De la plaine de Kandahar aux montagnes du Daghestan, de la jungle sri-lankaise aux rues d'une cité côtière bulgare, le Canada a laissé au cours des dernières années des empreintes indélébiles. Des empreintes faites d'explosions, de tirs d'AK-47, de sang, de larmes et de mort.
Les récentes révélations de la police bulgare sur le rôle joué par un Canadien qu'on dit lié au Hezbollah chiite libanais lors d'un attentat anti-israélien et celles du premier ministre algérien sur deux autres Canadiens membres du groupe terroriste islamiste sunnite qui a pris d'assaut le site gazier d'In Amenas, le mois dernier, mettent en lumière cette présence récurrente de citoyens ou de résidents canadiens au sein des principales nébuleuses terroristes(1) à l'étranger.
Ils seraient une cinquantaine, nés ici ou immigrés. Un chiffre approximatif en l'absence de système de contrôle à la sortie du territoire. Quatre d'entre eux sont recherchés par la GRC et le FBI. Certains «joueraient même un rôle de premier plan» dans ces groupes, a affirmé récemment Richard Fadden, patron du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Le responsable des «communications» des insurgés islamistes somaliens serait d'ailleurs un Canadien, selon ce qu'on a dit à La Presse.
Combien sont morts? Combien sont revenus ici? Le SCRS n'a pas répondu à nos questions.
«La possibilité que ces jeunes gens reviennent au Canada après avoir acquis une expérience des combats et adopté des opinions extrêmement radicales est un grave sujet de préoccupation sur le plan de la sécurité nationale», a dit l'automne dernier Michel Coulombe, directeur adjoint des opérations du SCRS.
Victor Plotnikov, jeune Torontois de 23 ans récemment converti à l'islam, ne reviendra jamais au Canada. Il est mort l'été dernier au nom du djihad, fusil d'assaut à la main, au Daghestan russe. «Que Dieu bénisse notre frère héros musulman canadien», écrit un internaute sur un forum djihadiste.
Fléau documenté
Ce fléau, qui touche presque toutes les mouvances du terrorisme, et autant les immigrés que ceux qui sont nés au Canada, n'étonne pas dans le monde du renseignement. Plusieurs facteurs l'expliqueraient, en particulier d'ordre démographique.
«C'est typique d'un pays comme le Canada qui reçoit un grand nombre d'immigrants, même si 99,9% d'entre eux mènent ici une vie paisible, remarque Ray Boisvert, ex-directeur adjoint du SCRS. De plus, il y a la nationalité et le passeport canadiens qui sont bien perçus dans le monde, ce qui facilite les mouvements de ces individus. Les Canadiens sont réputés être de toutes les races, couleurs et langues, donc ça ne surprend pas les douaniers.»
Selon Marc Sageman, conseiller du gouvernement américain sur la violence politique, et auteur notamment d'un ouvrage sur la «psychologie et [la] sociologie des acteurs du djihad», «il ne serait pas étonnant que le Canada soit surreprésenté dans le terrorisme international puisque c'est souvent un phénomène de diaspora, et le Canada en a l'une des plus importantes du monde. La plupart des terroristes internationaux canadiens faisaient partie de cette diaspora, que ce soit de la première ou de la deuxième génération».
Dans son récent rapport annuel, le SCRS note d'ailleurs que «l'une des priorités» de groupes extrémistes salafistes comme «Al-Shabaab [Somalie] et Al-Qaïda et ceux qui y sont affiliés» est de recruter des Occidentaux pour qu'ils participent à des actes terroristes, «car ils ont facilement accès à l'Europe et à l'Amérique du Nord».
Radicalisation et conversion
Plusieurs rapports secrets d'«évaluation de la menace» que La Presse a obtenus expriment la préoccupation des «autorités canadiennes [...] aux prises avec plusieurs cas connus canadiens qui sont allés s'entraîner au terrorisme ailleurs dans le monde» ou rejoindre des groupes radicaux pour combattre, tel Al-Shabaab qui semble exercer un fort pouvoir d'attraction auprès des jeunes membres de l'importante diaspora somalienne du Canada (estimée à entre 150 000 et 200 000).
«Pas de commentaires», a répondu l'organisation lorsque La Presse a voulu savoir combien de Canadiens étaient dans les rangs de ces groupes. Sans oublier le Sahel et le Sahara, royaumes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et d'autres groupuscules liés au djihad salafiste mondial.
