Il y a quelques mois, le gouvernement s’était bruyamment félicité des chiffres du chômage du premier trimestre 2023, qui apparaissaient en baisse. Les grands médias avaient alors relayé sa propagande sans recul. Il se confirme désormais que la reprise de l'emploi était bien moins réjouissante qu’annoncée. A contrario, un large silence médiatique a accompagné les derniers chiffres du chômage, qui révèlent un net retournement de tendance. Si l'on en croit certains indicateurs, la situation de l'emploi pourrait continuer de se dégrader, ce qui reste cependant à confirmer. Nous suivrons donc de près l'évolution du chômage dans les mois à venir.
Rappelons tout d'abord qu’en France, il existe plusieurs manières de définir un « chômeur » et donc de mesurer le chômage. Pôle emploi distingue ainsi cinq catégories de chômeurs, à la recherche de n’importe quel type de contrat (CDI, CDD, à temps plein, à temps partiel, temporaire ou saisonnier). La catégorie la plus utilisée dans le débat public est la catégorie A, qui désigne « une personne sans emploi, à la recherche de n’importe quel type de contrat, et tenue de rechercher activement un emploi ».
Selon Pôle emploi, en septembre 2023, le nombre de chômeurs en « catégorie A » est en diminution. Cependant, fait étrange, le nombre de chômeurs ne travaillant pas (catégories A à C) a augmenté de 0,3 %, soit 16 000 chômeurs de plus. Le nombre de chômeurs au sens large (catégories A à E) a également augmenté. Le nombre d’intérimaires a, pour sa part, crû de près de 15 000.
Si on observe de plus près la variation du chômage, on se rend compte que l’embellie du chômage s’est terminée au printemps : le chômage a stagné au deuxième trimestre, et commence à remonter au troisième. Mais le mois de septembre a vu une nette baisse. Il faudra voir s’il s’agit d’une anomalie ou d’un nouveau retournement de tendance.
Si l’on considère l’ensemble des catégories définies par Pôle emploi, depuis trente ans, le nombre de chômeurs en France a augmenté significativement, particulièrement depuis la crise de 2008 : il est en effet passé de 4 millions à près de 7 millions d’inscrits en 10 ans, avant de retomber au niveau actuel de plus de 6 millions.
La seule « Catégorie A » – dont on parle généralement dans les médias – comptabilise toujours 3 millions de chômeurs.
Manipulations statistiques
Ces chiffres posent cependant différents problèmes statistiques. Le plus important saute aux yeux. Depuis 2004, un phénomène pernicieux s'est développé : on observe une forte décorrélation entre le nombre de chômeurs en Catégorie A – c’est-à-dire des « personnes sans emploi récent qui en recherchent un » – et celui des chômeurs selon la définition du BIT (Bureau International du Travail) qui est utilisée pour les comparaisons internationales, et qui est sans cesse mise en avant par le gouvernement.
Le BIT classe en effet beaucoup de chômeurs dans ce qu’il appelle le « halo du chômage », c’est-à-dire des quasi-chômeurs, mais ce chiffre ne nous est quasiment jamais présenté par les grands médias. Il a pourtant augmenté ces dernières années. On constate également que le nombre de chômeurs découragés (par exemple un chômeur de 61 ans qui n’a pas de droits à indemnisation, et va donc cesser de chercher du travail) a fortement augmenté depuis 2020, compensant partiellement la baisse du chômage.
Si on observe l’évolution des chômeurs, des quasi-chômeurs et des découragés, on remarque qu’il est globalement stable en moyenne depuis 2014, un peu en dessous de 4 millions de personnes. La réalité est donc bien loin de « l’objectif de plein emploi » que ne cesse d’agiter le gouvernement.
Dans les faits, l’évolution très favorable du taux de chômage « façon BIT » – que les médias présentent comme une réussite gouvernementale – n’a pas été suivie par une baisse aussi forte du taux de chômage « façon Pôle emploi ». Un nombre croissant d'inscrits en catégorie A ne sont plus comptabilisés par la définition du chômage au sens du BIT.
