Le fonds saoudien Manara Minerals a finalisé, mardi 30 avril, l’acquisition de 10% de la branche métaux critiques du géant brésilien Vale. L’opération, estimée à 2,5 milliards de dollars, s’inscrit dans une stratégie ambitieuse visant à faire de Riyad une puissance minière alternative à la Chine.
Le pays de l’or noir mise (aussi) sur les métaux critiques. Mardi 30 avril, la finalisation de l’acquisition par la société d’investissement saoudienne Manara Minerals (qui rassemble le groupe minier Ma’aden et le richissime fonds souverain du royaume) de 10% de la branche métaux critiques du géant brésilien Vale (baptisée Vale Base Metals qui n’intègre pas les activités de Vale dans le minerai de fer) a remis sur le devant de la scène les grandes ambitions de Riyad dans le domaine. Avec cette seule opération, estimée à 2,5 milliards de dollars et initialement annoncée en juillet 2023, Manara Minerals entre au capital d’un géant de classe mondiale du cuivre et du nickel, deux métaux cruciaux pour la transition écologique.
Pilier de la diversification du royaume
Il ne s’agit que d’une étape. Depuis 2017, le plan Vision 2030, présenté par Mohammed Ben Salmane dès son accession au rang de Prince héritier du royaume, mise sur le secteur minier comme un pilier de diversification au-delà du pétrole. «La stratégie de l’Arabie saoudite est double : d’un côté, le développement des ressources minières sur son territoire via, notamment, des accords avec le service d’exploration géologique chinois. De l’autre, une stratégie d’acquisition de parts dans des compagnies minières internationales», détaille Emmanuel Hache, spécialiste de la géopolitique des matières premières à l‘lFP Energies nouvelles qui a récemment écrit sur le sujet.
De fait :l’Arabie saoudite s’active. Début 2024, le Royaume a signé des protocoles d’accord sur les mines avec l’Egypte, la Russie, le Maroc et la République Démocratique du Congo (RDC). Il ne fait pas non plus mystère de sa volonté de prendre des parts dans des projets d’extraction de lithium, et la rumeur court que Manara Minerals pourrait miser massivement dans une énorme mine d’or et de cuivre développée par Barrick Gold au Pakistan.
La dynamique est tout aussi notable à domicile. «Les réserves minérales de l’Arabie saoudite sont estimées à 2 500 milliards de dollars, et ce chiffre est calculé sur à peine 50% du territoire», souligne Emmanuel Hache. Les grandes entreprises minières saoudiennes, comme Ma’aden ou Amak, extraient et raffinent déjà de la bauxite (le minerai d’aluminium), du zinc, du cuivre, de l’or et du phosphate.
Mais Riyad veut accélérer et développer de nouveaux marchés, notamment dans les terres rares et le lithium (que Saudi Aramco souhaite extraire de ses eaux pétrolières). Des compagnies étrangères (telles que Barrick Gold ou encore Ivanhoe Electric, qui ont toutes deux créé des coentreprises d’exploration avec Ma’aden en 2023) sont aussi appelées à la rescousse pour trouver de nouveaux gisements.
"Alternative non occidentale à la Chine"
«Attention : l’Arabie Saoudite ne se limite pas à la mine et se rêve en leader des technologies bas carbone», souligne Emmanuel Hache. Le royaume wahhabite, qui a de la place et de l’énergie abondante, veut créer des chaînes de valeurs complètes. Il se positionne pour accueillir des usines d’acier (avec le chinois Baosteel), de titane (avec le japonais Toho) et surtout de véhicules électriques à batteries (avec l’américain Lucid Group et le coréen Hyundai). Des biens gourmands en métaux critiques devenus une priorité stratégique pour Riyad, qui sait que la demande en pétrole ira décroissant.
De quoi recomposer les équilibres géoéconomiques, alors que Riyad affiche pour ambition de devenir le barycentre d’une nouvelle «super-région» – selon le narratif du royaume – qui irait de l’Afrique à l’Asie centrale.
«L’Arabie saoudite se voit comme un point de connexion et semble avoir une stratégie similaire à celle de la Chine avec les nouvelles routes de la soie», analyse Emmanuel Hache. L’influence grandissante du Future minerals forum, un salon spécialisé sur les questions minières, et la volonté de Riyad de créer une nouvelle bourse des métaux sur son sol, sont autant de signes. Et ce mouvement est d’autant plus significatif que l’Arabie saoudite est un allié de Washington qui reste proche de la Chine et peut jouer à l’encontre de la fragmentation des chaînes de valeur entre les deux superpuissances, estime le chercheur.
«L’Arabie saoudite est en train de créer un réseau avec des acteurs occidentaux et asiatiques pour favoriser les échanges, et elle peut se proposer comme une alternative non occidentale à la Chine pour financer les projets de mines en Afrique», résume-t-il. L’incertitude demeure encore sur les choix de gouvernance que fera ce nouvel acteur, qui cherche à s’imposer comme partenaire crédible sur la scène internationale, mais dont l’image reste marquée par l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi en 2018 et un bilan régulièrement critiqué du point de vue des droits humains.
