La voiture s’est imposée comme le cœur de notre société de consommation. Son succès massif a cependant entraîné de lourdes conséquences climatiques et environnementales, de sorte que Bruxelles a fini par imposer une réduction drastique des émissions carbone des voitures neuves aux constructeurs automobiles. Hélas, plusieurs manipulations du lobby automobile ont fait perdre un temps précieux, et il a fallu attendre 2020 pour que les émissions commencent réellement à diminuer grâce à une forte hausse des ventes de véhicules électriques portées par le marché chinois. Aujourd'hui, pour la première fois, ces ventes stagnent dans plusieurs grands pays européens, une situation inquiétante pour ce nouveau marché dont les enjeux concernent le pouvoir d'achat des ménages, la désindustrialisation française, l'hypermobilité ou encore notre souveraineté énergétique. On vous explique tout !
Olivier Berruyer

Cette analyse graphique originale d'Olivier Berruyer pour Élucid est une mise à jour de notre suivi régulier et actualisé des grands indicateurs économiques.
Jusqu’aux années 1950, les déplacements humains se faisaient essentiellement à pied et parfois à cheval, ce qui les limitait à des trajets très locaux. Depuis, les choses ont bien changé, mais comme le rappelle le chercheur Aurélien Bigo, trois grandes caractéristiques de nos déplacements sont restées relativement stables :
En revanche, deux autres caractéristiques majeures ont drastiquement évolué grâce à la voiture et, bien entendu, grâce au pétrole. La première est la vitesse, qui a été multipliée par 10. Ce gain a été utilisé par des populations avides de mobilité pour se déplacer toujours plus loin, ce qui a également multiplié la distance moyenne parcourue chaque jour par 10, passant de 5 à 50 kilomètres (ce chiffre est une moyenne qui comprend les trajets du quotidien, mais aussi ceux de longue distance, pour des loisirs par exemple).

Ces évolutions ont eu différentes conséquences importantes, comme la capacité à exercer un travail en dehors de sa commune (avec les formidables possibilités induites), la massification des voyages à longue distance (permis par la création des congés payés) ou encore l’étalement urbain (via le développement des banlieues).
La voiture est ainsi devenue le symbole de l’émergence de la société de consommation dans l’Europe d’après-guerre, à tel point qu’on a alors pu parler de « civilisation de l’automobile » lorsque son usage s’est très largement répandu. 75 % des ménages possédaient au moins une voiture en 1980 contre 83 % aujourd’hui. Depuis lors, les ventes ont généralement correspondu à l’achat d’une deuxième voiture ou à des remplacements.

Cette expression de « civilisation de l’automobile » n’est donc pas usurpée, tant la voiture a profondément modifié nos modes de vie. On comprend mieux pourquoi le philosophe Roland Barthes a eu ces mots en 1957, lors du lancement de la fameuse DS de Citroën :
Cependant, la massification de ce marché a fini par causer des graves problèmes environnementaux. En effet, « une cathédrale, ça va, 40 millions, bonjour les dégâts ». Après plus d’un siècle sans changement radical, la voiture est en train de vivre une petite révolution avec le développement de la voiture électrique (VE) dans le cadre de la « transition énergétique ».
Des ambitions climatiques européennes titanesques
L’Union européenne a signé le protocole de Kyoto en 1997, où elle s’engageait à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de -20 % à l’horizon 2020. Cet objectif a été tenu, mais il a poussé de nombreuses entreprises industrielles polluantes à délocaliser leurs activités hors d’Europe, en particulier en Chine. Ces politiques n’ont donc souvent fait que déplacer une partie du problème de la pollution, tout en créant des problèmes d’emploi, de sécurité d’approvisionnement et de souveraineté. En contrepartie, les gains réalisés ont permis de conserver l’inflation à un bas niveau.
En 2016, l’UE a signé l’accord de Paris dans le but de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète « nettement en dessous » de +2 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

Des dignitaires de l'Union européenne et des Nations unies assistent à la signature par Martin Schulz, président du Parlement européen, du document ratifiant l'accord de Paris sur le climat à Strasbourg, le 4 octobre 2016 - © Commission européenne
Ce nouvel objectif impliquait une réduction de -40 % des émissions de l’UE pour 2030, qui a été portée à -55 % suite à l’adoption de la Loi européenne sur le climat en 2021. Cette loi fixe également un objectif contraignant de « zéro émission nette » de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Cela signifie que les émissions ne devront pas être supérieures aux capacités d’absorption des terres, ce qui correspond à environ 7 % des émissions actuelles : nos émissions doivent donc diminuer de -93 % en 26 ans ; il s'agit d'un défi titanesque.

