Samedi 22 février 2014
Qui est derrière la commission d'enquête sur les droits de l'homme en Corée du Nord ?
oute personne s'intéressant à la péninsule coréenne et suivant un peu les médias occidentaux a forcément entendu parler ces derniers jours de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), créée par une résolution du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en date du 21 mars 2013. Rendues publiques le 17 février 2014, les conclusions de la commission sont accablantes pour la RPD de Corée, puisque le rapport appelle à la comparution des dirigeants nord-coréens devant la Cour pénale internationale (CPI) - une hypothèse toutefois hautement improbable au regard de l'opposition de la Chine, membre du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dès lors, quelle est la finalité réelle de ce rapport qui - comme souvent lorsqu'il s'agit de droits de l'homme en Corée du Nord - est publié opportunément à une période de relative détente dans la péninsule, et avec plus d'un mois d'avance sur le calendrier initialement prévu ? En fait, les travaux de la Commission d'enquête sont très largement la décalque de ceux menés par un collectif d'une quarantaine d'associations, au premier rang desquelles le Comité pour les Droits de l'homme en Corée du Nord (en anglais, Committee for Human Rights in North Korea, HRNK). Les "enquêtes" du HRNK sont largement controversées pour leur manque de fiabilité, le HRNK n'étant pas un organisme juridique présentant les garanties de sérieux et d'indépendance attendues d'un tribunal (même privé), mais bien l'une des multiples émanations de la sphère néo-conservatrice américaine qui, dans la foulée du discours de George W. Bush sur "l'axe du mal", cherche inlassablement l'effondrement des régimes jugés ennemis des Etats-Unis. Ayant travaillé main dans la main avec le HRNK, la Commission d'enquête des Nations Unies en a logiquement épousé les conclusions écrites d'avance, et qui ne nécessitaient donc ni de mener des auditions en face-à-face avec les personnes se disant victimes d'actes commis par les autorités nord-coréennes, ni de conduire une enquête contradictoire avec les autorités nord-coréennes mises en cause - comme l'aurait pourtant fait un organisme juridique incontestable.
Il y a des reconnaissances en paternité qui peuvent être douloureuses. La bruyante satisfaction du HRNK - une association américaine autoproclamée de défense des droits de l'homme en Corée du Nord, en fait un lobby néo-conservateur - de retrouver dans le rapport de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en RPDC ses travaux et ses conclusions est un aveu accablant que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies est, comme son prédécesseur, un instrument du jeu des Etats et des lobbies. Le Conseil s'affirme comme un outil de la puissance américaine, pour justifier dans le cas nord-coréen un régime de sanctions dont les populations sont les premières, sinon les seules, victimes. Car l'argument des droits de l'homme ne sert que dans un seul sens : justifier le recours à tous les moyens, légaux comme illégaux, contre certains Etats dont le principal tort est de ne pas se plier à la volonté américaine, quand d'autres pays - l'Arabie Saoudite, ou hier le Chili de Pinochet - sont opportunément exempts de critiques par les mêmes défenseurs des droits de l'homme. Si le procédé est vieux comme la diplomatie, il est curieux de voir un média tel que le quotidien communiste français L'Humanité faire ainsi la promotion des néo-conservateurs américains sans le moindre travail d'analyse critique de la fiabilité des sources.
Ayant pleinement atteint ses objectifs, le HRNK n'a plus à cacher l'efficacité de son lobbying. Rappelons que l'un des fondateurs du HRNK, en 2001, est Nicholas Eberstadt de l'American Enterprise Institute, le think tank néo-conservateur qui avait inventé la notion d'axe du mal chère à George W. Bush. HRNK est co-dirigé par Suzanne Scholte, nostalgique de Ronald Reagan, membre de plusieurs organisations néo-conservatrices et fondatrice de la Fondation pour le forum de la défense, "ONG" financée jusqu'en 2001 par Donald Rumsfeld. Le premier rapporteur spécial pour la Corée du Nord nommé par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (prédécesseur du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies), désigné en 2004, Vittit Muntarbhorn, est ensuite devenu un membre éminent de HRNK. Et c'est HNRK qui a plaidé pendant des années pour que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies crée la Commission d'enquête pour les droits de l'homme des Nations Unies, dont il a fourni une bonne partie des matériaux ainsi recyclés sans le moindre examen contradictoire de leur valeur probatoire. Le nom même de la commission est quasi-identique à celui de l'ONG, introduisant une confusion intentionnelle sur le caractère officiel que veut se donner ladite ONG.
