Les témoins espagnols de l’attentat de mercredi contre un hôtel de Marrakech contredisent la thèse officielle : il ne s’agissait pas d’un hold-up mais d’un attentat visant délibérément les étrangers.
UN peu plus de cinq cents Algériens, dont un tiers de femmes et d’enfants, attendaient toujours, hier, sous un soleil de plomb, de pouvoir regagner leur pays, au poste-frontière de Zouj-Bghal, près d’Oujda, dans le nord-est du Maroc. Il s’agit pour la plupart de touristes surpris par l’institution brutale par Rabat de visas pour les Algériens, puis par la fermeture de la frontière par Alger. Les deux pays ont cependant annoncé un assouplissement des mesures pour leurs ressortissants respectifs résidant dans l’autre pays. Une dizaine d’Algériens résidant au Maroc ont ainsi pu passer hier matin, selon des témoins. Plusieurs Marocains travaillant en Libye et regagnant leur pays via l’Algérie ont également pu passer mais se sont plaints de « vexations » de la part des Algériens.
La crise entre le Maroc et l’Algérie a également touché les Algériens réfugiés au Maroc pour des raisons politiques. Ainsi l’écrivain algérien Rachid Mimouni, menacé de mort par le FIS, n’a pu partir de Paris dimanche pour le Maroc où il réside depuis décembre dernier.
En fait, il semble bien que le Maroc se trouve lui-même confronté à une vague de terrorisme intégriste qu’il cherche à dissimuler, de peur de faire fuir les touristes qui constituent sa première ressource en devises. Après avoir laissé transiter sur son sol toutes sortes de trafics à destination ou en provenance de l’Algérie (produits subventionnés par l’Etat algérien revendus au Maroc contre drogue et armes en tout genre à destination des terroristes), Rabat réalise que le feu qui ravage la maison de son voisin, et sur lequel il a versé de l’huile, est en train de gagner son propre territoire.
A la recherche d’étrangers
Cela d’autant plus facilement que le terreau de la misère et de l’injustice, sur lequel prolifère généralement l’intégrisme, ne manque pas non plus au royaume d’Hassan II.
Les révélations faites hier à Barcelone par les touristes espagnols témoins de l’attentat de Marrackech jettent sur toute l’affaire un éclairage nouveau. Alors que le gouvernement marocain avait affirmé que l’attaque, mercredi dernier, de l’hôtel Atlas-Asni relevait du simple banditisme, cette thèse est mise en doute par les témoins de l’agression. Selon plusieurs membres du groupe de touristes espagnols qui se trouvaient à ce moment-là dans l’hôtel, les trois hommes armés qui ont mené l’attaque cherchaient des étrangers et n’ont pas hésité à achever une des victimes. « Ils n’ont pas tiré au hasard. Ils ont poursuivi Salvador Torras (un des deux touristes espagnols tués) dans un couloir et lui ont tiré dans l’épaule. Quand il est tombé, ils se sont approchés et l’ont achevé d’une autre balle », a indiqué un des témoins, Manuel Beltran, à son retour à Barcelone.
D’autres touristes ont expliqué que les trois hommes armés ont parcouru la galerie commerciale de l’hôtel en tirant uniquement sur les touristes et en écartant même du bras des Marocains qui risquaient d’être atteints par les balles. Selon eux, l’attaque n’avait rien à voir avec un hold-up, contrairement aux affirmations des autorités marocaines.
Ceci explique pourquoi les contrôles de la police sont toujours aussi sévères sur l’ensemble du territoire marocain, bien que les auteurs de l’attentat aient été arrêtés dès samedi. Rafles et contrôles visent surtout la communauté algérienne, marquant une volonté évidente de faire porter toute la responsabilité des événements sur le pays voisin.
A Fès et à Marrakech
Selon le ministère de l’Intérieur, les deux meurtriers - sur trois - arrêtés samedi à Fès sont Stephane Aït Idir, français d’origine algérienne, né le 6 février 1972 à Paris et demeurant à La Courneuve, près de Paris, et Redouane Hammadi, Marocain né le 21 novembre 1970 à Paris et naturalisé français, demeurant lui aussi à La Courneuve. Le communiqué fait également état de l’arrestation à Fès de deux « terroristes » sans préciser ni le jour ni la date ni leurs liens éventuels avec les meurtriers de l’hôtel Atlas-Asni : l’un, Kamal Benakcha, dit « Reda » est un Français d’origine algérienne, né le 21 août 1968 à Orléans, où il réside, tandis que l’autre, Abdesslam Guerrouaz, dit « Hicham », est né le 19 juin 1968 à Casablanca et demeure à Paris dans le 16e arrondissement.
Plusieurs journaux, comme « Al Ittihad Al Ichtiraki », organe de l’Union socialiste des forces populaires (USFP - opposition de gauche), et « l’Opinion », sont convaincus qu’il n’y a pas de lien entre les « groupes » de Fès et de Marrakech. L’organe du PPS (Parti du progrès et du socialisme), « Al Bayane », évoque quant à lui « la menace d’un complot terroriste qui viserait la sécurité et la stabilité du pays » et demande la convocation urgente du Parlement.
