La frontière mauritanienne, reflet de l'intense activité commerciale dans la région
Le commerce en provenance du Maghreb entrant dans Nouadhibou et dans le reste de la Mauritanie est en hausse, grâce au renforcement des infrastructures et à une meilleure réglementation.
Par Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud à Nouakchott et Siham Ali à Rabat – 11/12/09
Le commerce entre la Mauritanie et les régions voisines est en plein essor et l'unité économique du Maghreb apparaît de plus en plus probable. Il aura fallu une route goudronnée reliant le port mauritanien de Nouadhibou à la ville de Dakhla pour y parvenir.
Pendant des années, le transit des véhicules commerciaux entre la Mauritanie et le Maroc aura été gêné par des routes difficiles et souvent dangereuses menant au seul passage terrestre commun pour les personnes et les marchandises. Des mines encore enfouies venaient de surcroît compliquer la tâche.
Après que la Mauritanie eut décidé de goudronner la route au point de passage d'Essentour en 2006, les commerçants des deux côtés de la frontière se sont précipités pour bénéficier de cette nouvelle ouverture.
"Les échanges commerciaux entre le Maroc et la Mauritanie ont doublé après la construction de cette route", explique le responsable mauritanien du Commerce extérieur Mohammed Ould Hit à Magharebia.
Située à l'extrême pointe nord-ouest du pays, Nouadhibou est le centre commercial du pays. Cette ville portuaire est connue pour son commerce maritime très actif, le traitement du minerai de fer et comme point de départ des cargos en partance pour l'Europe par l'Atlantique.
L'activité au point frontière est incessante, dans le vrombissement des lourds camions marocains transportant leurs cargaisons depuis Dakhla. Les chauffeurs déchargent en Mauritanie puis repartent préparer un autre voyage, espérant que leur prochain trajet sera encore plus rentable.
"Le trafic n'arrête pas, il ne fait qu'augmenter en fonction de la saison", a expliqué Mohammed Mahmoud, un négociant mauritanien, à Magharebia.
"Chaque jour, 150 camions chargés de légumes, de dattes, de fruits et d'autres marchandises arrivent à Nouadhibou. Chacun transporte plus de vingt tonnes. Certains continuent leur voyage vers d'autres villes du centre de la Mauritanie", explique-t-il.
Al-Khalil, un chauffeur âgé d'une cinquantaine d'années, travaille sur cette route depuis qu'elle a été ouverte. "Je transporte des fruits tous les jours de Dakhla à Nouadhibou en passant par Essentour. Quelquefois, nous continuons vers la capitale – Nouakchott – pour y livrer les marchés", explique-t-il.
"C'est un commerce très rentable grâce aux faibles droits de douane, voire, dans certains cas, l'absence de droits. C'est ce type de choses qui incite les commerçants à poursuivre ce genre d'activité commerciale, qui devient de plus en plus concurrentielle", poursuit-il.
"Grâce à Dieu, il n'y a aucun problème", ajoute-t-il. "Les douaniers des deux pays font leur travail de manière responsable, ce qui nous facilite le travail."
Selon le dernier rapport du ministère marocain du Commerce, la valeur des importations en provenance de Mauritanie a atteint 46 771 dirhams en 2008, contre 13 848 dirhams en 2006. En 2008, les exportations ont représenté 392 750 dirhams (chiffres provisoires), contre 279 858 deux ans plus tôt.
Aux termes d'un accord commercial signé en 1986 à Nouakchott, les marchandises d'origine locale sont exemptées de droits de douane, précise un communiqué du ministère. Le cadre juridique des échanges commerciaux comporte plus de quatre-vingts accords, notamment la mise en place du Conseil des entrepreneurs maroco-mauritanien et la création d'une zone de libre-échange, tous deux mis en place en 2000.
"Nous pouvons affirmer que les échanges commerciaux entre les pays du Maghreb sont inévitables pour favoriser le développement et renforcer de vieux liens historiques et culturels. Les activités commerciales entre le Maroc et la Mauritanie sont donc extrêmement importants", explique Mohammed Mourad, expert en économie et ancien responsable au ministère mauritanien du Commerce.
"Les autorités des deux pays ont compris la situation il y a plusieurs dizaines d'années et signé plusieurs accords. La récente amélioration de la route terrestre entre Nouadhibou et le Maroc en est peut-être la meilleure preuve", ajoute-t-il.
De nombreux habitants de Nouadhibou dépendent du commerce avec le Maroc pour leur vie quotidienne. "Les prix des légumes, des vêtements et des matelas sont très bas sur tous les marchés de Nouadhibou, parce que ces marchandises arrivent chaque jour du Maroc", explique Al-Najaya, une ménagère, à Magharebia, ajoutant : "Cela rend la vie ici bien plus facile que dans d'autres villes."
