Face à un afflux de la demande et à une offre qui se réduit comme peau de chagrin, certains professionnels décident de ne plus diffuser leurs annonces de biens à louer pour ne pas générer trop de mécontentement.
«Pour un deux-pièces de 35 m² boulevard de Belleville à Paris proposé à 1145 euros par mois, on a reçu 1174 demandes par mail en une demi-journée», déclare Corinne Berec, vice-présidente d’Orpi, qui n’en revient toujours pas. Les annonces de location suscitent une telle demande qu’elles sont vite retirées, au bout d’une demi-journée en général chez Orpi. Morgan Dreano, gérant de 6 agences Century 21 dans la région de Rennes et dans celle de Laval, confirme recevoir entre 30 et 40 appels dans la journée pour un même bien. Les files d’attente interminables dans les escaliers deviennent monnaie courante.
Face à cet afflux de demandes, comment réagissent les agences immobilières ? «Les agences se retrouvent dans des situations où elles doivent éconduire les clients. Les professionnels sont dans un corner, ils ne peuvent pas laisser la porte fermée et en même temps ne peuvent pas donner de faux espoirs, si le candidat est 100e de la liste d’attente cela ne sert à rien», analyse Henry Buzy-Cazaux. De moins en moins de locataires quittent leur logement, donc les agences ont de moins en moins de logements à proposer à la location. Sophie Gratter, responsable location du réseau l'Adresse dans le 10e arrondissement de Paris, se souvient d'un jeune homme qui a reçu un congé pour vente et qui doit quitter son logement début avril. Elle a pu lui proposer un bien à louer il y a un mois mais il était plus petit que l'appartement occupé par le trentenaire, ce qui ne lui permettrait pas d'avoir un bureau. Depuis, elle n'a plus aucun bien à lui proposer.
De son côté, le réseau Laforêt met en ligne ses annonces de location mais les retire aussi très rapidement. «Il est exact que nos agences publient brièvement les annonces, confie Yann Jéhanno, président de Laforêt immobilier. Cette approche vise à éviter une surcharge de demandes qu'elles ne pourraient pas gérer efficacement. Cette démarche doit permettre de maintenir un équilibre entre la visibilité de nos offres et la capacité opérationnelle de nos équipes.»
Des annonces qui restent peu de temps en ligne
«Nous proposons en priorité nos biens à la location à des personnes qui sont déjà locataires chez nous et qui ont besoin de se reloger car leur appartement est mis en vente par le propriétaire ou parce qu’elles se sont mises en couple ou se sont séparées et ont besoin de changer d’appartement. Si l’appartement proposé ne leur plaît pas alors seulement, on publie une annonce», explique Sophie Gratter. Même son de cloche du côté de Corinne Berec : «On a dans notre portefeuille des clients puis les enfants de ces clients puis leurs petits-enfants. Donc si l’un d’eux cherche un bien à louer, comme on tisse des relations avec notre clientèle et que l’humain a son importance, on ne va pas publier l’annonce et proposer le bien en priorité à cette personne.» «Il ne sert à rien de recevoir un millier d'appels pour une annonce, donc on cale 10 visites maximum pour un bien. Dès que ce créneau de 10 visites est plein, on retire l'annonce», précise Sophie Gratter. Un moyen d'éviter de créer de l'insatisfaction chez les candidats à la location.
L’assèchement du marché est tel que des agences vont même jusqu’à ne pas publier du tout les annonces. «Beaucoup d'agences ont arrêté de mettre leurs annonces de biens à louer en ligne ou dans les vitrines car elles reçoivent trop de demandes. Les standards ne peuvent pas accueillir 200 appels par jour pour louer un logement. On génère une contre-image et on crée des mécontents», remarque Charles Marinakis, président du groupe Century 21. «C’est le cas pour pratiquement toutes les annonces. On en met quelques-unes pour nous assurer un certain vivier de locataires et pour de grosses maisons qu’on peut avoir à la location comme c’est le haut du panier. À Rennes, une agence publiait entre 15 et 25 annonces il y a quelques années contre 4 à 5 seulement aujourd’hui», comptabilise Morgan Dreano.
D’autres professionnels ne répondent plus au téléphone. «Nous avons décidé de bloquer la réception des téléphones, les standards explosaient, en période d’été on recevait plus plusieurs centaines d’appels par jour. Rennes c’est 70.000 étudiants pour 220.000 habitants sans compter les jeunes actifs, ce cocktail peut devenir explosif, la situation est hypertendue», justifie Laurent Giboire du groupe Giboire immobilier. Les candidats tombent sur un répondeur leur enjoignant d’envoyer une fiche de candidature en ligne. C’est ensuite l’agence qui recontacte les candidats locataires pour un créneau de visite en fonction de leurs revenus, de leur stabilité financière... «On ne voyait pas comment faire autrement. Ainsi on évite les longues files d’attente et l’insatisfaction des candidats. On finit par loger la grande partie de nos candidats même si certains doivent attendre 2 mois pour trouver un logement. Avant, on pouvait faire 5 visites dans la semaine avec le même candidat et il avait plusieurs choix», constate Laurent Giboire avant de conseiller aux candidats d’anticiper au maximum et de préparer leur dossier en amont.