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En Europe, la vague inflationniste reflue, mais elle aura laminé le pouvoir d’achat

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  • En Europe, la vague inflationniste reflue, mais elle aura laminé le pouvoir d’achat

    L’inflation ralentit enfin, à 2,4 % en novembre en zone euro. Mais le choc de ces deux dernières années a provoqué un recul du niveau de vie jamais vu depuis les années 1970, et induit de profonds changements dans les habitudes de consommation.

    Par Eric Albert(Londres, correspondance), Cécile Boutelet(Berlin, correspondance), Allan Kaval(Rome, correspondant), Aline Leclerc et Jean-Pierre Stroobants(Bruxelles, correspondant)

    Bientôt la fin du choc inflationniste ? En Europe, le ralentissement de la hausse des prix se confirme, en tout cas. En novembre, selon les données publiées par Eurostat jeudi 30 novembre, l’inflation sur un an était de 2,4 % en zone euro et de 3,8 % en France. C’est loin, très loin du pic connu un an plus tôt, quand elle avait culminé respectivement à 10,6 % et 7,1 %.

    Mais, faut-il le préciser, pas grand monde ne va célébrer cette nouvelle : les prix ne baissent pas, ils ont simplement cessé d’augmenter aussi vite qu’avant. Sur trois ans, l’inflation en zone euro a été de 18 % et les salaires n’ont pas suivi. En moyenne, chacun est aujourd’hui plus pauvre qu’à la sortie de la pandémie.

    « Ça a été le pire choc sur le niveau de vie depuis les années 1970 en Europe », résume Erik Nielsen, conseiller économique à UniCredit, une banque italienne. « Il y a un an, les salaires réels [corrigés de l’inflation] étaient en recul de 7,7 %, rappelle Anna Titareva, économiste à UBS, une banque suisse. C’était du jamais-vu dans l’histoire de la zone euro. Auparavant, la plus forte baisse avait été autour de 1,2 % en 2011, pendant la crise de la zone euro. »

    Si le choc commence aujourd’hui à se résorber, ses conséquences vont donc se ressentir sur le long terme. La façon de consommer a profondément changé : les Européens achètent moins, sont passés des marques connues aux marques de distributeurs, et vont plus souvent faire leurs courses dans les hard-discounters. Les Allemands ont même réduit leur consommation de saucisses et les Italiens celle de vin. Rien n’est sacré…

    L’inflation est-elle finie ?


    Le recul de l’inflation en novembre a surpris les économistes, qui ne s’attendaient pas une baisse aussi prononcée. Non seulement celle-ci est passée de 2,9 % en octobre à 2,4 % en novembre en zone euro, mais l’inflation dite « sous-jacente » (hors alimentaire et énergie, qui sont plus volatils) a également fortement marqué le pas, de 4,2 % à 3,6 %.


    Dans toute une série de pays, les prix sont désormais presque stagnants. Ils progressent de 0,7 % en Italie, 0,8 % en Finlande, 1,4 % aux Pays-Bas… En Belgique, ils sont même légèrement négatifs, à − 0,7 %. En France, ils augmentent de 3,8 % (il s’agit des données harmonisées européennes, tandis que l’inflation calculée par l’Insee est légèrement plus basse, à 3,4 %).

    « Le pire de l’inflation est sans doute passé », estime Gilles Moëc, économiste en chef à Axa. Tous les facteurs qui ont nourri la flambée des prix semblent en effet aller dans le bon sens. En Europe, le principal choc était venu de l’énergie, avec la multiplication par quinze des prix du gaz pendant l’été 2022, qui s’est ensuite répandue progressivement dans toute l’économie. « Sur le fond, le problème énergétique n’est pas résolu, mais l’Europe s’est mise à l’abri pour l’instant,continue M. Moëc. L’Allemagne a installé un terminal d’importation de gaz naturel liquéfié, l’Italie a passé un accord d’approvisionnement avec l’Algérie… L’hiver sera un peu plus confortable que l’an dernier. »


    Autre facteur d’amélioration : les chaînes logistiques, qui étaient complètement enrayées à la sortie de la pandémie, sont pratiquement revenues à la normale. Le signe le plus clair de cette amélioration vient des délais de livraison, qui sont revenus à leur moyenne de long terme.

