Au lendemain du sommet européen de Bruxelles, au cours duquel José Manuel Barroso et Nicolas Sarkozy ont eu un échange «mâle et viril» à propos de la politique anti-Roms menée par la France, la presse européenne n'est pas tendre avec le président français.
«Mais qu'arrive-t-il donc à Nicolas Sarkozy?», se demande le site internet de Bild a à l'instar du Spiegel, qui estime que le démenti d'Angela Merkel (sur un projet évoqué par la président français d'expulsions de Roms par l'Allemagne) montre que «soit le Français n'entend pas correctement, soit il interprète les nuances à sa façon». Quant à son altercation avec Barroso, le Spiegel remarque aussi qu'il s'agit d'un tournant dans le style du président français: «Fini le "Cher José Manuel" ou les décontractés "mon ami" distribués à tout va» (en français dans le texte).
Même constat pour la Süddeutsche Zeitung, pour qui «Super-Sarko est devenu un enfant terrible et fait, dans ce rôle, concurrence à Silvio Berlusconi». Pire: il s'agit selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung, d'une véritable «perte de contrôle de Sarkozy». «La crise des Roms est un cas d'école des faiblesses de la "méthode Sarkozy"», note le journal. «Le turbulent président, qui saute d'une crise à l'autre, est l'homme des coups médiatiques, un opportuniste des projecteurs. Mais la méthode s'est usée. Et laisse le gouvernement plongé dans une véritable crise existentielle.»
Arrogance française
En Italie, où les Roms ne sont pas exactement les bienvenus non plus, on a les oreilles qui sifflent après le recadrage de Reding. «La vérité, c'est que derrière la France de Sarkozy c'est l'Italie de Bossi et Belusconi» qui est visée, écrit la Repubblica. «Si on laisse faire Paris, s'est dit la Commission, l'Italie adoptera des mesures encore plus drastiques» contre les Roms.
«Hier, seul le gouvernement de Rome a ouvertement soutenu l'Elysée», relève aussi La Stampa. «C'est aussi le seul à avoir repris à son compte l'image que se fait Sarkozy de la Commission», celle d'une «assemblée de représentants nationaux et pas de représentants de l'intérêt commun européen.» Le quotidien ne se prive pas au passage d'attaquer l'arrogance d'une France dont le gouvernement «se sent tellement supérieur, d'un point de vue éthique, qu'il ne supporte aucun type d'ingérence». Et d'un Sarkozy qui «perpétue» la «spécialité française» qu'est la «mise en scène hypocrite». Seule consolation au tableau: une «agora européenne» s'est enfin imposée sur la question rom.
«La France mérite d'être boutée hors de l'Union»
Affliction aussi dans les colonnes des quotidiens anglais. «Les leaders européens ont mieux à faire que de se chamailler sur les gypsies», s'agace The Independent, avant de donner «en un sens» raison à Viviane Reding: «Ceux qui sont expulsés par M. Sarkozy et M. Berlusconi ont perdu la protection dont ils bénéficiaient avec l'effondrement de l'ère post-communiste dans les pays de l'Est et ont émigré vers des pays où ils ont de meilleures chances de survie. Ils sont les plus pauvres des pauvres, avec un nom qui les condamne à la discrimination. Ceux qui exploitent politiquement de si infortunées victimes devraient avoir honte.»
The Guardian y va plus franchement encore. C'est simple, «la France mérite d'être boutée hors de l'Union pour avoir déporté des Roms». Et «sans plus de cérémonie que (la police française) n'en a accordé aux familles roms», encore. Qu'aurait-on dit, pousse Louise Doughty, éditorialiste et romancière, si «Sarkozy avait commencé à déporter des gens qui se seraient trouvés être juifs ou noirs? Aurait-il fallu à l'UE 18 mois pour réagir?» «Si Sarkozy est autorisé à poursuivre ses déportations, d'autres gouvernements de droite réaliseront que la persecution des Roms est rentable en termes de vote et sans que cela ne leur coûte rien. (Viviane) Reding doit agir vite et fort si elle veut que sa volte-face ait le moindre impact – et les autres gouvernements européens, Royaume-Uni compris, doivent la soutenir haut et fort.»
