vendredi 25 septembre 2009
Une attaque contre les installations nucléaires est risquée, mais elle prouverait que l'Etat hébreu reste maître de son destin.
Lors d'une conférence de presse vendredi 25 septembre, le chef de l'Etat iranien a affirmé avoir informé en temps voulu l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de l'existence d'une deuxième installation d'enrichissement nucléaire. «Il ne s'agit pas d'un site secret», a dit Ahmadinejad. «Si cela était le cas, pourquoi aurions-nous informé l'AIEA avec un an d'avance ? Ils (les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne) vont regretter leur déclaration.» En marge du sommet du G20 à Pittsburgh (Etats-Unis, le président américain Barack Obama, son homologue français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique Gordon Brown ont dénoncé dans une déclaration commune la construction de cette usine selon eux secrète.
Plus les dirigeants israéliens bombent le torse et claironnent leur détermination à mettre fin aux ambitions nucléaires de l'Iran, plus les experts ont tendance à penser qu'ils bluffent. Après tout, si George W. Bush a refusé en 2008 de fournir à Israël les bombes anti-bunker et le ravitaillement en vol nécessaires à la destruction des sites nucléaires iraniens, les chances qu'Obama fasse le contraire peuvent sembler très minces. Surtout si l'on sait que le président américain a réagi à l'annonce d'un test de missile par la Corée du Nord en se contentant d'évoquer son rêve d'un monde sans armes nucléaires.
De nombreux analystes ont mis en évidence les performances catastrophiques de l'armée israélienne pendant la guerre du Liban en 2006 et l'image d'Israël dans le monde s'est encore dégradée suite aux atroces images de destructions commises dans la bande de Gaza. Dans ces conditions, les conséquences diplomatiques d'une attaque réussie contre l'Iran pourraient être pires que celles d'un échec militaire. De plus, personne ne sait vraiment où se trouvent les sites nucléaires iraniens.
Pour toutes ces raisons, des personnes parfaitement censées relativisent les excès rhétoriques des deux parties et estiment qu'il ne se passera rien de bien grave, que l'Iran devienne une puissance nucléaire, ou non. Du point de vue américain, en tout cas, il semble acquis que si l'Iran possédait quelques dizaines de bombes, il pourrait être contenu de manière relativement simple, par les mêmes moyens qui ont permis de contenir un empire soviétique armé de 45.000 ogives. Mais l'erreur de ces experts est de raisonner avec un point de vue américain, alors que c'est Israël qui est menacé par le programme nucléaire iranien. A ce titre, la stratégie de notre allié au Moyen-Orient diffère radicalement de la nôtre.
Les commentateurs moins optimistes, qui estiment qu'Israël ne bluffe pas, se divisent en deux catégories. Ceux qui pensent que les Israéliens sont fous et que les Etats-Unis doivent continuer à les encadrer étroitement pour les empêcher d'aller trop loin. Et ceux qui pensent que les dirigeants iraniens vivent sur une autre planète et sont prêts à utiliser des armes nucléaires contre Israël. Mais est-il vraiment nécessaire de considérer qu'un des deux camps a perdu les pédales pour comprendre qu'Israël a de bonnes raisons d'attaquer?
L'analyse des relations internationales permet de comprendre qu'une attaque contre l'Iran servirait pleinement les intérêts d'Israël, également en tant qu'Etat satellite des Etats-Unis.
Si les fulminations d'Israël font partie d'une stratégie mûrement réfléchie visant à obliger les Etats-Unis à se montrer plus agressifs vis-à-vis de l'Iran, cela ne signifie pas que les Israéliens n'attaqueront pas si la politique d'ouverture pratiquée par Obama laisse la possibilité aux Iraniens d'acquérir l'arme nucléaire. Et plus on envisage la situation sous l'angle de la relation entre Israël et son protecteur, plus l'attaque semble logique, et probable. Au vu des récents succès technologiques de l'Iran, comme le lancement du satellite de communication Omid, et du caractère de plus en plus évident des objectifs du programme iranien, il n'est plus invraisemblable de prévoir une attaque dans l'année qui vient. Pour l'instant, les Russes ne semblent pas pressés de procurer à l'Iran des missiles sol-air S-300, mais si la transaction venait à se préciser, Israël pourrait intervenir encore plus rapidement.
