Par Farida Ghazoui
Infrastructures. Barrages en périlSur près de 50 barrages, 18 affichent un taux de remplissage de 100%. Résisteront-ils en cas de crues massives ?
Alerte rouge : plus de 60 000 ha de la plaine du Gharb entièrement inondés, des milliers de Marocains à la rue, une économie (agricole) mise en péril. La cause directe de cette catastrophe ? Le débordement de plusieurs barrages dans la vallée du Sebou. Avec une pluviométrie exceptionnelle pour la saison, la plupart des infrastructures hydriques situées en amont de la région arrivent à saturation. Le taux moyen de
Scénario catastrophe
Si ces barrages n'existaient pas, le scénario aurait été encore plus catastrophique pour les habitants de ces régions recouvertes par les flots. “Le rôle capital des infrastructures hydrauliques a été, encore une fois, mis en évidence lors des récentes pluies diluviennes”, tient à préciser un haut cadre du secrétariat d'Etat chargé de l'Eau. En d’autres termes, ces grands lacs artificiels servent de barrières à deux sources d'eau. “En plus du stockage des eaux résultant des écoulements superficiels générés par les pluies torrentielles, ils ont permis d'écrêter les violentes et intempestives crues qui ont touché les principaux fleuves, oueds et cours d'eau, évitant ainsi dégâts matériels et humains”, explique la même source.
Cas d’école : Al Wahda, près de la ville de Ouezzane, le plus grand barrage du royaume. “Ce barrage a permis de retenir les eaux, sans quoi, les dégâts matériels et les pertes humaines auraient été beaucoup plus importantes. Extrêmement plus importantes”, relève le directeur de l'Agence du bassin hydraulique du Sebou. Avec ses 3,8 milliards de mètres cubes de capacité, cette immense digue, en service depuis 1997, accuse un taux de remplissage de 99 %. Mais que se passerait-il s'il recommence à pleuvoir dans les prochains jours ?
Sécurité, mode d’emploi
Le secrétariat d'Etat chargé de l'Eau évite de répondre directement à cette question, préférant aborder la problématique générale de la gestion des ressources hydriques : “Toute infrastructure destinée à la rétention d'eau, y compris les grands barrages, est assujettie à une procédure de régulation et de veille en amont”, assure-t-on. “Un système d’alerte au niveau des fleuves et des rivières module la gestion de la retenue du barrage, ce qui permet d’éviter les débordements au niveau des crêtes des barrages. Sans ce dispositif, le barrage lui-même risque de mettre en péril aussi bien l'ouvrage que tout ce qui est situé à son aval”, détaille notre source au département gouvernemental. Et de se féliciter : “Ce système a permis d'éviter une catastrophe lorsque Oued Beht est entré en crue il y a quelques jours.”
Mais en situation de crise, quand le débit d'eau se fait de plus en plus pressant, les vannes du barrage sont ouvertes. En premier lieu, des lâchers d'eau sont réalisés via les vidanges de fond, pour évacuer les dépôts de vase charriés par les crues. Deuxième étape, quand la vidange s’avère insuffisante, des évacuateurs de crue sont actionnés, pour désengorger le barrage. La décision n’est pas facile à prendre, puisqu’elle suppose une grande concertation entre les autorités de la région.
Reste que la sécurité d'un barrage est une affaire de tous les jours, ou presque. Et ce dès sa conception. “Les données et régimes hydrologiques sont pris en considération pour édifier des barrages sans faille technique ”, soulignent les ingénieurs du secrétariat d'Etat, chapeauté depuis près de dix ans par un Istiqlalien, Abdelkébir Zahoud. Petite parenthèse : à l’époque, politique de barrages rimait avec politique d’Etat. Hassan II avait d’ailleurs fixé un objectif d’un million d’hectares, atteint au début des années 2000. Voilà pour l’histoire. Les études entreprises pour déterminer l'emplacement exact et la nature de l'ouvrage à réaliser, basées sur des standards de sécurité internationaux, prennent en compte les différents risques naturels ,comme les crues ou les séismes. “Tous les travaux de construction sont ensuite suivis et contrôlés par des laboratoires agréés et par une structure de l'administration sur place, créée spécialement à cet effet”, précisent-ils.
Mais, incontestablement, l’exploitation reste la phase de contrôle la plus importante pour le commun des mortels. “Un suivi continu du comportement du barrage et du fonctionnement de ses équipements annexes est réalisé. Pour cela, chaque barrage est doté d'un dispositif d'instrumentation qui permet d'ausculter l'ouvrage avec une périodicité rigoureusement respectée”, conclut le responsable du département de l'Eau. Petite note positive au tableau : grâce à la pluviométrie record de ces dernières semaines, les nappes phréatiques sont de nouveau pleines, ce qui, selon les sources officielles, dote le Maroc d’une autonomie en eau pour les trois prochaines années. Après la pluie, le beau temps…
Zoom. Régions en déficit hydrique
Croire que tous les barrages du royaume sont actuellement remplis serait une vue de l’esprit. Et pour cause, la pluviométrie enregistrée depuis le début de l'automne diffère considérablement d'une région à l’autre. Le deuxième plus grand barrage du Maroc, Al Massira, construit sur l'Oum Rabie dans la région de Settat, n'affiche qu'un petit 31% de taux de remplissage. Loin de ses 2,5 milliards de mètres cubes de capacité. L'explication est simple : il n'a pas beaucoup plu dans cette région, en tout cas pas autant que dans le nord du pays, où tous les barrages dépassent les 90% de taux de remplissage. Bin El Ouidane, le troisième barrage du pays (le premier à avoir été construit du temps du protectorat), dans la province d'Azilal, n’est rempli qu’aux deux tiers de ses 1,2 milliard m3. Les régions du Haouz et du Souss ne connaissent pas non plus de grands taux de remplissage. Youssef Ibn Tachfine dans la province de Tiznit n'affiche qu’un petit 43%.
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