"Le commerce en provenance et à destination du Maroc a créé de nombreux emplois, en particulier pour des jeunes qui étaient au chômage, ce qui est une chose très bénéfique", ajoute-t-elle.
Mais il n'y a pas que les produits alimentaires et les biens ménagers qui franchissent ce célèbre point de passage. Fadhili, un commerçant, possède dix taxis Mercedes. Il les a tous importés du Maroc ces dernières années.
"Soixante-dix pour cent des taxis ici en Mauritanie viennent du royaume frère du Maroc. J'ai passé beaucoup de temps à me rendre dans les villes marocaines voisines pour y acheter des véhicules et les ramener dans la capitale, Nouakchott, où je les revendais à un prix plus élevé. Je connais des hommes qui sont devenus riches avec ce type de commerce", explique-t-il.
"Le point d'Essentour est une porte indispensable pour les Mauritaniens", conclut-il.
Ce fort trafic transfrontalier s'effectue dans les deux sens, de nombreux commerçants mauritaniens transportent chaque jour leurs marchandises vers le Maroc sans renconter aucun problème. Les articles les plus populaires sont la colle, les vêtements, les bijoux, les agrumes et les dattes locales, notamment pendant la Guetna, la saison des palmiers-dattiers.
"Je pense que l'unité économique des pays du Maghreb trace la voie à une unité politique pour permettre plus de prospérité dans la région et surmonter les divisions ; cela créerait une puissante entité arabo-africano-maghrébine à même de relever les défis du XXIème siècle", confirme le professeur de sciences politiques Sayyid Ab, soulignant que ce n'est qu'en venant voir ce point de passage et en constatant de ses propres yeux le trafic des camions qu'il a "compris le rôle essentiel joué par ce point de passage dans l'économie nationale".
Un point de passage avec des routes en bon état et sans encombrement de trafic a des implications au niveau de toute la région, reconnaît le responsable des services du Commerce extérieur Mohammed Ould Hit. "Le Maroc est le plus important partenaire économique de la Mauritanie dans la région. C'est la raison pour laquelle nous devions construire cette route entre les deux pays – pour renforcer le commerce intra-maghrébin", a-t-il expliqué à Magharebia.
"C'est vrai que les exportations mauritaniennes vers le Maroc sont encore inférieures aux exportations du Maroc vers la Mauritanie, concède-t-il. Mais nous nous efforçons de combler ce fossé."
Le commerce en provenance du Maghreb entrant dans Nouadhibou et dans le reste de la Mauritanie est en hausse, grâce au renforcement des infrastructures et à une meilleure réglementation.
Par Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud à Nouakchott et Siham Ali à Rabat – 11/12/09
Le commerce entre la Mauritanie et les régions voisines est en plein essor et l'unité économique du Maghreb apparaît de plus en plus probable. Il aura fallu une route goudronnée reliant le port mauritanien de Nouadhibou à la ville de Dakhla pour y parvenir.
Pendant des années, le transit des véhicules commerciaux entre la Mauritanie et le Maroc aura été gêné par des routes difficiles et souvent dangereuses menant au seul passage terrestre commun pour les personnes et les marchandises. Des mines encore enfouies venaient de surcroît compliquer la tâche.
Après que la Mauritanie eut décidé de goudronner la route au point de passage d'Essentour en 2006, les commerçants des deux côtés de la frontière se sont précipités pour bénéficier de cette nouvelle ouverture.
"Les échanges commerciaux entre le Maroc et la Mauritanie ont doublé après la construction de cette route", explique le responsable mauritanien du Commerce extérieur Mohammed Ould Hit à Magharebia.
Située à l'extrême pointe nord-ouest du pays, Nouadhibou est le centre commercial du pays. Cette ville portuaire est connue pour son commerce maritime très actif, le traitement du minerai de fer et comme point de départ des cargos en partance pour l'Europe par l'Atlantique.
L'activité au point frontière est incessante, dans le vrombissement des lourds camions marocains transportant leurs cargaisons depuis Dakhla. Les chauffeurs déchargent en Mauritanie puis repartent préparer un autre voyage, espérant que leur prochain trajet sera encore plus rentable.
"Le trafic n'arrête pas, il ne fait qu'augmenter en fonction de la saison", a expliqué Mohammed Mahmoud, un négociant mauritanien, à Magharebia.
"Chaque jour, 150 camions chargés de légumes, de dattes, de fruits et d'autres marchandises arrivent à Nouadhibou. Chacun transporte plus de vingt tonnes. Certains continuent leur voyage vers d'autres villes du centre de la Mauritanie", explique-t-il.