Le second problème statistique s’est observé en 2022, avec une baisse du nombre de chômeurs en catégorie A qui ne correspond en rien à une baisse du chômage au sens du BIT. Ce phénomène est simplement lié à un retraitement statistique opéré par Pôle emploi, qui a basculé des dizaines de milliers de chômeurs de la Catégorie A, très scrutée, vers d’autres catégories, sans aucun impact sur le total des inscrits à Pôle emploi. Et cela génère des discordances étonnantes entre les catégories. Ainsi, depuis 2021, le nombre d’inscrits en catégorie A a beaucoup baissé, mais pas celui en catégories B et C, qui sont pourtant proches (ce sont des chômeurs ayant plus ou moins travaillé au cours du mois).
Ces discordances s’observent bien en analysant l'évolution en nombre des catégories de chômeurs au fil des mois, surtout depuis mi-2022. Elles deviennent même flagrantes lorsque l'on compare avec les périodes précédentes de forte baisse du chômage, en 2000 ou 2007. À l’époque, les catégories A, B et C baissaient bien ensemble. Or, en 2022, elles avaient des tendances opposées. Ce phénomène pourrait possiblement être un signe d'une plus grande précarisation de l’emploi en France. Quoi qu'il en soit, ces discordances ont cessé en 2023, et les chiffres de septembre laissent planer le doute sur l’évolution au cours du prochain trimestre.
Une baisse « pas si historique »
Ces manipulations statistiques posent un vrai problème, car l’Insee utilise cette définition restreinte du BIT pour calculer le taux de chômage, que la plupart des médias et des dirigeants politiques reprennent, vu qu’il minore les chiffres. Au printemps dernier, le président Macron et la majorité se sont ainsi vantés que le « niveau du chômage » était au plus bas depuis 40 ans, et que le « plein emploi est atteignable, plus proche que jamais ».
Après, tout consiste à savoir quelle définition on donne au mot « chômage ». Si on considère le seul « taux de chômage au sens du BIT », qui a atteint 7,1 % au 1er trimestre 2023, après 7,2 % fin 2022, c’était alors vrai : il n’avait plus été atteint depuis 1982.
Cependant, il faut quand même avoir une vision de la parole publique assez étrange pour oser parler de « plein-emploi », quand 6 millions de personnes sont toujours inscrites à Pôle emploi, dont 3 millions en Catégorie A.
Si l'on souhaite corriger les imperfections de la méthode du BIT liées à la hausse de la proportion de chômeurs très âgés, il suffit simplement de se baser sur les chiffres de Pôle emploi. Avec la seule Catégorie A, le taux de chômage n’est alors plus de 7 %, mais plutôt de 10 %. Et si l'on prend tous les inscrits à Pôle emploi, on dépasse les 20 % !
Au final, le niveau de chômage — qu’il soit mesuré par Pôle emploi ou le BIT — est donc assez proche du niveau enregistré à la veille de la crise de 2008. Nous vous renvoyons à notre chronique vidéo où nous avons démonté la propagande gouvernementale au sujet du chômage.
D’ailleurs, au second semestre 2023, le taux de chômage est revenu à 7,4 %, et la propagande du gouvernement autour du chômage « au plus bas depuis 40 ans » a totalement disparu, tout comme les promesses de « plein-emploi »…
La fin d’une baisse historique des entrées à Pôle emploi
Beaucoup d'indices montrent que le gouvernement a mis une énorme pression pour forcer les chiffres du chômage à atteindre ce bas niveau – le quotidien La Marseillaise a par exemple publié des témoignages édifiants.
