Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Syrie : Témoignage du général Ahmed Tlass sur le système et la répression

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Syrie : Témoignage du général Ahmed Tlass sur le système et la répression

    BLOG LE MONDE :

    29 mars 2014

    Syrie : Témoignage du général Ahmed Tlass sur le système et la répression (1/4)


    Né en 1961, originaire de la petit ville de Rastan, entre Homs et Hama, le général Ahmed Tlass est diplômé de l'Académie de Police et docteur en Sciences politiques. Après plus de 20 ans à la direction de la Section financière de la Police du gouvernorat de Hama, il a été nommé, en 2008, directeur du Bureau des contrats au Ministère de l'Intérieur, à Damas. Il occupait encore ce poste lorsqu'il a décidé, le 27 juillet 2012, de prendre ses distances avec un pouvoir dont il ne parvenait plus à accepter les agissements. Il est aujourd'hui réfugié à Amman, en Jordanie, où ses confidences ont été recueillies par François Burgat, chercheur CNRS à l'Institut de Recherches et d'Etudes sur le Monde Arabe et Musulman et et directeur deWAFAW (When Authoritarianism Fails in the Arab World), un programme soutenu et financé par le Conseil Européen de la Recherche.



    Émanant d'un officier supérieur de la Police en fonction au début des événements en Syrie, le témoignage du général Ahmed Tlass revêt une importance particulière. Il montre en effet comment, dès le début du soulèvement populaire, les membres d'une cellule placée sous l'autorité du chef de l'Etat en personne ont délibérément cherché à provoquer l'escalade de la violence. Situés hors hiérarchie, ils ont ordonné de tirer pour tuer. Ils ont organisé des attentats spectaculaires pour prévenir le ralliement des minorités et des hésitants à la contestation. Ils ont manipulé l'information pour dissuader les puissances extérieures de soutenir les révolutionnaires.

    Ses propos confirment donc ce qui est devenu une évidence depuis le discours "historique" prononcé le 30 mars 2011 devant une Assemblée du Peuple hystérique : Bachar al-Assad est un menteur et un criminel. Des tirs à balles réelles sur les manifestants aux bombardements aveugles des agglomérations, en passant par les massacres de villageois en bordure du "pays alaouite" et l'assassinat sous la torture ou par la faim de milliers de détenus, la stratégie de mort appliquée en Syrie est la sienne. Les Syriens l'ont bien compris, qui réclament son renversement et sa mise en jugement devant un tribunal syrien ou une Cour pénale internationale.


    ===

    Je suis le général Ahmed Tlass. Je suis originaire de Rastan, une petite ville sur les rives de l'Oronte, où j'ai longtemps habité et où j'ai vu les manifestations commencer. J'ai également assisté à Hama à la montée de la contestation. J'ai dirigé, au Ministère de l'Intérieur, le Bureau des Contrats. Avant de faire défection, je me suis évidemment tenu informé du déroulement des événements dans les différentes villes au jour le jour, et en particulier à Homs, proche de ma ville natale.

    A mon poste, au Ministère de l'Intérieur, j'avais plus d'une vingtaine d'hommes sous mes ordres. Par ce bureau passaient la totalité des contrats concernant les différents ministères. J'avais donc directement affaire à plus de la moitié des membres du gouvernement. J'étudiais les contrats, je les signais et j'en suivais la réalisation. J'ai travaillé principalement avec les Russes, les Iraniens et les Coréens. J'ai eu des interlocuteurs dans des sociétés françaises et allemandes mais sans que les choses aboutissent. Je ne m'étendrai pas ici, parce que ce n'en est pas le lieu, sur les innombrables formes de sollicitations et de tentatives de corruption auxquels mes hommes et moi-même étions confrontés. Elles provenaient de personnalités à l'intérieur comme à l'extérieur de Syrie, parfois travaillant au Palais présidentiel, et elles pouvaient prendre des formes diverses : de l'argent, des téléphones mobiles, et même des voitures…

    Je m'exprimerai ici en tant que citoyen. J'ai vécu les événements dont je vais parler, à la fois avec ma perception de simple Syrien et ma conscience d'officier. J'indiquerai ce j'ai vu, pour avoir observé dans le cadre de mes fonctions les faits que je vais maintenant mentionner.