    Troisième facteur encourageant enfin, « l’inflation domestique semble sous contrôle », termine M. Moëc. Les chocs exogènes venant de l’énergie et des chaînes logistiques ne semblent pas avoir provoqué un effet boule de neige. La fameuse boucle prix-salaires (les prix augmentent, ce qui amène les salariés à demander une hausse des rémunérations, ce qui oblige les entreprises à augmenter leurs prix…), qui avait sévi dans les années 1970, n’est pas apparue.

    La Banque centrale européenne, dont le mandat est de maintenir l’inflation autour de 2 %, demeure prudente mais va dans le même sens optimiste. « Nous pensons que l’affaiblissement des pressions inflationnistes va continuer », expliquait le 27 novembre Christine Lagarde, sa présidente.

    Perte historique du pouvoir d’achat


    Reste que ce retour au calme des prix n’est absolument pas une évidence dans la vie quotidienne. Ne dites pas à Julien, 27 ans,vendeur dans une boutique de parfums et cosmétiques Sephora, que l’inflation, c’est fini. « Moi je ressens tout l’inverse ! Au niveau de mes factures, ça a explosé ! » Employé depuis quatre ans dans un magasin du centre de Paris, il est déjà contraint de vivre à Mantes-la-Jolie (Yvelines), une heure de transport matin et soir, faute de pouvoir louer un appartement dans la capitale. « Il y a trois mois, le loyer de mon 37 mètres carrés est passé de 600 à 650 euros mensuels. Mon passe Navigo a pris 9 euros par mois en janvier ! Et le pire, c’est l’électricité : je suis chez Engie, avec la fin du bouclier tarifaire, ma facture est passée de 57 à 97 euros ! C’est énorme ! »

    Ce sentiment d’appauvrissement est généralisé à travers l’Europe, et corroboré par les statistiques. Fin 2022, au pire du pic inflationniste, les économistes ont eu du mal à croire les résultats de leurs tableaux Excel. Selon les calculs d’UBS, les salaires réels étaient en baisse de 13 % en Espagne, de 11 % en Italie, de 9 % en Allemagne. Du jamais-vu dans l’histoire de ces dernières décennies, alors que le recul atteint rarement plus de 1 % en cas de grave crise. « En France, on a connu une chute de 3,2 % entre le premier trimestre 2021 et le troisième trimestre 2023, souligne M. Moëc. Il n’y a pas eu de précédent depuis la création de cette série statistique sur les salaires en 1990. Une baisse réelle, c’est vraiment très rare. »

    Pour Julien, dont le salaire net mensuel est de 1 390 euros, soit 7 euros de plus que le smic, cela signifie de très sérieuses difficultés pour s’en sortir. « Je dépense 1 100 euros en factures par mois, il me reste 200 euros pour vivre. A 27 ans, je dois demander à mes parents de m’aider pour la nourriture ! » Alors qu’en cette froide semaine de fin novembre, le thermomètre affiche 5 degrés, lui n’a toujours pas allumé le chauffage. « J’ai racheté une couverture, une bouillotte, je repousse au maximum, je rogne sur tout ». Il a résilié ses abonnements aux plates-formes Disney + et Amazon Prime – « Même ça, ça a augmenté ! » – , et réduit celui de Netflix à la formule la moins chère : un écran, qualité standard. « C’est pour garder quand même un peu de divertissement. »

