Si WikiLeaks a confirmé que Rabat et Tel-Aviv s’accordaient sur bien des sujets diplomatiques, c’est dans le business que leur coopération est la plus méconnue.
«On est pour le maximum d'échanges». Telle était la réponse du directeur commercial du port Tanger Med à la question du commerce avec Israël, dans les colonnes du Figaro, qui titrait en juillet 2008: «Le Maroc veut être un pays modèle pour l’UPM (Union pour la Méditerranée)». Un point de vue qui demeure tabou pour l'opinion publique, mais les diplomates et les chefs d'entreprises marocains conviennent, en privé, que les routes commerciales avec Israël existent et se développent à grands pas.
Sous l’œil bienveillant de Washington
Dans une missive adressée en 2009 au roi Mohammed VI, Barack Obama écrivait:
«J’espère que le Maroc va jouer un rôle important dans le rapprochement entre le monde arabe et Israël, tout en sachant que cela entraînera une paix stable et une solution au conflit au Moyen-Orient».
Une lettre qui intervenait au moment où le Maroc était considéré par Washington comme le pays du Maghreb le moins hostile à l’État hébreu. La situation est d’autant plus remarquable aujourd’hui avec les révolutions arabes: la difficile transition politique en Égypte, le chaos en Syrie et la rupture de Tel-Aviv avec Ankara soulignent encore davantage l’isolement diplomatique de l’État hébreu dans la région.
Le Maroc, qui est vu comme un modèle aux yeux de l’Occident joue aussi cette carte, malgré la défiance de son opinion publique vis-à-vis d’Israël —surtout qu’il a par ailleurs rompu avec fracas ses relations diplomatiques avec l’Iran.
Dans un câble diplomatique révélé par WikiLeaks datant du 9 juin 2009, l’ambassade américaine à Rabat voit d’un bon œil le retour à la normale entre le Maroc et Israël, après les contacts que les deux pays ont eu dans la capitale chérifienne, entre le 3 et 5 juin 2009, à l’occasion de la tenue d’une rencontre sur le terrorisme nucléaire. «Des contacts qui ont permis aux responsables des deux pays de prendre langue après une période de froid suite à la guerre israélienne contre Gaza».
Des liens diplomatiques ininterrompus
Malgré la fermeture, en octobre 2000, du bureau de liaison d’Israël à Rabat et le départ de Gadi Golan, son diplomate qui avait rang d’ambassadeur, les contacts entre les deux pays n’ont jamais vraiment cessé. En 2003, Silvan Shalom, alors chef de la diplomatie israélienne était reçu par Mohammed VI. En décembre 2008, le directeur général du ministère des Affaires étrangères, Aharon Abramovitz, s'est rendu quasi officiellement à Rabat.
En septembre 2009, une radio israélienne rapportait que le ministre des Affaires étrangères israélien, Avigdor Liebermann, avait rencontré en catimini à New York son homologue marocain, Taïeb Fassi-Fihri, en marge de l’assemblée générale des Nations unies. La participation d’une délégation israélienne, conviée la même année à un congrès international à Marrakech, confirmait un mouvement perceptible de décrispation avec Tel-Aviv, malgré le coup de froid né de l’offensive de Tsahal sur Gaza quelques mois auparavant.
Le chassé-croisé diplomatique s’est d’ailleurs intensifié: Jason Isaacson, le directeur du Comité juif américain d’affaires gouvernementales et internationales, et fervent défenseur de la cause sioniste, a été décoré de la médaille de Chevalier du Trône du Royaume du Maroc.
«Par la réforme et la réconciliation politiques, par sa position ferme contre l’extrémisme, par sa protection continue des minorités religieuses, le Maroc a prouvé à maintes reprises son amitié, sa force, ses principes», avait déclaré Isaacson lors de la cérémonie, dont les médias officiels marocains ont pourtant opportunément tu l’événement, l’opinion marocaine étant à l’écrasante majorité défavorable à tout rapprochement avec Israël —en témoigne encore récemment la polémique suscitée par la visite de Tzipi Livni à Tanger.
Dans un câble diplomatique américain de l'ambassade américaine à Rabat révélé par WikiLeaks, Yassine Mansouri, le chef du contre-espionnage marocain, avait pour sa part confié à des diplomates américains que «Tzipi Livni est un bon partenaire»…
L’épisode Livni ou la visite chaotique des étudiants de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) avaient suscité une véritable levée de boucliers au Maroc, faisant dire à Mamfakinch, le média citoyen du Mouvement du 20 février qu’au Maroc, «il vaut mieux militer pour Israël que pour la démocratie ou la Palestine».