Le fait que les intérêts israéliens puissent diverger radicalement de ceux des Etats-Unis semble surprendre beaucoup d'analystes. Une telle incompréhension est due au fait que les adversaires et les partisans de la relation privilégiée entre les deux pays partagent plus ou moins les mêmes croyances naïves, comme la théorie du lobby israélien tout-puissant ou la soi-disant communauté de valeurs démocratiques qui unirait les deux pays. S'il est indéniable que le soutien des Etats-Unis est en partie motivé par une communauté de valeurs et par le lobbying mené par certains groupes à Washington, ni l'état de la démocratie israélienne ni les pouvoirs secrets de lobby pro-israéliens comme l'AIPAC ne peuvent expliquer les milliards de dollars de crédits militaires consentis à Israël. Crédits qui sont d'ailleurs autant de cadeaux aux fabricants d'armes américains qu'aux militaires israéliens.
Non, si les Etats-Unis défendent aujourd'hui Israël, c'est tout simplement parce que ce pays est le plus puissant du Moyen-Orient. Les adversaires de la fameuse «relation privilégiée» se plaisent à confondre l'attitude adoptée par les Etats-Unis avant et après 1967 en évoquant les dizaines de milliards donnés à Israël «depuis 1948». Mais l'examen des faits prouve que l'accession d'Israël au statut de puissance régionale s'est faite sans aide significative des Etats-Unis.
Le programme nucléaire clandestin a été monté avec l'aide des Britanniques et des Français, qui s'unirent aux Israéliens pour s'emparer du Canal de Suez, et qui furent obligés de le rendre à l'Egypte par Eisenhower. Les pilotes israéliens qui ont détruit au sol les aviations égyptienne, syrienne et jordanienne pilotaient des Mystères français, pas des Phantoms américains. Et le Congrès n'a débloqué des crédits pour aider Israël à accueillir l'afflux de survivants des camps de la mort ou les réfugiés juifs fuyant le Yemen, l'Irak ou l'Egypte qu'après 1973, soit 25 ans après la création d'Israël.
En détruisant l'ancien équilibre des forces au Moyen-Orient grâce à sa spectaculaire victoire dans la guerre des Six jours, Israël est devenu la nouvelle puissance militaire de la région, dont l'influence déstabilisante devait à tout prix être contenue. Or les similitudes entre cette montée en puissance au cours des années 1950 et 1960 et celle de l'Iran aujourd'hui sont réelles.
Comme Israël en 1967, l'Iran est un Etat non-arabe dont les tactiques militaires innovantes font très peur aux Arabes. Mais la ressemblance s'arrête là. L'Iran est vaste et compte plus de 70 millions d'habitants. Israël est un pays minuscule de 7 millions d'habitants, dont les dirigeants ont l'habitude de gouverner à vue. En l'absence de toute stratégie d'expansion ou de diplomatie cohérentes, Israël a décidé, depuis 1967, d'utiliser sa puissance militaire pour s'emparer de territoires qu'il pourrait ensuite échanger contre l'aide de son puissant allié américain.
Israël a gagné sa place d'Etat satellite des Etats-Unis grâce à une série d'exploits accomplis par un pays minuscule, sans réels moyens financiers et acculé à la mer : la prise du canal de Suez en 1956, la victoire en 1967 et le développement de l'arme atomique.
Mais les termes du contrat passés avec le grand frère américain ont relégué ces faits d'arme à un passé aussi glorieux que révolu. En effet, Israël a échangé la liberté de prendre des initiatives risquées mais pouvant rapporter très gros, contre la sécurité militaire et diplomatique garantie par le pays le plus riche et le plus puissant du monde. Le marché était, et est toujours, très simple : l'appui quasi inconditionnel des Etats-Unis contre la soumission d'Israël aux ambitions diplomatique et stratégiques américaines dans la région, et notamment vis-à-vis des nations arabes voisines.
A chaque nouveau traité de paix chapeauté par les Américains, de Camp David à la conférence de Madrid en passant par Oslo et Annapolis, les Etats-Unis se sont servis de leur pouvoir sur Israël comme d'un puissant levier vis-à-vis du monde arabe : «Faites ce qu'on vous dit, et nous forcerons les Israéliens à se calmer.» Et la «relation privilégiée», qui permet à Washington d'imposer sa volonté au Moyen-Orient, repose sur deux piliers. La capacité américaine à imposer des solutions concrètes, comme le retour du Sinaï à l'Egypte ou l'engagement de créer un Etat palestinien. Et l'idée, implicite mais toujours présente, que les Etats-Unis font tout leur possible pour encadrer les énergies belliqueuses israéliennes.
