Décidée à recruter 690 personnes en six ans, la DGSE prospecte désormais dans les grandes écoles d'ingénieurs et les universités pour dénicher ses nouvelles recrues: des scientifiques, des linguistes... et de plus en plus de femmes. La Centrale a accepté d'ouvrir ses portes au Figaro Magazine.
Crypto-mathématiciens, ingénieurs en sécurité informatique, interprètes en données de communication, biologistes, chimistes mais aussi linguistes chevronnés, géographes, pilotes, serruriers ou encore couturières... Vaisseau mystérieux aux 100 métiers et 1001 masques, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sort de son immersion en eaux profondes pour mener à bien la plus ambitieuse entreprise de recrutement jamais réalisée par les services secrets français. Comme l'a prévu le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale demandé par Nicolas Sarkozy, la fameuse «Centrale» sise boulevard Mortier, à Paris, doit embaucher 690 agents de l'ombre supplémentaires en six ans. Un «bonus», voire une aubaine en ces temps où le budget de l'Etat est corseté... L'entreprise de séduction, amorcée depuis 2009, s'achèvera en 2014. Soucieux de sélectionner quelque 420 ingénieurs et techniciens de haute volée, les prospecteurs de la DGSE ont tissé un solide maillage avec des partenaires universitaires et lorgnent sans complexe sur les grandes écoles formant les futures élites de la République. Missions? Trouver du sang neuf pour tordre le cou au cliché éculé de l'espion revenu du froid, au poil court et à l'imper mastic.
Isabelle, mère de famille de 30 ans, incarne cette relève. Allure sage et visage angélique, cet ingénieur expert dans le traitement de l'image n'a pas été élevé dans la culture de John le Carré. Bien au contraire. «A 23ans, j'étais loin du monde des espions et, avant de faire mon premier stage à la "Centrale", je connaissais à peine l'acronyme de l'agence qui m'emploie, concède-t-elle sans peine. Après avoir vu la capacité des machines mises à ma disposition, j'ai postulé et je suis devenue chef de section, avec cinq spécialistes sous mes ordres.» La journée, Isabelle intercepte images et messages cryptés circulant à l'échelle planétaire. Le soir, elle pouponne son petit bébé. Seuls les plus proches savent qu'elle est à la DGSE. Les autres la croient dans la téléphonie...
«Depuis deux ans, nous intensifions nos démarchages à la sortie de l'Ecole polytechnique, de Centrale, de l'ENA ou de Sup Telecom, confie Sandrine, quadra dynamique portant foulard et tailleur chic, chargée de la gestion des emplois. A chaque rencontre, on se présente ès qualités devant les élèves, de préférence avec un membre de la DGSE diplômé du même établissement pour établir le lien.» Ces singuliers émissaires dévoilent alors leurs activités par un bref diaporama. Puis détaillent quatre ou cinq postes à pourvoir. Les étudiants étrangers de la promotion ne sont pas conviés, sécurité oblige. «L'accueil est plutôt chaleureux, favorable, résume Sandrine. Nous avançons des atouts assez particuliers. Outre la perspective d'exercer un métier hors norme, les candidats sont attirés par nos outils technologiques, nos ordinateurs, nos systèmes d'observation et d'interception parmi les plus puissants d'Europe.» «En France, le renseignement n'est plus considéré comme une maladie honteuse que l'on doit cacher», décrypte Vincent Nibourel, juriste de formation, devenu directeur des ressources humaines après avoir bourlingué en Afghanistan, puis dans les pays de l'Est. «Chez nos voisins anglais, où l'on sait depuis des lustres que le savoir c'est le pouvoir, la crème d'Oxford ou de Cambridge se presse au Desk Intelligence pour y décrocher un job. Il nous fallait rattraper le temps perdu, d'autant que nous étions l'un des rares services à n'avoir bénéficié d'aucun renfort depuis les attentats du 11Septembre», constate-t-il.
Depuis le début de l'année, la DGSE a effectué 24 conférences dans des classes, examiné 400 dossiers de candidature, reçu en entretien 200 jeunes diplômés bac +4 ou +5. Quatre-vingts d'entre eux ont déjà été présélectionnés. Une trentaine d'élus subiront une batterie de tests psychologiques et un grand oral où leurs capacités de réaction seront éprouvées par des cas de figure inattendus et des questions déstabilisantes. «Les plus intuitifs, faisant preuve de bon sens et de séduction, d'une vive intelligence des situations et de souplesse intellectuelle, sortent vite du lot, remarque Laurent, chargé de la gestion des carrières. Dans notre métier de caméléon, il faut savoir désapprendre pour mieux réapprendre et abandonner ses illusions sans forcément les perdre. Nous recherchons les bonnes pages blanches que l'on va remplir. En tout cas, nous ne jouons jamais sur le mythe de l'espion, car l'effet serait catastrophique quand les arrivants découvrent la réalité. Dans toute une vie à la DGSE, on fait deux ou trois "james-bonderies". Comme disent les Canadiens, c'est la cerise sur le sundae.»
