Une conférence de donateurs pour la reconstruction du Darfour (ouest du Soudan) dimanche dernier au Caire, à l'initiative des pays islamiques, a obtenu des promesses de financement pour près de 850 millions de dollars, soit moins de la moitié des fonds espérés. La réunion, organisée par l'Organisation de laconférence islamique (OCI, 57 membres), était co-présidée par l'Egypte et la Turquie. Une vingtaine d'autres pays et une cinquantaine d'institutions internationales et organisations non gouvernementales étaient également invitées.
Les organisateurs ambitionnaient de réunir deux milliards de dollars pour cette région, en guerre civile depuis 2003, afin de financer des projets de développement et de reconstruction dans les domaines de l'agriculture, de l'enseignement, de l'eau, et de la santé, entre autres. Le secrétaire général de l'OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, a annoncé le montant final à la presse -environ 850 millions de dollars-, sans dire s'il s'agissait de dons ou de prêts et sans détailler les divers engagements.
Le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, a, de son côté, indiqué que la liste des pays ayant annoncé des contributions incluait le Qatar, l'Algérie, la Turquie, le Brésil, le Maroc et l'Australie. Il n'a pas fait état d'une contribution égyptienne, pourtant pays hôte de la rencontre.
Certaines délégations ont manifestement jugé insuffisantes les garanties que l'argent ne profiterait pas avant au pouvoir de Khartoum, tandis que d'autres ont jugé la situation sur le terrain encore trop instable.
Des diplomates, occidentaux notamment, ont dit qu'ils ne feraient pas de promesses de dons. «Notre présence est un message politique», a précisé l'un d'eux à l'AFP sous le couvert de l'anonymat, affirmant que son pays ne donnerait pas d'argent en raison de «l'incertitude entourant la manière dont il sera utilisé ou le canal par lequel il passera». «Nous avons donné de l'argent par le passé par le biais de la Banque mondiale, mais il y a toujours des difficultés dans le pays», a dit un autre diplomate, sans plus de précisions.
Le Soudan était représenté par l'ex-rebelle darfouri et conseiller présidentiel Minni Minnawi, ainsi que par des ministres et de hauts responsables. L'ex-président sud-africain Thabo Mbeki, président du panel de l'Union africaine (UA) sur la crise au Darfour, était également présent. Les Etats-Unis et la France étaient représentés par de hauts diplomates venus de Washington et de Paris.
Cette conférence, organisée à trois semaines des premières élections générales multipartites soudanaises depuis 1986, entendait également appuyer les pourparlers de paix engagés à Doha. Khartoum a signé jeudi dernier un accord-cadre de paix avec une faction rebelle minoritaire du Darfour, le Mouvement de libération pour la justice.
Un autre accord a été conclu en février avec un important groupe rebelle, le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM). Mais une autre formation majeure, l'Armée de libération du Soudan, d'Abdelwahid Nour, refuse de se joindre au processus. Ainsi, les Occidentaux, qui ont versé les larmes de crocodile sur les victimes du Darfour, refusent aujourd'hui de s'impliquer dans ce projet de reconstruction d'une région riche en pétrole et convoitée par les multinationales mais en vain. Manifestement, ces dernières semblent avoir perdu la bataille devant leur permettre de «libérer» et de contrôler le Darfour et ses richesses. Il faut dire aussi que le Soudan a prêté le flanc à ces ingérences sournoises et traditionnelles lorsqu'il a abrité au début des années quatre-vingt-dix des courants islamistes favorables à la déstabilisation de certains pays africains, arabes et maghrébins.
Au début des années quatre-vingt-dix, le Soudan répondait aux sollicitations de puissances étrangères et à la stratégie de la guerre froide en phase finale après la chute du mur de Berlin, tout comme le faisaient l'Irak et les moudjahidine afghans. Avant le revirement de Ben Laden et El Qaïda, l'islamisme était l'allié tactique des Etats-Unis et en était même le dauphin et le protégé. Le Soudan, le Yémen, la Somalie... servaient alors de base d'entraînement aux islamistes radicaux de différents pays musulmans.
Après les attentats du 11 septembre 2001, l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak, les cartes géopolitiques ont été brouillées et les anciennes alliances ont été rompues pour que le Soudan devienne l'ennemi des Etats-Unis et de l'Europe. Certes, la fragilité du Soudan est due historiquement à sa nature de régime totalitaire depuis au moins Djaafar Ennoumeiri dont la politique exclusive et ségrégationniste a exacerbé les divisions ethniques et religieuse. Si le Sud animiste a revendiqué la sécession au lendemain de l'indépendance du Soudan, le Darfour couvait un conflit latent bien avant 2003.