Autres facteurs, la conversion à l'islam radical et surtout la radicalisation sur le sol canadien. Phénomène complexe qui prendrait de l'ampleur, que ce soit par l'internet ou au contact d'autres individus, en particulier dans le cercle familial ou les prisons. «Les islamistes occidentaux, y compris les personnes qui se sont converties à l'islam radical, comprennent la culture de l'Occident et peuvent facilement se déplacer parmi les sociétés qui la composent.
C'est pourquoi Al-Qaïda et les groupes de même tendance cherchent à radicaliser, recruter et entraîner des Occidentaux, y compris des Canadiens, afin de les intégrer au mouvement djihadiste mondial», prévient le Centre intégré d'évaluation des menaces dans un rapport.
Selon Ray Boisvert, les deux cas récents de l'Algérie et de la Bulgarie, où les suspects canadiens seraient binationaux, pourraient avoir un «impact pour tous les Canadiens qui voyageront à l'étranger à l'avenir». Et c'est sans compter sur un probable tour de vis dans le processus d'attribution de la citoyenneté.
Islamiste expulsé vers le Canada
Un islamiste canadien de 26 ans a été expulsé vendredi de France vers le Canada sur ordre du ministre français de l'Intérieur, parce qu'il représentait «une menace pour l'ordre public». Il aurait entretenu «des relations étroites avec des personnes ayant combattu en Syrie au sein de groupes extrémistesetavec un Tunisien membre d'Al-Qaïda impliqué dans des projets terroristes», a expliqué à La Presse le cabinet du ministre.
Plusieurs islamistes, dont des imams, ont été expulsés de France au cours des derniers jours vers leurs pays d'origine dans le cadre de la politique de lutte contre ceux qui sont «hostiles aux valeurs de la République» et «entendent faire prospérer un discours haineux, radical et obscurantiste».
***
ÉTATS-UNIS > Le Montréalais Ahmed Ressam, surnommé Millenium Bomber, est arrêté à la frontière américaine près de Seattle le 14 décembre 1999, au volant d'une auto contenant 60 kg d'explosifs. Il projetait de faire exploser l'aéroport de Los Angeles le 31 décembre. Il a été condamné à 37 ans de prison en octobre 2012. Ressam était membre de la «cellule islamiste de Montréal», liée au groupe de «gangsterroristes» de Roubaix, en France.
La Suite...
Les récentes révélations de la police bulgare sur le rôle joué par un Canadien qu'on dit lié au Hezbollah chiite libanais lors d'un attentat anti-israélien et celles du premier ministre algérien sur deux autres Canadiens membres du groupe terroriste islamiste sunnite qui a pris d'assaut le site gazier d'In Amenas, le mois dernier, mettent en lumière cette présence récurrente de citoyens ou de résidents canadiens au sein des principales nébuleuses terroristes(1) à l'étranger.
Ils seraient une cinquantaine, nés ici ou immigrés. Un chiffre approximatif en l'absence de système de contrôle à la sortie du territoire. Quatre d'entre eux sont recherchés par la GRC et le FBI. Certains «joueraient même un rôle de premier plan» dans ces groupes, a affirmé récemment Richard Fadden, patron du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Le responsable des «communications» des insurgés islamistes somaliens serait d'ailleurs un Canadien, selon ce qu'on a dit à La Presse.
Combien sont morts? Combien sont revenus ici? Le SCRS n'a pas répondu à nos questions.
«La possibilité que ces jeunes gens reviennent au Canada après avoir acquis une expérience des combats et adopté des opinions extrêmement radicales est un grave sujet de préoccupation sur le plan de la sécurité nationale», a dit l'automne dernier Michel Coulombe, directeur adjoint des opérations du SCRS.
Victor Plotnikov, jeune Torontois de 23 ans récemment converti à l'islam, ne reviendra jamais au Canada. Il est mort l'été dernier au nom du djihad, fusil d'assaut à la main, au Daghestan russe. «Que Dieu bénisse notre frère héros musulman canadien», écrit un internaute sur un forum djihadiste.
Fléau documenté
Ce fléau, qui touche presque toutes les mouvances du terrorisme, et autant les immigrés que ceux qui sont nés au Canada, n'étonne pas dans le monde du renseignement. Plusieurs facteurs l'expliqueraient, en particulier d'ordre démographique.