    L’Italie, où les salaires sont stagnants de longue date, a été particulièrement touchée. « Depuis août 2021, les salaires italiens ont perdu environ 15 % de leur pouvoir d’achat et les baisses d’impôts introduites ces dernières années n’ont récupéré que partiellement ces pertes et pour un nombre limité de citoyens, explique Tito Boeri, professeur à l’université Bocconi de Milan. Les failles des négociations collectives et le pouvoir de marché excessif des employeurs dans de nombreuses entreprises jouent un rôle à cet égard, ainsi que la multiplication des contrats précaires en l’absence de salaire minimum. »

    Face à la crise, les gouvernements sont cependant intervenus massivement. La France a établi un bouclier tarifaire, et la grande majorité des pays ont soutenu d’une manière ou d’une autre les factures énergétiques. Le revenu disponible des ménages (qui comprend aussi les impôts, les aides sociales…) a donc chuté moins violemment que les salaires. Selon UBS, il est en hausse de 2 % par rapport à 2019, avant la pandémie, en zone euro ; mais il demeure en recul de 2,3 % et de 3,9 % en Allemagne et en Italie. En France, il est en hausse de 2,5 %.

    Une consommation bouleversée


    Impossible dans ces conditions de ne pas adapter profondément sa consommation. En Allemagne, une information a suscité beaucoup de commentaires : la consommation de saucisses décline. Plus précisément, les achats de viande, en particulier de porc, ont fortement baissé en 2022, passant à 52,2 kilos par habitant, soit 8,1 % de moins que l’année précédente, un plus-bas historique depuis 1989. Plus qu’une prise de conscience environnementale, il s’agirait plutôt de l’effet de la forte inflation. Cette analyse se renforce si on observe les achats de produits bio, en baisse de 3,5 % en 2022 : les ventes se sont surtout effondrées dans les magasins spécialisés (− 18 %), alors qu’elles ont progressé chez les discounters ( + 3,2 %), qui écoulent également davantage de viande bon marché.



    Ce recul de la consommation se confirme dans toute l’Europe. En France, l’Insee parle d’une « baisse inédite de la consommation alimentaire », avec un recul d’un peu plus de 3 % par rapport à 2019. « Les volumes de ventes déclinent dans toutes les catégories à travers l’Europe », explique Anton Delbarre, économiste pour Eurocommerce, l’organisme représentant les commerces européens. Si la croissance de la consommation de la décennie 2010 avait continué au même rythme, les volumes seraient aujourd’hui 6 % plus élevés, calcule-t-il.

    Au-delà de se serrer la ceinture, les consommateurs se sont adaptés de deux grandes façons, ajoute-t-il : « Ils sont passés aux marques propres des distributeurs, et ils ont changé d’enseigne, notamment vers les hard-discounters. »

    La part de marché des hard-discounters (Aldi, Lidl…) à travers l’Europe est passée de 17,6 % avant la pandémie à 19,1 % aujourd’hui. En Italie, « la tendance est à la prudence, à la parcimonie et à la sobriété », confirme Albino Russo, directeur du bureau d’études de Coop, réseau de coopérative comprenant un réseau de détaillants allant de la supérette à l’hypermarché. « Ce n’est pas la première fois qu’on observe des ajustements face aux crises mais celui-ci est d’une rigueur inédite. »

    D’après l’édition 2023 du rapport annuel Coop, les Italiens sont ainsi plus nombreux à renoncer durablement à des acquisitions de voiture ou de logements. Le nombre de ventes de smartphones a chuté de 1,3 million d’unités par rapport à l’année précédente. Les consommateurs abandonnent aussi certaines habitudes alimentaires, l’étude relevant une diminution de la consommation de snacks, de vin et même de fruits. « L’Italie était le pays européen le plus attaché à ses marques. Désormais, les marques de distributeurs enregistrent des records de mois en mois, représentant près de 30 % de la dépense et de 40 % des ventes », ajoute M. Russo. Les enseignes discount sont passées de 18,9 % de parts de marché en 2019 à 23 % au premier semestre 2023. « Nous pensons que ces changements seront durables, précise Christel Delberghe, la directrice d’EuroCommerce. Comme la pandémie a développé l’e-commerce, l’inflation a fait basculer les clients vers les marques propres, et ils n’en reviendront pas. »