Les transports, seul secteur où les émissions de CO₂ ont augmenté
Les émissions de CO₂ en Europe ont ainsi diminué de près de 30 % entre 1990 et 2022. Ce sont les secteurs de l’Énergie (-44 %) et de l’Industrie et des Déchets (-35 %) qui ont le plus diminué leurs émissions, suivi du Bâtiment (-27 %).
Bien évidemment, les premières mesures prises pour diminuer une pollution sont les plus simples et les plus efficaces, comme fermer des centrales à charbon ou délocaliser de l’activité. Mais plus le temps passe, plus les mesures complémentaires à prendre deviennent onéreuses et impliquent de changer bon nombre d’habitudes profondément ancrées (manger moins de viande, acheter moins de vêtements, partir en vacances moins loin, éviter l’avion…) ce qui suscite du mécontentement dans la population.
A contrario, un seul secteur a augmenté ses émissions : celui des Transports, avec une très forte hausse de +26 %, alors que ce secteur représente 25 % des émissions de l’Europe. Dans le détail, la plus forte augmentation, et de loin, a concerné le transport aérien, avec près de 90 % de hausse des émissions. Le seul avion, qui ne pèse que 10 % des émissions du secteur, a représenté 30 % de leur hausse depuis 1990, soit presque autant que les voitures (qui représentent la moitié des émissions) ! Vient ensuite le transport de marchandises par des camionnettes et des camions, avec +35 %, soit près de la moitié de la hausse totale du secteur. Plus anecdotiquement, le train a réduit de 75 % ses émissions, qui ne représentent plus que 0,5 % des émissions du secteur ; les émissions des trains pèsent désormais moins du tiers des émissions des seules motos.

Un facteur majeur de la hausse des émissions du secteur a été la hausse de celles des voitures particulières, dont les émissions ont augmenté de +16 % depuis 1990. La raison principale est assez simple à comprendre. Alors que l’Europe s’est engagée à fortement réduire ses émissions, son parc de voitures en circulation a augmenté de 85 % depuis 1990 !

Si les émissions n’ont pas augmenté d’autant, c’est pour deux principales raisons. La première est que la distance moyenne parcourue a diminué de 15 % depuis l’an 2000. Environ 11 000 km ont été parcourus en 2019 en Europe, et 12 000 km en France.
Olivier Berruyer

1- Des ambitions climatiques européennes titanesques
2- Les transports, seul secteur où les émissions ont augmenté
3- La fin de la voiture thermique en 2035 : place à l'électrique
4- Baisse fantôme des émissions et folie du SUV
5- L'avenir est à la voiture électrique « légère »
6- Une voiture électrique sur deux roule en Chine
Ce qu'il faut retenir
2- Les transports, seul secteur où les émissions ont augmenté
3- La fin de la voiture thermique en 2035 : place à l'électrique
4- Baisse fantôme des émissions et folie du SUV
5- L'avenir est à la voiture électrique « légère »
6- Une voiture électrique sur deux roule en Chine
Ce qu'il faut retenir
Cette analyse graphique originale d'Olivier Berruyer pour Élucid est une mise à jour de notre suivi régulier et actualisé des grands indicateurs économiques.
Jusqu’aux années 1950, les déplacements humains se faisaient essentiellement à pied et parfois à cheval, ce qui les limitait à des trajets très locaux. Depuis, les choses ont bien changé, mais comme le rappelle le chercheur Aurélien Bigo, trois grandes caractéristiques de nos déplacements sont restées relativement stables :
« Le nombre de déplacements par personne est toujours de l’ordre de 3 à 4 trajets par jour (un aller-retour comptant pour 2 trajets). Les temps de déplacement sont eux aussi restés relativement stables. Ils avoisinent en moyenne une heure par jour et par personne, comme c’est d’ailleurs le cas dans différents types de sociétés et de pays du monde. Les motifs de déplacement principaux n’ont pas beaucoup évolué non plus : travail, études, achats, démarches administratives, visites à la famille ou aux amis, loisirs. »
En revanche, deux autres caractéristiques majeures ont drastiquement évolué grâce à la voiture et, bien entendu, grâce au pétrole. La première est la vitesse, qui a été multipliée par 10. Ce gain a été utilisé par des populations avides de mobilité pour se déplacer toujours plus loin, ce qui a également multiplié la distance moyenne parcourue chaque jour par 10, passant de 5 à 50 kilomètres (ce chiffre est une moyenne qui comprend les trajets du quotidien, mais aussi ceux de longue distance, pour des loisirs par exemple).

