Otan vs Russie : d’assourdissants bruits de bottes
Jeudi 7 juin un trait de lumière déchire le ciel nocturne du Proche-Orient depuis l’Arménie jusqu’à Israël, suscitant une vive émotion dans les pays de la région. Les interprétations vont bon train : missile israélien, « objet volant non identifié » ou banal météore ? « À Tel-Aviv, Téhéran, Damas ou Amman est apparue dans le ciel, aux environs de 19 h 45, une spirale de lumière tourbillonnante, réveillant le spectre d’une guerre régionale. Nous avons soudain aperçu, en provenance du nord, un cône géant de lumière s’ouvrir dans le ciel, au-dessus des monts Hermon et Dov, relate un témoin dans les colonnes du quotidien israélien Haaretz » 1. Au bout de quelques instants le sillage de feu se mue en « spirale fluorescente » avant de se « disperser en un panache de fumée géant recouvrant toute la montagne ». Des centaines d’Israéliens se précipitent alors sur leur téléphone pour alerter les autorités 2. La même scène se déroule simultanément au Liban et en Arménie. Les « réseaux sociaux » crépitent… Certains voient dans le phénomène un « signe divin » d’encouragement aux révoltes syriennes, d’autres l’interprètent comme la manifestation d’un recours de Damas aux armes chimiques, reprenant ici des bruits qui avaient déjà couru lors du pilonnage de quartiers tenus par les rebelles à Deir ez-Zor 3
Quasiment au même moment, toujours ce jeudi 7 juin, le Secrétaire général des Nations Unies et le Haut-commissaire aux Droits de l’homme, MM. Ban Ki-moon et Navi Pillay, prononçaient chacun leur tour un dur réquisitoire contre de la Syrie devant l’Assemblée générale onusienne. Les météores qui venaient de mettre en émoi le Proche-Orient étaient en réalité deux missiles intercontinentaux russes… Il s’agissait d’un missile balistique Topol-M tiré depuis un silo situé à proximité de la Mer Caspienne et un missile Boulava 4 lancé depuis un sous-marin se déplaçant en Méditerranée orientale.
Signal fort ou coup de semonce ?
La Russie se sait actuellement en but à des velléités de déstabilisation subversive de la part d’un Occident qui n’a pas désarmé après l’effondrement du régime soviétique. Les Révolutions orange, ou bigarrées, sont aux yeux du Kremlin, une menace permanente pour la paix civile et l’ordre social des ex-Républiques de l’ex-Empire soviétique. À ce titre, Vladimir Poutine a repris la présidence en étant convaincu que le chemin de Moscou – comme celui de Téhéran - passe par Damas. Aussi n’entend-il rien lâcher ou concéder sur la Syrie… Damas étant le mur où, pour l’heure, s’adosse et s’illustre la défense de la souveraineté russe. De sorte que la Syrie représente une sorte de « dead line », soit la nouvelle frontière séparant les nouveaux Blocs : à l’Ouest le bloc euratlantique et son bras armé l’Otan, à l’Est, l’Organisation de coopération de Shanghaï qui tend peu à peu se configurer sur le modèle « défensif » de l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord… et dans laquelle le président chinois Hu voit désormais « une forteresse de sécurité régionale et de stabilité » !
Or si le Bouclier américain antimissile - une menace réelle et non une interprétation paranoïaque comme le suggèrent les commentateurs - n’était pas en train de se mettre en place contre toutes les objurgations russes, il est a gager qu’à Moscou le ton serait peut-être aussi ferme mais que nul missile balistique ne rayerait le ciel nocturne du Levant. Un signal fort donc en forme de coup de semonce… à n’en pas douter et non une simple « gesticulation » destinée à bluffer l’adversaire, au reste potentiellement futur ennemi. Un contentieux par voie de conséquence qui, parallèlement à celui qui oppose Israël et les É-U à l’Iran, va crescendo au fil des ans…
Pour mémoire, rappelons que dans les premiers jours de janvier 2007, alors que le Pentagone renforçait son potentiel de guerre dans le Golfe avec l’arrivée d’un deuxième groupe de bataille (le porte-avions USS John C. Stennis rejoignant l’USS Dwight D. Eisenhower), des systèmes de missiles Patriot sont disséminés face aux côtes iraniennes. Le 23 janvier, le président GW. Bush dénonce dans son discours sur l’état de l’Union le péril chiite en Syrie et au Liban. Le 1er février 2007, l’ancien Conseiller national à la Sécurité Zbigniew Brzezinski, actuel mentor du président Obama, évoque l’éventualité d’un attentat sur le sol des États-Unis… un acte de terrorisme organisé par l’Administration Bush elle-même dans le but d’en imputer la responsabilité à Téhéran et justifier ainsi une entrée en guerre. Le 6 février, le Secrétaire à la Défense Robert Gates déclare que les États-Unis doivent faire face à la double menace nucléaire iranienne et nord-coréenne… ainsi qu’à la modernisation des armées de la Chine et de la Russie !
