Sur un score écrasant (98 % de oui), les Marocains ont approuvé la réforme de la Constitution. Vraie avancée démocratique ou simple plébiscite de la royauté chérifienne ?.
C'est oui. Les Marocains ont massivement approuvé le projet de nouvelle Constitution formulé, il y a moins de dix jours, par Mohammed VI. Avec plus de 98 % d'approbation et une participation proche de 73 %, selon les résultats publiés hier à Rabat, les électeurs ont offert au roi un véritable plébiscite, décidément précieux en ces temps de révolte à travers le monde arabe.
« Nous avons tourné une page et ouvert celle de la démocratie participative ! », s'est exclamé le ministre de la Communication, Khalid Naciri, en commentant des résultats mirobolants et qui peuvent sembler inespérés. Car si le Maroc a évité jusqu'ici l'explosion sociale, la contestation agite le royaume depuis des mois, et une partie des forces politiques - islamistes, petits partis de gauche et contestataires du Mouvement du 20 février -, qui avaient d'abord penché pour le boycott du scrutin référendaire, avaient appelé à voter non.
10 millions de non-inscrits Dans ce contexte, la victoire écrasante du oui et le niveau exceptionnel de la participation (72,65 % alors qu'elle avait culminé à 37 % aux législatives de 2007) posent question. Les électeurs marocains ont-ils vraiment voté sur les 180 articles de la nouvelle Constitution ? Ou se sont-ils contentés de plébisciter Mohammed VI ? La seconde hypothèse est d'autant plus plausible que la campagne n'a duré qu'une petite semaine, et qu'au Maroc la personne du roi n'a jamais été contestée comme telle.
Dans un pays de près de 40 millions d'habitants (si on compte les 5 millions de Marocains de l'étranger) où seuls 13 millions d'électeurs sont inscrits, le résultat d'hier doit être relativisé puisque 10 millions d'électeurs potentiels (au bas mot) ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Et affirmer que ce fut la cohue jeudi dans les bureaux de vote serait exagéré. Cela n'a pas empêché le régime d'afficher un taux de participation sans précédent, qui fait tiquer le spécialiste du Maroc Pierre Vermeren. « À mon sens, la crédibilité de ce scrutin est entachée par un excès de zèle de l'administration », estime l'historien bordelais du Maghreb, qui ajoute : « Ce plébiscite pour le roi laisse malheureusement de côté le véritable débat sur la possible amorce d'un partage du pouvoir. »
Quitus international Certes, la réforme politique qui vient d'être avalisée est séduisante sur le papier. Mais, dans la pratique, le changement reste à faire. Un Premier ministre, fût-il renforcé dans ses prérogatives, osera-t-il s'opposer au roi qui reste, à des détails près, la clé de voûte du système politique ? En attendant, la communauté internationale a donné quitus au régime marocain. « Décision claire et historique » pour Alain Juppé, « pas important vers la démocratie » pour Washington, « référence pour beaucoup de pays », selon Madrid : le référendum a été jugé comme une vitrine acceptable. Savoir si elle va résister au vent de liberté qui souffle aussi au Maroc est une autre affaire.
Par Christophe lucet
Sud-Ouest

Mohammed VI, vendredi, lors de son vote. Les électeurs ont offert au roi un véritable plébiscite.
C'est oui. Les Marocains ont massivement approuvé le projet de nouvelle Constitution formulé, il y a moins de dix jours, par Mohammed VI. Avec plus de 98 % d'approbation et une participation proche de 73 %, selon les résultats publiés hier à Rabat, les électeurs ont offert au roi un véritable plébiscite, décidément précieux en ces temps de révolte à travers le monde arabe.
« Nous avons tourné une page et ouvert celle de la démocratie participative ! », s'est exclamé le ministre de la Communication, Khalid Naciri, en commentant des résultats mirobolants et qui peuvent sembler inespérés. Car si le Maroc a évité jusqu'ici l'explosion sociale, la contestation agite le royaume depuis des mois, et une partie des forces politiques - islamistes, petits partis de gauche et contestataires du Mouvement du 20 février -, qui avaient d'abord penché pour le boycott du scrutin référendaire, avaient appelé à voter non.
10 millions de non-inscrits Dans ce contexte, la victoire écrasante du oui et le niveau exceptionnel de la participation (72,65 % alors qu'elle avait culminé à 37 % aux législatives de 2007) posent question. Les électeurs marocains ont-ils vraiment voté sur les 180 articles de la nouvelle Constitution ? Ou se sont-ils contentés de plébisciter Mohammed VI ? La seconde hypothèse est d'autant plus plausible que la campagne n'a duré qu'une petite semaine, et qu'au Maroc la personne du roi n'a jamais été contestée comme telle.
Dans un pays de près de 40 millions d'habitants (si on compte les 5 millions de Marocains de l'étranger) où seuls 13 millions d'électeurs sont inscrits, le résultat d'hier doit être relativisé puisque 10 millions d'électeurs potentiels (au bas mot) ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Et affirmer que ce fut la cohue jeudi dans les bureaux de vote serait exagéré. Cela n'a pas empêché le régime d'afficher un taux de participation sans précédent, qui fait tiquer le spécialiste du Maroc Pierre Vermeren. « À mon sens, la crédibilité de ce scrutin est entachée par un excès de zèle de l'administration », estime l'historien bordelais du Maghreb, qui ajoute : « Ce plébiscite pour le roi laisse malheureusement de côté le véritable débat sur la possible amorce d'un partage du pouvoir. »
Quitus international Certes, la réforme politique qui vient d'être avalisée est séduisante sur le papier. Mais, dans la pratique, le changement reste à faire. Un Premier ministre, fût-il renforcé dans ses prérogatives, osera-t-il s'opposer au roi qui reste, à des détails près, la clé de voûte du système politique ? En attendant, la communauté internationale a donné quitus au régime marocain. « Décision claire et historique » pour Alain Juppé, « pas important vers la démocratie » pour Washington, « référence pour beaucoup de pays », selon Madrid : le référendum a été jugé comme une vitrine acceptable. Savoir si elle va résister au vent de liberté qui souffle aussi au Maroc est une autre affaire.
Par Christophe lucet
Sud-Ouest

Mohammed VI, vendredi, lors de son vote. Les électeurs ont offert au roi un véritable plébiscite.
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