Le musée du Bardo, la plage de Sousse, deux attentats et une soixantaine de morts en l'espace de trois mois. Comment "l'exception tunisienne", le "modèle de la région", a-t-elle pu devenir un pays en proie au terrorisme?
Pas de leader et pas de vision
Huit jour après le carnage, et alors que les Tunisiens encore sous le choc avaient besoin d'un discours à la fois rassurant pour la population et ferme envers les terroristes, le président a préféré déclarer qu'il manquait une seule attaque à ces derniers pour atteindre leur objectif. "Si l'attentat de Sousse venait à se répéter, l'Etat s'écroulera", dixit Béji Caied Essebsi, samedi 4 juillet dans son discours à la nation annonçant l'Etat d'urgence. Cette phrase, surprenante dans la bouche d'un président de la République, résume à elle seule l'état de fébrilité des dirigeants du pays.
La "guerre contre le terrorisme", la Tunisie l'entame sans véritable chef. A 88 ans, Béji Caïd Essebsi ne peut pas endosser ce rôle. Habib Essid ne semble pas en avoir l'étoffe non plus. En réalité, la Tunisie n'a pas de leaders. Elle subit depuis quatre ans l'amateurisme d'une classe politique sans vision, et d'une élite égocentrique dont le souci premier demeure son propre confort.
Ce n'est pas (toujours) la faute des autres
La Libye constitue une réelle menace pour la Tunisie puisqu'il s'agit de la principale entrée d'armes depuis 2011. C'est fait incontestable. Ceux qui ont frappé la Tunisie, ce sont ses propres enfants. C'est un fait incontestable également.
C'est vrai qu'il est bien plus confortable de jeter la faute sur les autres, mais il est temps de se rendre à l'évidence et de poser les questions qui dérangent: Pourquoi la Tunisie envoie le plus grand contingent de jihadistes en Irak et en Syrie depuis 3 ans? Pourquoi l'espoir d'un avenir meilleur s'était-il transformé, chez une frange de la jeunesse tunisienne, en une insurrection jihadiste? Pourquoi cette "exception tunisienne" est-elle devenue une des cibles prioritaires des terroristes?
Affaiblissement de l'appareil sécuritaire après la révolution de 2011, amnistie générale permettant la libération d'extrémistes, laxisme envers les plus radicaux sous la gouvernance de la troïka, jeunesse désemparée, marginalisation de certaines zones, phénomène de radicalisation international... les raisons sont multiples et complexes. Alors oui, la Libye pose un problème, mais la Libye n'est pas l'unique problème.
La phase de déni face à la montée du phénomène jihadiste a trop duré. Aujourd'hui, nous devons confronter la réalité en face, aussi amère soit-elle. Ce qui s'est passé à Sousse, ce n'est pas la l'effet du chaos libyen, c'est surtout les conséquences de défaillances sécuritaires, sur lesquels il n'est plus possible de fermer les yeux.
Les dysfonctionnements du ministère de l'Intérieur
Trente minutes pour arriver sur les lieux. Trente longues minutes pour mettre fin au carnage. Cette opération révèle au monde entier les défaillances de l'appareil sécuritaire tunisien.
Ce n'est pas la première fois que l'efficacité du ministère de l'Intérieur est remise en cause. L'assassinat du député Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013 avait déjà été révélateur de l'état peu rassurant des services de renseignements. Depuis, on ne cesse de rassurer quant à son "rétablissement". Visiblement, les dysfonctionnements persistent.
Symbole de la répression sous Ben Ali, l'appareil sécuritaire s'avère moins solide qu'on ne le pensait. C'est à se demander si l'ancien dictateur ne régnait pas avec la peur. A l'exception de quelques unités comme la BAT (Brigade anti-terroriste) dont les interventions sont souvent saluées, les forces de sécurité semblent démunies de moyens, et parfois même de compétences, face à la menace terroriste.
Le ministère dont la réforme aurait dû constituer une priorité post révolutionnaire, a au contraire sombré dans une guerre des clans, aggravant les dysfonctionnements. Entre temps, les opérations terroristes se sont déplacées du maquis aux villes, et les "cellules dormantes" sont passées à l'action.
Et maintenant?
Et maintenant, c'est l'Etat d'urgence qui a été décrété pour un mois renouvelable, face à un "danger imminent pesant sur la sécurité du pays". "Danger imminent", le mot est lâché. Décréter l'Etat d'urgence a au moins permis de mettre fin à l'état de déni.
Mais traversant de grandes difficultés économiques, et manquant de moyens techniques et logistiques efficaces, la Tunisie ne peut pas lutter efficacement contre le terrorisme et ne pourra pas faire face à un phénomène régional qui la dépasse complètement.
L'exception tunisienne, le modèle tunisien, la seule démocratie de la région... tous ces beaux discours remplissant les colonnes des journaux internationaux, et alimentant les interventions aux conférences tenues ici et là ne servent pas à grand chose tant qu'ils ne sont pas accompagnés d'un soutien concret, en termes logistique et financier. Et jusque là, il n'y a eu pratiquement que des promesses.
