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Le Sahel menacé par une crise alimentaire prévue depuis octobre

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  • Le Sahel menacé par une crise alimentaire prévue depuis octobre

    Alors que la menace d'une famine au Sahel se rapproche, la Commission européenne a décidé, mercredi 8 février, d'augmenter son aide aux 12 millions de personnes menacées en la portant à 123,5 millions d'euros.

    La sonnette d'alarme a été tirée dès décembre par des organisations comme l'Unicef, Action contre la faim (ACF) et le Programme alimentaire mondial. Les risques de crise alimentaire sont même connus depuis le mois d'octobre, notamment chez ACF, grâce à un système basé sur le traitement d'images satellites révélant les anomalies de production de biomasse, c'est-à-dire les zones où le couvert végétal est moins important. Ce suivi satellitaire, mis en place dès 2002, permet ainsi de déterminer dès la fin de la saison des pluies (septembre-octobre) les zones les plus touchées par la sécheresse et, à l'inverse, celles où il y a une concentration inhabituelle de végétaux, et de troupeaux. Ce relevé permet ensuite de calculer le stock de biomasse dont les populations disposeront jusqu'à mai-juin.


    UNE CRISE PLUS PRÉCOCE QUE D'HABITUDE


    Ce système a révélé que, en 2012, les stocks ne seront pas suffisants pour tenir jusqu'à la prochaine récolte, et que la "période de soudure", la période entre deux récoltes, va arriver plus tôt que d'habitude. Ce moment particulièrement difficile pour les populations agricoles du Sahel va débuter dès mars, alors qu'elle se situait en mai-juin les années précédentes. Des informations qui ont permis à l'ONG d'anticiper la situation.


    "Cette année, on a utilisé à fond le système d'imagerie satellite dès novembre-octobre : on a établi un plan de réduction des effets de la crise, et on a commencé le transfert d'argent vers les populations les plus vulnérables", déclare Frédéric Ham, responsable des risques de catastrophe et de l'imagerie satellite pour ACF Espagne. Un budget de 13 millions d'euros pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Tchad et la Mauritanie, où les petits agriculteurs doivent faire face à une baisse de 14 % des récoltes.


    "Normalement, on estime qu'il y a une famine tous les cinq ans dans cette région d'Afrique, ce qui permet en général aux populations de reprendre des forces. Mais à cause du dérèglement climatique, on observe un raccourcissement du cycle à deux ou trois ans", révèle Frédéric Ham. Après la grande sécheresse de 2005 et celle de l'été 2010, les habitants du Sahel n'ont pas eu le temps de reconstituer leurs stocks, et ce malgré la relativement bonne récolte de l'été 2011.


    "La famine n'est jamais inévitable, la situation est prévue depuis octobre, révèle Alain Antil, chercheur et responsable du programme sur l'Afrique subsaharienne à l'Institut français des relations internationales. Là on ne pouvait pas dire qu'on ne savait pas." Depuis plusieurs mois, le site Fews.net, le système de veille alimentaire mis en place par l'Agence des Etats-Unis pour le développement international, a déterminé les pays risquant d'être touchés par la famine.


    LE BUSINESS DU GRAIN


    Pour le chercheur, les causes de la crise actuelle étaient prévisibles. La pénurie de grains causée par le déficit de pluie est toujours entretenue par une augmentation des prix. Dès le début de la récolte, les marchands grossistes ont acheté mil, riz et sorgho pour les revendre à des prix beaucoup plus élevés en mars. De cette manière, les difficultés rencontrées directement par les paysans pour se nourrir se sont répercutées sur les populations des villes, et même parfois sur les zones disposant de bonnes récoltes.


    Une logique économique très classique aux répercussions parfois absurdes. "En 2005, lors de la dernière crise alimentaire grave au Niger, les marchands nigériens revendaient les grains à l'étranger alors que les associations d'aide humanitaire distribuaient du grain aux populations !", se souvient Alain Antil.


    Des mécanismes connus, contre lesquels les ONG ne peuvent rien. "Alors que faire ? Exiger de l'Etat qu'il régule les prix ? Un marché parallèle ne se mettra-t-il pas automatiquement en place ?", s'interroge le chercheur.

    A cela s'ajoute des facteurs politiques : dans le nord du Mali, la pénurie alimentaire est aggravée en raison de la révolte touareg qui empêche les associations d'apporter de la nourriture. Et avec les crises libyennes et ivoiriennes, de nombreux migrants sont revenus dans leurs pays, aggravant la situation.


    Delphine Roucaute/le monde
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