par Ghania Oukazi
L'ambassadeur d'Egypte Omar A. Abou Eich a forcé le ton de la diplomatie classique, dans une première interview, parue le 24 mai dernier dans ces mêmes colonnes. Pour cette fois, il veut aussi le faire en tentant de dire la vérité. Ou presque. Surtout quand il convoque l'histoire pour raconter octobre 73 et le rôle de l'armée algérienne qui, affirme-t-il aisément, «était déjà présente dans le Canal de Suez avant la guerre.»
Le Quotidien d'Oran : L'Egypte est en train d'élire un nouveau parlement. Comment jugez-vous la participation des électeurs ?
Omar A. Abou Eich : Il y a eu le 1er tour, les 17 et 18 octobre dernier pour notre communauté à l'étranger et les 18 et 19 du même mois dans les 14 des 26 gouvernorats que compte l'Egypte, et qui incluent Le Caire qui représente, à lui seul, près de 25% de la population égyptienne globale. Le 2ème tour est prévu pour les 22 et 23 novembre prochain, à l'étranger et les 23 et 24 en Egypte, dans les 12 autres gouvernorats. Mais entre-temps, une 2ème phase du 1er tour est prévue les 26 et 27 octobre prochain, à l'étranger et les 27 et 28 en Egypte, pour départager les candidats qui n'ont pas pu se faire élire.
Q.O.: Les analystes affirment que c'est le scrutin qui a le taux de participation le plus faible depuis que l'Egypte organise des élections. Pourriez-vous nous dire pourquoi ?
O. A. Eich : On ne peut juger ce taux dès le 1er tour, il faudra attendre que les élections se terminent pour voir plus clair. Il faut attendre le 2ème tour.
Q.O : L'Egypte est l'un des rares pays, dans le monde, qui organise un scrutin un jour ouvrable. Pourquoi ?
O. A. Eich : L'expérience nous a montré que c'est mieux ainsi, les Egyptiens votent plus quand c'est un jour de travail.
Q.O.: Le taux de participation est d'à peine un peu plus de 20%, les gens doivent quitter leur travail pour aller voter pour des élections parlementaires …
O. A. Eich : Nous avons une seule chambre en Egypte parce qu'à la révision de la Constitution, en 2014, la majorité des Egyptiens a refusé qu'il y ait une 2ème chambre. Le scrutin est pour le 1er tour uninominal et pour le 2ème de liste. C'est pour ça, que je dis, il faut attendre la fin des élections pour en estimer le taux de participation.
Q.O.: D'ores et déjà, beaucoup d'Egyptiens estiment que c'est un parlement sur mesure pour le Président Sissi…
O. A. Eich : L'Egypte a connu des problèmes dans l'après phase transitoire, c'est-à-dire au lendemain de 2011, avec la venue des Frères musulmans. Aujourd'hui, nous voulons réussir l'unité nationale, ce n'est pas le moment des divergences ni des gains politiques, nous nous devons de resserrer nos rangs.
Q.O.: Quatre candidats seulement ont été élus au 1er tour, c'est très peu. Il est, aussi, dit que l'opposition ne participe pas à ce scrutin.
O. A. Eich : Nous devons élire 620 membres pour constituer un nouveau parlement. Nous avons plus de 500 candidats, le choix est très vaste donc difficile à faire. Parmi les candidatures, il y a celles de 5 partis islamistes, précisément des Salafistes qui ne font pas peur à l'Egypte, pas comme les Frères musulmans. Donc l'opposition participe.
L'Egypte compte 90 millions d'habitants dont 8 vivent à l'étranger. D'ici un ou deux ans, nous serons 100 millions. Tout le monde sait ce qui s'est passé pendant les 1res élections présidentielles (après la révolte d'Ettahrir). Le candidat islamiste a eu 51% des voix parce que les Egyptiens avaient pensé qu'il fallait une nouvelle alternative, différente de celle de Moubarek. Mais tous se sont rendus compte de la grosse erreur. Le 30 juin et le 3 juillet 2013, 30 millions d'Egyptiens sont descendus dans les rues pour manifester contre Morsi.
Q.O.: Les Egyptiens ont-ils cherché à avoir un régime militaire comme celui de Sissi ?
