Ils ont dit non aux dictatures régnantes, ont fait tomber les dictateurs mais ils n’ont pas fini. Ils savent, pour le vivre aujourd’hui dans leur chair, que leurs pays ne sont pas condamnés à choisir entre un pouvoir autoritaire, une dictature et une théocratie islamiste. Au pouvoir des urnes, ils ont dit oui, mais pas à n’importe quel prix, pas au prix en tout cas de la spoliation de leurs libertés qu’ils ont chèrement acquises et de leur dignité qu’ils s’échinaient à recouvrer. Les Frères musulmans au pouvoir en Égypte et ceux d’Ennahda en Tunisie n’ont pas mis longtemps à rogner pour ne pas dire spolier la liberté de leur peuple, tout mettre en œuvre pour installer leur raison d’être, la Charia. Ils sont allés beaucoup plus loin, là où ont sévi (et tentent encore, même affaiblis, de le faire) leurs alter ego algériens, ils tuent leurs adversaires politiques et créent la terreur au sein des populations. Tunis vient d’en faire les frais avec l’assassinat de deux démocrates Mohamed Brahmi après celui de Chokri Belaïd. Les Frères musulmans, parions-le, face à leur échec et surtout face aux formidables soulèvements populaires demandant leur départ et qui ont conduit l’armée à démettre l’islamiste Morsi, utiliseront les mêmes armes. En Syrie aussi, le désir d’en finir avec El Assad, s’il est très fortement ancré dans la population qui aspire elle aussi à se libérer du despote et à instituer un régime démocratique, il ne porte pas moins au sein de ces nombres d’opposants au régime alaouite, des islamistes radicaux qui attendent l’heure de gloire pour instituer un régime autocratique et confisquer, comme ils l’ont fait ailleurs, la révolution aux démocrates. Dans cette nouvelle donne, les voix diplomatiques, notamment françaises, qui se faisaient tellement entendre en cours des «printemps arabes» se sont subitement tues. Elles étaient pourtant tellement sonores et assourdissantes, et que n’ont-elles appelé à composer avec cet islamisme «modéré», disent-ils.
La France n’a toujours rien compris au monde arabe
Au travers des différentes phases de la révolution populaire tunisienne, la position de l’ancien colonisateur a été pour le moins révélatrice d’une incapacité à comprendre ce qui se déroulait dans ce pays et la nature des aspirations du peuple tunisien. Par le bais de sa ministre Michelle Alliot Marie, Nicolas Sarkozy, dès les premières révoltes et manifestations de rue, proposait au dictateur Benali le savoir-faire et l’expertise français pour mater les émeutes. Le président français qui briguait un deuxième mandat voit alors venir la révolution libyenne. Avec le colonel Kadhafi, Sarkosy entretenait les meilleures des relations dictées par des intérêts économiques : invitation du despote libyen en France pour lui fourguer des rafales et autre centrale nucléaire via la filiale Bull et installation d’un centre de surveillance électronique… mais dictées aussi, révèlent aujourd’hui certains enquêteurs, par des intérêts strictement personnels, Sarkozy aurait bénéficié d’importantes aumônes du Guide ! Raisonnablement pour se faire réélire, il fallait que la diplomatie française de Sarkozy s’amarre au train en marche des révolutions et même aller plus loin en participant militairement, par exemple en Libye, jusqu’à faire partie des tueurs de Kadhafi. Certains attribuant à Sarkozy la volonté de ne laisser aucune trace du despote libyen. Après un retard dans l’allumage en Tunisie et un peu en Égypte, Sarkozy affirmait alors sa volonté d’être acteur dans ce changement dans le monde arabe et en être même le leader. C’est ce qu’il tente sans grand succès de faire aussi en Syrie où peu de place lui a été laissée par les deux grands pays dont les voix et le poids sont plus lourds : les Etats-Unis et la Russie. «Nous Français pensions très bien connaître ces sociétés (arabes) avec lesquelles nos liens sont anciens et solides. Mais le printemps arabe nous a montré que nous en ignorions des pans entiers… Changer notre regard sur le monde arabe… Accompagner les pays de la rive sud dans leur transition démocratique… » c’est ce qu’affirmait Alain Juppé , ministre alors des Affaires étrangères. Depuis, la gauche est au pouvoir et la connaissance de ces pays ne semble pas plus avancée. Au cours de sa visite d’Etat début juillet en Tunisie, le président socialiste François Hollande n’a rien vu venir lui aussi. Devant l’Assemblée nationale tunisienne, le chef de l’Etat français s’est évertué à faire de la Tunisie, un modèle à suivre, même s’il avait eu à rencontrer auparavant les chefs de l’opposition qui lui avaient exprimé leurs craintes d’explosion. En bon diplomate réussi dans ses interventions à satisfaire tous les courants politiques de l’Assemblée nationale constituante. Quelques jours après son départ de Tunis, les courants démocrates voient le lâche assassinat du deuxième responsable de leur mouvement. Peut-on se plaindre d’un tel aveuglement de la classe politique française ? Sûrement pas. Ce n’est pas à la France de choisir le mode de gouvernance dans nos pays et il est temps que cesse ce type d’ingérence. Ce qu’il y a lieu de déplorer par contre, en Tunisie comme ailleurs dans les pays de la région, c’est la faiblesse et l’absence d’organisation des courants démocratiques les plus avancés pour faire barrage aux tenants de l’obscurantisme. Et s’il y avait une aide et une action commune à engager pour ce faire, c’est bien celle de la mobilisation citoyenne qui s’est déjà exprimée dans la région pour refuser tout pouvoir et tout diktat aux islamistes et qui a mis ces derniers aux abois, révélant leur réelle nature sanguinaire.
