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L’économie européenne dans la tourmente »

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  • L’économie européenne dans la tourmente »

    Le Vieux Continent n'est pas au meilleur de sa forme. Alors que les États-Unis affichent un taux de croissance à faire pâlir d'envie nos gouvernements (il devrait dépasser les 2 % cette année), les pays de la zone euro traînent la patte. La Commission européenne vient d'ailleurs de revoir à la baisse ses perspectives pour la zone euro en 2023, à 0,6 %… Le Point vous emmène cette semaine à la découverte de ces économies en panne sèche.

    1-La France, engluée dans la croissance molle


    France devrait connaître une très légère augmentation de son activité cette année.

    Par Philippine Robert

    Pour Catherine Guerniou, la rentrée a été difficile. La dirigeante de La Fenêtrière – une PME spécialisée dans la fabrication de fenêtres et basée à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), qui emploie quatorze salariés et dont le chiffre d'affaires annuel s'élève à 2,6 millions d'euros – a vu son activité chuter en septembre. « Sur les quinze premiers jours, elle a diminué de 20 % », souffle-t-elle.
    Depuis, l'activité est un peu repartie… Mais reste vacillante. « Les prises de décision de nos clients, essentiellement d'autres entreprises, sont plus lentes et les demandes de financements sont bloquées : nous sommes dans le flou pour les prochains mois concernant nos commandes », raconte la dirigeante.
    Catherine Guerniou n'est pas la seule chef d'entreprise à être engluée dans une conjoncture plus difficile. « Mois après mois, les chefs d'entreprise constatent une dégradation progressive de la conjoncture : les carnets de commandes qui étaient pleins en début d'année se renouvellent de moins en moins vite, décrit Frédéric Coirier, coprésident du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti). Ce n'est pas dramatique, mais on constate un net ralentissement de l'activité. » « Nous sommes loin de l'euphorie, mais plutôt dans l'attentisme », complète Denis Vaillant, président d'Ucaplast, le syndicat des PME du caoutchouc.

    Retour à la réalité


    Cette sensation de stagnation se confirme dans les chiffres macroéconomiques. Au troisième trimestre, le produit intérieur a augmenté de seulement 0,1 %. Après un deuxième trimestre où la croissance a été miraculeusement sauvée par la contribution du commerce extérieur (+ 0,6 %), il ne s'agit que de la poursuite d'une tendance : sur les trois premiers mois de l'année, le PIB n'avait augmenté que de 0,1 %. Dans ses dernières prévisions, l'Insee table sur une croissance à peine supérieure pour la fin de l'année (+ 0,2 %). « Mais depuis ces prévisions, les enquêtes de conjoncture auprès des entreprises ont montré un climat des affaires qui s'érodait », prévient Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l'Insee. Au total, l'augmentation du PIB ne devrait pas dépasser les 0,9 % cette année…


    Fini le rattrapage post-Covid, les bonnes surprises sur le front des exportations… et maintenant, dur retour à la réalité ! Entre le choc de l'inflation qui a provoqué un coup de froid sur la consommation des ménages et augmenté les coûts des entreprises, celui de la hausse des taux d'intérêt et une activité mondiale qui ralentit, cette croissance molle n'est pas si étonnante… Et peut-être même miraculeuse : la France a évité la récession et s'en sort mieux que certains de ses voisins, l'Allemagne par exemple (- 0,4 % de croissance cette année, selon les prévisions du gouvernement de nos voisins d'outre-Rhin).

    La construction tire la langue


    Mais entre le début et la fin de l'année, un basculement s'est opéré. « Début 2023, l'activité a été grevée par les comportements des ménages, qui consommaient moins à cause de l'inflation, mais elle a tenu grâce aux entreprises qui embauchaient et qui investissaient : désormais, la consommation des ménages repart grâce à la baisse de l'inflation, mais c'est au tour des entreprises de freiner », décortique Denis Ferrand, directeur de Rexecode. Carnets de commandes qui se désemplissent, trésorerie qui se dégrade, embauches qui stagnent et plus de prudence sur les investissements à venir : le cocktail n'est pas euphorisant !