Al-Khalil, un chauffeur âgé d'une cinquantaine d'années, travaille sur cette route depuis qu'elle a été ouverte. "Je transporte des fruits tous les jours de Dakhla à Nouadhibou en passant par Essentour. Quelquefois, nous continuons vers la capitale – Nouakchott – pour y livrer les marchés", explique-t-il.
"C'est un commerce très rentable grâce aux faibles droits de douane, voire, dans certains cas, l'absence de droits. C'est ce type de choses qui incite les commerçants à poursuivre ce genre d'activité commerciale, qui devient de plus en plus concurrentielle", poursuit-il.
"Grâce à Dieu, il n'y a aucun problème", ajoute-t-il. "Les douaniers des deux pays font leur travail de manière responsable, ce qui nous facilite le travail."
Selon le dernier rapport du ministère marocain du Commerce, la valeur des importations en provenance de Mauritanie a atteint 46 771 dirhams en 2008, contre 13 848 dirhams en 2006. En 2008, les exportations ont représenté 392 750 dirhams (chiffres provisoires), contre 279 858 deux ans plus tôt.
Aux termes d'un accord commercial signé en 1986 à Nouakchott, les marchandises d'origine locale sont exemptées de droits de douane, précise un communiqué du ministère. Le cadre juridique des échanges commerciaux comporte plus de quatre-vingts accords, notamment la mise en place du Conseil des entrepreneurs maroco-mauritanien et la création d'une zone de libre-échange, tous deux mis en place en 2000.
"Nous pouvons affirmer que les échanges commerciaux entre les pays du Maghreb sont inévitables pour favoriser le développement et renforcer de vieux liens historiques et culturels. Les activités commerciales entre le Maroc et la Mauritanie sont donc extrêmement importants", explique Mohammed Mourad, expert en économie et ancien responsable au ministère mauritanien du Commerce.
"Les autorités des deux pays ont compris la situation il y a plusieurs dizaines d'années et signé plusieurs accords. La récente amélioration de la route terrestre entre Nouadhibou et le Maroc en est peut-être la meilleure preuve", ajoute-t-il.
De nombreux habitants de Nouadhibou dépendent du commerce avec le Maroc pour leur vie quotidienne. "Les prix des légumes, des vêtements et des matelas sont très bas sur tous les marchés de Nouadhibou, parce que ces marchandises arrivent chaque jour du Maroc", explique Al-Najaya, une ménagère, à Magharebia, ajoutant : "Cela rend la vie ici bien plus facile que dans d'autres villes."
"Le commerce en provenance et à destination du Maroc a créé de nombreux emplois, en particulier pour des jeunes qui étaient au chômage, ce qui est une chose très bénéfique", ajoute-t-elle.
Mais il n'y a pas que les produits alimentaires et les biens ménagers qui franchissent ce célèbre point de passage. Fadhili, un commerçant, possède dix taxis Mercedes. Il les a tous importés du Maroc ces dernières années.
"Soixante-dix pour cent des taxis ici en Mauritanie viennent du royaume frère du Maroc. J'ai passé beaucoup de temps à me rendre dans les villes marocaines voisines pour y acheter des véhicules et les ramener dans la capitale, Nouakchott, où je les revendais à un prix plus élevé. Je connais des hommes qui sont devenus riches avec ce type de commerce", explique-t-il.
"Le point d'Essentour est une porte indispensable pour les Mauritaniens", conclut-il.
Ce fort trafic transfrontalier s'effectue dans les deux sens, de nombreux commerçants mauritaniens transportent chaque jour leurs marchandises vers le Maroc sans renconter aucun problème. Les articles les plus populaires sont la colle, les vêtements, les bijoux, les agrumes et les dattes locales, notamment pendant la Guetna, la saison des palmiers-dattiers.
"Je pense que l'unité économique des pays du Maghreb trace la voie à une unité politique pour permettre plus de prospérité dans la région et surmonter les divisions ; cela créerait une puissante entité arabo-africano-maghrébine à même de relever les défis du XXIème siècle", confirme le professeur de sciences politiques Sayyid Ab, soulignant que ce n'est qu'en venant voir ce point de passage et en constatant de ses propres yeux le trafic des camions qu'il a "compris le rôle essentiel joué par ce point de passage dans l'économie nationale".
Un point de passage avec des routes en bon état et sans encombrement de trafic a des implications au niveau de toute la région, reconnaît le responsable des services du Commerce extérieur Mohammed Ould Hit. "Le Maroc est le plus important partenaire économique de la Mauritanie dans la région. C'est la raison pour laquelle nous devions construire cette route entre les deux pays – pour renforcer le commerce intra-maghrébin", a-t-il expliqué à Magharebia.
"C'est vrai que les exportations mauritaniennes vers le Maroc sont encore inférieures aux exportations du Maroc vers la Mauritanie, concède-t-il. Mais nous nous efforçons de combler ce fossé."
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