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France.Une politique économique faite d’austérité et de répression sociale

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  • France.Une politique économique faite d’austérité et de répression sociale


    Comme ses prédécesseurs, le gouvernement Attal mènera des politiques néolibérales. Avec néanmoins un accent renforcé sur l’austérité budgétaire et la chasse aux chômeurs.

    Romaric Godin et Cécile Hautefeuille


    LeLe retour au sarkozysme de ce gouvernement Attal ne se voit pas seulement sur les visages, il est aussi dans les têtes. La feuille de route économique et sociale de cette nouvelle équipe semble déterminée à renouer avec le moment originel du néolibéralisme macroniste : le tournant austéritaire de 2010.

    Sous la pression de l’Allemagne d’Angela Merkel, Nicolas Sarkozy avait alors abandonné sa brève conversion keynésienne provoquée par la crise de 2008 et avait fait voter pour 2011 et 2012 deux des budgets les plus restrictifs de l’histoire récente du pays.

    Ce tournant avait été engagé par la réforme des retraites mettant fin au départ à la retraite à l’âge minimal de 60 ans, une des avancées de la victoire de la gauche en 1981. Malgré une mobilisation très forte de la population (on comptera jusqu’à 1,3 million de personnes dans la rue), le premier ministre François Fillon imposera le texte, sans aucune concession.

    Au même moment, un deuxième rapport de la Commission Attali, commandé par l’Élysée et rédigé avec l’aide actif du futur président de la République Emmanuel Macron, venait donner les bases intellectuelles de cette politique. Proclamant la « France menacée de déclin », le rapport affichait comme remède « le désendettement » et la « réforme du marché du travail ».

    Bien sûr, la politique économique néolibérale d’Emmanuel Macron est une constante depuis 2017. En 2018, les dépenses publiques avait ainsi reculé de 0,3 % en volume, un chiffre équivalent à celui de 2011. L’inspiration sarkozyste du macronisme n’est donc pas nouvelle. Mais la crise des Gilets jaunes, puis la pandémie avait contraint les gouvernements à se concentrer sur d’autres priorités dans le néolibéralisme : sauvegarde des baisses d’impôts pour le capital, subventions aux entreprises, réformes « ciblées ».

    Le gouvernement Borne a entamé une inflexion certaine dès 2022, avec la plus forte baisse en volume des dépenses publiques de plus de 1 %, mais aussi avec la réforme des retraites dont le contenu rappelle la réforme Fillon autant que la gestion de crise.

    Mais à présent, il semble qu’une nouvelle inflexion soit en cours. Face à une croissance au point mort et à la remontée des taux, le seul réflexe possible au sein de la macronie est un nouveau tour de réformes néolibérales, cette fois allié à une austérité assumée. C’est aussi le seul moyen de répondre aux attentes divergentes au sein même du capital entre le secteur financier qui réclame la baisse des dépenses et le secteur industriel qui demande plus de subventions. Pour mettre tout le monde d’accord, il faut faire porter l’effort budgétaire sur l’État social et le monde du travail.

    Pour Emmanuel Macron, cette situation difficile est l’occasion de reprendre le discours néolibéral qu’il avait porté en 2017, mais aussi au sein de la Commission Attali en 2010. Lors du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement, le 12 janvier, il a ainsi invité les ministres à se montrer « révolutionnaires », une allusion au titre de son livre-programme de 2016, Révolution, qui reprenait les grandes lignes du rapport Attali.

    Bercy en majesté


    Le lien avec 2010 est d’autant plus évident que le directeur de cabinet de Gabriel Attal, Emmanuel Moulin, n’est autre que celui qui fut le conseiller économique de Nicolas Sarkozy à partir de 2009 et qui a piloté à l’Élysée ce tournant austéritaire. Avec cette nomination, le message est clair : ce gouvernement est une équipe de choc néolibérale inspirée par la radicalité de 2010 et de 2017.