    Bien sûr, tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Certains, comme la construction, sont plus à la peine que d'autres. « Cette année, l'activité est tirée par le bas, car les mises en chantier se sont écroulées au deuxième semestre, et la récession dans le secteur devrait être encore plus importante l'an prochain », soupire Olivier Salleron, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Tandis que l'automobile ou l'aéronautique ont tenu encore bon ces derniers mois, grâce à l'effet de rattrapage post-Covid.

    Délais de transmission


    Pour l'année prochaine, les perspectives ne sont pas forcément meilleures. Si le gouvernement, la Commission européenne ou le FMI anticipent bien un rebond de la croissance, d'autres sont plus pessimistes. Les prévisionnistes de Rexecode s'attendent par exemple à une croissance de 0,4 % l'année prochaine. Ceux de l'OFCE à 0,8 %. « Nous n'avons pas encore pleinement subi l'effet négatif de la hausse des taux, car les délais de transmission ne sont pas immédiats : cette année, la politique monétaire plus restrictive a amputé la croissance de 0,4 point de PIB, et en 2024 de 0,9 point », estime ainsi Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'OFCE. Côté entreprises, les inquiétudes sont également de mise. « Nous abordons 2024 dans un état d'esprit moins serein, nous anticipons des augmentations de chiffres d'affaires moins importantes, mais heureusement pas de crise grave », commente Philippe Contet, directeur général de la Fédération des industries mécaniques (FIM).


    Deux éléments seront décisifs dans le retour ou non d'une croissance plus vigoureuse. « Nous pourrions avoir plus de consommation, si l'épargne accumulée était libérée, mais on observe plutôt un début de comportement de précaution, peut-être lié au ralentissement économique ou à certaines réformes qui inquiètent les Français », analyse Ana Boata, directrice de la recherche économique d'Allianz Trade. Un possible retour de l'inflation, consécutif à un choc sur le prix de l'énergie ou des matières premières, risquerait également de compromettre la dynamique de consommation. Au contraire, une détente durable pourrait booster le moral des Français et les inciter à piocher dans leur épargne.

    Déficit et emploi


    Deuxième inconnue : l'investissement, qui a si bien résisté jusqu'ici, pourrait-il contre toute attente ne pas céder malgré l'état d'esprit prudent des chefs d'entreprise ? « Nous avons été surpris par sa résilience au troisième trimestre, mais cela s'explique par un mélange d'incitations, liées à la politique industrielle, et d'enjeux d'innovation, comme l'intelligence artificielle : une partie devrait donc perdurer », analyse Stéphane Colliac, économiste sénior à la BNP. « Dans certains secteurs, l'investissement est une question de vie ou de mort dans un marché en pleine adaptation », complète Bruno Grandjean, dirigeant de Redex, une ETI qui fabrique des machines-outils dans le Loiret. Ce qui n'empêche pas le secteur des biens d'équipement de prévoir un ralentissement. « Jusqu'au troisième trimestre, nous avons performé : désormais, nous anticipons un freinage de l'investissement qui ne sera pas passager, car les boîtes vont bien devoir se désendetter », analyse Bruno Bouygues, PDG de Gys, une ETI basée à Laval (Mayenne) qui fabrique des machines-outils.

    Si les pessimistes ont raison, une nouvelle année de croissance molle sera une belle épine dans le pied du gouvernement. « La question de l'ajustement budgétaire se poserait car le déficit sera alors plus élevé que prévu et le gouvernement devra trouver plus d'économies s'il souhaite rester sur sa trajectoire budgétaire », souligne Ana Boata. Autre mauvaise nouvelle, le chômage, qui a déjà commencé à remonter (7,4 %), pourrait poursuivre sa hausse… et éloigner encore un peu plus la perspective du plein-emploi. Rien d'étonnant alors à ce qu'Emmanuel Macron ait prévu cette semaine une séquence économique sur le commerce extérieur et l'attractivité du pays. Contre la morosité de la conjoncture… rien de mieux que la méthode Coué !

    2-Pourquoi la locomotive allemande est en panne

    L’Allemagne, qui fait face au ralentissement de la demande mondiale, accuse un retard en matière d’infrastructures et manque de main-d’œuvre qualifiée.
    'Allemagne a-t-elle rechuté ? Est-elle à nouveau « l'homme malade de l'Europe » ? L'hebdomadaire britannique The Economist avait affublé le pays de ce sobriquet il y a vingt ans, obligeant le chancelier Gerhard Schröder à mettre en place l'« Agenda 2010 », un vaste programme de réformes dont Angela Merkel récolta les fruits pendant les seize années de son règne. Aujourd'hui, l'Allemagne présente à nouveau des symptômes de mauvaise santé économique. Le pays terminera l'année avec une économie en contraction de 0,3 %.