HUFFPOSTTUNISIE
Pas de leader et pas de vision
Huit jour après le carnage, et alors que les Tunisiens encore sous le choc avaient besoin d'un discours à la fois rassurant pour la population et ferme envers les terroristes, le président a préféré déclarer qu'il manquait une seule attaque à ces derniers pour atteindre leur objectif. "Si l'attentat de Sousse venait à se répéter, l'Etat s'écroulera", dixit Béji Caied Essebsi, samedi 4 juillet dans son discours à la nation annonçant l'Etat d'urgence. Cette phrase, surprenante dans la bouche d'un président de la République, résume à elle seule l'état de fébrilité des dirigeants du pays.
La "guerre contre le terrorisme", la Tunisie l'entame sans véritable chef. A 88 ans, Béji Caïd Essebsi ne peut pas endosser ce rôle. Habib Essid ne semble pas en avoir l'étoffe non plus. En réalité, la Tunisie n'a pas de leaders. Elle subit depuis quatre ans l'amateurisme d'une classe politique sans vision, et d'une élite égocentrique dont le souci premier demeure son propre confort.
Ce n'est pas (toujours) la faute des autres
La Libye constitue une réelle menace pour la Tunisie puisqu'il s'agit de la principale entrée d'armes depuis 2011. C'est fait incontestable. Ceux qui ont frappé la Tunisie, ce sont ses propres enfants. C'est un fait incontestable également.
C'est vrai qu'il est bien plus confortable de jeter la faute sur les autres, mais il est temps de se rendre à l'évidence et de poser les questions qui dérangent: Pourquoi la Tunisie envoie le plus grand contingent de jihadistes en Irak et en Syrie depuis 3 ans? Pourquoi l'espoir d'un avenir meilleur s'était-il transformé, chez une frange de la jeunesse tunisienne, en une insurrection jihadiste? Pourquoi cette "exception tunisienne" est-elle devenue une des cibles prioritaires des terroristes?
Affaiblissement de l'appareil sécuritaire après la révolution de 2011, amnistie générale permettant la libération d'extrémistes, laxisme envers les plus radicaux sous la gouvernance de la troïka, jeunesse désemparée, marginalisation de certaines zones, phénomène de radicalisation international... les raisons sont multiples et complexes. Alors oui, la Libye pose un problème, mais la Libye n'est pas l'unique problème.
La phase de déni face à la montée du phénomène jihadiste a trop duré. Aujourd'hui, nous devons confronter la réalité en face, aussi amère soit-elle. Ce qui s'est passé à Sousse, ce n'est pas la l'effet du chaos libyen, c'est surtout les conséquences de défaillances sécuritaires, sur lesquels il n'est plus possible de fermer les yeux.
Les dysfonctionnements du ministère de l'Intérieur
Trente minutes pour arriver sur les lieux. Trente longues minutes pour mettre fin au carnage. Cette opération révèle au monde entier les défaillances de l'appareil sécuritaire tunisien.
Ce n'est pas la première fois que l'efficacité du ministère de l'Intérieur est remise en cause. L'assassinat du député Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013 avait déjà été révélateur de l'état peu rassurant des services de renseignements. Depuis, on ne cesse de rassurer quant à son "rétablissement". Visiblement, les dysfonctionnements persistent.
Symbole de la répression sous Ben Ali, l'appareil sécuritaire s'avère moins solide qu'on ne le pensait. C'est à se demander si l'ancien dictateur ne régnait pas avec la peur. A l'exception de quelques unités comme la BAT (Brigade anti-terroriste) dont les interventions sont souvent saluées, les forces de sécurité semblent démunies de moyens, et parfois même de compétences, face à la menace terroriste.
Le ministère dont la réforme aurait dû constituer une priorité post révolutionnaire, a au contraire sombré dans une guerre des clans, aggravant les dysfonctionnements. Entre temps, les opérations terroristes se sont déplacées du maquis aux villes, et les "cellules dormantes" sont passées à l'action.
Et maintenant?
Et maintenant, c'est l'Etat d'urgence qui a été décrété pour un mois renouvelable, face à un "danger imminent pesant sur la sécurité du pays". "Danger imminent", le mot est lâché. Décréter l'Etat d'urgence a au moins permis de mettre fin à l'état de déni.
Mais traversant de grandes difficultés économiques, et manquant de moyens techniques et logistiques efficaces, la Tunisie ne peut pas lutter efficacement contre le terrorisme et ne pourra pas faire face à un phénomène régional qui la dépasse complètement.
L'exception tunisienne, le modèle tunisien, la seule démocratie de la région... tous ces beaux discours remplissant les colonnes des journaux internationaux, et alimentant les interventions aux conférences tenues ici et là ne servent pas à grand chose tant qu'ils ne sont pas accompagnés d'un soutien concret, en termes logistique et financier. Et jusque là, il n'y a eu pratiquement que des promesses.
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