    Ce qu'on désigne comme "l'explosion du 15 mars 2011", avait en réalité débuté en Syrie plusieurs années auparavant. Au cours des mois précédant la révolution, des écrits - des tracts et des graffitis - avaient fait leur apparition, distribués ou tracés sur les murs, un peu partout dans Damas et jusque sur l'enceinte du ministère de l'Intérieur. Il n'y était pas question de renverser le régime. Ils demandaient seulement du pouvoir la mise en œuvre de véritables réformes et ils réclamaient les droits et les libertés dont les gens s'estimaient privés. Il y avait chez nous, depuis longtemps, des jeunes et des étudiants, entre 18 et 30 ans, qui souffraient du chômage. Ils étaient de ce fait dans l'impossibilité de fonder un foyer. Il y avait aussi chez nous, depuis longtemps, une grande quantité de détenus. Il ne s'agissait pas de criminels mais d'opposants. Leurs proches ne comprenaient pas pourquoi ils avaient été arrêtés et ils en réclamaient la libération.

    Certains membres des Services de renseignements pensaient qu'il fallait laisser ces demandes s'exprimer de manière à faire baisser les tensions. Ils n'étaient pas toujours étrangers d'ailleurs à cette multiplication de tracts et d'affiches... D'autres estimaient qu'il fallait au contraire mettre un terme au plus vite à un mouvement susceptible de s'étendre et de se radicaliser. De fait, des jeunes ont été arrêtés. Pas des individus pris en flagrant délit, mais des activistes dénoncés par des informateurs. Il en a été de même dans les autres villes.

    Au milieu du mois de décembre 2010, les écrits de ce genre se sont multipliés. A Damas, mais aussi à Homs et dans le reste du pays, des tracts listant les revendications ont été apposés sur les murs des écoles, des magasins, des mosquées… Des manifestations spontanées se sont déroulées en plusieurs endroits.

    Au début de 2011, des gens se sont rassemblés sur la Place Merjeh, près du Ministère de l'Intérieur, pour réclamer leurs détenus. Des officiers sont sortis pour leur parler et les entendre. Je n'étais pas avec eux. Mais, à ce qu'on m'a dit, ils ont parlé correctement avec les manifestants, auxquels ils ont poliment demandé de se disperser. Les officiers leur ont fait des promesses… qui n'ont pas été tenues, mais qui, durant un moment, ont apaisé leur rancœur. La manifestation s'est donc dispersée dans le calme au terme de la discussion.

    Le 17 février, suite à l'arrestation musclée d'un jeune homme dans le quartier de Hariqa, les commerçants et leurs clients se sont attroupés à l'entrée des souks. Ils ont profité de l'occasion pour crier ce qu'ils refoulaient en silence depuis longtemps et qu'ils n'avaient jamais eu jusqu'alors le courage ou l'occasion d'exprimer. Saïd Sammour, qui était ministre de l'Intérieur, s'est rendu sur les lieux. Bien que moins habile que son prédécesseur, Bassam Abdel-Majid, il est parvenu à circonscrire le mouvement de protestation avant qu'il dégénère. L'affaire s'est close sans violence. Elle a rapidement disparu des médias.

    La situation s'est compliquée avec les événements de Daraa. La mort de jeunes gens puis celle d'étudiants en médecine tués de nuit, par balles ou à coups de gourdins, dans l'enceinte de la cité universitaire de la capitale, ont provoqué une réprobation populaire et une colère générale dans l'ensemble du pays. Mais qui avait donné l'ordre aux responsables de ces meurtres d'intervenir comme ils l'avaient fait ?