    Le ralentissement de la demande mondiale, notamment la Chine et les États-Unis, et le renchérissement du coût de l'énergie ont de graves conséquences pour ce pays champion à l'exportation et expliquent la faiblesse de la production industrielle. Un pilier de l'économie allemande, l'automobile, est particulièrement affecté. Symboles de la puissance économique allemande, les constructeurs produisent 40 % de véhicules de moins qu'il y a dix ans. Sur le marché de la voiture électrique, ils sont en train de se faire doubler par la Chine qui était encore, il n'y a pas si longtemps, leur meilleur client.

    Le secteur chimique, très énergivore, a, pour sa part, énormément souffert de la hausse du prix de l'énergie et a du mal à retrouver son niveau de production d'avant la guerre en Ukraine. Si l'Allemagne peut encore compter sur son Mittelstand, ses petites et moyennes entreprises à gestion familiale solidement implantées en province mais rayonnant dans le monde entier, de plus en plus d'entreprises délocalisent leur production à l'étranger pour diminuer leurs coûts.

    Un « bouchon de réformes »


    Résultat, selon le Fonds monétaire international (FMI), l'Allemagne est, de facto, le pays du G7 dont l'économie tourne le plus au ralenti cette année. Le FMI a même révisé ses prévisions : en 2023, la récession sera plus forte que prévu il y a quelques mois encore. À ces problèmes de conjoncture internationale s'ajoutent ceux du « made in Germany ». C'est le procès de l'ère Merkel qui se tient actuellement.

    Durant les années fastes où elle était à la tête de l'Allemagne, aucune réforme conséquente n'a été engagée. La bonne conjoncture a longtemps fait oublier les problèmes de fond. Cette apathie a abouti, selon ses détracteurs, à un « Reformstau », un « bouchon de réformes ».


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  • #2

    L'Allemagne accuse, par exemple, un important retard en matière d'infrastructures, qui souffrent d'un sous-investissement chronique. Le pays manque de main-d'œuvre qualifiée et toute initiative dynamisante se heurte à une bureaucratie paralysante. « Nous avons besoin d'un Agenda 2030 », a déclaré le chancelier Olaf Scholz cet automne.

    Dans une interview à l'hebdomadaire Der Spiegel, Moritz Schularick, nouveau président de l'IfW, le très influent institut de recherche pour l'économie mondiale de Kiel, estime que la conjoncture internationale n'explique pas tout et que c'est en Allemagne même qu'il faut chercher les vraies raisons de la croissance poussive.

    « Nous sommes face à une montagne de problèmes, depuis la numérisation, où nous sommes à la traîne, jusqu'au manque d'aptitude à opérer des changements et à prendre des risques, détaille l'économiste. Tant de choses dans ce pays sont bloquées. Au cours des quinze dernières années, on ne s'est pas attaqué aux difficultés. Nous nous rendons compte aujourd'hui que nous sommes en train de devenir une société vieillissante et allergique à toute prise de risques. »

    Le « frein à l'endettement »


    Comme si la quatrième économie mondiale n'était pas déjà assez fragilisée, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe vient de déclarer illégale, au regard de la loi fondamentale allemande, une disposition du budget 2021 qui revenait à cacher des dettes pour pouvoir financer la transition énergétique. C'est toute la politique budgétaire d'Olaf Scholz qui se retrouve à terre.



    Les juges ont rappelé au chancelier que la règle du « frein à l'endettement », inscrite depuis 2009 dans la Constitution et suspendue pendant les deux années de la pandémie de Covid-19, est à nouveau en vigueur depuis le début de l'année.

    Le gouvernement enfreindrait donc la loi s'il intégrait, comme il le prévoyait, les 60 milliards d'euros non utilisés en 2021 et 2022 au fonds spécial pour « le climat et la transformation ». Cet argent, rappellent les juges de Karlsruhe, était spécifiquement destiné à soutenir l'économie durant la pandémie.