    Dans ce contexte, la confirmation de Bruno Le Maire au poste de numéro deux du gouvernement et l’élargissement de son domaine de compétence à l’énergie est très significative. Il appuie l’idée que l’économie devient le point central de la politique gouvernementale et qu’un domaine aussi crucial que l’énergie doit être soumis non pas aux exigences environnementales ou sociales, mais à celles de la croissance et du profit.

    Au reste, lundi 8 janvier, lors de ses vœux aux « acteurs économiques », Bruno Le Maire, en annonçant sa nouvelle politique de « simplification », a résumé sa nouvelle orientation dans ces termes sans équivoques : « Notre administration ne doit pas être “face” aux entrepreneurs, elle doit être “avec” eux (…), elle doit se mettre àleur” place. » En bref, l’État doit désormais assumer d’être le bras armé du capital, son soutien le plus sûr.

    Nous serons intraitables sur les annonces ministérielles qui ne seront pas financées.
    Bruno Le Maire, 8 janvier 2024
    Dans ces conditions, c’est la logique de l’économie qui va gouverner, autour de l’axe Emmanuel Moulin-Bruno Le Maire. Le discours de ce dernier du début de semaine peut donc bien être pris pour une feuille de route de la nouvelle équipe. Et il n’y faisait nul mystère du basculement vers l’austérité et la répression sociale.

    « Le plus dur est devant nous », proclamait-il ainsi en ajoutant : « Le tournant du redressement des finances publiques a été pris, il sera maintenu fermement. » Pour commencer, il annonçait des économies de 12 milliards d’euros à chercher, mais ce chiffre est sans doute un minimum.

    D’autant que le locataire de Bercy annonçait une nouvelle ligne : « Nous serons intraitables sur les annonces ministérielles qui ne seront pas financées. » Autrement dit, Bercy sera désormais le Cerbère de toutes les politiques publiques. C’est un changement notable qui place Bruno Le Maire au centre du processus de décision et annonce une gestion par les coûts de l’État et de la protection sociale.

    La facture sera d’autant plus lourde que, le 8 janvier, le numéro deux du gouvernement a confirmé sa volonté de poursuivre la baisse des impôts de production et que Gabriel Attal, lors de son intervention sur TF1 le 11 janvier au soir a annoncé vouloir à nouveau baisser les impôts sur les « classes moyennes », ce qui signifie à coup sûr un nouveau coup de canif dans le seul impôt progressif de France, l’impôt sur le revenu. Tout cela devra être financé par des attaques contre le modèle social.

    Répression sociale



    Lundi dernier, Bruno Le Maire l’a d’ailleurs confirmé en martelant que « le plein emploi ne pourra pas être atteint à modèle social constant ». Le « plein emploi », objectif affiché pour 2027 et censé rendre du pouvoir au monde du travail, est donc utilisé comme un horizon pour assurer la répression sociale. En son nom, on justifie une politique de destruction des acquis sociaux et des protections sociales, alors même que, précisément, les emplois créés, peu productifs, sont peu rémunérateurs et dégradés en termes de qualité de travail.

    C’est aussi dans le cadre de ce « plein emploi répressif » qu’il faut comprendre la réunion en un seul ministère (dirigé par la très droitière Catherine Vautrin) de la santé et du travail. Désormais, la gestion du système de santé sera soumise à l’évolution du travail. Son financement dépendra donc de la croissance de l’emploi, elle-même fondée sur la répression des chômeurs et la dégradation des droits des travailleurs. Olivier Dussopt, le ministre du travail d’Élisabeth Borne, avait annoncé un « acte II de la réforme du marché du travail », principalement centrée sur l’assurance-chômage.