O. A. Eich : Les impératifs sécuritaires, la localisation géographique de l'Egypte ont imposé ce caractère militaire de la politique nationale depuis 5.000 ans. Le militaire n'est pas une dictature, Il y a des indicateurs qui montrent que le peuple ne vit pas une dictature. On en veut pour preuve, quand le Président Sissi l'avait appelé pour financer la construction du nouveau Canal de Suez, le peuple égyptien, notamment, les couches moyennes et même défavorisées ont, en 7 jours, réussi à lui donner 9,2 milliards. L'Etat a pu ainsi emprunter très facilement du peuple. A l'époque de Morsi, l'Egypte a négocié pendant 6 mois, un emprunt de 4,2 milliards de dollars, auprès du FMI mais elle ne l'a jamais eu. L'aide du peuple au Président Sissi dénote de sa confiance et de son respect à l'Homme. Pour les Egyptiens, Sissi est un symbole de l'unité nationale parce qu'il a respecté tous les engagements qu'il a pris pour régler les problèmes socio-économiques du pays.
Q. O.: Le taux de pauvreté en Egypte reste pourtant très élevé ?
O. A. Eich : Ce n'est pas simple de transformer en 2 ou 3 ans, un pays aussi vaste. L'Egypte est un carrefour d'intérêts stratégiques, politiques et militaires, ce n'est pas, du tout, simple même s'il y a eu des progrès par rapport aux années précédentes. Avec ça, nous avons enregistré une croissance de 2,25% durant les deux dernières années. Les prévisions du FMI la fixent à 3,2% pour cette année et à 4% en 2016. Avec la découverte du gaz naturel pour une capacité de 30.000 milliards de m³, nous allons pouvoir couvrir les besoins nationaux et exporter. Ce qui va nous permettre de renflouer nos caisses et relancer notre économie.
Q. O.: L'Egypte aura alors fini avec le gaz algérien ?
O. A. Eich : Ce n'est pas terminé, ça marche ensemble. Nous comptons approvisionner l'Europe de l'Est, le Nord de la Méditerranée, quelques pays africains, ceux du Moyen et Proche-Orient comme la Jordanie.
Q. O.: Vous devenez les concurrents directs des Algériens ?
O. A. Eich : Je préfère parler de partenaires.
Q. O.: Par cette nouvelle dimension économique et stratégique, l'Egypte compte-elle reprendre son rôle de leader du monde arabe ?
O. A. Eich : Ce n'est pas le rôle de leader qui est important, surtout quand on sait que tous les Arabes cherchent à l'être, ce qui serait une catastrophe. Le problème est qui peut faire quoi pour le monde arabe. Il y a le problème de la Syrie qui n'est pas résolu et là ce n'est pas Bachar Assad qui inquiète mais l'unité syrienne. Pour la reconstruire, il faut que la résistance syrienne modérée puisse avoir un rôle politique. Pour nous, Assad peut faire partie de la solution et non du problème. Cela ne veut pas dire qu'il peut être là pour toujours.
Q.O.: Est-ce que l'intervention militaire russe sur le sol syrien pourrait participer à la bonne solution de cette crise ?
O. A. Eich : On est pour l'intervention russe en Syrie. Le seul défi pour l'heure est de lutter contre le terrorisme de Daech qui sévit dans ce pays. Il faut le combattre avec tous les moyens.
Q.O.: Ne craignez-vous que les Américains et les Russes ne se confrontent militairement, en Syrie, pour d'autres objectifs qui éloigneront le règlement de la crise ?
O. A. Eich : La (re)construction du monde est globale. C'est le prélude d'un nouvel ordre international. On ne peut, donc, analyser la question syrienne d'un point de vue locale ou régional. Le Yémen, la Libye, la Syrie, l'Irak qui risque la division en trois parties, pour tous ces conflits, les solutions prônées sont fausses. Aujourd'hui, nous assistons à des guerres de 4ème génération dont l'objectif essentiel est de détruire les fondements des Etats. C'est ce qui était visé pour l'Egypte avec l'imposition des Frères musulmans mais ça a échoué. Il faut se rappeler qu'en 2011, les Frères musulmans n'avaient pas participé aux manifestations. Au moment de la chute de Moubarak, ordre leur a été donné d'interférer dans ce mouvement de manifestants et de s'y associer. Nous connaissons donc les objectifs des puissants de ce monde.
Q.O.: L'ordre est venu de qui ?