HNRK est le pivot d'une quarantaine d'associations regroupées dans la Coalition internationale pour stopper les crimes contre l'humanité en Corée du Nord (International Coalition to Stop Crimes against Humanity in North Korea, ICNK). ICNK est très active pour publier de nouvelles "révélations" sur les droits de l'homme en Corée du Nord dès lors qu'un possible dialogue avec la RPD de Corée pourrait conduire à la sortir de son isolement, ce qui est inacceptable pour les militants néo-conservateurs d'ICNK qui ont fait leur le credo de l'axe du mal de George W. Bush. Une des opérations d'ICNK a ainsi eu lieu au printemps 2012, lors de l'alternance politique en France : ICNK a rencontré le Président François Hollande et les responsables socialistes, ainsi que les diplomates proches du Parti socialiste au Quai d'Orsay, tout en publiant à la hâte deux livres chocs sur les droits de l'homme en Corée du Nord dont la promotion a été particulièrement appuyée dans notre pays : Rescapé du camp 14 : De l'enfer nord-coréen à la liberté et Corée du Nord : neuf ans pour fuir l'enfer. L'objectif était de faire oublier le succès d'image pour la RPD de Corée qu'avait été la représentation de l'orchestre Unhasu en France, et aussi de prévenir toute éventuelle sympathie du Gouvernement socialiste pour la Corée du Nord après le changement de cap en 1981, au lendemain de l'élection de François Mitterrand, comme le Gouvernement sud-coréen en avait exprimé la crainte.
Revenant sur les graves lacunes scientifiques des conditions dans lesquelles a été menée l'enquête, et notamment sur le témoignage douteux de Shin Dong-hyuk dans Rescapé du camp 14 que la commission onusienne s'est contenté de reprendre tel quel dans la droite ligne des militants de ICNK et de HNRK, Konstantin Asmolov, chercheur russe au Centre d'études coréennes à l'Institut des études d'Extrême-Orient, formule les observations suivantes :
Qui est derrière la commission d'enquête sur les droits de l'homme en Corée du Nord ?
oute personne s'intéressant à la péninsule coréenne et suivant un peu les médias occidentaux a forcément entendu parler ces derniers jours de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), créée par une résolution du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies en date du 21 mars 2013. Rendues publiques le 17 février 2014, les conclusions de la commission sont accablantes pour la RPD de Corée, puisque le rapport appelle à la comparution des dirigeants nord-coréens devant la Cour pénale internationale (CPI) - une hypothèse toutefois hautement improbable au regard de l'opposition de la Chine, membre du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dès lors, quelle est la finalité réelle de ce rapport qui - comme souvent lorsqu'il s'agit de droits de l'homme en Corée du Nord - est publié opportunément à une période de relative détente dans la péninsule, et avec plus d'un mois d'avance sur le calendrier initialement prévu ? En fait, les travaux de la Commission d'enquête sont très largement la décalque de ceux menés par un collectif d'une quarantaine d'associations, au premier rang desquelles le Comité pour les Droits de l'homme en Corée du Nord (en anglais, Committee for Human Rights in North Korea, HRNK). Les "enquêtes" du HRNK sont largement controversées pour leur manque de fiabilité, le HRNK n'étant pas un organisme juridique présentant les garanties de sérieux et d'indépendance attendues d'un tribunal (même privé), mais bien l'une des multiples émanations de la sphère néo-conservatrice américaine qui, dans la foulée du discours de George W. Bush sur "l'axe du mal", cherche inlassablement l'effondrement des régimes jugés ennemis des Etats-Unis. Ayant travaillé main dans la main avec le HRNK, la Commission d'enquête des Nations Unies en a logiquement épousé les conclusions écrites d'avance, et qui ne nécessitaient donc ni de mener des auditions en face-à-face avec les personnes se disant victimes d'actes commis par les autorités nord-coréennes, ni de conduire une enquête contradictoire avec les autorités nord-coréennes mises en cause - comme l'aurait pourtant fait un organisme juridique incontestable.
