AFFAIRISME ET FRUSTRATION
L'autre caverne d'Ali Baba du Maroc, ce sont les recettes fiscales. "On nous rackette !" grognent les patrons d'entreprise. En un an, l'impôt sur les sociétés a presque doublé. La méthode employée est contestable et "fausse les règles du jeu et de la transparence", selon Larbi Jaïdi, l'un des économistes les plus en vue du pays, membre du comité scientifique du Centre marocain de conjoncture. "Une année, on ponctionne les banques, une autre année les assurances, l'année d'après, un autre secteur... On utilise la fiscalité comme un bâton et un gisement où puiser en fonction des besoins du moment. Ce n'est pas sain", regrette-t-il.
C'est en tout cas dans ces "niches" providentielles que pioche l'Etat pour alimenter la caisse de compensation. En quatre ans, le budget annuel de cette caisse, qui subventionne le pétrole à la pompe et certains produits tels que la bonbonne de gaz, l'huile et la farine, est passé de 4 milliards de dirhams à 40 milliards. "C'est intenable", s'inquiètent tous les économistes, comparant la caisse au rocher de Sisyphe.
Chacun admet qu'une réforme est indispensable, d'autant que la caisse de compensation ne bénéficie pas à ceux à qui elle est destinée : les plus démunis. En subventionnant l'essence ou la bonbonne de gaz, l'Etat aide surtout les riches. Selon la Banque mondiale, "les populations les plus pauvres ne reçoivent que 10 % des subventions".
Le gouvernement hésite à se lancer dans cette réforme. Si le prix du pétrole continue de baisser, il va être tenté de repousser l'échéance à une date indéterminée, tant il craint les remous sociaux. Un peu partout dans le pays, les jacqueries, manifestations contre la vie chère, sit-in des "diplômés chômeurs", se multiplient. Le climat est à la frustration. La population a le sentiment que l'embellie actuelle ne lui est pas destinée. Seuls en profiteraient les nouveaux riches qui spéculent dans l'immobilier, ou les affairistes qui gravitent dans l'entourage du roi.
Si on enregistre une baisse relative de la pauvreté, les inégalités, elles, ne se réduisent pas. C'est en matière d'éducation et de santé qu'elles sont les plus criantes. Les "diplômés chômeurs" sont un symptôme de ce Maroc à deux vitesses qui, pour l'heure, perdure et même se reproduit.
Florence Beaugé
Source : Le Monde
L'autre caverne d'Ali Baba du Maroc, ce sont les recettes fiscales. "On nous rackette !" grognent les patrons d'entreprise. En un an, l'impôt sur les sociétés a presque doublé. La méthode employée est contestable et "fausse les règles du jeu et de la transparence", selon Larbi Jaïdi, l'un des économistes les plus en vue du pays, membre du comité scientifique du Centre marocain de conjoncture. "Une année, on ponctionne les banques, une autre année les assurances, l'année d'après, un autre secteur... On utilise la fiscalité comme un bâton et un gisement où puiser en fonction des besoins du moment. Ce n'est pas sain", regrette-t-il.
C'est en tout cas dans ces "niches" providentielles que pioche l'Etat pour alimenter la caisse de compensation. En quatre ans, le budget annuel de cette caisse, qui subventionne le pétrole à la pompe et certains produits tels que la bonbonne de gaz, l'huile et la farine, est passé de 4 milliards de dirhams à 40 milliards. "C'est intenable", s'inquiètent tous les économistes, comparant la caisse au rocher de Sisyphe.
Chacun admet qu'une réforme est indispensable, d'autant que la caisse de compensation ne bénéficie pas à ceux à qui elle est destinée : les plus démunis. En subventionnant l'essence ou la bonbonne de gaz, l'Etat aide surtout les riches. Selon la Banque mondiale, "les populations les plus pauvres ne reçoivent que 10 % des subventions".
Le gouvernement hésite à se lancer dans cette réforme. Si le prix du pétrole continue de baisser, il va être tenté de repousser l'échéance à une date indéterminée, tant il craint les remous sociaux. Un peu partout dans le pays, les jacqueries, manifestations contre la vie chère, sit-in des "diplômés chômeurs", se multiplient. Le climat est à la frustration. La population a le sentiment que l'embellie actuelle ne lui est pas destinée. Seuls en profiteraient les nouveaux riches qui spéculent dans l'immobilier, ou les affairistes qui gravitent dans l'entourage du roi.
Si on enregistre une baisse relative de la pauvreté, les inégalités, elles, ne se réduisent pas. C'est en matière d'éducation et de santé qu'elles sont les plus criantes. Les "diplômés chômeurs" sont un symptôme de ce Maroc à deux vitesses qui, pour l'heure, perdure et même se reproduit.
Florence Beaugé
Source : Le Monde
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