Le Darfour, une poudrière ethnique et démographique
Le Darfour est une région du Sahel qui se trouve à l'ouest du Soudan : 5 à 6,1 millions de personnes y vivent ; la région a un très faible niveau de développement : seulement un tiers des filles (pour 44,5 % de garçons) vont à l'école primaire. La découverte de pétrole dans cette région a suscité les convoitises. Si le conflit a largement été décrit en termes ethniques et politiques, il s'agit aussi d'une lutte pour les ressources pétrolières situées au sud et à l'ouest. Quatre ethnies principales sont installées au Darfour : les Fours, qui ont donné leur nom au Darfour, qui signifie en arabe la maison de Four, les Masalits, les Zaghawas et les Arabes. Jusqu'à présent, le passage de chameliers arabes dans le Sud était demeuré sans incidents. Le climat aride et l'environnement hostile du Darfour ont été des facteurs naturels ayant nourri des jacqueries et des conflits ethniques pour l'eau, la terre et les voies commerciales. La sécheresse sévissant dans la bande sahélo-saharienne a amplifié les tensions entre les différents groupes ethniques vivant au Darfour qui se disputent l'espace géographique. A ce contexte historique et géoclimatique s'ajoutent des facteurs démographiques et géopolitiques qui allaient compliquer la donne et servir de détonateur : -Une explosion démographique, la population a doublé en 20 ans. -Une compétition pour l'espace géographique.
-Des ethnies différentes, aux répartitions imbriquées.
En 2003, la guerre opposait au départ les Zaghawas aux Arabes pro-gouvernementaux pour ensuite s'étendre aux autres ethnies. -Les guerres du Tchad (1960-1990) et qui impliquaient les Zaghawas (ethnie étendue du Tchad au Soudan) ont une conséquence directe sur le conflit. -La découverte de ressources pétrolières suscite les convoitises de grandes puissances, en particulier de la Chine.
-Un pays vaste et mal unifié, le Soudan.
Le pouvoir central néglige les peuples de la périphérie qui se révoltent. Il contrôle les conflits locaux afin de satisfaire certains de leurs intérêts. Pendant l'hiver 2002-2003, l'opposition au président soudanais Omar El Béchir fait entendre sa voix. Au Darfour, des attaques antigouvernementales ont lieu en janvier et sont revendiquées par la SLA. En représailles, Khartoum laisse agir les milices arabes (les Janj Zaghawas awids dirigés par Choukratalla, ancien officier de l'armée soudanaise) dans tout le Darfour. Les armées soudanaises bombardent les villages du Darfour. Les populations sont victimes de bandes armées.
Les forces en présence
Les Janjawid, des milices désignées comme arabes, sont recrutées parmi les tribus Abbala. Le gouvernement soudanais nie fournir une aide aux miliciens. Néanmoins, Moussa Hilal, l'un des chefs des miliciens Janjawids, a été nommé en janvier 2008 conseiller au ministère soudanais des Affaires fédérales. Selon Amnesty International, la Chine et la Russie fourniraient au gouvernement soudanais armes et appareils militaires, malgré un embargo de l'ONU.
Les organisateurs ambitionnaient de réunir deux milliards de dollars pour cette région, en guerre civile depuis 2003, afin de financer des projets de développement et de reconstruction dans les domaines de l'agriculture, de l'enseignement, de l'eau, et de la santé, entre autres. Le secrétaire général de l'OCI, Ekmeleddin Ihsanoglu, a annoncé le montant final à la presse -environ 850 millions de dollars-, sans dire s'il s'agissait de dons ou de prêts et sans détailler les divers engagements.
Le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, a, de son côté, indiqué que la liste des pays ayant annoncé des contributions incluait le Qatar, l'Algérie, la Turquie, le Brésil, le Maroc et l'Australie. Il n'a pas fait état d'une contribution égyptienne, pourtant pays hôte de la rencontre.
Certaines délégations ont manifestement jugé insuffisantes les garanties que l'argent ne profiterait pas avant au pouvoir de Khartoum, tandis que d'autres ont jugé la situation sur le terrain encore trop instable.
Des diplomates, occidentaux notamment, ont dit qu'ils ne feraient pas de promesses de dons. «Notre présence est un message politique», a précisé l'un d'eux à l'AFP sous le couvert de l'anonymat, affirmant que son pays ne donnerait pas d'argent en raison de «l'incertitude entourant la manière dont il sera utilisé ou le canal par lequel il passera». «Nous avons donné de l'argent par le passé par le biais de la Banque mondiale, mais il y a toujours des difficultés dans le pays», a dit un autre diplomate, sans plus de précisions.
Le Soudan était représenté par l'ex-rebelle darfouri et conseiller présidentiel Minni Minnawi, ainsi que par des ministres et de hauts responsables. L'ex-président sud-africain Thabo Mbeki, président du panel de l'Union africaine (UA) sur la crise au Darfour, était également présent. Les Etats-Unis et la France étaient représentés par de hauts diplomates venus de Washington et de Paris.
Cette conférence, organisée à trois semaines des premières élections générales multipartites soudanaises depuis 1986, entendait également appuyer les pourparlers de paix engagés à Doha. Khartoum a signé jeudi dernier un accord-cadre de paix avec une faction rebelle minoritaire du Darfour, le Mouvement de libération pour la justice.
