Figure majeure de la culture romande, François Rochaix, qui a vécu et travaillé aux Etats-Unis, livre ses réactions sur les élections américaines du 4 novembre. Entretien.
Comme beaucoup d'entre nous, François Rochaix est resté devant son écran une grande partie de la nuit du 4 au 5 novembre. Particulièrement attaché aux Etats-Unis, où il a enseigné à Harvard entre 1995 et 2001, il jette ici un regard plein d'espoir sur un monde nouveau qui s'ouvre aujourd'hui.
swissinfo: Vous connaissez très bien Harvard, où Obama a fait ses études de droit. Vous connaissez aussi la mentalité américaine, notamment celle élitiste de la Côte Est, où vous avez vécu et travaillé dans les années 1990. A cette époque-là, l'élection d'un Président noir aurait-elle pu être imaginée?
François Rochaix: Elle était en tout cas espérée. J'ai quitté Harvard une année après le «putsch» qui a valu à Bush la présidence des Etats-Unis. Déjà à l'époque, son concurrent Al Gore possédait une envergure telle, qu'il apportait à l'Amérique un grand rayon de lumière.
Donc l'élection de ce 4 novembre 2008 n'était pas inimaginable, les choses n'ont fait que suivre leur cours. Ceci dit, avant d'être révolutionnaire, comme on l'affirme aujourd'hui, cette élection reste pour moi une virulente autocritique du peuple américain qui ne se pardonne pas d'avoir choisi une deuxième fois Bush en 2004 et d'avoir ouvert ainsi huit ans de parenthèse pathétique dans l'histoire de l'Amérique. Voilà ce que je retiens avant tout de cette élection.
swissinfo: D'aucuns parlent d'élection «raciale»...
F.R : Je pense qu'Obama n'est pas un polémiste de la «couleur». Il a au contraire un rapport très doux avec celle-ci, du moins si l'on en croit les discours qu'il a tenus à ce sujet. Là aussi, j'y vois beaucoup d'espoir.
swissinfo: Est-ce que vous pensez que là réside précisément le génie de l'Amérique?
F.R : Je pense que son génie réside dans ses contrastes. Vous avez d'un côté des Américains très primitifs et d'un autre des personnes ultra-civilisées, éduquées, comme celles que j'ai côtoyées à Harvard. Il se trouve qu'Obama casse les préjugés: il renvoie au monde le visage noir d'une élite souvent assimilée à la race blanche. Je crois que l'Europe est encore incapable de produire ces contrastes-là. Cela viendra peut-être un jour. Mais en attendant l'Amérique, que l'on critique tant ici, a beaucoup de leçons à donner aux Européens, ne serait-ce que parce qu'elle leur fait accepter le métissage de la planète dont Obama est le plus exact reflet.
swissinfo: On le considère aujourd'hui comme le premier Président de la globalisation. Qu'en pensez-vous?
F.R : Je n'aime pas beaucoup ce terme, mais on peut le dire comme ça. Nous parlions du génie américain tout à l'heure, je pense qu'il consiste aussi à mettre fin au communautarisme, quel qu'il soit. C'est du moins ce qu'on espère avec cette élection. Car je puis vous assurer, expérience faite, qu'il existe en Amérique un terrorisme des minorités, même dans les milieux universitaires. A Harvard, dans l'Institut où j'enseignais, je ne pouvais pas faire jouer le rôle d'un noir (« Othello », par exemple) par un blanc. L'inverse était en revanche autorisé. Les blancs pouvaient donc être pris en otage, même pour de simples raisons artistiques, par une minorité, pas seulement noire, mais aussi asiatique ou latino. Tout ce qu'on souhaite donc, c'est qu'avec Obama ce terrorisme des minorités disparaisse aussi.
swissinfo: Pensez-vous qu'un président noir puisse défendre la cause des minorités sans être accusé de clientélisme?
F.R : Obama n'aura pas les coudées franches comme les aurait eues une Hilary Clinton par exemple. Mais bon, c'est bien la raison pour laquelle il est là aujourd'hui. Ce n'est pas un homme de gauche ni de droite, c'est un président du centre. Il va devoir plaire à tout le monde.