«Personne n'a osé critiquer l'excès verbal de Sarkozy»
Un soutien dont doute fortement El Pais. «Face à la passivité avec laquelle l'Europe réagit au recensement des Roms mené depuis deux ans par Berlusconi en Italie, le populisme de Nicolas Sarkozy a reçu hier une réponse à la hauteur de la part de la Commission européenne.» Mais dans son éditorial titré «L'Europe fait naufrage», le quotidien espagnol pointe en revanche le «pragmatisme diplomatique» des dirigeants européens vis-à-vis du président français. Dans son viseur, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero: «Personne n'a osé critiquer l'excès verbal de Sarkozy quand il a défié le Luxembourg d'accueillir tous les Roms.»
Pour le quotidien suisse Le Temps, «l'Europe ne sort pas grandie du pugilat verbal entre Bruxelles et Paris». «Le psychodrame autour des Roms est d'autant plus problématique qu'il repose, de part et d'autre, sur un refus de la réalité, estime le journaliste Richard Werly. La France, et Nicolas Sarkozy lui-même, savaient bien que l'intégration dans l'UE de pays bien plus pauvres que la moyenne, comme la Roumanie et la Bulgarie, entraînerait des difficultés.» Et le journal genevois d'écrire que «la vérité est que Barroso aurait dû parler plus fort et plus vite. Et ses fonctionnaires chargés de l'intégration des Roms auraient dû interoger Paris plus tôt, voire se déplacer. La surenchère, redoutable en matière de sécurité et de minorités, aurait dû être évitée».
La presse roumaine n'est pas très bavarde. D'ailleurs, au milieu de l'«irritation maximale à Bruxelles», la Roumanie a eu «une attitude contemplative», décrit Mihaela Gherghisan, correspondante de RFI Roumanie. Dans Evenimentul zilei, Mirceau Cartarescu synthétise: toute cette polémique est «une erreur de la France souveraine». «Personne ne nie les gros problèmes d'adaptation des Roms, écrit-il. Ainsi, même si elle est un grand Etat, la France a énormément besoin de leçons de la part de l'Union européenne, parce qu'à travers la politique menée dernièrement à l'encontre des Roms, elle viole les droits de l'homme».
source : Libération
«Mais qu'arrive-t-il donc à Nicolas Sarkozy?», se demande le site internet de Bild a à l'instar du Spiegel, qui estime que le démenti d'Angela Merkel (sur un projet évoqué par la président français d'expulsions de Roms par l'Allemagne) montre que «soit le Français n'entend pas correctement, soit il interprète les nuances à sa façon». Quant à son altercation avec Barroso, le Spiegel remarque aussi qu'il s'agit d'un tournant dans le style du président français: «Fini le "Cher José Manuel" ou les décontractés "mon ami" distribués à tout va» (en français dans le texte).
Même constat pour la Süddeutsche Zeitung, pour qui «Super-Sarko est devenu un enfant terrible et fait, dans ce rôle, concurrence à Silvio Berlusconi». Pire: il s'agit selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung, d'une véritable «perte de contrôle de Sarkozy». «La crise des Roms est un cas d'école des faiblesses de la "méthode Sarkozy"», note le journal. «Le turbulent président, qui saute d'une crise à l'autre, est l'homme des coups médiatiques, un opportuniste des projecteurs. Mais la méthode s'est usée. Et laisse le gouvernement plongé dans une véritable crise existentielle.»
Arrogance française
En Italie, où les Roms ne sont pas exactement les bienvenus non plus, on a les oreilles qui sifflent après le recadrage de Reding. «La vérité, c'est que derrière la France de Sarkozy c'est l'Italie de Bossi et Belusconi» qui est visée, écrit la Repubblica. «Si on laisse faire Paris, s'est dit la Commission, l'Italie adoptera des mesures encore plus drastiques» contre les Roms.