Une attaque contre les installations nucléaires est risquée, mais elle prouverait que l'Etat hébreu reste maître de son destin.
Lors d'une conférence de presse vendredi 25 septembre, le chef de l'Etat iranien a affirmé avoir informé en temps voulu l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de l'existence d'une deuxième installation d'enrichissement nucléaire. «Il ne s'agit pas d'un site secret», a dit Ahmadinejad. «Si cela était le cas, pourquoi aurions-nous informé l'AIEA avec un an d'avance ? Ils (les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne) vont regretter leur déclaration.» En marge du sommet du G20 à Pittsburgh (Etats-Unis, le président américain Barack Obama, son homologue français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique Gordon Brown ont dénoncé dans une déclaration commune la construction de cette usine selon eux secrète.
Plus les dirigeants israéliens bombent le torse et claironnent leur détermination à mettre fin aux ambitions nucléaires de l'Iran, plus les experts ont tendance à penser qu'ils bluffent. Après tout, si George W. Bush a refusé en 2008 de fournir à Israël les bombes anti-bunker et le ravitaillement en vol nécessaires à la destruction des sites nucléaires iraniens, les chances qu'Obama fasse le contraire peuvent sembler très minces. Surtout si l'on sait que le président américain a réagi à l'annonce d'un test de missile par la Corée du Nord en se contentant d'évoquer son rêve d'un monde sans armes nucléaires.
De nombreux analystes ont mis en évidence les performances catastrophiques de l'armée israélienne pendant la guerre du Liban en 2006 et l'image d'Israël dans le monde s'est encore dégradée suite aux atroces images de destructions commises dans la bande de Gaza. Dans ces conditions, les conséquences diplomatiques d'une attaque réussie contre l'Iran pourraient être pires que celles d'un échec militaire. De plus, personne ne sait vraiment où se trouvent les sites nucléaires iraniens.
Pour toutes ces raisons, des personnes parfaitement censées relativisent les excès rhétoriques des deux parties et estiment qu'il ne se passera rien de bien grave, que l'Iran devienne une puissance nucléaire, ou non. Du point de vue américain, en tout cas, il semble acquis que si l'Iran possédait quelques dizaines de bombes, il pourrait être contenu de manière relativement simple, par les mêmes moyens qui ont permis de contenir un empire soviétique armé de 45.000 ogives. Mais l'erreur de ces experts est de raisonner avec un point de vue américain, alors que c'est Israël qui est menacé par le programme nucléaire iranien. A ce titre, la stratégie de notre allié au Moyen-Orient diffère radicalement de la nôtre.
Les commentateurs moins optimistes, qui estiment qu'Israël ne bluffe pas, se divisent en deux catégories. Ceux qui pensent que les Israéliens sont fous et que les Etats-Unis doivent continuer à les encadrer étroitement pour les empêcher d'aller trop loin. Et ceux qui pensent que les dirigeants iraniens vivent sur une autre planète et sont prêts à utiliser des armes nucléaires contre Israël. Mais est-il vraiment nécessaire de considérer qu'un des deux camps a perdu les pédales pour comprendre qu'Israël a de bonnes raisons d'attaquer?
L'analyse des relations internationales permet de comprendre qu'une attaque contre l'Iran servirait pleinement les intérêts d'Israël, également en tant qu'Etat satellite des Etats-Unis.
Si les fulminations d'Israël font partie d'une stratégie mûrement réfléchie visant à obliger les Etats-Unis à se montrer plus agressifs vis-à-vis de l'Iran, cela ne signifie pas que les Israéliens n'attaqueront pas si la politique d'ouverture pratiquée par Obama laisse la possibilité aux Iraniens d'acquérir l'arme nucléaire. Et plus on envisage la situation sous l'angle de la relation entre Israël et son protecteur, plus l'attaque semble logique, et probable. Au vu des récents succès technologiques de l'Iran, comme le lancement du satellite de communication Omid, et du caractère de plus en plus évident des objectifs du programme iranien, il n'est plus invraisemblable de prévoir une attaque dans l'année qui vient. Pour l'instant, les Russes ne semblent pas pressés de procurer à l'Iran des missiles sol-air S-300, mais si la transaction venait à se préciser, Israël pourrait intervenir encore plus rapidement.