L'Usine Nouvelle
Le pays de l’or noir mise (aussi) sur les métaux critiques. Mardi 30 avril, la finalisation de l’acquisition par la société d’investissement saoudienne Manara Minerals (qui rassemble le groupe minier Ma’aden et le richissime fonds souverain du royaume) de 10% de la branche métaux critiques du géant brésilien Vale (baptisée Vale Base Metals qui n’intègre pas les activités de Vale dans le minerai de fer) a remis sur le devant de la scène les grandes ambitions de Riyad dans le domaine. Avec cette seule opération, estimée à 2,5 milliards de dollars et initialement annoncée en juillet 2023, Manara Minerals entre au capital d’un géant de classe mondiale du cuivre et du nickel, deux métaux cruciaux pour la transition écologique.
Pilier de la diversification du royaume
Il ne s’agit que d’une étape. Depuis 2017, le plan Vision 2030, présenté par Mohammed Ben Salmane dès son accession au rang de Prince héritier du royaume, mise sur le secteur minier comme un pilier de diversification au-delà du pétrole. «La stratégie de l’Arabie saoudite est double : d’un côté, le développement des ressources minières sur son territoire via, notamment, des accords avec le service d’exploration géologique chinois. De l’autre, une stratégie d’acquisition de parts dans des compagnies minières internationales», détaille Emmanuel Hache, spécialiste de la géopolitique des matières premières à l‘lFP Energies nouvelles qui a récemment écrit sur le sujet.
De fait :l’Arabie saoudite s’active. Début 2024, le Royaume a signé des protocoles d’accord sur les mines avec l’Egypte, la Russie, le Maroc et la République Démocratique du Congo (RDC). Il ne fait pas non plus mystère de sa volonté de prendre des parts dans des projets d’extraction de lithium, et la rumeur court que Manara Minerals pourrait miser massivement dans une énorme mine d’or et de cuivre développée par Barrick Gold au Pakistan.
La dynamique est tout aussi notable à domicile. «Les réserves minérales de l’Arabie saoudite sont estimées à 2 500 milliards de dollars, et ce chiffre est calculé sur à peine 50% du territoire», souligne Emmanuel Hache. Les grandes entreprises minières saoudiennes, comme Ma’aden ou Amak, extraient et raffinent déjà de la bauxite (le minerai d’aluminium), du zinc, du cuivre, de l’or et du phosphate.
Mais Riyad veut accélérer et développer de nouveaux marchés, notamment dans les terres rares et le lithium (que Saudi Aramco souhaite extraire de ses eaux pétrolières). Des compagnies étrangères (telles que Barrick Gold ou encore Ivanhoe Electric, qui ont toutes deux créé des coentreprises d’exploration avec Ma’aden en 2023) sont aussi appelées à la rescousse pour trouver de nouveaux gisements.
"Alternative non occidentale à la Chine"
«Attention : l’Arabie Saoudite ne se limite pas à la mine et se rêve en leader des technologies bas carbone», souligne Emmanuel Hache. Le royaume wahhabite, qui a de la place et de l’énergie abondante, veut créer des chaînes de valeurs complètes. Il se positionne pour accueillir des usines d’acier (avec le chinois Baosteel), de titane (avec le japonais Toho) et surtout de véhicules électriques à batteries (avec l’américain Lucid Group et le coréen Hyundai). Des biens gourmands en métaux critiques devenus une priorité stratégique pour Riyad, qui sait que la demande en pétrole ira décroissant.
De quoi recomposer les équilibres géoéconomiques, alors que Riyad affiche pour ambition de devenir le barycentre d’une nouvelle «super-région» – selon le narratif du royaume – qui irait de l’Afrique à l’Asie centrale.
«L’Arabie saoudite se voit comme un point de connexion et semble avoir une stratégie similaire à celle de la Chine avec les nouvelles routes de la soie», analyse Emmanuel Hache. L’influence grandissante du Future minerals forum, un salon spécialisé sur les questions minières, et la volonté de Riyad de créer une nouvelle bourse des métaux sur son sol, sont autant de signes. Et ce mouvement est d’autant plus significatif que l’Arabie saoudite est un allié de Washington qui reste proche de la Chine et peut jouer à l’encontre de la fragmentation des chaînes de valeur entre les deux superpuissances, estime le chercheur.
«L’Arabie saoudite est en train de créer un réseau avec des acteurs occidentaux et asiatiques pour favoriser les échanges, et elle peut se proposer comme une alternative non occidentale à la Chine pour financer les projets de mines en Afrique», résume-t-il. L’incertitude demeure encore sur les choix de gouvernance que fera ce nouvel acteur, qui cherche à s’imposer comme partenaire crédible sur la scène internationale, mais dont l’image reste marquée par l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi en 2018 et un bilan régulièrement critiqué du point de vue des droits humains.
L'Usine Nouvelle