Ces évolutions ont eu différentes conséquences importantes, comme la capacité à exercer un travail en dehors de sa commune (avec les formidables possibilités induites), la massification des voyages à longue distance (permis par la création des congés payés) ou encore l’étalement urbain (via le développement des banlieues).
La voiture est ainsi devenue le symbole de l’émergence de la société de consommation dans l’Europe d’après-guerre, à tel point qu’on a alors pu parler de « civilisation de l’automobile » lorsque son usage s’est très largement répandu. 75 % des ménages possédaient au moins une voiture en 1980 contre 83 % aujourd’hui. Depuis lors, les ventes ont généralement correspondu à l’achat d’une deuxième voiture ou à des remplacements.

Cette expression de « civilisation de l’automobile » n’est donc pas usurpée, tant la voiture a profondément modifié nos modes de vie. On comprend mieux pourquoi le philosophe Roland Barthes a eu ces mots en 1957, lors du lancement de la fameuse DS de Citroën :
« Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique. »
Cependant, la massification de ce marché a fini par causer des graves problèmes environnementaux. En effet, « une cathédrale, ça va, 40 millions, bonjour les dégâts ». Après plus d’un siècle sans changement radical, la voiture est en train de vivre une petite révolution avec le développement de la voiture électrique (VE) dans le cadre de la « transition énergétique ».
Des ambitions climatiques européennes titanesques
L’Union européenne a signé le protocole de Kyoto en 1997, où elle s’engageait à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de -20 % à l’horizon 2020. Cet objectif a été tenu, mais il a poussé de nombreuses entreprises industrielles polluantes à délocaliser leurs activités hors d’Europe, en particulier en Chine. Ces politiques n’ont donc souvent fait que déplacer une partie du problème de la pollution, tout en créant des problèmes d’emploi, de sécurité d’approvisionnement et de souveraineté. En contrepartie, les gains réalisés ont permis de conserver l’inflation à un bas niveau.
En 2016, l’UE a signé l’accord de Paris dans le but de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète « nettement en dessous » de +2 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

Des dignitaires de l'Union européenne et des Nations unies assistent à la signature par Martin Schulz, président du Parlement européen, du document ratifiant l'accord de Paris sur le climat à Strasbourg, le 4 octobre 2016 - © Commission européenne
Ce nouvel objectif impliquait une réduction de -40 % des émissions de l’UE pour 2030, qui a été portée à -55 % suite à l’adoption de la Loi européenne sur le climat en 2021. Cette loi fixe également un objectif contraignant de « zéro émission nette » de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Cela signifie que les émissions ne devront pas être supérieures aux capacités d’absorption des terres, ce qui correspond à environ 7 % des émissions actuelles : nos émissions doivent donc diminuer de -93 % en 26 ans ; il s'agit d'un défi titanesque.

Les transports, seul secteur où les émissions de CO₂ ont augmenté
Les émissions de CO₂ en Europe ont ainsi diminué de près de 30 % entre 1990 et 2022. Ce sont les secteurs de l’Énergie (-44 %) et de l’Industrie et des Déchets (-35 %) qui ont le plus diminué leurs émissions, suivi du Bâtiment (-27 %).
Bien évidemment, les premières mesures prises pour diminuer une pollution sont les plus simples et les plus efficaces, comme fermer des centrales à charbon ou délocaliser de l’activité. Mais plus le temps passe, plus les mesures complémentaires à prendre deviennent onéreuses et impliquent de changer bon nombre d’habitudes profondément ancrées (manger moins de viande, acheter moins de vêtements, partir en vacances moins loin, éviter l’avion…) ce qui suscite du mécontentement dans la population.
A contrario, un seul secteur a augmenté ses émissions : celui des Transports, avec une très forte hausse de +26 %, alors que ce secteur représente 25 % des émissions de l’Europe. Dans le détail, la plus forte augmentation, et de loin, a concerné le transport aérien, avec près de 90 % de hausse des émissions. Le seul avion, qui ne pèse que 10 % des émissions du secteur, a représenté 30 % de leur hausse depuis 1990, soit presque autant que les voitures (qui représentent la moitié des émissions) ! Vient ensuite le transport de marchandises par des camionnettes et des camions, avec +35 %, soit près de la moitié de la hausse totale du secteur. Plus anecdotiquement, le train a réduit de 75 % ses émissions, qui ne représentent plus que 0,5 % des émissions du secteur ; les émissions des trains pèsent désormais moins du tiers des émissions des seules motos.

Un facteur majeur de la hausse des émissions du secteur a été la hausse de celles des voitures particulières, dont les émissions ont augmenté de +16 % depuis 1990. La raison principale est assez simple à comprendre. Alors que l’Europe s’est engagée à fortement réduire ses émissions, son parc de voitures en circulation a augmenté de 85 % depuis 1990 !

Si les émissions n’ont pas augmenté d’autant, c’est pour deux principales raisons. La première est que la distance moyenne parcourue a diminué de 15 % depuis l’an 2000. Environ 11 000 km ont été parcourus en 2019 en Europe, et 12 000 km en France.

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