Interview swissinfo, Ghania Adamo
Comme beaucoup d'entre nous, François Rochaix est resté devant son écran une grande partie de la nuit du 4 au 5 novembre. Particulièrement attaché aux Etats-Unis, où il a enseigné à Harvard entre 1995 et 2001, il jette ici un regard plein d'espoir sur un monde nouveau qui s'ouvre aujourd'hui.
swissinfo: Vous connaissez très bien Harvard, où Obama a fait ses études de droit. Vous connaissez aussi la mentalité américaine, notamment celle élitiste de la Côte Est, où vous avez vécu et travaillé dans les années 1990. A cette époque-là, l'élection d'un Président noir aurait-elle pu être imaginée?
François Rochaix: Elle était en tout cas espérée. J'ai quitté Harvard une année après le «putsch» qui a valu à Bush la présidence des Etats-Unis. Déjà à l'époque, son concurrent Al Gore possédait une envergure telle, qu'il apportait à l'Amérique un grand rayon de lumière.
Donc l'élection de ce 4 novembre 2008 n'était pas inimaginable, les choses n'ont fait que suivre leur cours. Ceci dit, avant d'être révolutionnaire, comme on l'affirme aujourd'hui, cette élection reste pour moi une virulente autocritique du peuple américain qui ne se pardonne pas d'avoir choisi une deuxième fois Bush en 2004 et d'avoir ouvert ainsi huit ans de parenthèse pathétique dans l'histoire de l'Amérique. Voilà ce que je retiens avant tout de cette élection.
swissinfo: D'aucuns parlent d'élection «raciale»...
F.R : Je pense qu'Obama n'est pas un polémiste de la «couleur». Il a au contraire un rapport très doux avec celle-ci, du moins si l'on en croit les discours qu'il a tenus à ce sujet. Là aussi, j'y vois beaucoup d'espoir.
swissinfo: Est-ce que vous pensez que là réside précisément le génie de l'Amérique?
F.R : Je pense que son génie réside dans ses contrastes. Vous avez d'un côté des Américains très primitifs et d'un autre des personnes ultra-civilisées, éduquées, comme celles que j'ai côtoyées à Harvard. Il se trouve qu'Obama casse les préjugés: il renvoie au monde le visage noir d'une élite souvent assimilée à la race blanche. Je crois que l'Europe est encore incapable de produire ces contrastes-là. Cela viendra peut-être un jour. Mais en attendant l'Amérique, que l'on critique tant ici, a beaucoup de leçons à donner aux Européens, ne serait-ce que parce qu'elle leur fait accepter le métissage de la planète dont Obama est le plus exact reflet.
swissinfo: On le considère aujourd'hui comme le premier Président de la globalisation. Qu'en pensez-vous?
F.R : Je n'aime pas beaucoup ce terme, mais on peut le dire comme ça. Nous parlions du génie américain tout à l'heure, je pense qu'il consiste aussi à mettre fin au communautarisme, quel qu'il soit. C'est du moins ce qu'on espère avec cette élection. Car je puis vous assurer, expérience faite, qu'il existe en Amérique un terrorisme des minorités, même dans les milieux universitaires. A Harvard, dans l'Institut où j'enseignais, je ne pouvais pas faire jouer le rôle d'un noir (« Othello », par exemple) par un blanc. L'inverse était en revanche autorisé. Les blancs pouvaient donc être pris en otage, même pour de simples raisons artistiques, par une minorité, pas seulement noire, mais aussi asiatique ou latino. Tout ce qu'on souhaite donc, c'est qu'avec Obama ce terrorisme des minorités disparaisse aussi.
swissinfo: Pensez-vous qu'un président noir puisse défendre la cause des minorités sans être accusé de clientélisme?
F.R : Obama n'aura pas les coudées franches comme les aurait eues une Hilary Clinton par exemple. Mais bon, c'est bien la raison pour laquelle il est là aujourd'hui. Ce n'est pas un homme de gauche ni de droite, c'est un président du centre. Il va devoir plaire à tout le monde.
Interview swissinfo, Ghania Adamo
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