Il y a des reconnaissances en paternité qui peuvent être douloureuses. La bruyante satisfaction du HRNK - une association américaine autoproclamée de défense des droits de l'homme en Corée du Nord, en fait un lobby néo-conservateur - de retrouver dans le rapport de la Commission d'enquête sur les droits de l'homme en RPDC ses travaux et ses conclusions est un aveu accablant que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies est, comme son prédécesseur, un instrument du jeu des Etats et des lobbies. Le Conseil s'affirme comme un outil de la puissance américaine, pour justifier dans le cas nord-coréen un régime de sanctions dont les populations sont les premières, sinon les seules, victimes. Car l'argument des droits de l'homme ne sert que dans un seul sens : justifier le recours à tous les moyens, légaux comme illégaux, contre certains Etats dont le principal tort est de ne pas se plier à la volonté américaine, quand d'autres pays - l'Arabie Saoudite, ou hier le Chili de Pinochet - sont opportunément exempts de critiques par les mêmes défenseurs des droits de l'homme. Si le procédé est vieux comme la diplomatie, il est curieux de voir un média tel que le quotidien communiste français L'Humanité faire ainsi la promotion des néo-conservateurs américains sans le moindre travail d'analyse critique de la fiabilité des sources.
Ayant pleinement atteint ses objectifs, le HRNK n'a plus à cacher l'efficacité de son lobbying. Rappelons que l'un des fondateurs du HRNK, en 2001, est Nicholas Eberstadt de l'American Enterprise Institute, le think tank néo-conservateur qui avait inventé la notion d'axe du mal chère à George W. Bush. HRNK est co-dirigé par Suzanne Scholte, nostalgique de Ronald Reagan, membre de plusieurs organisations néo-conservatrices et fondatrice de la Fondation pour le forum de la défense, "ONG" financée jusqu'en 2001 par Donald Rumsfeld. Le premier rapporteur spécial pour la Corée du Nord nommé par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (prédécesseur du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies), désigné en 2004, Vittit Muntarbhorn, est ensuite devenu un membre éminent de HRNK. Et c'est HNRK qui a plaidé pendant des années pour que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies crée la Commission d'enquête pour les droits de l'homme des Nations Unies, dont il a fourni une bonne partie des matériaux ainsi recyclés sans le moindre examen contradictoire de leur valeur probatoire. Le nom même de la commission est quasi-identique à celui de l'ONG, introduisant une confusion intentionnelle sur le caractère officiel que veut se donner ladite ONG.
HNRK est le pivot d'une quarantaine d'associations regroupées dans la Coalition internationale pour stopper les crimes contre l'humanité en Corée du Nord (International Coalition to Stop Crimes against Humanity in North Korea, ICNK). ICNK est très active pour publier de nouvelles "révélations" sur les droits de l'homme en Corée du Nord dès lors qu'un possible dialogue avec la RPD de Corée pourrait conduire à la sortir de son isolement, ce qui est inacceptable pour les militants néo-conservateurs d'ICNK qui ont fait leur le credo de l'axe du mal de George W. Bush. Une des opérations d'ICNK a ainsi eu lieu au printemps 2012, lors de l'alternance politique en France : ICNK a rencontré le Président François Hollande et les responsables socialistes, ainsi que les diplomates proches du Parti socialiste au Quai d'Orsay, tout en publiant à la hâte deux livres chocs sur les droits de l'homme en Corée du Nord dont la promotion a été particulièrement appuyée dans notre pays : Rescapé du camp 14 : De l'enfer nord-coréen à la liberté et Corée du Nord : neuf ans pour fuir l'enfer. L'objectif était de faire oublier le succès d'image pour la RPD de Corée qu'avait été la représentation de l'orchestre Unhasu en France, et aussi de prévenir toute éventuelle sympathie du Gouvernement socialiste pour la Corée du Nord après le changement de cap en 1981, au lendemain de l'élection de François Mitterrand, comme le Gouvernement sud-coréen en avait exprimé la crainte.
Revenant sur les graves lacunes scientifiques des conditions dans lesquelles a été menée l'enquête, et notamment sur le témoignage douteux de Shin Dong-hyuk dans Rescapé du camp 14 que la commission onusienne s'est contenté de reprendre tel quel dans la droite ligne des militants de ICNK et de HNRK, Konstantin Asmolov, chercheur russe au Centre d'études coréennes à l'Institut des études d'Extrême-Orient, formule les observations suivantes :
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