Plus que le calcul pragmatique, la «pesée» des intérêts communs ou la fameuse géopolitique, c’est le vaste corpus des émotions et susceptibilités qui font le propre de la politique régionale du Maghreb, apparemment. Pays issus de la décolonisation récente qui fête ses 50 ans, les susceptibilités liées à l’histoire commune y sont encore vives au point de décider des alliances et contre alliances sur la base de simples subjectivités. On a du mal à le croire mes les quelques câbles Wikileaks concernant le Maghreb ont révélé une cartographie inattendue pour les opinions locales. D’abord et surtout entre le Maroc et l’Algérie. Dans sa confidence à un haut diplomate US, notre président à fait état d’une profonde divergence avec le roi Marocain pour des raisons… toutes personnelles: Mohammed 6 est jugé sans expérience et sans humour. Le dossier du Sahara occidental est expliqué comme une situation qui prend en otage surtout l’Algérie qui cherche, selon le Président de la République, une sortie honorable, dans le sens de l’intérêt commun et pas seulement celui du voisin: «je ne peux pas parler à la place des Sahraouis», expliquera-t-il. «Ce qu’il faut c’est que le Maroc et le Polisario trouvent une solution et ils peuvent le faire avec l’aide des Américains». De son côté, le roi marocain est révélé comme un joueur souterrain dans la pure tradition des barbouzeries de son père. Aux diplomates occidentaux, le Palais présentera souvent l’Algérie comme une menace: d’abord terroriste, ensuite militaire et, enfin, nucléaire. Presque un Iran Maghrébin. «Le pouvoir est toujours entre les mains de généraux dogmatiques». Les coups bas ont eut même recours à la manipulation d’une dynamite internationale du nom d’El Qaïda du Maghreb avec le but évident de fabriquer une collusion entre le Polisario et cette nébuleuse islamiste. De son côté, le Président tunisien Benali, fervent affirmé d’une neutralité silencieuse au sein de l’UMA, s’est révélé bavard avec les Américains sur cette région. Selon lui qui a toujours su peser ses intérêts avec son puissant voisin de l’ouest, l’Algérie est à la source des problèmes de l’UMA. A l’oreille de David Welch, sous-secrétaire d’Etat américain chargé des affaires du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord, il expliquera que l’Algérie bloque tous les progrès dans la région du Maghreb à cause de sa position sur le conflit du Sahara Occidental. Ce conflit délicat ne peut pas «être réglé par le Conseil de sécurité des Nations unies». S’adjugeant le beau rôle, le «patron» de Tunis affirmera que «la Tunisie avait essayé de convoquer une réunion des chefs d’Etats du Maghreb à ce sujet à Tunis». «Alors que le Maroc et la Libye avaient accepté de participer, l’Algérie a refusé prétextant qu’il n’y avait rien à discuter». Et Kadhafi dans ce lavage de linge sale de l’UMA? Il ne s’en sort pas mieux. Le colonel libyen est jugé comme presque loufoque par les tunisiens apparemment et encore pire par les Américains qui l’encensent en public pour son repentir international exemplaire: le portrait du dirigeant libyen, tracé par un diplomate américain, à la veille de la visite du leader à New York pour assister à l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre 2009, est devenu désormais célèbre. Kadhafi n’aime pas les hauteurs, les vols aériens long-courrier mais apprécie encore une belle infirmière ukrainienne qui l’accompagne partout. Une infirmière de 38 ans «blonde, aux formes affirmées» selon la description. C’est dire qu’après ces révélations, le Maghreb de l’UMA semble encore plus impossible: le fossé créé par ces révélations sera très dur à combler et demandera le temps d’une autre génération de dirigeants peut-être. L’UMA qui n’a pas réuni ses présidents depuis 1994, a eu même le malheur d’annoncer, il y a quelques jours, au cœur même de la tempête wikileaks, la date de la création de sa prochaine zone de libre échange pour 2001: un effet d’annonce qui sera très vite démenti par les faits et les… confessions. L’UMA est-elle encore possible dans une zone où les subjectivités entre dirigeants apportent le démenti le plus direct au pragmatisme de leurs partenaires occidentaux? La question est posée mais la réponse est presque là. Du moins pour quelques années encore. Wikileaks a révélé que le non-Maghreb est très avancé sur le… Maghreb. A coup de sales coups, de manipulations, de bavardages, de médisances, de ridicule et d’animosités cachées.
Le carrefour d'Algérie
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