FRANÇOISE GERMAIN-ROBIN
Source : L'humanité
UN peu plus de cinq cents Algériens, dont un tiers de femmes et d’enfants, attendaient toujours, hier, sous un soleil de plomb, de pouvoir regagner leur pays, au poste-frontière de Zouj-Bghal, près d’Oujda, dans le nord-est du Maroc. Il s’agit pour la plupart de touristes surpris par l’institution brutale par Rabat de visas pour les Algériens, puis par la fermeture de la frontière par Alger. Les deux pays ont cependant annoncé un assouplissement des mesures pour leurs ressortissants respectifs résidant dans l’autre pays. Une dizaine d’Algériens résidant au Maroc ont ainsi pu passer hier matin, selon des témoins. Plusieurs Marocains travaillant en Libye et regagnant leur pays via l’Algérie ont également pu passer mais se sont plaints de « vexations » de la part des Algériens.
La crise entre le Maroc et l’Algérie a également touché les Algériens réfugiés au Maroc pour des raisons politiques. Ainsi l’écrivain algérien Rachid Mimouni, menacé de mort par le FIS, n’a pu partir de Paris dimanche pour le Maroc où il réside depuis décembre dernier.
En fait, il semble bien que le Maroc se trouve lui-même confronté à une vague de terrorisme intégriste qu’il cherche à dissimuler, de peur de faire fuir les touristes qui constituent sa première ressource en devises. Après avoir laissé transiter sur son sol toutes sortes de trafics à destination ou en provenance de l’Algérie (produits subventionnés par l’Etat algérien revendus au Maroc contre drogue et armes en tout genre à destination des terroristes), Rabat réalise que le feu qui ravage la maison de son voisin, et sur lequel il a versé de l’huile, est en train de gagner son propre territoire.
A la recherche d’étrangers
Cela d’autant plus facilement que le terreau de la misère et de l’injustice, sur lequel prolifère généralement l’intégrisme, ne manque pas non plus au royaume d’Hassan II.
Les révélations faites hier à Barcelone par les touristes espagnols témoins de l’attentat de Marrackech jettent sur toute l’affaire un éclairage nouveau. Alors que le gouvernement marocain avait affirmé que l’attaque, mercredi dernier, de l’hôtel Atlas-Asni relevait du simple banditisme, cette thèse est mise en doute par les témoins de l’agression. Selon plusieurs membres du groupe de touristes espagnols qui se trouvaient à ce moment-là dans l’hôtel, les trois hommes armés qui ont mené l’attaque cherchaient des étrangers et n’ont pas hésité à achever une des victimes. « Ils n’ont pas tiré au hasard. Ils ont poursuivi Salvador Torras (un des deux touristes espagnols tués) dans un couloir et lui ont tiré dans l’épaule. Quand il est tombé, ils se sont approchés et l’ont achevé d’une autre balle », a indiqué un des témoins, Manuel Beltran, à son retour à Barcelone.
D’autres touristes ont expliqué que les trois hommes armés ont parcouru la galerie commerciale de l’hôtel en tirant uniquement sur les touristes et en écartant même du bras des Marocains qui risquaient d’être atteints par les balles. Selon eux, l’attaque n’avait rien à voir avec un hold-up, contrairement aux affirmations des autorités marocaines.
Ceci explique pourquoi les contrôles de la police sont toujours aussi sévères sur l’ensemble du territoire marocain, bien que les auteurs de l’attentat aient été arrêtés dès samedi. Rafles et contrôles visent surtout la communauté algérienne, marquant une volonté évidente de faire porter toute la responsabilité des événements sur le pays voisin.
A Fès et à Marrakech
Selon le ministère de l’Intérieur, les deux meurtriers - sur trois - arrêtés samedi à Fès sont Stephane Aït Idir, français d’origine algérienne, né le 6 février 1972 à Paris et demeurant à La Courneuve, près de Paris, et Redouane Hammadi, Marocain né le 21 novembre 1970 à Paris et naturalisé français, demeurant lui aussi à La Courneuve. Le communiqué fait également état de l’arrestation à Fès de deux « terroristes » sans préciser ni le jour ni la date ni leurs liens éventuels avec les meurtriers de l’hôtel Atlas-Asni : l’un, Kamal Benakcha, dit « Reda » est un Français d’origine algérienne, né le 21 août 1968 à Orléans, où il réside, tandis que l’autre, Abdesslam Guerrouaz, dit « Hicham », est né le 19 juin 1968 à Casablanca et demeure à Paris dans le 16e arrondissement.
Plusieurs journaux, comme « Al Ittihad Al Ichtiraki », organe de l’Union socialiste des forces populaires (USFP - opposition de gauche), et « l’Opinion », sont convaincus qu’il n’y a pas de lien entre les « groupes » de Fès et de Marrakech. L’organe du PPS (Parti du progrès et du socialisme), « Al Bayane », évoque quant à lui « la menace d’un complot terroriste qui viserait la sécurité et la stabilité du pays » et demande la convocation urgente du Parlement.
FRANÇOISE GERMAIN-ROBIN
Source : L'humanité
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