«C'est typique d'un pays comme le Canada qui reçoit un grand nombre d'immigrants, même si 99,9% d'entre eux mènent ici une vie paisible, remarque Ray Boisvert, ex-directeur adjoint du SCRS. De plus, il y a la nationalité et le passeport canadiens qui sont bien perçus dans le monde, ce qui facilite les mouvements de ces individus. Les Canadiens sont réputés être de toutes les races, couleurs et langues, donc ça ne surprend pas les douaniers.»
Selon Marc Sageman, conseiller du gouvernement américain sur la violence politique, et auteur notamment d'un ouvrage sur la «psychologie et [la] sociologie des acteurs du djihad», «il ne serait pas étonnant que le Canada soit surreprésenté dans le terrorisme international puisque c'est souvent un phénomène de diaspora, et le Canada en a l'une des plus importantes du monde. La plupart des terroristes internationaux canadiens faisaient partie de cette diaspora, que ce soit de la première ou de la deuxième génération».
Dans son récent rapport annuel, le SCRS note d'ailleurs que «l'une des priorités» de groupes extrémistes salafistes comme «Al-Shabaab [Somalie] et Al-Qaïda et ceux qui y sont affiliés» est de recruter des Occidentaux pour qu'ils participent à des actes terroristes, «car ils ont facilement accès à l'Europe et à l'Amérique du Nord».
Radicalisation et conversion
Plusieurs rapports secrets d'«évaluation de la menace» que La Presse a obtenus expriment la préoccupation des «autorités canadiennes [...] aux prises avec plusieurs cas connus canadiens qui sont allés s'entraîner au terrorisme ailleurs dans le monde» ou rejoindre des groupes radicaux pour combattre, tel Al-Shabaab qui semble exercer un fort pouvoir d'attraction auprès des jeunes membres de l'importante diaspora somalienne du Canada (estimée à entre 150 000 et 200 000).
«Pas de commentaires», a répondu l'organisation lorsque La Presse a voulu savoir combien de Canadiens étaient dans les rangs de ces groupes. Sans oublier le Sahel et le Sahara, royaumes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et d'autres groupuscules liés au djihad salafiste mondial.
Autres facteurs, la conversion à l'islam radical et surtout la radicalisation sur le sol canadien. Phénomène complexe qui prendrait de l'ampleur, que ce soit par l'internet ou au contact d'autres individus, en particulier dans le cercle familial ou les prisons. «Les islamistes occidentaux, y compris les personnes qui se sont converties à l'islam radical, comprennent la culture de l'Occident et peuvent facilement se déplacer parmi les sociétés qui la composent.
C'est pourquoi Al-Qaïda et les groupes de même tendance cherchent à radicaliser, recruter et entraîner des Occidentaux, y compris des Canadiens, afin de les intégrer au mouvement djihadiste mondial», prévient le Centre intégré d'évaluation des menaces dans un rapport.
Selon Ray Boisvert, les deux cas récents de l'Algérie et de la Bulgarie, où les suspects canadiens seraient binationaux, pourraient avoir un «impact pour tous les Canadiens qui voyageront à l'étranger à l'avenir». Et c'est sans compter sur un probable tour de vis dans le processus d'attribution de la citoyenneté.
Islamiste expulsé vers le Canada
Un islamiste canadien de 26 ans a été expulsé vendredi de France vers le Canada sur ordre du ministre français de l'Intérieur, parce qu'il représentait «une menace pour l'ordre public». Il aurait entretenu «des relations étroites avec des personnes ayant combattu en Syrie au sein de groupes extrémistesetavec un Tunisien membre d'Al-Qaïda impliqué dans des projets terroristes», a expliqué à La Presse le cabinet du ministre.
Plusieurs islamistes, dont des imams, ont été expulsés de France au cours des derniers jours vers leurs pays d'origine dans le cadre de la politique de lutte contre ceux qui sont «hostiles aux valeurs de la République» et «entendent faire prospérer un discours haineux, radical et obscurantiste».
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ÉTATS-UNIS > Le Montréalais Ahmed Ressam, surnommé Millenium Bomber, est arrêté à la frontière américaine près de Seattle le 14 décembre 1999, au volant d'une auto contenant 60 kg d'explosifs. Il projetait de faire exploser l'aéroport de Los Angeles le 31 décembre. Il a été condamné à 37 ans de prison en octobre 2012. Ressam était membre de la «cellule islamiste de Montréal», liée au groupe de «gangsterroristes» de Roubaix, en France.
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