.

            Selon des connaisseurs du dossier, Eviden flotte, peut-être plus encore de Tech Foundations. Son management est considéré comme « très faible », « incapable de dégager une vision stratégique claire ». Pour eux, une réorganisation de ses activités s’impose. Mais sur quelle base ? Et surtout avec quels moyens ?

            « Si la vente de Tech Foundations se réalise, le groupe va perdre 62 % de son chiffre d’affaires, plus de la moitié de ses effectifs. Quelle est la prochaine étape ? On en sait rien puisqu’on ne nous dit rien. On a déjà perdu de nombreuses forces, la R&D [recherche et développement] a été réduite au minimum avec les réductions budgétaires. On nous annonce encore 400 millions supplémentaires de cession. Que va-t-il rester d’Atos à la fin ? Que fera-t-il et avec quels moyens ? », s’interroge Didier Moulin, responsable CGT d’Atos et Eviden.

            Ces interrogations rejoignent celles des actionnaires. Eux aussi se demandent ce qu’il va subsister d’Atos à la fin et comment il va pouvoir en vivre. « Atos a déjà 2,4 milliards de dettes. Si Daniel Kretinsky réalise la vente dans les conditions annoncées, Atos va perdre quelque 900 millions. Et il va lui falloir encore s’endetter. Comment le groupe, amputé de plus de la moitié de son chiffre d’affaires, peut-il dire faire face à plus de 3 milliards d’euros de dettes ? Cela semble irréalisable », explique un fonds, actionnaire du groupe.

            « Meunier aura au moins réussi cet exploit ! La CGT et les actionnaires se retrouvent sur la même ligne », rigole Didier Moulin.

            Les banques dans l’expectative

            Sans le dire publiquement, les banques aussi suivent attentivement le dossier. Dans le cadre d’une restructuration de la dette d’Atos, onze banques ont signé un crédit syndiqué de 2,4 milliards d’euros en juin 2022. Et elles commencent à se poser des questions.

            La rébellion suscitée par les projets de la direction d’Atos les inquiète. Chaque jour, elles constatent que la situation s’envenime. L’annonce et les modalités de la cession à Daniel Kretinsky, les incertitudes sur l’avenir du groupe suscitent de nombreuses interrogations chez les clients d’Atos. Beaucoup s’interrogent pour savoir s’il faut ou non renouveler leurs contrats avec le groupe. Et ces questions risquent de se traduire à un moment ou à un autre dans les résultats déjà catastrophiques du groupe : Atos a perdu 600 millions d’euros au premier semestre, en raison de contrats passés à trop faible marge et de frais de restructuration, a expliqué la direction .

            Ces derniers jours, la direction d’Atos a annoncé une réunion de conciliation avec les banques pour fin octobre : le groupe ne respecterait plus certains « convenants » (clauses de garantie imposées dans le contrat de prêt et que l’emprunteur est obligé de respecter) prévus dans le prêt syndiqué.

            « Pour l’instant, les banques restent au côté de la direction d’Atos. Mais jusqu’à quand ? », note un connaisseur du dossier. Début août, l’agence de notation S&P a annoncé placer la dette d’Atos – classée déjà BB, c’est-à-dire spéculative – sous surveillance négative. La dégradation semble inévitable à beaucoup. Cela signifie pour le groupe des coûts financiers supplémentaires et pour les banques, des provisions pour risques supplémentaires au bilan.

            « On n’est pas à l’abri d’un scénario catastrophe. La dette d’Atos se négocie actuellement à 80 % de sa valeur nominale. Une des banques peut tout à fait se dire qu’au vu de la situation, elle se débarrasse tout de suite de sa dette d’Atos, quitte à accepter une décote supplémentaire, afin de limiter ses risques. Après, ce serait la curée », explique-t-il.

            « Il est plus que temps d’arrêter cette spirale infernale. Si rien n’est fait rapidement, ce sera la destruction d’un nouveau groupe en France. Atos sera vendu par appartements », prévient un observateur.
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