    Conflit politique programmé


    Ce verdict tombe au plus mauvais moment alors que le pays a besoin d'investir massivement pour arriver au premier palier fixé pour le recul des émissions de gaz à effet de serre : 65 % en 2030 (par rapport à 1990). L'Allemagne ambitionne la neutralité carbone en 2045. La coalition au pouvoir qui rassemble les sociaux-démocrates, les Verts et les libéraux s'est engagée à atteindre les 80 % d'électricité renouvelable d'ici à 2030.

    Où le gouvernement va-t-il trouver les fonds pour relever – sans emprunter – l'énorme défi énergétique ? Plusieurs économistes allemands de renom ont pris la parole, au cours des derniers jours, pour demander un assouplissement du fameux « frein à la dette ».

    Olaf Scholz se retrouve aussi avec un problème au sein de sa coalition tripartite. Si les Verts et certains sociaux-démocrates – Saskia Esken, la présidente du parti en tête – sont favorables à l'emprunt pour faire face aux défis de l'avenir, les libéraux exigent, eux, des coupes dans les dépenses sociales. Un conflit politique programmé alors que la coalition bat de l'aile depuis des mois.

    De notre correspondante à Berlin, Pascale Hugues

    3-Économie italienne, l’heure de vérité

    Croissance atone et coûts de financement plus élevés, la solidité budgétaire de l’Italie pose question.

    Les Italiens se seraient-ils laissés griser par un excès de confiance ? Un peu avant le début de l'été, de ce côté-ci des Alpes, la presse était en boucle sur les performances encourageantes de l'économie nationale. Un brin chauvine, elle rappelait ainsi que le Bel paese enregistrait des prévisions de croissance « meilleures que celles de la France et de l'Allemagne ». Oui, mais voilà : à l'heure de conclure l'année 2023, on assiste plutôt à un petit coup de froid sur la mécanique italienne.

    La Commission européenne a dû revoir ses estimations à la baisse et chiffre désormais la progression du PIB transalpin autour de 0,7 % pour l'année écoulée. Certes, pas de passage par la case récession mais on est très loin des niveaux affichés au lendemain de la pandémie du Covid. Et il n'y a rien de bien fringant au menu pour les temps à venir.

    Avec à peine 0,9 % de croissance en 2024, contre les 1,2 % pourtant annoncés par l'exécutif de Giorgia Meloni, Rome devrait rester en dessous de la moyenne européenne (seules Berlin et Helsinki feront moins bien que les Transalpins). Même scénario en queue de peloton de l'Eurozone pour 2025.


    Il n'y a pas plus de réjouissances sur le front de la dette. En légère baisse sur 2023, le rapport endettement/PIB se creusera à l'avenir : 140,6 % l'an prochain puis 140,9 % en 2025. Alors que la Grèce, autre mauvaise élève, s'est muée en « championne de la réduction de la dette », l'Italie reste « le maillot noir » européen.

    Un véritable poids pour les finances nationales : « Avec la hausse des taux, on commence à payer 100 milliards d'euros pour couvrir les seuls intérêts », souligne Veronica De Romanis, enseignante à l'université Luiss de Rome. « La dette nous coûte cher et rend l'économie vulnérable », prévient-elle. Les choses devraient d'ailleurs se compliquer pour Rome avec le retour du pacte de stabilité qui, sur la question du déficit italien – toujours au-dessus des niveaux de l'UE –, risque de provoquer quelques échanges musclés avec Bruxelles.

    Des efforts qui paient


    C'est pourtant un ministre de l'Économie optimiste quant à l'avenir qui s'est présenté devant ses collègues parlementaires. Giancarlo Giorgetti assure en effet que les membres de l'exécutif sont « pleinement engagés à réaliser l'ajustement budgétaire nécessaire pour réduire durablement la dette et résister aux chocs négatifs ». Des efforts qui paient, semble-t-il, à l'heure où l'agence de notation Moody's relève sa perspective pour l'Italie de « négative » à « stable ». Véritable ouf de soulagement à Rome.