    Je dois dire ici quelques mots sur les mécanismes de la prise de décision en Syrie. Tout le monde a entendu parler de la Cellule de Gestion de Crise, créée au début du soulèvement et placée sous l'autorité formelle du secrétaire régional adjoint du Parti Baath. Tout le monde sait également en Syrie que le Ministère de la Défense élabore régulièrement des plans destinés à assurer la protection du pays en cas d'agression. Ce que personne ne sait en revanche, c'est qu'il existe une autre instance de décision. Elle n'a pas d'existence officielle. Elle n'inclut ni le ministre de l'Intérieur, ni celui de la Défense. Elle n'agit jamais au grand jour. Mais c'est elle qui détient dans l'ombre la réalité de la décision. C'est elle, et non la Cellule de Gestion de Crise, qui définit la stratégie à suivre. Elle est composée d'officiers appartenant à différents services, choisis un à un, nominativement, qui sont spécialement affectés à cette tâche et qui travaillent au Palais présidentiel. Cette commission, si on peut l'appeler ainsi puisqu'elle n'a même pas de nom, est présidée par Bachar al-Assad en personne. Et c'est son avis qui y prévaut. Quand il n'y a pas d'urgence, ses membres profitent de leur situation et des privilèges qui y sont attachés pour organiser à leur convenance leur vie et leurs loisirs… Vous m'aurez compris.

    SUITE CI-DESSOUS :
    Dernière modification par choucha, 31 mars 2014, 22h00.

  • #2
    BLOG LE MONDE :

    30 mars 2014

    Syrie : Témoignage du général Ahmed Tlass sur le système et la répression (2/4)


    Au printemps 2011, il aurait été possible de contenir le mouvement de protestation qui se développait dans le pays. Mais il aurait fallu pour ce faire entendre ce que réclamaient les manifestants, à Daraa, à Homs, à Hama… Il aurait fallu leur fournir des réponses raisonnables et leur laisser espérer une solution à leurs problèmes. Au lieu de cela, on a usé à leur égard d'une violence que leur comportement ne justifiait pas.

    A Homs, c'est le général Mounir Adanov, chef d'état-major adjoint, et un général prénommé Ali, un sous-directeur de la Sécurité militaire dont le nom m'échappe présentement, qui avaient été chargés de rétablir l'ordre. Mais certains officiers alaouites radicaux - je m'excuse de devoir parler de cette manière que je réprouve pour les autres et pour moi-même - "voulaient du sang"… Les premiers avaient donné pour instruction de n'ouvrir le feu que sur ordre express de leur part. Les seconds se sont alors adressés au directeur local de la Police, le général Hamid Mer'ei. Il a refusé de leur donner une autorisation qui n'était pas entre ses mains. J'ajoute aussitôt que, pour avoir refusé de donner l'ordre de tirer sur les manifestants, le général Adanov et l'autre général ont tous deux été ultérieurement limogés pour "problèmes de santé". Les "extrémistes" avaient eu leur peau et ils s'en sont vantés en public...

    Le général Ali Habib, ministre de la Défense en titre, qui avait refusé de donner l'ordre à l'armée d'entrer à Hama après s'être opposé à son entrée dans Daraa, a connu le même sort, pour la même raison. On l'a dit "malade". Je l'ai revu ensuite. Il se portait comme un charme... Tous les autres tenants d'une stratégie modérée au sein du pouvoir ont progressivement été marginalisés. Je pourrais citer à ce propos le général Manaf Tlass, mais je préfère ne rien en dire parce que nous sommes parents. En revanche, les "radicaux" avides de se battre et de tuer, sont tous restés en place.