Le 16 février, le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski rend public un accord conclu avec son frère jumeau, le président Lech Kaczynski, pour que la Pologne accepte l’installation de missiles d’interception sur son sol. Le même jour, le général Iouri Balouïevski, chef d’état-major interarmes, donne à connaître que la Russie pourrait se retirer unilatéralement du « Traité sur les forces nucléaires intermédiaires » si des missiles américains étaient prépositionnés en Pologne… Un an et demi avant que n’intervienne le krach du 15 septembre 2008, commencent à se faire entendre de sinistres craquements annonciateurs de la débâcle économique, mais tout est déjà en place en vue du déclenchement de guerres de « dérivation », autrement nommées « guerres préventives » ! Un état de fait qui n’a pas varié aujourd’hui, moins que jamais. Et il ne s’agit pas bien évidemment de jouer les Cassandre : les faits sont là, indéniables, encore faut-il vouloir en tirer toutes les conclusions qui s’imposent !
La voie de la raison n’est jamais la raison du plus fort
Il n’empêche que la Russie continue à soutenir le Plan Annan – les mauvaises langues dénigrantes disent à ce propos que le plan de l’ancien Secrétaire général des NU serait une resucée à peine modifiée du plan présenté par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov – destiné à faire revenir au calme et résoudre la crise par le truchement de négociations entre le régime et l’opposition, cela évidemment sans nulle action armée extérieure. Lavrov vient en outre de proposer la création d’un Groupe de contact sur la Syrie réunissant l’ensemble des États concernés, c’est-à-dire à la fois les États voisins (dont l’Iran), les puissances régionales et internationales. Ce à quoi se refuse un Département d’État américain à la fois juge et partie… au nom de quoi, on se le demande ? Du même tonneau : « L’Iran ne peut en aucun cas être associé à une conférence sur la Syrie » décidait péremptoirement le factoton Fabius, ci-devant ministre français des Affaires étrangères, à l’issue d’un conseil de guerre convoqué à Istanbul 5.
Devant l’évidente mauvaise volonté américaine, Sergueï Lavrov a franchi un pas dans la dénonciation des menées bellicistes dont Damas fait l’objet, cela à l’occasion d’une conférence de presse à Téhéran où il est allé jusqu’à accuser formellement – et pour la première fois nommément – les É-U de livrer des armes aux rebelles syriens, justifiant en retour les ventes d’armement russe au régime de Damas, lesquelles « ne violent aucune loi internationale… portent uniquement sur des équipement défensifs » 6. Face à une Otan fauteuse de guerres, M. Poutine a par ailleurs demandé – sans aucun humour - à l’Organisation du Traité de sécurité collective 7 de se préparer au déploiement des « chapkas bleues » en Syrie, afin tout à la fois « de séparer les belligérants et pour combattre les forces étrangères qui y opèrent ». Le secrétaire général de l’Otsc, Nicolai Bordyuzh, a confirmé qu’il dispose effectivement de 20000 hommes immédiatement opérationnels, prêts à remplir ce type de mission.
Sans aller jusqu’à un conflit ouvert, ceux qui pensaient jusqu’ici – d’ailleurs de façon « logique » – que Moscou se tiendrait coi et ne se risquerait pas à contrarier l’expansionnisme occidental, se trompaient apparemment. L’on peut en être convaincu en mesurant entre autres avec quelle circonspection Washington avance actuellement sur le dossier du nucléaire iranien. Une modération que n’expliquent pas simplement les prochaines échéances présidentielles américaines ou la volonté de M. Obama de justifier peut-être, et sur le tard, son Nobel de la Paix !