«Hier, seul le gouvernement de Rome a ouvertement soutenu l'Elysée», relève aussi La Stampa. «C'est aussi le seul à avoir repris à son compte l'image que se fait Sarkozy de la Commission», celle d'une «assemblée de représentants nationaux et pas de représentants de l'intérêt commun européen.» Le quotidien ne se prive pas au passage d'attaquer l'arrogance d'une France dont le gouvernement «se sent tellement supérieur, d'un point de vue éthique, qu'il ne supporte aucun type d'ingérence». Et d'un Sarkozy qui «perpétue» la «spécialité française» qu'est la «mise en scène hypocrite». Seule consolation au tableau: une «agora européenne» s'est enfin imposée sur la question rom.
«La France mérite d'être boutée hors de l'Union»
Affliction aussi dans les colonnes des quotidiens anglais. «Les leaders européens ont mieux à faire que de se chamailler sur les gypsies», s'agace The Independent, avant de donner «en un sens» raison à Viviane Reding: «Ceux qui sont expulsés par M. Sarkozy et M. Berlusconi ont perdu la protection dont ils bénéficiaient avec l'effondrement de l'ère post-communiste dans les pays de l'Est et ont émigré vers des pays où ils ont de meilleures chances de survie. Ils sont les plus pauvres des pauvres, avec un nom qui les condamne à la discrimination. Ceux qui exploitent politiquement de si infortunées victimes devraient avoir honte.»
The Guardian y va plus franchement encore. C'est simple, «la France mérite d'être boutée hors de l'Union pour avoir déporté des Roms». Et «sans plus de cérémonie que (la police française) n'en a accordé aux familles roms», encore. Qu'aurait-on dit, pousse Louise Doughty, éditorialiste et romancière, si «Sarkozy avait commencé à déporter des gens qui se seraient trouvés être juifs ou noirs? Aurait-il fallu à l'UE 18 mois pour réagir?» «Si Sarkozy est autorisé à poursuivre ses déportations, d'autres gouvernements de droite réaliseront que la persecution des Roms est rentable en termes de vote et sans que cela ne leur coûte rien. (Viviane) Reding doit agir vite et fort si elle veut que sa volte-face ait le moindre impact – et les autres gouvernements européens, Royaume-Uni compris, doivent la soutenir haut et fort.»
«Personne n'a osé critiquer l'excès verbal de Sarkozy»
Un soutien dont doute fortement El Pais. «Face à la passivité avec laquelle l'Europe réagit au recensement des Roms mené depuis deux ans par Berlusconi en Italie, le populisme de Nicolas Sarkozy a reçu hier une réponse à la hauteur de la part de la Commission européenne.» Mais dans son éditorial titré «L'Europe fait naufrage», le quotidien espagnol pointe en revanche le «pragmatisme diplomatique» des dirigeants européens vis-à-vis du président français. Dans son viseur, la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero: «Personne n'a osé critiquer l'excès verbal de Sarkozy quand il a défié le Luxembourg d'accueillir tous les Roms.»
Pour le quotidien suisse Le Temps, «l'Europe ne sort pas grandie du pugilat verbal entre Bruxelles et Paris». «Le psychodrame autour des Roms est d'autant plus problématique qu'il repose, de part et d'autre, sur un refus de la réalité, estime le journaliste Richard Werly. La France, et Nicolas Sarkozy lui-même, savaient bien que l'intégration dans l'UE de pays bien plus pauvres que la moyenne, comme la Roumanie et la Bulgarie, entraînerait des difficultés.» Et le journal genevois d'écrire que «la vérité est que Barroso aurait dû parler plus fort et plus vite. Et ses fonctionnaires chargés de l'intégration des Roms auraient dû interoger Paris plus tôt, voire se déplacer. La surenchère, redoutable en matière de sécurité et de minorités, aurait dû être évitée».
La presse roumaine n'est pas très bavarde. D'ailleurs, au milieu de l'«irritation maximale à Bruxelles», la Roumanie a eu «une attitude contemplative», décrit Mihaela Gherghisan, correspondante de RFI Roumanie. Dans Evenimentul zilei, Mirceau Cartarescu synthétise: toute cette polémique est «une erreur de la France souveraine». «Personne ne nie les gros problèmes d'adaptation des Roms, écrit-il. Ainsi, même si elle est un grand Etat, la France a énormément besoin de leçons de la part de l'Union européenne, parce qu'à travers la politique menée dernièrement à l'encontre des Roms, elle viole les droits de l'homme».
source : Libération
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