Le réchauffement avec l’État hébreu s’expliquerait par l’affaire du Sahara, la position marocaine étant soutenue par des politiques américains proches du puissant Aipac (American Israel Public Affairs Comittee) et par des firmes de lobbying diplomatique basées à Washington, qui entretiennent des relations similaires avec Tel-Aviv et dont les ramifications se croisent avec des intérêts économiques communs.
Des circuits gigognes et discrets
La télévision israélienne avait consacré en juillet 2009 des programmes sur le Maroc, une initiative menée en collaboration avec l’Union mondiale des juifs d’origine marocaine dans le cadre de la commémoration du dixième anniversaire de la disparition d’Hassan II et de l’accession de Mohammed VI au trône.
But affiché de l’opération: faire la promotion… des offres immobilières de luxe de Tanger et de Fès très prisées en Israël, avait rapporté le quotidien Maariv, dont l’éditorialiste n’avait pas manqué à l’occasion de rappeler avec nostalgie «l’espérance gâchée» du premier Sommet économique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Mena), qui s'était tenu en 1994 à Casablanca et où ont participé 64 pays —dont Israël.
En dépit de l’opposition populaire à la normalisation avec l’État hébreu, traduite par les nombreuses marches dans le royaume contre Israël lors des événements de Gaza, Rabat continue à entretenir des relations commerciales avec Tel-Aviv, dont les flux sont loin d’être négligeables.
De nombreuses associations marocaines dénoncent régulièrement les liens commerciaux entre l'État hébreu et le royaume chérifien. L'initiative nationale de boycott d'Israël estime qu’ils atteignent les 50 millions de dollars (35,3 millions d’euros) par an, notamment dans l’agro-industrie. Semences et technologie transitent par l’Europe pour masquer leur origine israélienne.
Certaines entreprises marocaines importent des produits d’Espagne, des Pays-Bas ou du Danemark, dont la technologie ou les intrants proviennent en réalité d’Israël. En 2005, la presse avait rapporté l’existence de containers débarqués à Casablanca frappés de l’étoile de David ou de certains composants made in Israël intégrés dans du matériel de télécommunications importé par Maroc Telecom…
«On est pour le maximum d'échanges». Telle était la réponse du directeur commercial du port Tanger Med à la question du commerce avec Israël, dans les colonnes du Figaro, qui titrait en juillet 2008: «Le Maroc veut être un pays modèle pour l’UPM (Union pour la Méditerranée)». Un point de vue qui demeure tabou pour l'opinion publique, mais les diplomates et les chefs d'entreprises marocains conviennent, en privé, que les routes commerciales avec Israël existent et se développent à grands pas.
Sous l’œil bienveillant de Washington
Dans une missive adressée en 2009 au roi Mohammed VI, Barack Obama écrivait:
«J’espère que le Maroc va jouer un rôle important dans le rapprochement entre le monde arabe et Israël, tout en sachant que cela entraînera une paix stable et une solution au conflit au Moyen-Orient».
Une lettre qui intervenait au moment où le Maroc était considéré par Washington comme le pays du Maghreb le moins hostile à l’État hébreu. La situation est d’autant plus remarquable aujourd’hui avec les révolutions arabes: la difficile transition politique en Égypte, le chaos en Syrie et la rupture de Tel-Aviv avec Ankara soulignent encore davantage l’isolement diplomatique de l’État hébreu dans la région.
Le Maroc, qui est vu comme un modèle aux yeux de l’Occident joue aussi cette carte, malgré la défiance de son opinion publique vis-à-vis d’Israël —surtout qu’il a par ailleurs rompu avec fracas ses relations diplomatiques avec l’Iran.
Dans un câble diplomatique révélé par WikiLeaks datant du 9 juin 2009, l’ambassade américaine à Rabat voit d’un bon œil le retour à la normale entre le Maroc et Israël, après les contacts que les deux pays ont eu dans la capitale chérifienne, entre le 3 et 5 juin 2009, à l’occasion de la tenue d’une rencontre sur le terrorisme nucléaire. «Des contacts qui ont permis aux responsables des deux pays de prendre langue après une période de froid suite à la guerre israélienne contre Gaza».