    Pour illustrer mon propos, voici comment les choses se sont déroulées à Hama. Les habitants de cette ville sont des gens paisibles et sympathiques. Je le sais pour y avoir vécu et travaillé durant de longues années. Ils avaient refusé, comme les habitants de Homs et des autres agglomérations, de recourir aux armes. Des trafiquants et des commerçants, dont je connais les noms mais que que je ne souhaite pas nommer ici, leur en ont proposées au prix qui leur convenait. Ils les ont refusées. Ils voulaient résister par la parole et non par la violence. Ils avaient des droits et ils étaient porteurs de revendications qu'ils voulaient faire entendre et qui ne pouvaient s'exprimer dans une confrontation armée. Ils étaient prêts à supporter les conséquences de leur choix. Le 1er juillet 2011, le jour de l'immense rassemblement auquel ont participé peut-être un demi-million de personnes, ils ont déployé un immense drapeau syrien. Ils ont aussi dressé une potence destinée au "criminel" Bachar al-Assad, qu'ils ont ensuite démontée.

    J'étais présent ce jour-là sur la terrasse du siège local du Parti Baath, en compagnie des responsables politiques, administratifs, militaires et sécuritaires de la ville. Il y avait là le gouverneur Ahmed Abdel-Aziz, un homme très respectable, le commandant de la Police, le général Mahmoud Sa'oudi, le chef de la Sécurité militaire, Mohammed Muflih, et le secrétaire de la section du Baath. Les hommes chargés d'assurer la sécurité étaient massés en bas, dans le même bâtiment. Ils observaient la manifestation. Le gouverneur avait formellement interdit d'ouvrir le feu. Toutes les manifestations précédentes s'étaient déroulées dans le calme. Mieux encore, au terme des démonstrations, des jeunes gens étaient revenus sur les lieux avec des balais pour procéder au nettoyage des rues empruntées.

    La manifestation est donc passée devant nous sans aucun dérapage. Aucun des manifestants n'était armé. Mais, alors que la foule était parvenue sur la Place de l'Oronte, à près de 300 mètres de l'endroit où je me trouvais, des coups de feu ont éclaté. Ils provenaient, selon une enquête de la Police à laquelle j'ai eu accès, d'une vingtaine d'éléments, 22 exactement de la Sécurité militaire, auxquels s'était joint un membre de la Sécurité d'Etat. Tous adjudants chefs et tous kurdes alaouites, ils avaient été acheminés d'Al-Yaroubieh, puis répartis et dissimulés en plusieurs endroits. Mohammed Mouflih comme moi-même avons été surpris et furieux de cette intervention injustifiée. Elle contrevenait à toutes les consignes et elle s'est soldée par des dizaines de morts ! Puisqu'aucun de nous ne l'avait autorisée, qui avait donné à ces hommes l'ordre d'intervenir ?

    Il existe en Syrie, je l'ai déjà dit, un état au cœur de l'Etat. Un état au cœur d'un Etat déjà sécuritaire… d'où proviennent des ordres adressés à certains éléments en particulier, sans respecter les hiérarchies mais en les court-circuitant. Autrement dit, ce ne sont pas toujours les chefs des militaires et des membres des Services de sécurité déployés sur les lieux qui sont à l'origine des ordres de tirer pour tuer auxquels obéissent les hommes placés en principe sous leur autorité ! Ainsi, lors d'une autre manifestation à Hama, un homme a été repéré alors que, posté au faîte d'un château d'eau, il tirait sur les gens. Des jeunes gens courageux sont montés jusqu'à lui. Ils l'ont capturé et livré à la Sécurité militaire. On a alors découvert qu'il appartenait à ce même service. Il a affirmé avoir reçu directement l'ordre d'agir comme il l'avait fait.

    Quoi qu'il en soit, les 23 hommes dont j'ai parlé plus haut ont été transférés ailleurs sans qu'une véritable enquête ait été menée et, surtout, qu'ils aient été condamnés pour ce qu'ils avaient fait.

    SUITE CI-DESSOUS :
    Dernière modification par choucha, 31 mars 2014, 22h00.

    Commentaire


    • #3
      BLOG LE MONDE :

      31 mars 2014

      Syrie : Témoignage du général Ahmed Tlass sur le système et la répression (3/4)


      Il s'était produit exactement la même chose à Homs, provoquant la mort d'un grand nombre de citoyens pacifiques dans des conditions identiques.