    Le gouvernement Meloni était pourtant loin d'afficher une totale sérénité, notamment à l'heure de boucler son budget 2024, premier véritable test sans filet pour l'égérie de la droite italienne. Si les mesures électoralistes ont été mises sous le tapis, les heureux ne sont pas légion à la lecture du texte : les syndicats sont vent debout face aux maigres mesures consacrées à la santé ou à l'école et appellent à la grève, le FMI se désole de l'absence de « réformes pour la croissance » et même le Medef italien ne cache pas ses inquiétudes quant au manque d'investissements pour les entreprises.

    L'année dernière, dans sa première manœuvre budgétaire, ce gouvernement s'était bien comporté en cherchant à éliminer des mesures dépensières, héritées de ses prédécesseurs, qui n'étaient pas efficaces. Aujourd'hui avec le nouveau budget, on s'attendait à plus mais l'exécutif n'a quasiment rien fait », remarque Veronica De Romanis.

    Des aides aux familles (pour booster la natalité et soutenir l'emploi féminin : deux écueils italiens) mais pas d'impulsion concrète à la croissance, une dette creusée pour financer une coupe fiscale sur le travail (15 milliards en plus) et surtout « une occasion manquée », estime l'économiste, de passer par l'étape du spending review et de la remise en ordre des comptes publics. Certes, la manœuvre serait coûteuse politiquement, à quelques mois des élections européennes, mais sans cela, l'Italie s'expose « à un risque important de perte de crédibilité », souligne l'enseignante.

    L'Italie attendue au tournant


    D'autant que, question crédibilité, l'Italie est attendue au tournant sur sa gestion du plan de relance européen (PNRR). C'est le « véritable défi « du mandat mélonien, prévient l'économiste de la Luiss, alors que l'Italie doit dépenser pas moins de 191 milliards d'euros, entre subventions européennes et endettement à taux préférentiel. « Beaucoup à dépenser en peu de temps. 2026, c'est demain », s'inquiète cependant Veronica De Romanis. L'inquiétude est partagée par nombre de ses collègues alors que plane l'ombre des retards bureaucratiques et des difficultés des administrations locales, sous-dimensionnées et peu formées, face à l'ampleur de la tâche.


    Rome a aujourd'hui les yeux tournés vers Bruxelles d'où l'on attend un double feu vert : pour une quatrième enveloppe de financement et surtout pour la révision du PNRR proposée par l'exécutif de Meloni à l'été (qui prévoit l'exclusion de certains projets du plan, couverts à l'avenir par le Fonds de cohésion européen, et l'intégration du chapitre énergétique Repower EU).

    À ses compatriotes, le commissaire européen Gentiloni a une nouvelle fois martelé l'importance du plan de relance pour l'avenir du Bel paese : « La mise en œuvre du PNRR est absolument fondamentale pour soutenir la croissance et pour maintenir des perspectives de croissance, même limitées. » À la clef, assure Gentiloni : + 0,5 % de PIB par an. Un sacré coup de pouce dans cet hiver économique pour l'Eurozone. L'Italie est donc condamnée au succès.

    Par Quentin Raverdy, notre correspondant à Rome
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    • #3

      4- PIB, production : « La zone euro évolue désormais en ligue 2 »

      La zone euro, qui a échappé à la récession, s’inscrit dans une « logique de quasi-stagnation », décrypte Charles-Henri Colombier, de Rexecode.



      Nous l'avons échappé belle ! L'économie de la zone euro devrait enregistrer une croissance économique de 0,6 % en 2023, échappant de justesse à une récession. Dans une interview au Point, Charles-Henri Colombier, directeur du pôle conjoncture de l'institut Rexecode, brosse le portrait d'un espace économique en situation de quasi-stagnation et dont la croissance décroche par rapport à ses concurrents chinois et américain.


      Le Point : Pourquoi l'économie de la zone euro patine-t-elle ?

      Charles-Henri Colombier : La zone euro fait face à une croissance économique à l'arrêt depuis un an. Le principal élément d'explication est lié aux conséquences de la guerre en Ukraine. Ce conflit a occasionné un choc inflationniste et une forte dégradation du pouvoir d'achat dans la zone euro. Le niveau de consommation des ménages, en volume, est aujourd'hui à peu près équivalent à ce qu'il était en 2019. Cette stagnation s'explique aussi, et de plus en plus, par la remontée des taux d'intérêt.

      Une simple stagnation. Doit-on s'estimer heureux ?

