À l'origine du culte…le parti de l'Istiqlal !
C'est le parti de l'Istiqlal qui est à l'origine de ce culte irraisonné du chef qui prendra, par la suite, des dimensions monstrueuses. Tout le monde a entendu parler de ce mythe selon lequel le visage de Mohammed V, exilé par les Français de 1953 à 1955, était apparu sur la lune à des millions de Marocains. Ce qu'on sait moins, c'est que des centaines de nationalistes sillonnaient les médinas, à l'époque, en distribuant des tracts à la population, et pas seulement des tracts militants appelant au retour du sultan exilé… Il s'agissait plutôt d'un “mode d'emploi technique” pour voir Ben Youssef (le nom usuel du sultan) sur la lune. Les gens qui avaient le tract en main étaient invités à fixer une concentration de points sur le bout de papier puis, une fois que leur rétine avait bien imprimé l'ordonnancement des points, de fixer l'astre lunaire. A tous les coups, le visage du sultan y apparaissait. Une technique oculaire classique, mais l'écrasante majorité des utilisateurs du tract étant analphabètes… En deux ans, le mythe du “Saint Ben Youssef”, pour reprendre l'expression de l'anthropologue américain Clifford Geertz, a pris un essor fantastique.
Des milliers de gens n'avaient plus besoin du tract pour le voir sur la lune, en songe… Pourquoi l'Istiqlal, à la base, s'est-il prêté à une telle mystification ? Tout simplement par calcul politique. Les nationalistes comptaient sur la ferveur populaire pour faire pression sur les Français afin d'ouvrir des négociations. Et Ben Youssef ? Il fallait qu'il revienne d'exil, bien entendu. Mais les nationalistes pensaient que le symbole serait utile jusqu'à l'indépendance et puis qu'après, “on verrait”… Le 16 novembre 1955, on a vu. Le retour du sultan a été salué par des manifestations d'hystérie collective jamais vues jusque-là, dans toute l'histoire du royaume. Le culte de la personnalité royale avait commencé, il n'allait plus jamais s'arrêter.
Fine mouche, Mohammed V a tout de suite compris le parti qu'il pouvait tirer de la situation, à une époque où le maintien de la royauté était tout sauf acquis. Très vite, il est entré dans le rôle que les nationalistes avaient dessiné pour lui : celui d'un symbole absolu et incritiquable, qui n'entendait pas céder un pouce de ses prérogatives désormais sanctifiées. Ne voyant pas venir le danger, les jeunes loups de l'Istiqlal se sont enfoncés dans leur erreur, en instituant la “fête du trône” en guise de fête nationale principale. Et celle de l'indépendance ? C'est Hassan II, quelques années plus tard, qui la fixera au 18 novembre 1955. Ce qui est une déformation conséquente de la réalité historique. Ce jour-là, dans la foulée de son retour triomphal d'exil deux jours plus tôt, Mohammed V a bien discouru d'indépendance devant une foule électrisée.
Mais le vrai propos de ce discours était d'annoncer, non pas l'indépendance officielle, mais le démarrage prochain de négociations irréversibles avec la France (chapeautées par lui, cette fois, même si l'essentiel du travail avait été fait à Aix-les-Bains par les nationalistes), en vue de signer un traité d'indépendance en bonne et due forme. Ce qui fut fait 3 mois et demi plus tard, le 2 mars 1956. La voilà, la vraie date de notre indépendance, consignée dans tous les livres d'Histoire du monde. Mais dans les nôtres, une unique vérité : l'indépendance est à mettre au crédit exclusif de Sa Majesté, “chef politique” des nationalistes et désormais “libérateur” de la nation.
Par TelQuel
C'est le parti de l'Istiqlal qui est à l'origine de ce culte irraisonné du chef qui prendra, par la suite, des dimensions monstrueuses. Tout le monde a entendu parler de ce mythe selon lequel le visage de Mohammed V, exilé par les Français de 1953 à 1955, était apparu sur la lune à des millions de Marocains. Ce qu'on sait moins, c'est que des centaines de nationalistes sillonnaient les médinas, à l'époque, en distribuant des tracts à la population, et pas seulement des tracts militants appelant au retour du sultan exilé… Il s'agissait plutôt d'un “mode d'emploi technique” pour voir Ben Youssef (le nom usuel du sultan) sur la lune. Les gens qui avaient le tract en main étaient invités à fixer une concentration de points sur le bout de papier puis, une fois que leur rétine avait bien imprimé l'ordonnancement des points, de fixer l'astre lunaire. A tous les coups, le visage du sultan y apparaissait. Une technique oculaire classique, mais l'écrasante majorité des utilisateurs du tract étant analphabètes… En deux ans, le mythe du “Saint Ben Youssef”, pour reprendre l'expression de l'anthropologue américain Clifford Geertz, a pris un essor fantastique.
Des milliers de gens n'avaient plus besoin du tract pour le voir sur la lune, en songe… Pourquoi l'Istiqlal, à la base, s'est-il prêté à une telle mystification ? Tout simplement par calcul politique. Les nationalistes comptaient sur la ferveur populaire pour faire pression sur les Français afin d'ouvrir des négociations. Et Ben Youssef ? Il fallait qu'il revienne d'exil, bien entendu. Mais les nationalistes pensaient que le symbole serait utile jusqu'à l'indépendance et puis qu'après, “on verrait”… Le 16 novembre 1955, on a vu. Le retour du sultan a été salué par des manifestations d'hystérie collective jamais vues jusque-là, dans toute l'histoire du royaume. Le culte de la personnalité royale avait commencé, il n'allait plus jamais s'arrêter.
Fine mouche, Mohammed V a tout de suite compris le parti qu'il pouvait tirer de la situation, à une époque où le maintien de la royauté était tout sauf acquis. Très vite, il est entré dans le rôle que les nationalistes avaient dessiné pour lui : celui d'un symbole absolu et incritiquable, qui n'entendait pas céder un pouce de ses prérogatives désormais sanctifiées. Ne voyant pas venir le danger, les jeunes loups de l'Istiqlal se sont enfoncés dans leur erreur, en instituant la “fête du trône” en guise de fête nationale principale. Et celle de l'indépendance ? C'est Hassan II, quelques années plus tard, qui la fixera au 18 novembre 1955. Ce qui est une déformation conséquente de la réalité historique. Ce jour-là, dans la foulée de son retour triomphal d'exil deux jours plus tôt, Mohammed V a bien discouru d'indépendance devant une foule électrisée.
Mais le vrai propos de ce discours était d'annoncer, non pas l'indépendance officielle, mais le démarrage prochain de négociations irréversibles avec la France (chapeautées par lui, cette fois, même si l'essentiel du travail avait été fait à Aix-les-Bains par les nationalistes), en vue de signer un traité d'indépendance en bonne et due forme. Ce qui fut fait 3 mois et demi plus tard, le 2 mars 1956. La voilà, la vraie date de notre indépendance, consignée dans tous les livres d'Histoire du monde. Mais dans les nôtres, une unique vérité : l'indépendance est à mettre au crédit exclusif de Sa Majesté, “chef politique” des nationalistes et désormais “libérateur” de la nation.
Par TelQuel
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