Le Figaro Par Christophe Cornevin
Crypto-mathématiciens, ingénieurs en sécurité informatique, interprètes en données de communication, biologistes, chimistes mais aussi linguistes chevronnés, géographes, pilotes, serruriers ou encore couturières... Vaisseau mystérieux aux 100 métiers et 1001 masques, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) sort de son immersion en eaux profondes pour mener à bien la plus ambitieuse entreprise de recrutement jamais réalisée par les services secrets français. Comme l'a prévu le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale demandé par Nicolas Sarkozy, la fameuse «Centrale» sise boulevard Mortier, à Paris, doit embaucher 690 agents de l'ombre supplémentaires en six ans. Un «bonus», voire une aubaine en ces temps où le budget de l'Etat est corseté... L'entreprise de séduction, amorcée depuis 2009, s'achèvera en 2014. Soucieux de sélectionner quelque 420 ingénieurs et techniciens de haute volée, les prospecteurs de la DGSE ont tissé un solide maillage avec des partenaires universitaires et lorgnent sans complexe sur les grandes écoles formant les futures élites de la République. Missions? Trouver du sang neuf pour tordre le cou au cliché éculé de l'espion revenu du froid, au poil court et à l'imper mastic.
Isabelle, mère de famille de 30 ans, incarne cette relève. Allure sage et visage angélique, cet ingénieur expert dans le traitement de l'image n'a pas été élevé dans la culture de John le Carré. Bien au contraire. «A 23ans, j'étais loin du monde des espions et, avant de faire mon premier stage à la "Centrale", je connaissais à peine l'acronyme de l'agence qui m'emploie, concède-t-elle sans peine. Après avoir vu la capacité des machines mises à ma disposition, j'ai postulé et je suis devenue chef de section, avec cinq spécialistes sous mes ordres.» La journée, Isabelle intercepte images et messages cryptés circulant à l'échelle planétaire. Le soir, elle pouponne son petit bébé. Seuls les plus proches savent qu'elle est à la DGSE. Les autres la croient dans la téléphonie...
«Depuis deux ans, nous intensifions nos démarchages à la sortie de l'Ecole polytechnique, de Centrale, de l'ENA ou de Sup Telecom, confie Sandrine, quadra dynamique portant foulard et tailleur chic, chargée de la gestion des emplois. A chaque rencontre, on se présente ès qualités devant les élèves, de préférence avec un membre de la DGSE diplômé du même établissement pour établir le lien.» Ces singuliers émissaires dévoilent alors leurs activités par un bref diaporama. Puis détaillent quatre ou cinq postes à pourvoir. Les étudiants étrangers de la promotion ne sont pas conviés, sécurité oblige. «L'accueil est plutôt chaleureux, favorable, résume Sandrine. Nous avançons des atouts assez particuliers. Outre la perspective d'exercer un métier hors norme, les candidats sont attirés par nos outils technologiques, nos ordinateurs, nos systèmes d'observation et d'interception parmi les plus puissants d'Europe.» «En France, le renseignement n'est plus considéré comme une maladie honteuse que l'on doit cacher», décrypte Vincent Nibourel, juriste de formation, devenu directeur des ressources humaines après avoir bourlingué en Afghanistan, puis dans les pays de l'Est. «Chez nos voisins anglais, où l'on sait depuis des lustres que le savoir c'est le pouvoir, la crème d'Oxford ou de Cambridge se presse au Desk Intelligence pour y décrocher un job. Il nous fallait rattraper le temps perdu, d'autant que nous étions l'un des rares services à n'avoir bénéficié d'aucun renfort depuis les attentats du 11Septembre», constate-t-il.
Depuis le début de l'année, la DGSE a effectué 24 conférences dans des classes, examiné 400 dossiers de candidature, reçu en entretien 200 jeunes diplômés bac +4 ou +5. Quatre-vingts d'entre eux ont déjà été présélectionnés. Une trentaine d'élus subiront une batterie de tests psychologiques et un grand oral où leurs capacités de réaction seront éprouvées par des cas de figure inattendus et des questions déstabilisantes. «Les plus intuitifs, faisant preuve de bon sens et de séduction, d'une vive intelligence des situations et de souplesse intellectuelle, sortent vite du lot, remarque Laurent, chargé de la gestion des carrières. Dans notre métier de caméléon, il faut savoir désapprendre pour mieux réapprendre et abandonner ses illusions sans forcément les perdre. Nous recherchons les bonnes pages blanches que l'on va remplir. En tout cas, nous ne jouons jamais sur le mythe de l'espion, car l'effet serait catastrophique quand les arrivants découvrent la réalité. Dans toute une vie à la DGSE, on fait deux ou trois "james-bonderies". Comme disent les Canadiens, c'est la cerise sur le sundae.»
Le Figaro Par Christophe Cornevin
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