      Des jeunes s'étaient rassemblés, le 18 avril, pour un sit-in au centre de la ville, au pied de la vieille horloge. Tous les responsables concernés par la sécurité se trouvaient à la Direction de la Police, à proximité immédiate. Des émissaires sont allés négocier avec ceux qui occupaient les lieux pour les convaincre d'évacuer la place. Ils étaient quelques milliers, entre 5 000 et 10 000 peut-être. Ils ont refusé de partir. Vers le milieu de la nuit, nous avons tenu une réunion avec le général Mounir Adanov, qui était déjà là, pour décider de ce qu'il y avait lieu de faire. On a de nouveau demandé aux jeunes de quitter la place en empruntant les rues qu'ils voulaient. Mais, alors que les discussions se poursuivaient, des agents des moukhabarat jawiyeh - le Service de sécurité de l'Armée de l'Air - qui avaient été dépêchés depuis Damas pour "disperser des voyous", ont commencé à mitrailler la foule. Ils ont fait des dizaines de morts. Ils obéissaient à l'ordre de tirer à vue qui leur avait été donné par de hauts responsables sécuritaires. Il s'agit encore une fois de ces officiers invisibles aux regards, mais suffisamment puissants pour donner directement des instructions à des éléments à leur dévotion. Certains de ces éléments sont des agents des différents Services de renseignements. Mais ils peuvent être aussi des fonctionnaires d'autres ministères, comme celui de l'Education. Il s'agit ni plus ni moins, comme je l'ai déjà dit, d'un état dans l'Etat.

      Les membres de cette "commission" interviennent dans tous les domaines. En voici un exemple. Alors que la contestation en était à son quatrième mois, le Ministère de l'Intérieur s'est mis en quête de matériels spécifiques de maintien de l'ordre. La rue s'enflammait, mais les morts étaient alors encore peu nombreux. Nous recherchions des moyens adaptés aux circonstances. Nous avons entamé des discussions avec les Turcs qui ont accepté de nous vendre des boucliers de plastique, des casques en métal, des matraques… pour la police et les forces de sécurité. Mais, alors que l'affaire était bouclée et que nous nous étions entendus avec la délégation qu'ils nous avaient dépêchée sur les matériels, les quantités et les prix, et alors qu'il ne restait plus que les signatures à apposer au bas des contrats, j'ai reçu un ordre en provenance du Palais présidentiel. Il m'enjoignait d'abandonner ce projet, de laisser tomber les Turcs et d'acquérir ces matériels auprès des Iraniens. En fait, on n'avait jamais eu l'intention en haut lieu de traiter avec le gouvernement turc.

      J'ai donc demandé un rendez-vous à l'Ambassade d'Iran à Damas, que j'ai aussitôt obtenu. Composée d'une douzaine d'experts, la délégation que je conduisais a été accueillie par l'ambassadeur en personne. On s'est immédiatement réuni avec l'ensemble du personnel de l'ambassade, des conseillers politiques aux attachés militaires et culturels. Avant qu'on ait eu le temps de leur exposer le motif de notre visite, ils nous ont affirmé qu'ils étaient ouverts à toutes nos demandes et prêts à satisfaire nos besoins en matériels, en qualité et en quantité, dans les meilleurs délais. Rien n'était plus facile. La fabrication serait rapide, puisque toutes les usines d'armement de leur pays, dont ils nous ont exposé en détail ce qu'elles produisaient, appartenaient à l'Etat. Leur acheminement serait immédiat, puisque chaque jour deux avions de pèlerins arrivaient à Damas en provenance d'Iran... Nous leur avons expliqué que n'avions besoin que de matériels protecteurs ou défensifs. Nous ne recherchions pas d'armes létales.