    Ces sept dernières années, de violentes charges ont déjà été menées contre les droits au chômage en réduisant les conditions d’accès aux allocations, leur montant puis leur durée. Et c’est loin d’être fini. France Travail a remplacé Pôle emploi le 1erjanvier avec une feuille de route claire : l’inscription et les quinze heures d’activités hebdomadaires seront obligatoires dès 2025 ; les contrôles de la recherche d’emploi seront « au moins doublés cette année » et un nouveau régime de sanctions verra le jour.

    Pour l’exécutif, s’attaquer au chômage, c’est d’abord s’attaquer aux demandeuses et demandeurs d’emploi et le nouveau premier ministre entend poursuivre cette politique. Gabriel Attal promet ainsi de « valoriser le travail, l’engagement, le mérite » et de proposer « un modèle social basé sur ces valeurs ».

    Trois sujets brûlants pourraient concrétiser ce funeste projet. D’abord, les négociations sur l’emploi des seniors qui vont entrer dans le dur courant janvier. L’exécutif veut doubler le taux d’activité des 60-64 ans d’ici à 2030, à 65 % contre 36 % en 2022. Première mesure envisagée : réduire leur durée d’indemnisation au chômage. Actuellement, les plus de 55 ans peuvent percevoir des allocations pendant vingt-sept mois au maximum, contre dix-huit mois pour les autres. Si ces durées ont déjà été réduites de 25 % pour tous les âges en février 2023, Bruno Le Maire n’a eu de cesse d’affirmer sa volonté de les aligner... sur la règle la moins favorable.

    L’accord sur la nouvelle convention d’assurance-chômage – le second sujet brûlant– proposé par les partenaires sociaux après d’âpres négociations prévoit d’ores et déjà le volume d’économies souhaité sur le chômage des seniors : 440 millions d’euros sur la période 2024-2027.

    Cet accord est désormais entre les mains du gouvernement qui doit trancher avant fin juin 2024 sur les futures règles régissant les droits au chômage. Fin 2023, l’ex-première ministre avait refusé de le valider – ou de le rejeter – dans l’attente des négociations sur les seniors. L’exécutif peut parfaitement choisir de ne rien approuver et de décider, seul. Depuis la première élection d’Emmanuel Macron, le rôle des partenaires sociaux est considérablement affaibli : soit ils se mettent d’accord en respectant un cadre contraint – une lettre de cadrage –, soit le gouvernement décide de tout, tout seul.

    C’est d’ailleurs le dernier troisième gros sujet de 2024 : la négociation sur la gouvernance de l’Unédic qui déterminera l’avenir du paritarisme, lui aussi très abîmé depuis 2017.

    La répression des chômeurs est populaire, car elle s’appuie sur un discours de lutte contre « l’assistanat ». C’est le pendant du discours centré sur la « valorisation du travail » martelé depuis lundi par Gabriel Attal qui, là aussi, rappelle les accents sarkozystes. Lors de la passation de pouvoir à Matignon, il a ainsi dit vouloir gouverner pour ceux qui «se lèvent tous les matins pour aller travailler, ceux dont le travail finance notre service public et notre modèle social ». Un petit rappel de la fameuse « France qui se lève tôt » de Nicolas Sarkozy.

    En s’en prenant aux chômeurs, le nouveau gouvernement sait qu’il risque moins qu’en s’attaquant au système de retraite. Mais cette France qui travaille se leurre si elle croit que la violence faite aux chômeurs la rendra plus riche.

    La dégradation de la situation des demandeurs d’emploi a pour conséquence directe d’exercer une pression à la baisse sur les salaires de ceux qui travaillent. C’est même le seul moyen de maintenir la rentabilité de nombreuses activités en l’absence de gains de productivité notables. La répression des chômeurs, c’est bien aussi la répression du monde du travail.

    La politique économique du gouvernement Attal semble donc déjà évidente. C’est une amplification inspirée du sarkozysme austéritaire, des politiques néolibérales déjà menées depuis 2017. Compte tenu de la situation économique, sociale et politique de notre pays, un tel choix s’apparente à une politique de la terre brûlée.

    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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