

Avec son hidjab et son teint mat, Catherine Garcia ne ressemble ni à une native d'Orlando ni à une touriste venue visiter Disneyworld. Les gens qui lui demandent d'où elle est originaire sont souvent surpris d'apprendre qu'elle vient non pas du Moyen-Orient, mais de Colombie. C'est que Catherine Garcia, une employée de librairie arrivée aux Etats-Unis il y a sept ans, est hispanique et musulmane. En cette douce après-midi du début du ramadan, elle est à la mosquée, vêtue d'une longue tunique, les bras couverts. "Dans mon pays, je n'ai jamais trouvé ma place dans la société. Ici, dans l'islam, je me sens en phase avec toutes leurs croyances", explique-t-elle.
Catherine Garcia fait partie du nombre croissant d'Hispaniques des Etats-Unis qui se retrouvent dans une foi et une culture présentant d'étonnantes ressemblances avec leur propre héritage. Travailleurs, étudiants ou parents au foyer, ils viennent à la foi musulmane par le mariage, par curiosité ou par identité de vues sur certaines questions comme l'immigration. Le nombre de musulmans hispaniques a augmenté de 30 % depuis 1999, pour s'établir aujourd'hui à 200 000 personnes, estime Ali Khan, directeur national du Conseil musulman américain, à Chicago. Beaucoup attribuent cet engouement à un intérêt accru pour l'islam depuis les attentats de 2001, mais aussi à la rencontre de deux minorités en plein essor. Ils font aussi remarquer que les musulmans ont régné sur l'Espagne il y a plusieurs siècles, et y ont laissé leur empreinte sur la cuisine, la musique et la langue. "Beaucoup d'Hispaniques qui se convertissent à l'islam vous diront qu'ils renouent ainsi avec leur histoire, avec un héritage qui leur était en quelque sorte nié", affirme Ihsan Bagby, professeur d'études arabes et islamiques à l'université du Kentucky.
Cette tendance a donné naissance à des organisations latino-musulmanes comme la Latino American Dawah Association, fondée en 1997 à New York par des Hispaniques convertis. Aujourd'hui, l'organisation est présente sur tout le territoire américain. L'accroissement du nombre de Latinos musulmans est particulièrement sensible à New York, en Floride, en Californie et au Texas, qui possèdent les plus grandes communautés hispaniques. La mosquée d'Orlando, qui est la plus grande des environs et accueille quelque 700 fidèles chaque semaine, est située dans un quartier à majorité hispanique. Il y a quelques années encore, on y entendait rarement parler espagnol, raconte l'imam Muhammad Musri, qui préside la Société islamique de Floride centrale. Aujourd'hui, on constate une demande croissante de livres en espagnol, y compris le Coran, poursuit l'imam. La mosquée propose tous les samedis des cours d'initiation à l'islam en langue espagnole destinés aux femmes. "Dans quelques années, il me semble tout à fait envisageable que la mosquée propose des offices en espagnol, sous la direction d'un imam hispanique", dit-il.
pour certains, c'est le signe que l'Islam s'américanise
Musulmans et Hispaniques accordent beaucoup d'importance à la famille et à la religion et sont traditionnellement conservateurs, remarque Ihsan Bagby. Ils partagent également un intérêt pour certaines questions sociales comme l'immigration, la pauvreté et la santé. Il y a quelques mois, des musulmans se sont joints aux Hispaniques qui manifestaient dans tout le pays contre des propositions de réforme de l'immigration qu'ils jugeaient injustes.
Pour Ihsan Bagby, c'est le signe que l'islam s'américanise. Le point de vue des républicains sur des questions telles que l'immigration pousse les musulmans hispaniques vers des positions moins conservatrices, et l'islam tout entier pourrait suivre le même chemin. La participation des musulmans hispaniques à la politique américaine pourrait également montrer aux musulmans du monde entier les vertus de la démocratie, et, à terme, amener les fondamentalistes à moins d'intransigeance. "Plus les Hispaniques et les Américains en général seront nombreux à se convertir, plus les liens unissant la communauté musulmane et le reste de la société américaine seront forts et étroits", prédit Ihsan Bagby
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