C’est dans ce contexte que sont donc intervenus les tirs de missiles balistiques intercontinentaux russes. Un message reçu 5/5 dans le camp occidentaliste qui a pu ici mesurer, sur pièce, la consistance des positions politiques de la Russie. Celles adoptées devant le Conseil de sécurité, mais pas seulement, la détermination russe se trouvant visiblement adossée à une puissance de feu tangible. Moscou étant susceptible d’entrer dans la danse si besoin était, cette démonstration de force pèsera dans la balance d’éventuelles futures négociations… Or si le prix à payer d’une confrontation Est/Ouest – ou le risque – était ou paraissait trop élevé aux géostratèges atlantistes, les politiques, à la suite des militaires, jetteront l’éponge contraints et forcés… en attendant des jours meilleurs. Reste que le bras de fer est authentiquement engagé et que l’on peut compter sur les occidentaux pour jouer à la roulette russe 8 car « la fenêtre de tir est étroite » et que le temps presse, et pour lâcher, par exemple, la bride à l’armée turque qui brûle d’entrer en territoire syrien pour y créer une zone tampon et des « couloirs humanitaires »…
Jeudi 7 juin un trait de lumière déchire le ciel nocturne du Proche-Orient depuis l’Arménie jusqu’à Israël, suscitant une vive émotion dans les pays de la région. Les interprétations vont bon train : missile israélien, « objet volant non identifié » ou banal météore ? « À Tel-Aviv, Téhéran, Damas ou Amman est apparue dans le ciel, aux environs de 19 h 45, une spirale de lumière tourbillonnante, réveillant le spectre d’une guerre régionale. Nous avons soudain aperçu, en provenance du nord, un cône géant de lumière s’ouvrir dans le ciel, au-dessus des monts Hermon et Dov, relate un témoin dans les colonnes du quotidien israélien Haaretz » 1. Au bout de quelques instants le sillage de feu se mue en « spirale fluorescente » avant de se « disperser en un panache de fumée géant recouvrant toute la montagne ». Des centaines d’Israéliens se précipitent alors sur leur téléphone pour alerter les autorités 2. La même scène se déroule simultanément au Liban et en Arménie. Les « réseaux sociaux » crépitent… Certains voient dans le phénomène un « signe divin » d’encouragement aux révoltes syriennes, d’autres l’interprètent comme la manifestation d’un recours de Damas aux armes chimiques, reprenant ici des bruits qui avaient déjà couru lors du pilonnage de quartiers tenus par les rebelles à Deir ez-Zor 3

Signal fort ou coup de semonce ?
La Russie se sait actuellement en but à des velléités de déstabilisation subversive de la part d’un Occident qui n’a pas désarmé après l’effondrement du régime soviétique. Les Révolutions orange, ou bigarrées, sont aux yeux du Kremlin, une menace permanente pour la paix civile et l’ordre social des ex-Républiques de l’ex-Empire soviétique. À ce titre, Vladimir Poutine a repris la présidence en étant convaincu que le chemin de Moscou – comme celui de Téhéran - passe par Damas. Aussi n’entend-il rien lâcher ou concéder sur la Syrie… Damas étant le mur où, pour l’heure, s’adosse et s’illustre la défense de la souveraineté russe. De sorte que la Syrie représente une sorte de « dead line », soit la nouvelle frontière séparant les nouveaux Blocs : à l’Ouest le bloc euratlantique et son bras armé l’Otan, à l’Est, l’Organisation de coopération de Shanghaï qui tend peu à peu se configurer sur le modèle « défensif » de l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord… et dans laquelle le président chinois Hu voit désormais « une forteresse de sécurité régionale et de stabilité » !
Or si le Bouclier américain antimissile - une menace réelle et non une interprétation paranoïaque comme le suggèrent les commentateurs - n’était pas en train de se mettre en place contre toutes les objurgations russes, il est a gager qu’à Moscou le ton serait peut-être aussi ferme mais que nul missile balistique ne rayerait le ciel nocturne du Levant. Un signal fort donc en forme de coup de semonce… à n’en pas douter et non une simple « gesticulation » destinée à bluffer l’adversaire, au reste potentiellement futur ennemi. Un contentieux par voie de conséquence qui, parallèlement à celui qui oppose Israël et les É-U à l’Iran, va crescendo au fil des ans…
Pour mémoire, rappelons que dans les premiers jours de janvier 2007, alors que le Pentagone renforçait son potentiel de guerre dans le Golfe avec l’arrivée d’un deuxième groupe de bataille (le porte-avions USS John C. Stennis rejoignant l’USS Dwight D. Eisenhower), des systèmes de missiles Patriot sont disséminés face aux côtes iraniennes. Le 23 janvier, le président GW. Bush dénonce dans son discours sur l’état de l’Union le péril chiite en Syrie et au Liban. Le 1er février 2007, l’ancien Conseiller national à la Sécurité Zbigniew Brzezinski, actuel mentor du président Obama, évoque l’éventualité d’un attentat sur le sol des États-Unis… un acte de terrorisme organisé par l’Administration Bush elle-même dans le but d’en imputer la responsabilité à Téhéran et justifier ainsi une entrée en guerre. Le 6 février, le Secrétaire à la Défense Robert Gates déclare que les États-Unis doivent faire face à la double menace nucléaire iranienne et nord-coréenne… ainsi qu’à la modernisation des armées de la Chine et de la Russie !