Sur longue période, les entrées mensuelles à Pôle emploi sont passées de 400 000 en 1996 à 560 000 actuellement. Les motifs d’entrées (démissions, recherches de premier emploi, fins de contrat d’intérim ou de CDD…) n’ont pas varié dans de grandes proportions ces 25 dernières années. La baisse du chômage depuis 2021 a été le résultat d’une forte baisse des entrées, et d’une relative stabilité des sorties. Ce phénomène positif s’est terminé en juillet 2023, et le chômage augmente donc depuis lors.
Rappelons tout d'abord qu’en France, il existe plusieurs manières de définir un « chômeur » et donc de mesurer le chômage. Pôle emploi distingue ainsi cinq catégories de chômeurs, à la recherche de n’importe quel type de contrat (CDI, CDD, à temps plein, à temps partiel, temporaire ou saisonnier). La catégorie la plus utilisée dans le débat public est la catégorie A, qui désigne « une personne sans emploi, à la recherche de n’importe quel type de contrat, et tenue de rechercher activement un emploi ».
Selon Pôle emploi, en septembre 2023, le nombre de chômeurs en « catégorie A » est en diminution. Cependant, fait étrange, le nombre de chômeurs ne travaillant pas (catégories A à C) a augmenté de 0,3 %, soit 16 000 chômeurs de plus. Le nombre de chômeurs au sens large (catégories A à E) a également augmenté. Le nombre d’intérimaires a, pour sa part, crû de près de 15 000.
Si on observe de plus près la variation du chômage, on se rend compte que l’embellie du chômage s’est terminée au printemps : le chômage a stagné au deuxième trimestre, et commence à remonter au troisième. Mais le mois de septembre a vu une nette baisse. Il faudra voir s’il s’agit d’une anomalie ou d’un nouveau retournement de tendance.
Si l’on considère l’ensemble des catégories définies par Pôle emploi, depuis trente ans, le nombre de chômeurs en France a augmenté significativement, particulièrement depuis la crise de 2008 : il est en effet passé de 4 millions à près de 7 millions d’inscrits en 10 ans, avant de retomber au niveau actuel de plus de 6 millions.
La seule « Catégorie A » – dont on parle généralement dans les médias – comptabilise toujours 3 millions de chômeurs.
Manipulations statistiques
Ces chiffres posent cependant différents problèmes statistiques. Le plus important saute aux yeux. Depuis 2004, un phénomène pernicieux s'est développé : on observe une forte décorrélation entre le nombre de chômeurs en Catégorie A – c’est-à-dire des « personnes sans emploi récent qui en recherchent un » – et celui des chômeurs selon la définition du BIT (Bureau International du Travail) qui est utilisée pour les comparaisons internationales, et qui est sans cesse mise en avant par le gouvernement.
Le BIT classe en effet beaucoup de chômeurs dans ce qu’il appelle le « halo du chômage », c’est-à-dire des quasi-chômeurs, mais ce chiffre ne nous est quasiment jamais présenté par les grands médias. Il a pourtant augmenté ces dernières années. On constate également que le nombre de chômeurs découragés (par exemple un chômeur de 61 ans qui n’a pas de droits à indemnisation, et va donc cesser de chercher du travail) a fortement augmenté depuis 2020, compensant partiellement la baisse du chômage.
Si on observe l’évolution des chômeurs, des quasi-chômeurs et des découragés, on remarque qu’il est globalement stable en moyenne depuis 2014, un peu en dessous de 4 millions de personnes. La réalité est donc bien loin de « l’objectif de plein emploi » que ne cesse d’agiter le gouvernement.
Dans les faits, l’évolution très favorable du taux de chômage « façon BIT » – que les médias présentent comme une réussite gouvernementale – n’a pas été suivie par une baisse aussi forte du taux de chômage « façon Pôle emploi ». Un nombre croissant d'inscrits en catégorie A ne sont plus comptabilisés par la définition du chômage au sens du BIT.