Un autre accord a été conclu en février avec un important groupe rebelle, le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM). Mais une autre formation majeure, l'Armée de libération du Soudan, d'Abdelwahid Nour, refuse de se joindre au processus. Ainsi, les Occidentaux, qui ont versé les larmes de crocodile sur les victimes du Darfour, refusent aujourd'hui de s'impliquer dans ce projet de reconstruction d'une région riche en pétrole et convoitée par les multinationales mais en vain. Manifestement, ces dernières semblent avoir perdu la bataille devant leur permettre de «libérer» et de contrôler le Darfour et ses richesses. Il faut dire aussi que le Soudan a prêté le flanc à ces ingérences sournoises et traditionnelles lorsqu'il a abrité au début des années quatre-vingt-dix des courants islamistes favorables à la déstabilisation de certains pays africains, arabes et maghrébins.
Au début des années quatre-vingt-dix, le Soudan répondait aux sollicitations de puissances étrangères et à la stratégie de la guerre froide en phase finale après la chute du mur de Berlin, tout comme le faisaient l'Irak et les moudjahidine afghans. Avant le revirement de Ben Laden et El Qaïda, l'islamisme était l'allié tactique des Etats-Unis et en était même le dauphin et le protégé. Le Soudan, le Yémen, la Somalie... servaient alors de base d'entraînement aux islamistes radicaux de différents pays musulmans.
Après les attentats du 11 septembre 2001, l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak, les cartes géopolitiques ont été brouillées et les anciennes alliances ont été rompues pour que le Soudan devienne l'ennemi des Etats-Unis et de l'Europe. Certes, la fragilité du Soudan est due historiquement à sa nature de régime totalitaire depuis au moins Djaafar Ennoumeiri dont la politique exclusive et ségrégationniste a exacerbé les divisions ethniques et religieuse. Si le Sud animiste a revendiqué la sécession au lendemain de l'indépendance du Soudan, le Darfour couvait un conflit latent bien avant 2003.
Le Darfour, une poudrière ethnique et démographique
Le Darfour est une région du Sahel qui se trouve à l'ouest du Soudan : 5 à 6,1 millions de personnes y vivent ; la région a un très faible niveau de développement : seulement un tiers des filles (pour 44,5 % de garçons) vont à l'école primaire. La découverte de pétrole dans cette région a suscité les convoitises. Si le conflit a largement été décrit en termes ethniques et politiques, il s'agit aussi d'une lutte pour les ressources pétrolières situées au sud et à l'ouest. Quatre ethnies principales sont installées au Darfour : les Fours, qui ont donné leur nom au Darfour, qui signifie en arabe la maison de Four, les Masalits, les Zaghawas et les Arabes. Jusqu'à présent, le passage de chameliers arabes dans le Sud était demeuré sans incidents. Le climat aride et l'environnement hostile du Darfour ont été des facteurs naturels ayant nourri des jacqueries et des conflits ethniques pour l'eau, la terre et les voies commerciales. La sécheresse sévissant dans la bande sahélo-saharienne a amplifié les tensions entre les différents groupes ethniques vivant au Darfour qui se disputent l'espace géographique. A ce contexte historique et géoclimatique s'ajoutent des facteurs démographiques et géopolitiques qui allaient compliquer la donne et servir de détonateur : -Une explosion démographique, la population a doublé en 20 ans. -Une compétition pour l'espace géographique.
-Des ethnies différentes, aux répartitions imbriquées.
En 2003, la guerre opposait au départ les Zaghawas aux Arabes pro-gouvernementaux pour ensuite s'étendre aux autres ethnies. -Les guerres du Tchad (1960-1990) et qui impliquaient les Zaghawas (ethnie étendue du Tchad au Soudan) ont une conséquence directe sur le conflit. -La découverte de ressources pétrolières suscite les convoitises de grandes puissances, en particulier de la Chine.
-Un pays vaste et mal unifié, le Soudan.
Le pouvoir central néglige les peuples de la périphérie qui se révoltent. Il contrôle les conflits locaux afin de satisfaire certains de leurs intérêts. Pendant l'hiver 2002-2003, l'opposition au président soudanais Omar El Béchir fait entendre sa voix. Au Darfour, des attaques antigouvernementales ont lieu en janvier et sont revendiquées par la SLA. En représailles, Khartoum laisse agir les milices arabes (les Janj Zaghawas awids dirigés par Choukratalla, ancien officier de l'armée soudanaise) dans tout le Darfour. Les armées soudanaises bombardent les villages du Darfour. Les populations sont victimes de bandes armées.
Les forces en présence
Les Janjawid, des milices désignées comme arabes, sont recrutées parmi les tribus Abbala. Le gouvernement soudanais nie fournir une aide aux miliciens. Néanmoins, Moussa Hilal, l'un des chefs des miliciens Janjawids, a été nommé en janvier 2008 conseiller au ministère soudanais des Affaires fédérales. Selon Amnesty International, la Chine et la Russie fourniraient au gouvernement soudanais armes et appareils militaires, malgré un embargo de l'ONU.
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