      L'ambassadeur, qui portait l'habit des religieux chiites et qui s'exprimait avec une grande autorité nous a déclaré : "Vous pouvez me demander tout ce que vous voulez. Si vous souhaitez qu'Ahmadi Nejad en personne vienne en visite en Syrie, dites-le moi. Il sera ici le jour suivant". Nous avons été surpris de constater qu'il avait une connaissance de ce qui se passait dans chaque coin et recoin du pays, au moins aussi précise et détaillée que la nôtre. Il a reconnu avoir des contacts au Palais avec Bouthayna Chaaban. Surtout, parlant au nom de son président, il avait une capacité de décision peu ordinaire chez un ambassadeur dans ce genre de domaine. Je n'avais jamais vu cela, même chez les Russes. Il a voulu nous offrir des cadeaux. J'ai refusé. Il a insisté. J'ai continué de refuser. Il nous a alors proposé de prendre une collation avant de repartir. J'ai accepté. Pendant que nous étions à table, une jeune femme est entrée sans frapper. Elle ne portait pas le tchador, le voile habituel des femmes iraniennes. Elle a fait un tour dans la pièce et, après un échange de regards avec l'ambassadeur face à qui j'étais assis, elle est sortie sans avoir dit un mot. J'ai compris ultérieurement le message que l'ambassadeur avait voulu nous faire passer : "Vous refusez mes cadeaux. Soit. Mais refuserez-vous tout ce que je peux vous offrir ?"

      SUITE CI-DESSOUS :
      Dernière modification par choucha, 01 avril 2014, 23h42.

      Commentaire


      • #4
        BLOG LE MONDE :

        31 mars 2014

        Syrie : Témoignage du général Ahmed Tlass sur le système et la répression (4/4)


        Je dois dire maintenant quelques mots des attentats aveugles qui se sont produits dans Damas à la fin de l'année 2011 et au début de l'année 2012. Je peux vous affirmer que toutes ces opérations spectaculaires ont été le fait du régime. Et si ce n'est pas toutes, c'est quasiment toutes. Vous pouvez tenir cela pour un renseignement sûr et recoupé. Quoi qu'il en soit, je ne parlerai ici que des attentats sur lesquels j'ai obtenu des renseignements de première main, transmis par des officiers ayant procédé aux enquêtes. Je ne parle pas d'officiers ordinaires, mais de membres de la cellule secrète que j'ai précédemment plusieurs fois évoquée.

        Le premier attentat s'est déroulé le 23 décembre 2011, devant le siège de la Sécurité d'Etat à Kafr Sousseh. D'autres ont suivi, le 17 mars 2012, devant le siège du Service de renseignements de l'armée de l'air, les moukhabarat jawwiyeh, et devant celui de la Sécurité criminelle...


        Siège des moukhabarat jawwiyeh après l'attentat du 17 mars 2012

        S'agissant de l'attentat contre le Service de renseignements de l'armée de l'air, il faut préciser d'emblée que le bâtiment était vide. Il était gardé, mais, dans la perspective de l'attaque, il avait été vidé de son mobilier et ses occupants évacués. Comme les caméras de surveillance l'attestent, le minibus qui a sauté devant son mur d'enceinte était resté parqué deux jours près du lieu où il a ensuite explosé… La télévision a présenté les cadavres de 25 victimes. Deux ou trois d'entre elles au plus avaient été tuées dans l'attentat. Elles passaient malheureusement par là. Certains habitants du quartier chrétien voisin - Qasaa - ont été traumatisés par le bruit de l'explosion. D'autres ont été blessés par des éclats de verre. Mais aucun d'entre eux n'a été tué. A peine le ministre de l'Intérieur était-il parvenu sur les lieux avec les chefs des divers Services de renseignements qu'il s'est enquis des pertes que les chrétiens avaient subi. Quand il a entendu qu'aucun membre de cette communauté n'avait péri dans l'explosion, il s'est écrié : "Comment, il n'y a pas de chrétiens parmi les victimes ! Ce n'est pas possible qu'aucun d'entre eux ne soit mort"… comme si, de fait, l'opération avait échoué puisque son objectif était de terroriser cette communauté en frappant certains de ses membres !

