Le gouvernement illégal de la Guinée Bissau annonce reconnaître de nouveau la pseudo « république arabe sahraouie et démocratique » (rasd). La nouvelle n'est ni étonnante ni importante. Nous savions que depuis les sanglants événements de mars dernier, au cours duquel deux têtes sont tombées, le chef de l'Etat Viéra et le chef d'état-major des forces armées, le pays allait à la dérive totale. On n'ignore pas non plus que la main étrangère est derrière ces bouleversements majeurs comme ils sont aujourd'hui derrière la reconnaissance de la rasd.
La Guinée Bissau est devenue depuis des années une plaque tournante de la cocaïne et de la drogue en général. Elle abrite tous les genres de convoyeurs de la coke vers l'Europe, gros marché de consommateurs. Les règlements de compte sanglants au sommet de l'Etat ne sont, en réalité, que la partie visible d'un immense iceberg. Ils cachent une féroce lutte non pas seulement pour le pouvoir, mais surtout pour les juteuses plus-values du trafic de drogue. Ils dissimulent aussi une misère totale, ravageuse et meurtrière du peuple de Guinée Bissau qui, pour avoir quitté la domination coloniale après une longue lutte de libération, est retombée entre les mains de despotes, de véreux et de mafias diverses.
La gangrène de la drogue n'épargne aucun responsable, quelle que soit sa position sociale, civile ou militaire, et une course au gain, accompagnée de violences, a littéralement occulté une réalité économique et sociale allant de mal en pis. Aujourd'hui, le processus électoral est rompu et la vie politique réduite à une scène dévastée et ravagée par la terreur de potentats. La décision de renouer avec les mercenaires du polisario n'est donc pas un fait isolé. Il faut la lier à la dégradation politique que connait le pays, marquée par la cacophonie, le désordre et l'instabilité caractérisée. Il faut enfin la lier au jeu machiavélique du gouvernement algérien - eh oui ! - qui ne s'est pas fait faute de ressurgir dans cette «mare au diable» qu'est devenue la Guinée Bissau, autrefois une de ses chasses gardées. Le fil noir qui traverse les événements de Guinée Bissau trouve une de ses origines à Alger, là où se concoctent les complots et, les pétrodollars aidant, se dessinent les stratégies de déstabilisation africaines.
Encore une fois, nous entrevoyons parfaitement les objectifs de l'Algérie : le renversement au plan local, autrement dit africain, de situations qui lui avaient échappé. Sauf, il faut le souligner, que la Guinée Bissau et sa reconnaissance nouvelle de la rasd ne sauraient changer la nouvelle donne au sujet du Sahara, ni infléchir, tant s'en faut, la position du Conseil de sécurité.
Or, il faut souligner que le gouvernement algérien, qui est forcément derrière cette reconnaissance nouvelle, joue de la contradiction à n'en plus finir. Au moment où la communauté internationale exige un règlement au Sahara sur la base de résolutions pertinentes, notamment la 1871, au moment où le projet marocain d'autonomie est quasiment imposé par l'ONU, enfin lorsqu'une solution raisonnable paraît enfin prévaloir, au niveau le plus légal et le plus élevé, le gouvernement algérien choisit, quant à lui, la subversion.
Mobilisant ses services, ses moyens et ses hommes de paille, il joue la partition du désordre et de la déstabilisation. En Afrique, notamment au niveau de l'Union africaine, il est partout : dans l'organisation, dans la « sécurité », dans la rédaction des textes et là où il est nécessaire d'imposer sa loi pour hisser son rejeton, le polisario. Coquille vide, l'Union africaine est devenue, on ne le sait que trop, un terrain de chasse algérien. La Guinée Bissau s'inscrit bel et bien dans ce tableau sinistre. Pays riche en bauxite, qui a un passé trempé dans la lutte de libération, auquel le Royaume du Maroc n'avait cessé, autrefois, d'apporter un précieux soutien politique, financier, humain au même titre qu'à l'ANC en Afrique du sud, au Zimbabwe et aux mouvements africains de libération nationale, la Guinée Bissau est tombée dans l'escarcelle des barons internationaux de la drogue. Elle renie ainsi son passé, son histoire marquée au sceau de la dignité.
Cependant, il convient de souligner que le retournement spectaculaire auquel nous assistons n'est pas tant dû à l'évolution interne de la Guinée Bissau qu'à un certain manque de réactivité du Maroc aux derniers événements survenus dans ce pays où les émissaires algériens, coup sur coup, ont commencé à se rendre fréquemment. La diplomatie de la « mallette d'argent » n'a-t-elle pas joué dans un pays déchiré par la confusion pendant les élections ? Or, quand des changements significatifs et déterminants pour le positionnement du Maroc étaient en train de se produire, quand s'opérait un tournant majeur dans la politique de la Guinée Bissau, quand enfin des signaux sérieux nous parvenaient à la fois sur les renversements d'alliances et l'entrée en lice des émissaires algériens, les responsables marocains sont demeurés peu ou prou dans l'expectative, se contentant d'enregistrer à leur décharge une évolution inédite.
La Guinée Bissau illustre manifestement un cas de figure typique de cette lutte acharnée d'influence que se livrent Maroc et Algérie dans le continent africain. Sans doute, le gouvernement algérien, déployant de gros moyens – notamment les pétrodollars – a-t-il su habilement retourner en sa faveur une situation précaire en Guinée Bissau, mettant à profit l'instabilité dans laquelle se trouve ce pays. Mais ce n'est qu'une manche, il a gagné une bataille mais jamais la guerre. Car le Maroc déploie davantage qu'une débauche de dollars, des projets économiques, sociaux et relevant de la coopération technique.
Le Matin
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