Khedidja Baba-Ahmed
La France n’a toujours rien compris au monde arabe
Au travers des différentes phases de la révolution populaire tunisienne, la position de l’ancien colonisateur a été pour le moins révélatrice d’une incapacité à comprendre ce qui se déroulait dans ce pays et la nature des aspirations du peuple tunisien. Par le bais de sa ministre Michelle Alliot Marie, Nicolas Sarkozy, dès les premières révoltes et manifestations de rue, proposait au dictateur Benali le savoir-faire et l’expertise français pour mater les émeutes. Le président français qui briguait un deuxième mandat voit alors venir la révolution libyenne. Avec le colonel Kadhafi, Sarkosy entretenait les meilleures des relations dictées par des intérêts économiques : invitation du despote libyen en France pour lui fourguer des rafales et autre centrale nucléaire via la filiale Bull et installation d’un centre de surveillance électronique… mais dictées aussi, révèlent aujourd’hui certains enquêteurs, par des intérêts strictement personnels, Sarkozy aurait bénéficié d’importantes aumônes du Guide ! Raisonnablement pour se faire réélire, il fallait que la diplomatie française de Sarkozy s’amarre au train en marche des révolutions et même aller plus loin en participant militairement, par exemple en Libye, jusqu’à faire partie des tueurs de Kadhafi. Certains attribuant à Sarkozy la volonté de ne laisser aucune trace du despote libyen. Après un retard dans l’allumage en Tunisie et un peu en Égypte, Sarkozy affirmait alors sa volonté d’être acteur dans ce changement dans le monde arabe et en être même le leader. C’est ce qu’il tente sans grand succès de faire aussi en Syrie où peu de place lui a été laissée par les deux grands pays dont les voix et le poids sont plus lourds : les Etats-Unis et la Russie. «Nous Français pensions très bien connaître ces sociétés (arabes) avec lesquelles nos liens sont anciens et solides. Mais le printemps arabe nous a montré que nous en ignorions des pans entiers… Changer notre regard sur le monde arabe… Accompagner les pays de la rive sud dans leur transition démocratique… » c’est ce qu’affirmait Alain Juppé , ministre alors des Affaires étrangères. Depuis, la gauche est au pouvoir et la connaissance de ces pays ne semble pas plus avancée. Au cours de sa visite d’Etat début juillet en Tunisie, le président socialiste François Hollande n’a rien vu venir lui aussi. Devant l’Assemblée nationale tunisienne, le chef de l’Etat français s’est évertué à faire de la Tunisie, un modèle à suivre, même s’il avait eu à rencontrer auparavant les chefs de l’opposition qui lui avaient exprimé leurs craintes d’explosion. En bon diplomate réussi dans ses interventions à satisfaire tous les courants politiques de l’Assemblée nationale constituante. Quelques jours après son départ de Tunis, les courants démocrates voient le lâche assassinat du deuxième responsable de leur mouvement. Peut-on se plaindre d’un tel aveuglement de la classe politique française ? Sûrement pas. Ce n’est pas à la France de choisir le mode de gouvernance dans nos pays et il est temps que cesse ce type d’ingérence. Ce qu’il y a lieu de déplorer par contre, en Tunisie comme ailleurs dans les pays de la région, c’est la faiblesse et l’absence d’organisation des courants démocratiques les plus avancés pour faire barrage aux tenants de l’obscurantisme. Et s’il y avait une aide et une action commune à engager pour ce faire, c’est bien celle de la mobilisation citoyenne qui s’est déjà exprimée dans la région pour refuser tout pouvoir et tout diktat aux islamistes et qui a mis ces derniers aux abois, révélant leur réelle nature sanguinaire.
Khedidja Baba-Ahmed
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