O. A. Eich : C'est évident ! Parfois, on est contraint de rester diplomate.
L'ambassadeur d'Egypte Omar A. Abou Eich a forcé le ton de la diplomatie classique, dans une première interview, parue le 24 mai dernier dans ces mêmes colonnes. Pour cette fois, il veut aussi le faire en tentant de dire la vérité. Ou presque. Surtout quand il convoque l'histoire pour raconter octobre 73 et le rôle de l'armée algérienne qui, affirme-t-il aisément, «était déjà présente dans le Canal de Suez avant la guerre.»
Le Quotidien d'Oran : L'Egypte est en train d'élire un nouveau parlement. Comment jugez-vous la participation des électeurs ?
Omar A. Abou Eich : Il y a eu le 1er tour, les 17 et 18 octobre dernier pour notre communauté à l'étranger et les 18 et 19 du même mois dans les 14 des 26 gouvernorats que compte l'Egypte, et qui incluent Le Caire qui représente, à lui seul, près de 25% de la population égyptienne globale. Le 2ème tour est prévu pour les 22 et 23 novembre prochain, à l'étranger et les 23 et 24 en Egypte, dans les 12 autres gouvernorats. Mais entre-temps, une 2ème phase du 1er tour est prévue les 26 et 27 octobre prochain, à l'étranger et les 27 et 28 en Egypte, pour départager les candidats qui n'ont pas pu se faire élire.
Q.O.: Les analystes affirment que c'est le scrutin qui a le taux de participation le plus faible depuis que l'Egypte organise des élections. Pourriez-vous nous dire pourquoi ?
O. A. Eich : On ne peut juger ce taux dès le 1er tour, il faudra attendre que les élections se terminent pour voir plus clair. Il faut attendre le 2ème tour.
Q.O : L'Egypte est l'un des rares pays, dans le monde, qui organise un scrutin un jour ouvrable. Pourquoi ?
O. A. Eich : L'expérience nous a montré que c'est mieux ainsi, les Egyptiens votent plus quand c'est un jour de travail.
Q.O.: Le taux de participation est d'à peine un peu plus de 20%, les gens doivent quitter leur travail pour aller voter pour des élections parlementaires …
O. A. Eich : Nous avons une seule chambre en Egypte parce qu'à la révision de la Constitution, en 2014, la majorité des Egyptiens a refusé qu'il y ait une 2ème chambre. Le scrutin est pour le 1er tour uninominal et pour le 2ème de liste. C'est pour ça, que je dis, il faut attendre la fin des élections pour en estimer le taux de participation.
Q.O.: D'ores et déjà, beaucoup d'Egyptiens estiment que c'est un parlement sur mesure pour le Président Sissi…
O. A. Eich : L'Egypte a connu des problèmes dans l'après phase transitoire, c'est-à-dire au lendemain de 2011, avec la venue des Frères musulmans. Aujourd'hui, nous voulons réussir l'unité nationale, ce n'est pas le moment des divergences ni des gains politiques, nous nous devons de resserrer nos rangs.
Q.O.: Quatre candidats seulement ont été élus au 1er tour, c'est très peu. Il est, aussi, dit que l'opposition ne participe pas à ce scrutin.
O. A. Eich : Nous devons élire 620 membres pour constituer un nouveau parlement. Nous avons plus de 500 candidats, le choix est très vaste donc difficile à faire. Parmi les candidatures, il y a celles de 5 partis islamistes, précisément des Salafistes qui ne font pas peur à l'Egypte, pas comme les Frères musulmans. Donc l'opposition participe.
L'Egypte compte 90 millions d'habitants dont 8 vivent à l'étranger. D'ici un ou deux ans, nous serons 100 millions. Tout le monde sait ce qui s'est passé pendant les 1res élections présidentielles (après la révolte d'Ettahrir). Le candidat islamiste a eu 51% des voix parce que les Egyptiens avaient pensé qu'il fallait une nouvelle alternative, différente de celle de Moubarek. Mais tous se sont rendus compte de la grosse erreur. Le 30 juin et le 3 juillet 2013, 30 millions d'Egyptiens sont descendus dans les rues pour manifester contre Morsi.
Q.O.: Les Egyptiens ont-ils cherché à avoir un régime militaire comme celui de Sissi ?