Le second problème statistique s’est observé en 2022, avec une baisse du nombre de chômeurs en catégorie A qui ne correspond en rien à une baisse du chômage au sens du BIT. Ce phénomène est simplement lié à un retraitement statistique opéré par Pôle emploi, qui a basculé des dizaines de milliers de chômeurs de la Catégorie A, très scrutée, vers d’autres catégories, sans aucun impact sur le total des inscrits à Pôle emploi. Et cela génère des discordances étonnantes entre les catégories. Ainsi, depuis 2021, le nombre d’inscrits en catégorie A a beaucoup baissé, mais pas celui en catégories B et C, qui sont pourtant proches (ce sont des chômeurs ayant plus ou moins travaillé au cours du mois).
Ces discordances s’observent bien en analysant l'évolution en nombre des catégories de chômeurs au fil des mois, surtout depuis mi-2022. Elles deviennent même flagrantes lorsque l'on compare avec les périodes précédentes de forte baisse du chômage, en 2000 ou 2007. À l’époque, les catégories A, B et C baissaient bien ensemble. Or, en 2022, elles avaient des tendances opposées. Ce phénomène pourrait possiblement être un signe d'une plus grande précarisation de l’emploi en France. Quoi qu'il en soit, ces discordances ont cessé en 2023, et les chiffres de septembre laissent planer le doute sur l’évolution au cours du prochain trimestre.
Une baisse « pas si historique »
Ces manipulations statistiques posent un vrai problème, car l’Insee utilise cette définition restreinte du BIT pour calculer le taux de chômage, que la plupart des médias et des dirigeants politiques reprennent, vu qu’il minore les chiffres. Au printemps dernier, le président Macron et la majorité se sont ainsi vantés que le « niveau du chômage » était au plus bas depuis 40 ans, et que le « plein emploi est atteignable, plus proche que jamais ».
Après, tout consiste à savoir quelle définition on donne au mot « chômage ». Si on considère le seul « taux de chômage au sens du BIT », qui a atteint 7,1 % au 1er trimestre 2023, après 7,2 % fin 2022, c’était alors vrai : il n’avait plus été atteint depuis 1982.
Cependant, il faut quand même avoir une vision de la parole publique assez étrange pour oser parler de « plein-emploi », quand 6 millions de personnes sont toujours inscrites à Pôle emploi, dont 3 millions en Catégorie A.
Si l'on souhaite corriger les imperfections de la méthode du BIT liées à la hausse de la proportion de chômeurs très âgés, il suffit simplement de se baser sur les chiffres de Pôle emploi. Avec la seule Catégorie A, le taux de chômage n’est alors plus de 7 %, mais plutôt de 10 %. Et si l'on prend tous les inscrits à Pôle emploi, on dépasse les 20 % !
Au final, le niveau de chômage — qu’il soit mesuré par Pôle emploi ou le BIT — est donc assez proche du niveau enregistré à la veille de la crise de 2008. Nous vous renvoyons à notre chronique vidéo où nous avons démonté la propagande gouvernementale au sujet du chômage.
D’ailleurs, au second semestre 2023, le taux de chômage est revenu à 7,4 %, et la propagande du gouvernement autour du chômage « au plus bas depuis 40 ans » a totalement disparu, tout comme les promesses de « plein-emploi »…
La fin d’une baisse historique des entrées à Pôle emploi
Beaucoup d'indices montrent que le gouvernement a mis une énorme pression pour forcer les chiffres du chômage à atteindre ce bas niveau – le quotidien La Marseillaise a par exemple publié des témoignages édifiants.
Sur longue période, les entrées mensuelles à Pôle emploi sont passées de 400 000 en 1996 à 560 000 actuellement. Les motifs d’entrées (démissions, recherches de premier emploi, fins de contrat d’intérim ou de CDD…) n’ont pas varié dans de grandes proportions ces 25 dernières années. La baisse du chômage depuis 2021 a été le résultat d’une forte baisse des entrées, et d’une relative stabilité des sorties. Ce phénomène positif s’est terminé en juillet 2023, et le chômage augmente donc depuis lors.
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