        L'un des attentats du 23 décembre précédent avait pris pour cible le siège de ce qu'on appelle Far' al-Mintaqa de la Sécurité d'Etat (Renseignements généraux). Quelques minutes après l'explosion, le général Rustom Ghazaleh, directeur de cette branche, était déjà sur place. Les médias officiels ont affirmé que l'opération avait fait 45 morts, ce qui est un record. Mais je puis vous assurer que la majorité des personnes censées avoir trouvé la mort à cette occasion étaient en réalité décédées ailleurs et autrement. L'opération a été menée un vendredi matin. L'explosion s'est produite à une heure où, hormis quelques piétons, il n'y a personne dans la rue. Il y avait uniquement devant le bâtiment deux ou trois agents de faction. Contrairement aux jours de semaine, il n'y a pas, le vendredi, de rassemblements de proches de détenus venus pour des formalités ou pour solliciter qui un document officiel, qui une libération anticipée, qui un droit de visite, etc. Seul le mur d'enceinte du Service en question a donc été affecté et partiellement détruit. Il ne fait aucun doute que cette affaire-là aussi a été montée par le régime.Certains officiers des Services de renseignements disent même en privé leur conviction que l'ordre de mener de telles opérations provient de Bachar al-Assad en personne.

        D'où venaient alors les cadavres ? Ils avaient tout bonnement été amenés sur les lieux. L'un de mes amis m'a raconté qu'un commerçant de sa connaissance, à Homs, est propriétaire d'un camion réfrigéré. Il lui sert au transport des fruits et légumes. Les moukhabarat sont allés le trouver et lui ont ordonné de les suivre avec son véhicule. Ils se sont rendus à l'Hôpital militaire de la ville qui fait face à l'Académie militaire appelée Ecole de Guerre. Il a garé son camion à l'intérieur de l'hôpital et on l'a prié d'attendre. Ils ont ouvert le camion et y ont entassé des cadavres. Puis ils lui ont dit de prendre la route pour Damas où ils l'ont escorté et où les cadavres ont été débarqués. Le jour suivant, les attentats ont débuté, montrant des corps en décomposition...

        Un ami officier m'a dit : "A 80 % nous ne sommes pas avec Bachar al-Assad. Tout le monde sait que le père de Rami Makhlouf était pauvre et regarde ce qu'il possède aujourd'hui. Nous n'avons rien à voir avec les meurtres, les viols, les vols qui se passent aujourd'hui… Mais que pouvons-nous y faire ?"

        Tous les jeunes en Syrie peuvent être arrêtés. Même les fils d'officiers ne sont pas en sécurité. Ils peuvent être arrêtés comme les autres, parfois aux postes de contrôle qui protègent et séparent les différents quartiers, parfois à leur domicile. Puis, après quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, ils sont rendus à leurs proches sous forme de cadavres. Les moukhabarat ne respectent aucune loi lorsqu'ils perquisitionnent les maisons et procèdent à des arrestations. Or quels crimes ces jeunes avaient-ils commis ? Ils manifestaient simplement de façon pacifique. Ils réclamaient uniquement plus de liberté et de dignité...
        Dernière modification par choucha, 01 avril 2014, 23h40.

        Commentaire


        • #5
          Je dois dire maintenant quelques mots des attentats aveugles qui se sont produits dans Damas à la fin de l'année 2011 et au début de l'année 2012. Je peux vous affirmer que toutes ces opérations spectaculaires ont été le fait du régime. Et si ce n'est pas toutes, c'est quasiment toutes. Vous pouvez tenir cela pour un renseignement sûr et recoupé
          On te croit sur parole général ! Les Terroristes des 4 coins du monde ne font rien en Syrie, ils sont allés faire du tourisme là-bas !

          Commentaire

          Chargement...
          X