Des liens diplomatiques ininterrompus
Malgré la fermeture, en octobre 2000, du bureau de liaison d’Israël à Rabat et le départ de Gadi Golan, son diplomate qui avait rang d’ambassadeur, les contacts entre les deux pays n’ont jamais vraiment cessé. En 2003, Silvan Shalom, alors chef de la diplomatie israélienne était reçu par Mohammed VI. En décembre 2008, le directeur général du ministère des Affaires étrangères, Aharon Abramovitz, s'est rendu quasi officiellement à Rabat.
En septembre 2009, une radio israélienne rapportait que le ministre des Affaires étrangères israélien, Avigdor Liebermann, avait rencontré en catimini à New York son homologue marocain, Taïeb Fassi-Fihri, en marge de l’assemblée générale des Nations unies. La participation d’une délégation israélienne, conviée la même année à un congrès international à Marrakech, confirmait un mouvement perceptible de décrispation avec Tel-Aviv, malgré le coup de froid né de l’offensive de Tsahal sur Gaza quelques mois auparavant.
Le chassé-croisé diplomatique s’est d’ailleurs intensifié: Jason Isaacson, le directeur du Comité juif américain d’affaires gouvernementales et internationales, et fervent défenseur de la cause sioniste, a été décoré de la médaille de Chevalier du Trône du Royaume du Maroc.
«Par la réforme et la réconciliation politiques, par sa position ferme contre l’extrémisme, par sa protection continue des minorités religieuses, le Maroc a prouvé à maintes reprises son amitié, sa force, ses principes», avait déclaré Isaacson lors de la cérémonie, dont les médias officiels marocains ont pourtant opportunément tu l’événement, l’opinion marocaine étant à l’écrasante majorité défavorable à tout rapprochement avec Israël —en témoigne encore récemment la polémique suscitée par la visite de Tzipi Livni à Tanger.
Dans un câble diplomatique américain de l'ambassade américaine à Rabat révélé par WikiLeaks, Yassine Mansouri, le chef du contre-espionnage marocain, avait pour sa part confié à des diplomates américains que «Tzipi Livni est un bon partenaire»…
L’épisode Livni ou la visite chaotique des étudiants de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) avaient suscité une véritable levée de boucliers au Maroc, faisant dire à Mamfakinch, le média citoyen du Mouvement du 20 février qu’au Maroc, «il vaut mieux militer pour Israël que pour la démocratie ou la Palestine».
Le réchauffement avec l’État hébreu s’expliquerait par l’affaire du Sahara, la position marocaine étant soutenue par des politiques américains proches du puissant Aipac (American Israel Public Affairs Comittee) et par des firmes de lobbying diplomatique basées à Washington, qui entretiennent des relations similaires avec Tel-Aviv et dont les ramifications se croisent avec des intérêts économiques communs.
Des circuits gigognes et discrets
La télévision israélienne avait consacré en juillet 2009 des programmes sur le Maroc, une initiative menée en collaboration avec l’Union mondiale des juifs d’origine marocaine dans le cadre de la commémoration du dixième anniversaire de la disparition d’Hassan II et de l’accession de Mohammed VI au trône.
But affiché de l’opération: faire la promotion… des offres immobilières de luxe de Tanger et de Fès très prisées en Israël, avait rapporté le quotidien Maariv, dont l’éditorialiste n’avait pas manqué à l’occasion de rappeler avec nostalgie «l’espérance gâchée» du premier Sommet économique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Mena), qui s'était tenu en 1994 à Casablanca et où ont participé 64 pays —dont Israël.
En dépit de l’opposition populaire à la normalisation avec l’État hébreu, traduite par les nombreuses marches dans le royaume contre Israël lors des événements de Gaza, Rabat continue à entretenir des relations commerciales avec Tel-Aviv, dont les flux sont loin d’être négligeables.
De nombreuses associations marocaines dénoncent régulièrement les liens commerciaux entre l'État hébreu et le royaume chérifien. L'initiative nationale de boycott d'Israël estime qu’ils atteignent les 50 millions de dollars (35,3 millions d’euros) par an, notamment dans l’agro-industrie. Semences et technologie transitent par l’Europe pour masquer leur origine israélienne.
Certaines entreprises marocaines importent des produits d’Espagne, des Pays-Bas ou du Danemark, dont la technologie ou les intrants proviennent en réalité d’Israël. En 2005, la presse avait rapporté l’existence de containers débarqués à Casablanca frappés de l’étoile de David ou de certains composants made in Israël intégrés dans du matériel de télécommunications importé par Maroc Telecom…
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