    Des salaires qui commencent à progresser


    Le choc économique provoqué par l’inflation ne ressemble pas aux crises de ces dernières décennies. Cette fois-ci, contrairement à la crise financière de 2008 ou à celle de la zone euro de 2010-2015, le chômage n’a pas explosé. La flambée des prix est un phénomène exogène, qui a touché tout le monde, des ménages les plus pauvres aux plus aisés (même si les premiers en subissent les conséquences de façon beaucoup plus violente). Cela se concrétise par une croissance économique atone, mais pas par une violente récession. « On a subi un choc extérieur, et tout le monde est plus pauvre, explique M. Nielsen, d’Unicredit. La seule question est de savoir comment se répartit cet appauvrissement. Pour l’instant, les salariés ont été ceux qui en ont le plus subi les conséquences. » Les marges des entreprises, en revanche, ont tenu.

    Cet équilibre semble être en train de changer. En particulier, les salaires ont commencé à augmenter. En octobre, les courbes de l’inflation (à la baisse) et des salaires (à la hausse) se sont enfin croisées en zone euro. Le pouvoir d’achat ne recule plus. En zone euro, les salaires nominaux progressent désormais de plus de 4 %.

    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2
    Même chose en Allemagne : au troisième trimestre 2023, les salaires réels ont progressé de 0,6 % par rapport au trimestre précédent, avec une progression importante des salaires nominaux de 6,3 %. « Avec un peu de chance, les pertes de salaire réel subies entre 2020 et 2022 pourraient être rattrapées en 2024, estime Dominik Groll, économiste à l’Institut de Kiel. Mais le retour à la tendance d’avant-crise, c’est-à-dire les niveaux de salaires qu’on aurait pu attendre sans la pandémie et sans la crise énergétique, est encore une perspective lointaine. »

    Dans certains pays, la situation est plus positive. En Belgique, les revenus ont été beaucoup mieux protégés que ceux de leurs voisins grâce au système d’indexation automatique des salaires, qui concerne aussi les retraites et les indemnités de chômage : en 2023, ces revenus nominaux ont tous augmenté de 12 %. « Cela a très clairement limité les conséquences sociales de cette poussée inflationniste, et la grogne qui pouvait en découler », analyse Charlotte de Montpellier, macro-économiste chez ING.

    Mais pour les salariés, il faudra longtemps avant de se sentir plus riche, comme le montre l’expérience de Rachel, 40 ans, cuisinière pour Sodexo dans un internat des Yvelines, et mère seule de trois enfants à Trappes (Yvelines). Elle est persuadée que depuis deux ans son salaire « n’a pas bougé » : « Ça me fait toujours 1 700 nets environ ». Pourtant, d’après le résultat des négociations annuelles obligatoires de son entreprise, il a augmenté à deux reprises : une fois de 4 %, une fois de 5 % − soit entre 54 et 73 euros nets de différence par mois. Elle s’étonne : « Vraiment ? Alors, on ne les a pas sentis du tout ! Faut voir aussi tout ce qui a augmenté dans les prélèvements automatiques : la mutuelle, nos deux passes Navigo à ma fille et moi, l’électricité, et les courses ! » Il faut encore longtemps avant que les ménages retrouvent un sentiment d’amélioration. Selon Unicredit, les salaires devraient revenir à leur niveau prépandémie d’ici à fin 2025 au mieux.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

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    • #3
      L'inflation est un mécanisme inventé par les banques centrales des Etats pour dépouiller le peuple de ses bas de laine et saigner à blanc ses économies .
      maintenant qu'ils ont renflouer les caisses ,ils peuvent commencer à baisser les taux.
      ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
      On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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