Le 16 février, le Premier ministre polonais Jaroslaw Kaczynski rend public un accord conclu avec son frère jumeau, le président Lech Kaczynski, pour que la Pologne accepte l’installation de missiles d’interception sur son sol. Le même jour, le général Iouri Balouïevski, chef d’état-major interarmes, donne à connaître que la Russie pourrait se retirer unilatéralement du « Traité sur les forces nucléaires intermédiaires » si des missiles américains étaient prépositionnés en Pologne… Un an et demi avant que n’intervienne le krach du 15 septembre 2008, commencent à se faire entendre de sinistres craquements annonciateurs de la débâcle économique, mais tout est déjà en place en vue du déclenchement de guerres de « dérivation », autrement nommées « guerres préventives » ! Un état de fait qui n’a pas varié aujourd’hui, moins que jamais. Et il ne s’agit pas bien évidemment de jouer les Cassandre : les faits sont là, indéniables, encore faut-il vouloir en tirer toutes les conclusions qui s’imposent !
La voie de la raison n’est jamais la raison du plus fort
Il n’empêche que la Russie continue à soutenir le Plan Annan – les mauvaises langues dénigrantes disent à ce propos que le plan de l’ancien Secrétaire général des NU serait une resucée à peine modifiée du plan présenté par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov – destiné à faire revenir au calme et résoudre la crise par le truchement de négociations entre le régime et l’opposition, cela évidemment sans nulle action armée extérieure. Lavrov vient en outre de proposer la création d’un Groupe de contact sur la Syrie réunissant l’ensemble des États concernés, c’est-à-dire à la fois les États voisins (dont l’Iran), les puissances régionales et internationales. Ce à quoi se refuse un Département d’État américain à la fois juge et partie… au nom de quoi, on se le demande ? Du même tonneau : « L’Iran ne peut en aucun cas être associé à une conférence sur la Syrie » décidait péremptoirement le factoton Fabius, ci-devant ministre français des Affaires étrangères, à l’issue d’un conseil de guerre convoqué à Istanbul 5.
Devant l’évidente mauvaise volonté américaine, Sergueï Lavrov a franchi un pas dans la dénonciation des menées bellicistes dont Damas fait l’objet, cela à l’occasion d’une conférence de presse à Téhéran où il est allé jusqu’à accuser formellement – et pour la première fois nommément – les É-U de livrer des armes aux rebelles syriens, justifiant en retour les ventes d’armement russe au régime de Damas, lesquelles « ne violent aucune loi internationale… portent uniquement sur des équipement défensifs » 6. Face à une Otan fauteuse de guerres, M. Poutine a par ailleurs demandé – sans aucun humour - à l’Organisation du Traité de sécurité collective 7 de se préparer au déploiement des « chapkas bleues » en Syrie, afin tout à la fois « de séparer les belligérants et pour combattre les forces étrangères qui y opèrent ». Le secrétaire général de l’Otsc, Nicolai Bordyuzh, a confirmé qu’il dispose effectivement de 20000 hommes immédiatement opérationnels, prêts à remplir ce type de mission.
Sans aller jusqu’à un conflit ouvert, ceux qui pensaient jusqu’ici – d’ailleurs de façon « logique » – que Moscou se tiendrait coi et ne se risquerait pas à contrarier l’expansionnisme occidental, se trompaient apparemment. L’on peut en être convaincu en mesurant entre autres avec quelle circonspection Washington avance actuellement sur le dossier du nucléaire iranien. Une modération que n’expliquent pas simplement les prochaines échéances présidentielles américaines ou la volonté de M. Obama de justifier peut-être, et sur le tard, son Nobel de la Paix !
C’est dans ce contexte que sont donc intervenus les tirs de missiles balistiques intercontinentaux russes. Un message reçu 5/5 dans le camp occidentaliste qui a pu ici mesurer, sur pièce, la consistance des positions politiques de la Russie. Celles adoptées devant le Conseil de sécurité, mais pas seulement, la détermination russe se trouvant visiblement adossée à une puissance de feu tangible. Moscou étant susceptible d’entrer dans la danse si besoin était, cette démonstration de force pèsera dans la balance d’éventuelles futures négociations… Or si le prix à payer d’une confrontation Est/Ouest – ou le risque – était ou paraissait trop élevé aux géostratèges atlantistes, les politiques, à la suite des militaires, jetteront l’éponge contraints et forcés… en attendant des jours meilleurs. Reste que le bras de fer est authentiquement engagé et que l’on peut compter sur les occidentaux pour jouer à la roulette russe 8 car « la fenêtre de tir est étroite » et que le temps presse, et pour lâcher, par exemple, la bride à l’armée turque qui brûle d’entrer en territoire syrien pour y créer une zone tampon et des « couloirs humanitaires »…
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