      La situation aurait pu être pire, oui. La zone euro serait entrée en récession si, depuis un an, les décisions économiques des entreprises n'avaient pas été assez aussi résilientes en termes d'investissement et d'emploi, et si les finances publiques n'avaient pas amorti le choc énergétique…


      Et pour les prochains mois ?

      Les moteurs de l'activité économique devraient changer de nature, mais toujours en s'inscrivant dans une logique de quasi-stagnation. Les ménages regagneraient un petit peu de pouvoir d'achat grâce au ralentissement de l'inflation. Et à l'inverse, les entreprises enregistreraient une plus forte dégradation de leur trésorerie et de leurs marges liée à l'augmentation des taux d'intérêt décidée par la Banque centrale européenne.

      Où aller chercher de la croissance ? La Commission européenne mise sur un redressement très progressif…

      Le principal espoir de redémarrage réside dans une décrue assez rapide de l'inflation, ce qui permettrait aux banques centrales de baisser aussi vite leurs taux. Malheureusement, ce n'est pas tout à fait le scénario que nous privilégions. Cette inflation comporte une part d'inertie liée à la dynamique des salaires. Ils augmentent au rythme assez élevé d'environ 4 % en Europe. Or les services représentent la moitié du panier de consommation des ménages. Et le prix des services, on le sait, dépend étroitement de la hausse des salaires. Or tant que la hausse des salaires poursuivra sa dynamique, l'inflation ne pourra revenir à une situation normale. C'est en quelque sorte la fameuse « boucle prix salaires ».


      Quid du commerce international ?

      Le marché chinois, notamment automobile, se ferme de plus en plus aux entreprises étrangères, ce qui limite nos perspectives d'export. Un nombre significatif d'observateurs tablent également sur un ralentissement de la croissance américaine en 2024. À ce facteur international défavorable pour la zone euro, s'ajoute la situation financière de ses pays membres. Ils se retrouvent sous contraintes après avoir beaucoup dépensé pour limiter les effets de la crise du Covid et de la crise énergétique.


      La zone euro évolue-t-elle désormais dans la « ligue 2 » des marchés économiques mondiaux ?

      Si l'on compare les tendances de croissance, la réponse est oui. La Chine et les États-Unis ont retrouvé leur tendance pré-Covid, quand la zone euro accuse un retard de près de 3 points de PIB. Si l'on observe désormais le potentiel de croissance, la réponse est toujours oui. Il se rapproche de 1 %, peut-être un peu plus, là où il est plus important aux États-Unis et en Chine.

      Quelles sont les sources de ce décrochage ?

      Les gains de productivité du travail ont quasiment disparu dans la zone euro depuis 2017. Quand la productivité stagne, le pouvoir d'achat par ménage stagne lui aussi. L'économie de la zone euro bute également sur les limites de ses capacités de production, en raison aussi du ralentissement démographique. Les entreprises sont confrontées à des problèmes de recrutement inédits.


      Comment expliquez-vous que les États-Unis carburent quant à eux ?

      À l'inverse de la zone euro, les États-Unis ont vu leurs gains de productivité continuer de grimper, notamment grâce au développement du secteur minier et des hydrocarbures via le gaz de schiste et à l'envolée de la tech, dans le sillage des Gafam.
      Les finances publiques américaines sont quasiment illimitées compte tenu du fait que le dollar est, et reste, la monnaie de réserve de l’économie mondiale.

      La croissance de la population joue aussi un rôle significatif. La démographie américaine est plus dynamique qu'en Europe. Pour les États-Unis, c'est de la demande en plus et une capacité à produire supérieure. À titre de comparaison, en Allemagne, un million de personnes devraient atteindre l'âge de la retraite cette année quand seulement 650 000 habitants auront atteint l'âge de 18 ans.

      Dernier élément : les finances publiques américaines sont quasiment illimitées compte tenu du fait que le dollar est, et reste, la monnaie de réserve de l'économie mondiale. Cela permet aux pouvoirs publics de doper la demande interne, ce que l'on a vu dans la distribution aux ménages de « chèques stimulus ». Les États-Unis ont aussi utilisé l'arme financière pour subventionner une réindustrialisation du pays beaucoup plus palpable qu'en Europe.

      Propos recueillis par Kévin Badeau
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