O. A. Eich : Les impératifs sécuritaires, la localisation géographique de l'Egypte ont imposé ce caractère militaire de la politique nationale depuis 5.000 ans. Le militaire n'est pas une dictature, Il y a des indicateurs qui montrent que le peuple ne vit pas une dictature. On en veut pour preuve, quand le Président Sissi l'avait appelé pour financer la construction du nouveau Canal de Suez, le peuple égyptien, notamment, les couches moyennes et même défavorisées ont, en 7 jours, réussi à lui donner 9,2 milliards. L'Etat a pu ainsi emprunter très facilement du peuple. A l'époque de Morsi, l'Egypte a négocié pendant 6 mois, un emprunt de 4,2 milliards de dollars, auprès du FMI mais elle ne l'a jamais eu. L'aide du peuple au Président Sissi dénote de sa confiance et de son respect à l'Homme. Pour les Egyptiens, Sissi est un symbole de l'unité nationale parce qu'il a respecté tous les engagements qu'il a pris pour régler les problèmes socio-économiques du pays.
Q. O.: Le taux de pauvreté en Egypte reste pourtant très élevé ?
O. A. Eich : Ce n'est pas simple de transformer en 2 ou 3 ans, un pays aussi vaste. L'Egypte est un carrefour d'intérêts stratégiques, politiques et militaires, ce n'est pas, du tout, simple même s'il y a eu des progrès par rapport aux années précédentes. Avec ça, nous avons enregistré une croissance de 2,25% durant les deux dernières années. Les prévisions du FMI la fixent à 3,2% pour cette année et à 4% en 2016. Avec la découverte du gaz naturel pour une capacité de 30.000 milliards de m³, nous allons pouvoir couvrir les besoins nationaux et exporter. Ce qui va nous permettre de renflouer nos caisses et relancer notre économie.
Q. O.: L'Egypte aura alors fini avec le gaz algérien ?
O. A. Eich : Ce n'est pas terminé, ça marche ensemble. Nous comptons approvisionner l'Europe de l'Est, le Nord de la Méditerranée, quelques pays africains, ceux du Moyen et Proche-Orient comme la Jordanie.
Q. O.: Vous devenez les concurrents directs des Algériens ?
O. A. Eich : Je préfère parler de partenaires.
Q. O.: Par cette nouvelle dimension économique et stratégique, l'Egypte compte-elle reprendre son rôle de leader du monde arabe ?
O. A. Eich : Ce n'est pas le rôle de leader qui est important, surtout quand on sait que tous les Arabes cherchent à l'être, ce qui serait une catastrophe. Le problème est qui peut faire quoi pour le monde arabe. Il y a le problème de la Syrie qui n'est pas résolu et là ce n'est pas Bachar Assad qui inquiète mais l'unité syrienne. Pour la reconstruire, il faut que la résistance syrienne modérée puisse avoir un rôle politique. Pour nous, Assad peut faire partie de la solution et non du problème. Cela ne veut pas dire qu'il peut être là pour toujours.
Q.O.: Est-ce que l'intervention militaire russe sur le sol syrien pourrait participer à la bonne solution de cette crise ?
O. A. Eich : On est pour l'intervention russe en Syrie. Le seul défi pour l'heure est de lutter contre le terrorisme de Daech qui sévit dans ce pays. Il faut le combattre avec tous les moyens.
Q.O.: Ne craignez-vous que les Américains et les Russes ne se confrontent militairement, en Syrie, pour d'autres objectifs qui éloigneront le règlement de la crise ?
O. A. Eich : La (re)construction du monde est globale. C'est le prélude d'un nouvel ordre international. On ne peut, donc, analyser la question syrienne d'un point de vue locale ou régional. Le Yémen, la Libye, la Syrie, l'Irak qui risque la division en trois parties, pour tous ces conflits, les solutions prônées sont fausses. Aujourd'hui, nous assistons à des guerres de 4ème génération dont l'objectif essentiel est de détruire les fondements des Etats. C'est ce qui était visé pour l'Egypte avec l'imposition des Frères musulmans mais ça a échoué. Il faut se rappeler qu'en 2011, les Frères musulmans n'avaient pas participé aux manifestations. Au moment de la chute de Moubarak, ordre leur a été donné d'interférer dans ce mouvement de manifestants et de s'y associer. Nous connaissons donc les objectifs des puissants de ce monde.
Q.O.: L'ordre est venu de qui ?
O. A. Eich : C'est évident ! Parfois, on est contraint de rester diplomate.
Commentaire