Le nombre de faillites d'entreprises commence à grimper en flèche pour dépasser les niveaux précédant la crise sanitaire dans plusieurs pays de la zone euro, selon Coface (assurance-crédit). En France, le seuil fatidique des 60.000 défaillances a été franchi au mois de mai.
Le marasme budgétaire du printemps a relégué au second plan la santé économique des entreprises ces derniers mois. Pendant plusieurs années, le tissu productif a pu bénéficier des nombreux soutiens financiers et des plans de relance, partout sur le Vieux continent. Destinées à soutenir les entreprises, ces larges enveloppes ont permis à l'économie de repartir plus vite. Mais la guerre en Ukraine et l'inflation ont complètement changé la donne pour les entreprises, asphyxiées par des conditions financières plus strictes et le débranchement des aides Covid.
Dans ce contexte morose, les faillites d'entreprises commencent à inquiéter les économistes. «Les défaillances d'entreprises augmentent partout », a souligné Ruben Nizard, économiste chez Coface, lors d'un point presse ce mardi. Au début, « on assistait à un rattrapage des défaillances. Avant 2019, on parlait "d'entreprises zombies". En raison des taux bas, les entreprises arrivaient à vivoter ». Le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et le remboursement des prêts garantis par l'Etat (PGE) dans ce climat tendu ont toutefois accru les difficultés pour les entreprises avec « des coûts plus élevés ».
Industrie toujours en berne
Après le rebond quasi mécanique de l'après Covid, l'économie de la zone euro est entrée dans une zone de fortes turbulences. Percutée par l'envolée des prix, l'activité a rapidement plongé dans l'industrie, mais aussi dans les services. « L'activité dans l'industrie est toujours inférieure à la période d'avant crise sanitaire », note Bruno De Moura Fernandes, économiste chez Coface. Frappées par la guerre en Ukraine, de nombreuses industries ont dû affronter le bond vertigineux des factures d'énergie.
Résultat, beaucoup d'industriels ont réduit la cadence ou mis la clé sur la porte depuis le début du conflit en Ukraine. Quant aux services, « les salaires augmentent plus vite que l'inflation », poursuit l'économiste. Ce qui apporte du pouvoir d'achat. Mais « le rebond est pour l'instant déséquilibré entre l'industrie et les services ». C'est particulièrement le cas en Allemagne, où l'industrie a subi de plein fouet sa dépendance à l'énergie russe. «L'économie de la zone euro a touché le fond. L'Allemagne devrait repartir grâce aux services », explique Bruno De Moura Fernandes.
En France, un record inédit de défaillances depuis 2016
En France, les indicateurs passent au rouge les uns après les autres. En mai dernier, les faillites ont franchi le cap symbolique des 60.000, selon les dernières données de la Banque de France. Il s'agit d'un record depuis 2016.
« Les défaillances d'entreprise sont un vrai sujet pour l'économie française », estime Christopher Dembick, économiste chez Pictet Asset Management.
En terme de compétitivité, « les entreprises tricolores ne sont pas très en forme, hormis les grands groupes ». Les aides Covid « ont permis à beaucoup d'entre elles de subsister, mais là on rentre dans le dur ». Les tribunaux de commerce « avaient pour directive d'être assez souples, mais ce n'est plus le cas », précise l'économiste.
L'autre phénomène inquiétant pointé par les experts est que désormais les défaillances concernent les grands groupes et les entreprises moyennes (ETI). « L'explosion des défaillances pourrait avoir des conséquences importantes sur le marché du travail », prévient Ruben Nizard, économiste chez Coface. Autant dire que les secousses risquent de se propager pendant encore un moment.
Grégoire Normand