Le fait que les intérêts israéliens puissent diverger radicalement de ceux des Etats-Unis semble surprendre beaucoup d'analystes. Une telle incompréhension est due au fait que les adversaires et les partisans de la relation privilégiée entre les deux pays partagent plus ou moins les mêmes croyances naïves, comme la théorie du lobby israélien tout-puissant ou la soi-disant communauté de valeurs démocratiques qui unirait les deux pays. S'il est indéniable que le soutien des Etats-Unis est en partie motivé par une communauté de valeurs et par le lobbying mené par certains groupes à Washington, ni l'état de la démocratie israélienne ni les pouvoirs secrets de lobby pro-israéliens comme l'AIPAC ne peuvent expliquer les milliards de dollars de crédits militaires consentis à Israël. Crédits qui sont d'ailleurs autant de cadeaux aux fabricants d'armes américains qu'aux militaires israéliens.
Non, si les Etats-Unis défendent aujourd'hui Israël, c'est tout simplement parce que ce pays est le plus puissant du Moyen-Orient. Les adversaires de la fameuse «relation privilégiée» se plaisent à confondre l'attitude adoptée par les Etats-Unis avant et après 1967 en évoquant les dizaines de milliards donnés à Israël «depuis 1948». Mais l'examen des faits prouve que l'accession d'Israël au statut de puissance régionale s'est faite sans aide significative des Etats-Unis.
Le programme nucléaire clandestin a été monté avec l'aide des Britanniques et des Français, qui s'unirent aux Israéliens pour s'emparer du Canal de Suez, et qui furent obligés de le rendre à l'Egypte par Eisenhower. Les pilotes israéliens qui ont détruit au sol les aviations égyptienne, syrienne et jordanienne pilotaient des Mystères français, pas des Phantoms américains. Et le Congrès n'a débloqué des crédits pour aider Israël à accueillir l'afflux de survivants des camps de la mort ou les réfugiés juifs fuyant le Yemen, l'Irak ou l'Egypte qu'après 1973, soit 25 ans après la création d'Israël.
En détruisant l'ancien équilibre des forces au Moyen-Orient grâce à sa spectaculaire victoire dans la guerre des Six jours, Israël est devenu la nouvelle puissance militaire de la région, dont l'influence déstabilisante devait à tout prix être contenue. Or les similitudes entre cette montée en puissance au cours des années 1950 et 1960 et celle de l'Iran aujourd'hui sont réelles.
Comme Israël en 1967, l'Iran est un Etat non-arabe dont les tactiques militaires innovantes font très peur aux Arabes. Mais la ressemblance s'arrête là. L'Iran est vaste et compte plus de 70 millions d'habitants. Israël est un pays minuscule de 7 millions d'habitants, dont les dirigeants ont l'habitude de gouverner à vue. En l'absence de toute stratégie d'expansion ou de diplomatie cohérentes, Israël a décidé, depuis 1967, d'utiliser sa puissance militaire pour s'emparer de territoires qu'il pourrait ensuite échanger contre l'aide de son puissant allié américain.
Israël a gagné sa place d'Etat satellite des Etats-Unis grâce à une série d'exploits accomplis par un pays minuscule, sans réels moyens financiers et acculé à la mer : la prise du canal de Suez en 1956, la victoire en 1967 et le développement de l'arme atomique.
Mais les termes du contrat passés avec le grand frère américain ont relégué ces faits d'arme à un passé aussi glorieux que révolu. En effet, Israël a échangé la liberté de prendre des initiatives risquées mais pouvant rapporter très gros, contre la sécurité militaire et diplomatique garantie par le pays le plus riche et le plus puissant du monde. Le marché était, et est toujours, très simple : l'appui quasi inconditionnel des Etats-Unis contre la soumission d'Israël aux ambitions diplomatique et stratégiques américaines dans la région, et notamment vis-à-vis des nations arabes voisines.
A chaque nouveau traité de paix chapeauté par les Américains, de Camp David à la conférence de Madrid en passant par Oslo et Annapolis, les Etats-Unis se sont servis de leur pouvoir sur Israël comme d'un puissant levier vis-à-vis du monde arabe : «Faites ce qu'on vous dit, et nous forcerons les Israéliens à se calmer.» Et la «relation privilégiée», qui permet à Washington d'imposer sa volonté au Moyen-Orient, repose sur deux piliers. La capacité américaine à imposer des solutions concrètes, comme le retour du Sinaï à l'Egypte ou l'engagement de créer un Etat palestinien. Et l'idée, implicite mais toujours présente, que les Etats-Unis font tout leur possible pour encadrer les énergies belliqueuses israéliennes.
Commentaire